À Charles Spon, le 6 septembre 1652, note 21.
Note [21]

« Quoi qu’il en soit, ce n’est pas une bête sauvage, il a le désir de revenir ». Sans l’écrire, Guy Patin empruntait ici aux Institutions impériales de Justinien (v. note [22], lettre 224), dans quatre conclusions du livre ii, titre i, partie ii (De Venatione, et Inventione [La Chasse et la Découverte]) :

  • Conclusio i – Omnia animalia fera constituunt obiectum venationis. Quia venatio in iis locum habet, quæ sunt nullius ; sed fera animalia sunt nullius ; ergo in iisdem locum habet venatio [Tous les animaux sauvages sont un objet de chasse. Parce que la chasse se pratique en des endroits qui n’appartiennent à personne ; comme les animaux sauvages ne sont à personne ; alors la chasse se pratique en ces mêmes lieux] ;

  • Conclusio ii – Animalia mansueta non constituunt obiectum venationis. Quia, quæ sunt alicuius, venari non possumus ; sed animalia mansueta sunt alicuius ; ergo ea venari non possumus [Les animaux apprivoisés ne sont pas un objet de chasse. Parce que nous ne pouvons chasser ceux qui appartiennent à quelqu’un ; comme les animaux apprivoisés sont à quelqu’un ; alors nous ne pouvons pas les chasser] ;

  • Conclusio iii – Animalia mansuefacta, quæ animum redeundi ad pristinam ferociam non habent, non constituunt obiectum venationis. Quia sunt animalia mansueta ; ergo obiectum venationis non constituunt [Les animaux domestiqués, qui n’ont pas le désir de revenir à la férocité primitive, ne constituent pas un objet de chasse. Parce que ce sont des animaux apprivoisés, ils ne constituent donc pas un objet de chasse] ;

  • Conclusio iv – Animalia mansuefacta, si animum redeundi ad pristinam ferociam habent, obiectum venationis constituunt, quia sunt animalia fera [Les animaux domestiqués, s’ils ont le désir de revenir à la férocité primitive, constituent un objet de chasse, parce qu’ils sont des animaux sauvages].

Dans une lettre écrite en 1642 à un protestant hollandais, auteur d’un traité « touchant l’usage des orgues » où il avait mal parlé de lui, René Descartes a explicitement emprunté à la même source (Œuvres philosophiques de Descartes publiées d’après les textes originaux, par L. Aimé-Martin, Paris, Auguste Desrez, 1838, in‑8o, Correspondance, lettre no 71, page 629) :

« Et pardonnez-moi si je me plains un peu de vous à ce propos [de religion], de ce que vous m’avez estimé être une fera bestia lorsque vous avez su que j’avais dessein d’aller en France ; car, si je m’en souviens, c’est ainsi que Justinien nomme ceux qui n’ont pas animum redeundi, et je me propose de ne faire qu’une course de quatre ou cinq mois. »

Descartes et Patin ont donc fait le même contresens en écrivant que Justinien définit la fera bestia [bête sauvage] comme celle qui n’a pas l’animum redeundi [désir de revenir] sous-entendu ad pristinam ferociam [à la férocité primitive] ; ce désir peut, au contraire, être éprouvé par les animalia mansuefacta [animaux domestiqués]. Pour Patin comme Descartes, la simple logique voulait que la sauvagerie se caractérisât par le refus de revenir à l’état domestiqué, mais ça n’est pas ce qu’on lit dans Justinien.

Journal de la Fronde (volume ii, fos 134 vo et 135 ro, 20 août 1652) :

« La cour partit hier au matin de Pontoise et fut coucher à Liancourt, d’où elle va à Compiègne sans le cardinal Mazarin, lequel partit aussi hier au matin de Pontoise avec une escorte de 500 chevaux et fut coucher au Thillay, une lieue au delà Gonnesse, d’où il va droit à Château-Thierry, et delà à Bouillon et à Dinant. Il mène M. de Servien avec lui, se faisant fort de faire la paix avec les Espagnols par l’entremise du duc de Lorraine {a} et d’avoir ensuite bon marché de Messieurs les princes, lesquels attendent la face que doivent prendre les affaires dans ce changement, à cause de la parole qu’ils ont donnée de poser les armes aussitôt que le cardinal Mazarin sera hors de France, et ne demandent qu’une assurance qu’il ne reviendra point. Cependant, la cour ne leur a fait aucune proposition d’accommodement, espérant qu’après l’éloignement de ce cardinal, le peuple les abandonnera. Ils ont eu avis ce matin qu’elle doit envoyer ici demain un héraut d’armes qui doit publier certains ordres dans les rues de Paris, sans s’adresser ni à Son Altesse Royale, ni au Parlement, ni à l’Hôtel de Ville. »


  1. V. supra note [11].

Dinant est actuellement un chef-lieu d’arrondissement, dans la province de Namur en Belgique.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 6 septembre 1652, note 21.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0293&cln=21

(Consulté le 19/03/2024)

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