Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 6 manuscrit, note 29.
Note [29]

Citations fidèles de Sénèque le Tragique (le Jeune), extraites des Troyennes (chœur final de l’acte ii, vers 372‑409) ; pour comprendre exactement l’ensemble, cette traduction (Désiré Nisard, 1855) inclut les passages omis par le Borboniana (mis entre crochets, avec leur source latine ajoutée dans une notule) :

« Est-il vrai que l’âme survive au corps enfermé dans le tombeau ? Ou n’est-ce qu’une fable, vain sujet de terreur pour des esprits timides ? {a} [Quand la main d’une épouse a fermé les yeux de son époux, quand celui-ci a cessé de voir le jour, et que l’urne fatale a reçu ses cendres inanimées, est-ce en vain qu’on rend à son âme les honneurs funèbres ? Est-il vrai que sa triste existence s’étende par delà ?] {b} Ou mourons-nous tout entiers, et ne reste-t-il plus rien de nous [dès que l’âme, s’échappant avec le dernier soupir, se confond avec les nuages et se dissipe dans les airs, dès que la flamme du bûcher a consumé notre froide dépouille ? Tout ce que le soleil éclaire, depuis les climats de l’aurore jusqu’aux lieux où il termine sa course, tout ce que baignent les flots de l’océan azuré, qui tantôt couvre nos plages et tantôt les abandonne, le temps, aussi rapide que Pégase, l’emportera dans sa fuite. Et ce mouvement est pareil à celui des douze signes qui se succèdent l’un à l’autre ; à celui du roi des astres, qui précipite dans le ciel la marche de l’année ; à celui de la reine des nuits, qui se hâte de parcourir son oblique carrière. Nous courons tous au trépas. Il ne reste plus rien de quiconque a vu ce fleuve que les dieux attestent dans leurs serments. Comme la fumée sombre qui s’élève d’un foyer s’évanouit en peu de temps, comme ces nuages épais que dissipe dans l’air l’aquilon impétueux, ainsi s’évapore le souffle qui nous anime.] {c} Il n’y a rien après la mort ; la mort elle-même n’est rien : c’est le dernier terme d’une course rapide. N’espérez rien, ne craignez rien d’une autre vie. Vous voulez savoir où vous serez après la mort, où est ce qui n’existe pas encore ? Nous disparaissons dans les abîmes du temps et du chaos. {d} La mort, qui détruit inévitablement le corps, n’épargne point non plus notre âme. Le Ténare, l’inexorable enfer, et son roi Cerbère, qui défend la porte redoutable de l’empire des morts, {e} ne sont que de vains mots, des fables vides de sens, semblables à ces rêves qui troublent notre sommeil. » {f}


  1. Ne dédaignant pas de jouer avec le feu, Guy Patin a cité ces deux vers dans ses lettres du 6 octobre 1656 à André Falconet (v. sa note [4]), et du 17 octobre 1667 à Charles Spon (v. sa note [12]).

  2. Vers 374‑378 :

    Quum coniux oculis imposuit manum,
    supremusque dies solibus obstitit,
    et tristis cineres urna coercuit,
    non prodest animam tradere funeri,
    sed restat miseris vivere longius ?

  3. Vers 380‑397 :

    quum profugo spiritus halitu
    Immixtus nebulis cessit in aera,
    Et nudum tetigit subdita fax latus ?
    Quidquid Sol oriens, quidquid et occidens
    Nouit : caeruleis Oceanus fretis
    Quidquid uel ueniens, uel fugiens lauat,
    Aetas pegaseo corripiet gradu.
    Quo bis sena uolant sidera turbine,
    Quo cursu properat secula uoluere
    Astrorum dominus, quo properat modo
    Obliquis Hecate currere flexibus ;
    Hoc omnes petimus fata : nec amplius,
    Iuratos superis qui tetigit lacus,
    Usquam est : ut calidis fumus ab ignibus
    Vanescit spatium per breue sordidus ;
    Ut nubes grauidas, quas modo uidimus,
    Arctoi Boreae disiicit impetus ;
    Sic hic, quo regimur, spiritus effluet
    .

  4. V. notule {c‑iv}, note [48] du Borboniana 1 manuscrit, pour le chaos.

  5. Le Ténare (Tænara) est le cap le plus méridional du Péloponnèse. Il s’y élevait un temple de marbre noir que les Anciens tenaient pour une entrée des enfers.

    Dans les mêmes mythes, Cerbère (Fr. Noël) était le :

    « chien à 3 têtes, né du géant Typhon et du monstre Echidna, et dont le cou, au lieu de poil, était hérissé de serpents. Hésiode lui donne cinquante têtes, Horace, cent, et presque tous les autres, trois. Ses dents noires, tranchantes, pénétraient jusqu’à la moelle des os, et causaient une douleur si vive qu’il fallait mourir à l’instant. Couché dans un antre, sur la rive du Styx où il était attaché avec des liens de serpents, il gardait la porte des enfers et du palais de Pluton, caressait les ombres qui entraient, et menaçait de ses aboiements et de ses trois gueules béantes celles qui voulaient en sortir. Hercule l’enchaîna lorsqu’il retira Alceste des enfers et l’arracha du trône de Pluton, sous lequel il s’était réfugié. Orphée l’endormit au son de sa lyre lorsqu’il alla chercher Eurydice. La Sibylle qui conduisait Énée aux enfers l’assoupit aussi par une pâte assaisonnée de miel et de pavot. »

  6. Pour en blâmer l’impiété, Guy Patin a cité les deux premiers de ce chœur dans deux de ses lettres :


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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 6 manuscrit, note 29.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8207&cln=29

(Consulté le 26/04/2024)

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