Autres écrits : Leçons de Guy Patin au Collège de France (1) : sur le Laudanum et l’opium, note 41.
Note [41]

Philonium : « opiat dont il y a de deux sortes, le philonium romain et le philonium persique. Le philonium romain, qu’on appelle aussi grand philonium, a pris son nom de Philon médecin, son auteur ; il est composé des semences de jusquiame et de pavot, d’opium, et de plusieurs autres ingrédients. On s’en sert pour calmer les douleurs, pour exciter le sommeil, pour les rhumes, pour les coliques. Le philonium persique est un autre opiat composé de divers ingrédients, entre lesquels sont l’opium, la terre sigillée, la pierre hématite, le castor, le safran ; il est propre pour arrêter les hémorragies, les cours de ventre, et pour empêcher l’avortement » (Furetière).

L’inventeur de ce remède, précurseur de la thériaque (v. note [9], lettre 5), à inspiré à Éloy (1778) de sagaces remarques sur le jargon des médecins :

« Philon de Tarse, {a} médecin que l’on croit avoir vécu […] sous l’empire d’Auguste, est auteur du philonium, cet électuaire calmant qui se trouve encore aujourd’hui dans les boutiques de nos apothicaires, mais que les codices {b} pharmaceutiques ne dispensent pas comme cet ancien médecin. Philon en a décrit la composition en vers élégiaques et d’une manière si énigmatique qu’il fallait bien posséder la mythologie ou la fable pour deviner ce qu’il voulait dire. […] Plusieurs médecins ont suivi l’exemple de Philon et se sont expliqués d’une façon aussi obscure que lui ; cette manie passa même jusqu’au siècle de Paracelse qui créa des mots nouveaux et qui s’en servit dans la description de plusieurs médicaments. Les livres de chimie sont encore remplis de semblables baragouins, et les auteurs des xve et xvie siècles ont d’autant plus volontiers adopté ce langage qu’il servait de voile au mystère qu’ils aimaient tant dans leurs procédés, et qu’il relevait, aux yeux du peuple, le ton renchéri qu’ils mettaient jusque dans les plus petites choses. Si l’on ne regarde que l’intérêt personnel de ces écrivains, on trouvera qu’ils ont eu raison d’employer des expressions qui n’étaient bien connues que d’eux, parce que cette méthode leur valut la considération dont le public honore communément tout ce qui a l’air mystérieux ; mais si l’on considère l’art, on verra combien de pareilles supercheries en ont retardé les progrès. Aujourd’hui que les médecins se sont mis à la portée de tout le monde dans leur langage et leurs écrits, ils en sont moins considérés de cette portion d’hommes qui pense comme le peuple ; en revanche, leurs talents et leurs succès parlent bien avantageusement pour eux chez les personnes qui ne se refusent point aux lumières du siècle dans lequel nous vivons. »


  1. Tarse était une ville de Cilicie (Anatolie méridionale). Hormis l’époque où il a vécu, la biographie de ce Philon, souvent confondu avec ses homonymes, est fort incertaine.

  2. Pluriel (latin) de codex.

V. infra notes [43], pour le philonium romain de Nicolas, et [46], pour le célèbre discours de Galien sur Philon, son élégie et son philonium.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Leçons de Guy Patin au Collège de France (1) : sur le Laudanum et l’opium, note 41.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8129&cln=41

(Consulté le 19/04/2024)

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