À Charles Spon, le 6 mars 1654, note 12.
Note [12]

Charles Spon avait apporté la correction (émendation), que Guy Patin lui avait suggérée, au premier vers de l’Epicedion (v. note [8], lettre 325) qu’il avait envoyé pour être inséré dans le Gabrielis Naudæi Tumulus… (v. note [11], lettre 324) ; Naudé était mort à Abbeville sur la rive de la Somme [ad ripam Samaræ].

Les quatre Epicedia [Épicèdes, v. note [1], lettre 325] de Guy Patin (pages 57‑58) sont imprimés à la suite du poème de Spon :

Charissimo quondam amico,
litteratorum virorum
Præstantissimo,
Gabrieli Naudæo,
Parisino,
EPICEDIUM
.

Dum tu ab remotis ultimi orbis partibus
Redux amicis, iam fruendus proximis,
Naudæe, quæ sors invidens nostris bonis
Desideratum tandiu te sustulit ?
Potuitne Cimbricum procellis horridum,
Suecumve sævientibus ventis mare
Tanti vereri nomen excellens viri ?
Atqui tueri maxime quem par erat,
Aliisque semper solita adesse, o Gallia,
Medio in sinu mortem oppetit natus tuo,
Quem Apollo, quem Musæ, quem amabant unice
Docti, probique quotquot illum noverant ;
Ignotus at cui ? proh dolor ! pulvis iacet,
Pylios vel annos iure dignus vincere.
At si sepulchro conditur corpusculum,
Nunquam iacebit multa nec virtus viri,
Neque laus ; præalti nulla vires ingenii
Silebit ætas, nulla non dicet plaga
.

[ÉPICÈDE
à Gabriel Naudé, natif de Paris, naguère ami très cher, le plus éminent des hommes de lettres
.

Tandis que tu revenais vers tes amis depuis les parties les plus éloignées des confins du monde, pour jouir des plus proches, quel sort, jaloux de nos biens, t’a enlevé, Naudé, toi dont nous nous languissions depuis si longtemps ? Le renom distingué d’un si grand homme n’est-il pas parvenu à inspirer le respect à la mer des Cimbres hérissée de bourrasques, ou aux vents furieux de la mer des Suédois ? {a} Et pourtant, ô France, ton enfant trouve la mort en ton sein, quand ton devoir suprême était de le protéger, toi qui a toujours eu coutume d’accorder ta protection aux étrangers ; lui qu’Apollon, lui que les Muses, lui que les savants aimaient plus que nul autre, lui que tous les honnêtes gens connaissaient ; mais qui donc ignorait qui il était ? Hélas, quelle douleur ! il gît sous terre, lui qui est justement digne de vaincre les Pyliens ou les siècles. {b} Mais si ce petit corps est enseveli au tombeau, ni sa vertu d’homme, ni son honneur ne resteront dans l’oubli. Nulle époque ne taira les mérites d’un génie aussi supérieur, nulle contrée ne manquera à les reconnaître].


  1. La mer des Cimbres est le sud de la Baltique, la mer des Suédois en est le nord.

  2. Les Pyléens, habitants de Pylos (v. note [13], lettre latine 4), comme Nestor, étaient réputés vivre très longtemps.

ALIUD.
In gratam memoriam suavissimi Amici Gabrielis Naudæi, Parisini, viri literatissimi ac elegantissimi

Naudæi cur morte doles, ceu lumine adempto ?
Fulget, ut in tenebris sidera quæque micant :
Id mirare magis, turbas movisse cadendo,
Qui nivea morum simplicitate fuit :
Nempe illum hinc Virtus sibi vendicat, indéque Musæ,
Hæcque Deo pacis sola reperta via est :
Terra habeat corpus, mentem polus, eius et illæ
Inscribant fastis nomen utrimque suis
.

[UN AUTRE.
En reconnaissante mémoire de Gabriel Naudé, natif de Paris, ami le plus doux, homme le plus lettré et le plus raffiné : Pourquoi pleures-tu la mort de Naudé, comme si la lumière s’était éteinte ? C’est qu’il brille, comme certaines étoiles scintillent dans les ténèbres. Il faut bien s’étonner qu’on se soit remué en foule pour celui qui périssait, quand lui ne l’a été que pour la simplicité éclatante de ses mœurs. La Vertu le réclame donc pour elle et à sa suite, les Muses car c’est la seule route qu’on ait trouvée vers le Dieu de paix. La terre détient son corps, et le ciel son esprit. L’une et l’autre inscriront son nom dans leurs calendriers].

ALIUD.

Urna hæc non hominem tantum capit ; hocce sepulchro
Sancta fides, Virtus, Pieridesque iacent
.

[UN AUTRE.
Cette urne ne peut contenir un si grand homme ; la fidélité inviolable, la Vertu et les Muses gisent dans ce tombeau].

ALIUD.

Quos pallente vides ductos in imagine vultus,
Parva sed eximii sunt simulachra Viri :
Qui dum contendit Musarum extendere regnum,
Ipse cadit, summum præcipitatque diem.
Fama tamen manet, et virtus secura sepulchri,
Imo eius limes nominis, orbis erit
.

[UN AUTRE.
Les traits que tu vois dans la pâle apparence de ce visage ne sont que les chétives ombres d’un homme extraordinaire. C’est celui qui, tandis qu’il s’efforce d’étendre le royaume des Muses, tombe lui-même et précipite son ultime jour. La réputation reste cependant et la vertu du tombeau est paisible, mais au contraire, le renom de celui-là n’aura pour limites que la terre entière].

Guido Patinus, Bellovacus, Doctor Medicus Parisiensis, et Decanus facultatis.

[Guy Patin, natif de Beauvaisis, docteur en médecine de Paris et doyen de la Faculté].

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 6 mars 1654, note 12.

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(Consulté le 26/04/2024)

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