Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-7, note 86.
Note [86]

Bref et nouvel emprunt à l’article du Moréri sur Anne Boleyn (v. supra notule {c‑i}, note [33]), à propos de Sir Francis Bryan (vers 1490-1550), favori du roi Henri viii, qui en fit le premier gentilhomme de sa chambre (privy chamber) et premier juge (Lord Justice) d’Irlande. Cousin d’Anne Boleyn, il était si renommé pour ses débauches et son cynisme que le roi le surnomma le Vicar of Hell [Vicaire de l’enfer]. Nicholas Sanders a parlé de lui en deux endroits de ses Origine et progrès du schisme d’Angleterre (livre i, v. supra note [32]).

  • Marie de Boleyn, sœur d’Anne, page 11 ro‑vo :

    « Déjà auparavant, le même Thomas de Boleyn avait eu de sa dite femme une autre fille, laquelle fut nommée Marie. {a} Quand le roi allait voir la mère, il avait tellement jeté ses yeux sur cette jeune damoiselle que, depuis le retour de Boleyn, non seulement il la fit venir en cour, mais (qui pis est) il en abusait. Or, comme le logis du roi Henri fut farci de toute manière de gens méchants, comme de joueurs de dés et de cartes, d’adultères, de maquereaux, de flatteurs, de parjures, de blasphémateurs, ravisseurs, et même d’hérétiques, entre tous ceux-là fut un certain notable écornifleur, {b} lequel avait dépendu tout son bien à faire goutte chère, {c} nommé François Bryan, chevalier {d} de la race des Boulenois. {e} Un jour, le roi lui demanda quel péché il estimait que ce fut < de > connaître charnellement la mère, premièrement, puis après la fille : “ C’est ni plus ni moins (répondit Bryan) que manger premièrement la poule, puis après manger son poulet. ” Le roi s’étant mis à rire de cette réponse, on dit qu’il usa de tels propos à Bryan: “ Certainement, tu es à bon droit mon Lieutenant d’enfer ”; car ce Bryan, à cause de son impiété par trop connue, était auparavant appelé Lieutenant d’enfer, mais depuis, il fut surnommé le Royal Lieutenant d’enfer. {f} Le roi donc, après avoir joui premièrement de la mère, et puis après de sa fille Marie, finalement aussi commença-t-il de s’amouracher de l’autre fille, nommée Anne de Boleyn. »


    1. V. supra note [32], pour les membres de la famille Boleyn.

    2. Parasite.

    3. Sic pour « grande chère » ?

    4. Bryan était membre de l’Ordre de la Jarretière (Most Noble Order of the Garter), ainsi défini par Trévoux :

      « fameux Ordre de chevalerie d’Angleterre, institué par Édouard iii en 1350. Il n’y a que 25 chevaliers, ils portent une jarretière bleue à la jambe gauche, avec cette devise, Honni soit qui mal y pense : on dit que c’est en l’honneur d’une jarretière de la comtesse de Salisbury qu’il avait ramassée, et qu’elle avait laissé tomber en dansant. Quelques-uns en doutent : Larrey dit que l’on tient pour une fable que la devise Honni soit qui mal y pense ait été prise des amours de ce prince avec la comtesse de Salisbury, et on prétend, dit-il, qu’elle ne fut employée par le fondateur que pour marquer la bonne intention qu’il avait dans l’établissement d’un Ordre qui obligeait ceux qui le recevaient à se tenir inséparablement unis, et qui demandait d’eux un attachement inviolable à la vertu. Selon les historiens les plus exacts, Édouard iii institua cet Ordre l’an 1350, ou 1349. La victoire qu’il remporta à Crécy en fut, dit-on, l’occasion. Quelques historiens disent qu’Édouard fit déployer sa jarretière pour le signal de la bataille, et qu’à cause de cela il voulut qu’une jarretière fût le principal ornement de cet Ordre, qu’il établissait pour monument de sa victoire, et un symbole de l’union indissoluble des chevaliers. [Ils] n’ont point porté de collier avant Henri viii, n’y ayant que les statuts qui furent réformés par ce prince en 1522, qui en fassent mention. »

    5. De la famille Boleyn.

    6. Lieutenant (celui qui tient lieu) et vicaire (vicarius, celui qui remplace, en latin) sont deux synonymes, dont le premier est devenu militaire, et le second, ecclésiastique ; cela est bien illustré dans l’extrait de Sanders qui suit.

  • Divers jugements et sentences des hommes touchant la punition de Cromwell, {a} pages 113 vo‑114 ro :

    « Or on jugea et parla diversement de ce fait du roi. Car les uns s’ébahissaient qu’un sien souverain vicaire, si récemment élevé à tous les honneurs par Sa Majesté, et qui par autorité ecclésiastique {b} présidait même par dessus les évêques et prélats, voire en ce qui concerne la foi et les causes spirituelles, fût tombé si soudainement en tant de méchancetés, et signamment {c} en hérésie. Les autres répondaient qu’il n’était pas nécessaire que le vicaire et chef subalterne de l’Église fût assisté du Saint-Esprit, qu’il suffit que ce privilège soit concédé à Sa Majesté, laquelle, en tant qu’elle tient la prérogative de souverain chef, a pu non seulement corriger les fautes de son vicaire, chef subalterne, mais aussi lui faire trancher la tête. Les autres disaient que la condition de l’autre vicaire du roi, qui était appelé Vicaire royal d’enfer […], était meilleure, pour autant qu’icelui vivait en honneur et bruit, bienvenu et favori du roi, tandis que Cromwell (qui avait été son vicaire aux choses célestes) était envoyé là-bas aux enfers. »


    1. V. supra note [39] pour l’ascension et la chute de Thomas Cromwell.

    2. Anglicane.

    3. Notamment.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-7, note 86.

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(Consulté le 23/04/2024)

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