De Charles Spon, le 28 août 1657, note 19.
Note [19]

Bayle, article sur Rotterdam (note B) :

« La ville de Rotterdam a voulu : 1. que la maison où naquit Érasme fût honorée d’une inscription {a} qui apprît à tous ses habitants et à tous les étrangers cette glorieuse prérogative ; 2. que le collège où le latin, le grec et la rhétorique sont enseignés portât le nom d’Érasme et qu’il lui fût consacré par l’inscription du frontispice ; 3. qu’on lui érigeât une statue de bois l’an 1549. On en substitua une de pierre l’an 1557. Les Espagnols l’ayant renversée l’an 1572, on eut soin de la redresser dès qu’on fut exempt de leur tyrannie ; et enfin, on lui en érigea une de bronze en 1622, qui est admirée des connaisseurs. {b} Elle est dans la grande place de la ville, au bord d’un canal, sur un piédestal orné d’inscriptions et entouré d’un balustre de fer. […]

M. Brulart […] dit que “ lorsque Philippe ii entra solennellement en la ville de Rotterdam, {c} comme prince souverain des Pays-Bas, le Sénat fit mettre pour son plus grand ornement la statue d’Érasme au naturel devant la maison où il était né, vêtu en habit ecclésiastique, tenant une plume à la main droite et présentant de la gauche au prince un rouleau dans lequel on lisait :

Serenissimo Hispaniarum Principi D. Philippo a Burgundia
Desiderius Erasmus Rotterdamus

Rotterodamus ego non inficiabor Erasmus,
Ne videar cives deseruisse meos.
Ipsorum instinctu, Princeps clarissime, salvum
Ingressum precor ad limina nostra tuum,
Atque hunc quo possum studio, commendo popellum
Maxime præsidiis Cæsare nate tuis.
Te Dominum agnoscunt omnes, te Principe gaudens
Nec quicquam toto charius orbe tenent
.

[Désiré Érasme au sérénissime prince d’Espagne,
le duc Philippe de Bourgogne

Moi, Érasme de Rotterdam, ne manquerai pas à moi-même jusqu’à paraître abandonner mes citoyens. À leur propre instigation, Prince très illustre, je supplie que tu entres sain et sauf en notre pays, et avec toute l’ardeur dont je suis capable, je recommande ce petit peuple à ta protection, ô fils du très grand empereur [Charles Quint]. Prince ! tous te reconnaissent pour maître, se réjouissent et te tiennent pour plus cher que nul autre au monde].

[…] En 1672, la populace s’étant soulevée dans la plupart des villes de la Province, Rotterdam fut quelques jours à la discrétion des mutins et pendant cette anarchie, la statue d’Érasme fut ôtée de sa place comme une chose qui ressentait le papisme. On la porta dans une maison publique et on délibéra s’il ne serait point à propos de la fondre. Les magistrats de Bâle n’eurent pas plutôt ouï parler de cela qu’ils chargèrent quelques marchands de leur ville de prier un correspondant qu’ils avaient à Rotterdam d’acheter cette statue à un certain prix. Le correspondant entra en traité pour cet achat et il ne tint qu’à peu de chose qu’il ne fût conclu. Ayant rendu compte de sa commission, il reçut un nouvel ordre de donner aux magistrats de Rotterdam tout le prix qu’ils demandaient ; mais ils s’étaient ravisés dans cet intervalle de temps et avaient conclu qu’il ne fallait ni vendre, ni fondre cette statue, mais la remettre en sa place, et cela fut exécuté quelque temps après. » {d}


  1. V. note [15] du Faux Patiniana II‑4, pour la relation de Balthazar de Monconys sur son passage à Rotterdam en 1663, avec la transcription des vers gravés sur un écriteau placé devant la maison natale d’Érasme.

  2. Hugo Grotius s’est arrogé le mérite d’avoir obtenu ce témoignage de la ville d’Amsterdam en l’honneur d’Érasme (v. note [5] du Grotiana 2).

  3. En 1556.

  4. La statue de bronze, sculptée en 1622 par Hendrick de Keyser, se trouve désormais dans un square de Rotterdam, devant l’église Saint-Laurent.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – De Charles Spon, le 28 août 1657, note 19.

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(Consulté le 26/04/2024)

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