Note [30] | |
Juan Mariana (Talavera, province de Tolède 1537-Tolède 1624) se fit jésuite en 1554. « Il devint un des plus habiles hommes de son siècle ; grand théologien, grand humaniste, profond dans la connaissance de l’histoire ecclésiastique et de l’histoire profane, bon Grec et docte dans la langue sainte. Il alla à Rome l’an 1561 et y enseigna la théologie. Au bout de quatre ans, il s’en alla en Sicile et y enseigna pendant deux années. Il vint à Paris l’an 1569 et y expliqua Thomas d’Aquin pendant cinq ans. Sa santé ne lui permit pas de continuer et l’obligea de s’attacher à des études moins pénibles. Il s’en retourna en Espagne l’an 1574 et passa le reste de ses jours à Tolède » (Bayle). Le plus célèbre ouvrage de Mariana est son traité en trois livres intitulé De Rege et regis institutione [Du Roi et de l’institution du roi] (Tolède, Petrus Rodericus, 1599, in‑4o) : se demandant s’il est permis de se défaire d’un tyran, il donne le récit de l’assassinat de Henri iii, roi de France, approuve l’action de Jacques Clément (v. note [16], lettre 551), en louant son courage et sa fermeté intrépide. L’ouvrage « fut brûlé à Paris par arrêt du Parlement à cause de la pernicieuse doctrine qu’il contenait. Il n’y a rien de plus séditieux ni de plus capable d’exposer les trônes à de fréquentes révolutions, et la vie même des princes au couteau des assassins, que ce livre de Mariana. Il exposa les jésuites, et surtout en France, à mille sanglants reproches et à des insultes très mortifiantes que l’on renouvelle tous les jours, qui ne finiront jamais, que les historiens copieront passionnément les uns des autres, et qui paraissent d’autant plus plausibles qu’il fut imprimé avec de bonnes approbations. On publia que Ravaillac y avait puisé l’abominable dessein qu’il exécuta [en 1610, v. note [90], lettre 166] contre la vie d’Henri iv et qu’il l’avait avoué dans son interrogatoire. Ce fait fut contredit publiquement » (ibid.). Tandis qu’il était en prison pour avoir publié ce brûlot, on fouilla tous les papiers de Mariana pour y trouver le manuscrit qui intéressait ici Guy Patin, contre le gouvernement de la Compagnie de Jésus, où : {a} « l’auteur représentait les malheurs funestes dont la Compagnie était menacée si elle ne corrigeait les désordres de son gouvernement ; sur quoi il suggérait de fort bons conseils. L’évêque d’Osma ne fit point difficulté de donner à lire ce manuscrit à ses amis et de leur en laisser tirer des copies. De là vint que cet ouvrage tomba entre les mains de quelques personnes qui l’envoyèrent en France, en Allemagne et en Italie. Un libraire français le fit imprimer, non seulement en espagnol, qui était la langue de l’original, mais aussi en latin, en français et en italien. Dès qu’il eut été porté à Rome, le jésuite Floravanti, confesseur d’Urbain viii, le lut et s’écria, Heu ! heu ! actum est de nobis Iesuitis, quando nimis vera sunt quæ liber hic cantat. {b} Le général des jésuites n’épargna rien pour obtenir la condamnation de ce livre, et cela lui fut enfin accordé l’an 1631 » {c} V. note [24], lettre 317 pour l’« Histoire espagnole » de Mariana (Mayence, 1605). |
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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. –
À Charles Spon, le 7 mars 1653, note 30.
Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0307&cln=30 (Consulté le 06/10/2024) |