Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-7, note 33.
Note [33]

Animé par son zèle catholique, Nicholas Sanders médisait sûrement quand il écrivait (livre i, pages 10 vo‑11 ro) :

« Or Anne de Boulen était fille de la femme de Thomas de Boulen, chevalier : je dis notablement {a} fille de la femme, car elle ne pouvait être fille du dit Thomas de Boulen, à raison que lui étant en ambassade en France et y ayant séjourné l’espace de deux ans, durant ce même temps, Anne fut conçue et née en Angleterre. Car, comme ainsi fût, que le roi aimât {b} la femme de Thomas de Boulen, afin que plus librement il jouît d’elle, il envoya son mari en France, sous prétexte qu’il lui faisait grand honneur. Cependant Anne de Boulen est conçue et née au pays d’Angleterre. {c} Or Thomas de Boulen, deux ans après, retourné de France, voyant que sa femme avait engendré une fille, se voulant venger de l’adultère, fit convenir sa dite femme par devant les juges délégués de l’archevêque de Cantorbéry, {d} se délibérant de la répudier. Sa femme en avertit le roi, lequel envoya le marquis de Dorchester vers Thomas de Boulen, avec mandement qu’il eût à se déporter de cette poursuite, qu’il pardonnât à sa femme et que derechef se réconciliât avec elle. Combien que de Boulen vît bien qu’il se devait donner de garde de courroucer le roi, si est-ce qu’il {e} ne voulut point obéir au mandement du roi que préalablement il n’eût entendu de sa femme que le roi l’avait sollicitée, et qu’Anne de Boulen n’était fille d’homme quelconque que du roi Henri. Cela fait, elle se prosterna à deux genoux devant son mari, le suppliant de lui remettre et pardonner cette faute, et que dorénavant elle lui sera femme loyale et fidèle. Par quoi, à la requête du marquis de Dorchester et d’autres grands seigneurs, tant en leur nom qu’au nom du roi, Thomas se réconcilia avec sa femme et nourrit Anne de Boulen pour sa fille. »


  1. Expressément ; on remarque au passage que Thomas Boulen était chevalier (et non chancelier) de l’Ordre de la Jarretière (v. infra notule {d}, note [86]).

  2. Le fait était que le roi aimait.

  3. Placé au cœur de toutes ces intrigues, Henri viii Tudor (1491-1547), roi d’Angleterre en 1509 (v. note [12], lettre 413), a pu être amant d’Élisabeth Boleyn, mais doublement incapable d’avoir engendré sa fille, Anne (v. supra note [32]) : physiquement, si on retient 1501 comme la date probable de sa naissance (mais certains historiens donnent 1507) ; et chronologiquement, car sa naissance n’eut pas lieu pendant l’ambassade de Thomas Boleyn en France (1518-1521).

    Reprenant les haineuses invraisemblances de Sanders, Moréri a recommandé d’être circonspect sur le véritable père d’Anne :

    « On doit lire avec précaution ce qui regarde ici la naissance d’Anne de Boulen. Sanderus, qui veut dire que le roi Henri viii ait été son père, appuie ce fait par des circonstances qui sont très difficiles à prouver, {i} aussi bien que la vie libertine qu’il accuse Anne de Boulen d’avoir menée en Angleterre et en France. Ce qu’il y a de sûr, c’est quelle ne parut chaste que jusques à ce qu’elle eut détrôné sa maîtresse ; {ii} car pour l’inceste et l’adultère qui la firent condamner à mort, les historiens protestants n’osent entreprendre ouvertement de l’en purger. »

    1. L’Esprit de Guy Patin a surenchéri dans l’ignominie en disant que Mary, sœur aînée d’Anne, était aussi fille du roi (il y est même complaisamment revenu, v. infra note [86]) ; ses rédacteurs interprétaient de travers Moréri citant Sanders (page 11 vo) :

      « Car le roi, dit-il, étant devenu amoureux de cette dame, relégua le mari en France avec la qualité d’ambassadeur ; et Anne de Boulen naquit deux ans après le départ de Thomas ; ainsi, elle ne pouvait être sa fille. Il {1} en avait déjà eu une nommée Marie : le roi l’ayant trouvée à son gré, en fit aussitôt sa maîtresse. On dit que ce prince ayant un jour demandé à François Brian, {2} chevalier de l’Ordre {3} et de la maison de Boulen, si c’était un grand crime d’entretenir la mère et la fille, C’est, répondit Brian, comme si l’on mangeait la poule et le poulet. » {4}

      1. Thomas Boleyn et non le roi.

      2. Francis Bryan.

      3. De la Jarretière.

      4. V. infra note [86].
    2. Catherine d’Aragon, reine consort d’Angleterre, dont Anne avait été dame d’honneur.
  4. Convenir est à prendre dans le sens de comparaître.

    De 1503 à 1532, William Warham fut le dernier archevêque catholique de Cantorbéry ; il s’opposa en vain à la suprématie du roi Henri viii sur l’Église d’Angleterre, préambule au schisme anglican.

  5. Sinon qu’il.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-7, note 33.

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(Consulté le 08/10/2024)

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