L. latine 240.  >
À Franz Johann Wolfgang von Vorburg,
le 20 avril 1663

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Franz Johann Wolfgang von Vorburg, le 20 avril 1663

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=1273

(Consulté le 19/03/2024)

 

[Ms BIU Santé no 2007, fo 144 ro | LAT | IMG]

Au très noble M. Johann Franz Wolfgang von Vorburg, etc. à Francfort.

Très noble Monsieur, [a][1]

Je serais le plus ingrat des mortels si je ne vous remerciais pas, tant que je puis, pour ce remarquable présent que je dois à votre générosité, sur la recommandation de notre ami M. Sebastian Scheffer, docteur en médecine. [2] Je vous rends donc grâces pour un si volumineux cadeau et souhaite pouvoir vous rendre un jour pareil honneur. [1] Vous n’avez rien à espérer ou à attendre de nos libraires parisiens pour le commerce de livres venant de votre pays. La raison en est la profonde dureté des temps à laquelle nous a réduits l’excessive faveur de deux cardinaux, savoir Armand Jean de Richelieu [3] et Jules Mazarin, [4] qui n’a pas été fort éloignée de la tyrannie : elle a dépossédé notre France de nombreux avantages et obligé presque tout le monde à la mendicité publique, surtout les artisans et les marchands ; chez nous, moines, [5] évêques et quelques partisans sont presque les seuls à se réjouir de leur bonne fortune ; tous les gens des campagnes survivent moins qu’ils ne se languissent horriblement et meurent misérablement de faim, par la cherté des denrées et par le nombre insupportable et presque infini des impôts, [6][7] qui presse à outrance villes et cités, même les plus puissantes, sans pourtant les étouffer encore tout à fait. Que notre France a donc jadis été fortunée sous de très grands rois, Louis xii [8] et Henri iv[9] excellents princes, très cléments et de très pieuse mémoire ! Felicia dicas sæcula [2][10] qui ont porté de si grands héros, si bienveillants et si miséricordieux envers le peuple français ! Seul subsiste pour nous l’espoir d’une situation plus douce et fortunée qui nous viendra de la bonté de notre roi pour les misérables peuples qui sont si soumis et démunis ; [11][12] Dieu fasse que cela se produise bientôt ! Je connais un libraire de Lyon nommé Laurent Anisson [13] : c’est celui qui a imprimé les Opera omnia de Gassendi en six tomes in‑fo[14] et qui est maintenant à Paris pour un procès. [3] Je veux être votre garant auprès de lui et lui inspirer un conseil très salutaire : quand il ira à la foire de Francfort, [15] qu’il vous rachète, soit en argent, soit en livres qu’il a imprimés et possède en grande abondance, de nombreux exemplaires de votre grand ouvrage historique, [1] et les envoie à Paris ; en sorte qu’il devienne dorénavant connu et que ceux qui ont de très grandes bibliothèques, nobles, confréries de moines ou collèges, puissent l’acheter ; c’est ainsi, en effet, qu’on le verra et qu’il attirera l’attention de nombreuses gens. J’ai eu l’occasion de recommander une si grande œuvre à M. de Nesmond, évêque de Bayeux, docteur de Sorbonne, [16][17][18] et à son oncle, M. Guillaume de Lamoignon, premier président du Parlement de Paris, [19] homme remarquable, fort ami des belles-lettres et des savants, que je vais voir et avec qui je m’entretiens très souvent. [4]

[Ms BIU Santé no 2007, fo 144 vo | LAT | IMG] J’en ferai aussi la louange auprès d’autres grands personnages, qui nous feront espérer quelque chose, étant donné leur opulence ; mais n’attendez rien de tel venant des libraires, [20] hommes avares ou mendiants qui ont à peine de quoi s’acheter ce qui est nécessaire pour vivre, jusqu’à ce que nous arrivent les temps plus heureux et plus doux que tous les Français souhaitent très vivement. Mais en attendant, vive, vale et soyez-nous favorable, très noble Monsieur, et continuez de m’aimer comme vous faites.

De Paris, le 20e d’avril 1663.

Votre Guy Patin de tout cœur. [5]


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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