À Charles Spon, le 14 mai 1649, note 39.
Note [39]

« de sa folie, libère-nous Seigneur. »

Le Journal de la Fronde (volume i, fo 19 ro et vo, mai 1649) confirme et complète les dires de Guy Patin :

« Le 2 du courant le duc de Beaufort, sortant de jouer à la paume, but un peu frais et ensuite se mit dans un bain, d’où étant sorti il se trouva mal et sentit peu après son estomac fort chargé, ce qui lui fit appréhender d’abord qu’on l’eût empoisonné. Il prit à même temps de l’orviétan, {a} qui est une espèce de contrepoison, lequel le fit vomir fort longtemps. Le bruit s’en étant aussitôt répandu par tout Paris, il y eut toute la journée du 3 une prodigieuse multitude de peuple de l’un et l’autre sexe qui accourut à l’hôtel de Vendôme comme en procession, pour en savoir des nouvelles avec des condoléances inouïes ; et bien que les domestiques de ce duc dissent toujours qu’il était guéri, néanmoins il y eut quantité de bourgeois qui firent des grandes instances pour le voir, ce qui leur fut accordé. Ils eurent la satisfaction de le voir dans son lit et d’apprendre de sa bouche qu’il commençait à recouvrer sa santé ; après quoi, ils se retirèrent, ayant souhaité mille bénédictions, et apportèrent à leurs compagnons la consolation qu’ils en attendaient avec impatience ; ce qui leur fut confirmé de la bouche du duc de Vendôme, son père, du maréchal de La Mothe et du coadjuteur de Paris, ses bons amis, qui furent presque toute la journée auprès de lui. Ces marques d’amitié populaire ont depuis continué tous les jours, mais non pas en si grande foule. Le maréchal de La Meilleraye le fut voir le 4 et y trouva quantité d’harangères {b} dans la basse-cour, dont il y en eu quelqu’une qui ne put pas se contenir de lui dire des injures, et n’épargnèrent pas même le duc de Mercœur, ayant dit tout haut en sa présence que c’était “ un biau mazarin ”. […] L’on a remarqué que le Saint-Sacrement a été exposé pour sa guérison dans l’église de Saint-Roch, sa paroisse. Son mal est une colique néphrétique qui lui a fait jeter deux pierres. On assure que son mariage {c} avec la nièce de M. le cardinal est rompu et que celui-ci, voyant que Mme de Vendôme et M. de Beaufort n’en voulaient pas ouïr parler, a écrit au duc de Vendôme que puisque ses parents n’en étaient pas d’avis, il n’y avait rien de fait ; mais quelques-uns assurent que l’affaire est seulement différée jusqu’au retour de M. le duc d’Orléans. On dit qu’on a envoyé quérir ses trois nièces à Sedan pour les faire revenir à la cour. Le 3, M. le Chancelier manda tous les colonels du quartier et leur dit qu’il avait ordre de les assurer que la reine avait fait dessein de revenir en cette ville avec le roi et toute la cour aussitôt qu’elle aurait fait passer toutes les troupes en Picardie ; que cependant, {d} ils tinssent la main à ce que toutes choses demeurassent dans la tranquillité et qu’ils fissent si bien qu’il n’arrivât rien dans Paris qui pût détourner Leurs Majestés d’y venir. Depuis l’on a parlé de ce retour comme d’une chose assurée, et l’on dit même que la cour serait revenue à Paris il y a longtemps si le duc de Beaufort et le maréchal de La Mothe fussent allés à Saint-Germain ; mais comme ils ont cru n’y être point en sûreté dans Paris et qu’il était à propos auparavant de laisser apaiser tout à fait les esprits, le 4, Leurs Majestés partirent de Chantilly et furent coucher à Compiègne, où elles sont encore. »


  1. V. note [14], lettre 336.

  2. « Femme qui vend du hareng, de la morue, du saumon, et autres salines [poissons salés]. On appelle, figurément et par ressemblance, toutes les femmes rustiques fortes en gueule, qui disent des paroles, ou qui font des actions sales et insolentes, que ce sont des harangères, qu’elles disent des injures de harangères, parce que ces sortes de femmes sont grossières et insolentes » (Furetière).

  3. Celui du duc de Mercœur.

  4. En attendant.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 14 mai 1649, note 39.

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(Consulté le 19/04/2024)

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