Autres écrits : Traité de la Conservation de santé (Guy Patin, 1632) : Chapitre II, note 55.
Note [55]

« le fromage est sain quand c’est une avare main qui le donne », deuxième vers d’un poème de L’École de Salerne. Traduction en vers français par M. Ch. Meaux Saint-Marc, avec le texte latin en regard. Précédé d’une introduction par M. le docteur Ch. Daremberg (Paris, J.‑B. Baillière et fils, 1861, in‑8o, première partie, Hygiène, pages 58‑61) :

Caseus.

Caseus est frigidus, stipans, crassus, quoque durus ;
Caseus ille sanus quem dat avara manus.
Caseus et panis, bonus est cibus hic bene sanis ;
Si non sunt sani, non jungito casea pani.
Caseus est nequam, quia concoquit omnia sequam.
Caseus ante cibum, cibus est, post, medicina.
Caseus et cepæ veniunt ad prandia sæpe.
Ignari medici me dicunt esse nocivum :
Sed tamen ignoran, il constiperat cur nocumenta feram ;
Expertis reor esse ratum, nam commoditate
Languenti stomacho caseus addit opem.
Caseus ante cibum confert, si defluat alvus ;
Si post sumatur, terminet ille dapes :
Qui physicam non ignorant, hæc testificantur.
Ad fundum stomachi dum sumpta cibaria condit,
Vim digestivam non minus ille juvat.
Si stomachus languet, vel si minus appetit, iste
Fit gratus stomacho, conciliatque cibum.
Si sit crustosus, per lucem non oculatus,
Ejusdem sic onus dicitur esse bonus,
Non Argus, largus ; non Matusalem, Magdalena ;
Non Petrus, Lazarus ; caseus iste bonus.
Caseus incendit stomachum salsus veteratus ;
Si sero digeritur, ventrem constringere fertur,
Ac defrigdare. Salsus, plus nutrit ovinus
Caseus, et modicum prehibetur stringere ventrem.
Caseus, insulsus, bene digerit et bene solvit
.

« Le fromage. {a}

Astringent, indigeste et froid est le fromage :
Que ton avare main l’enferme et le ménage.
Fromage et pain sont bons pour qui se porte bien,
Autrement, ce mélange est lourd et ne vaut rien.
Le fromage est nuisible et sa présence altère
Les mets que l’estomac avec peine digère.
Si le fromage seul peut servir d’aliment,
À la fin du repas, c’est un médicament ;
Les oignons, le fromage au souper que j’apprête,
Sont bienvenus toujours, toujours je leur fais fête.
D’ignorants médecins me prétendent fatal,
Impuissants à prouver que je cause aucun mal ;
Profonde est leur erreur : toujours l’expérience
Montre qu’estomac faible en moi trouve assistance. {b}
Contre un ventre lâché, bon avant le repas,
Au dessert le fromage offre encore son appât.
L’homme instruit reconnaît son bienfaisant usage
Qui des mets entassés hâte le prompt partage
et de l’estomac plein active la lenteur.
D’un languissant organe il ranime l’ardeur,
Stimule un estomac qui s’éveille avec peine,
Et facilite aux mets un cours exempt de gêne.
Choisis donc avec soin : de sa croûte vêtu,
Le fromage sera, moins qu’Argus, d’yeux pourvu,
Du vieux Mathusalem qu’il n’emprunte pas l’âge,
Que Madeleine en pleurs inonde son visage,
De Pierre qu’il n’ait point l’ingrate dureté,
Mais de Lazare affreux l’ulcère ensanglanté. {c}
Vieux, salé, l’estomac lentement le digère ;
L’intestin s’en échauffe et bientôt se resserre.
De brebis le fromage est le plus nourrissant ;
Sans sel, plus digestif, il est plus relâchant. »


  1. « On remarquera la diversité d’opinions professées sur les mérites du fromage. Chacun peut choisir celle qui est d’accord avec son goût » (note du traducteur). Tout en restant parfaitement fidèle au sens, le courageux traducteur a pris de grandes libertés avec la syntaxe d’origine, comme c’est la règle quand on met en vers français un poème latin.

  2. « Le fromage lui-même plaide en sa faveur et se défend contre des accusations téméraires. »

  3. La traduction s’est ici transformée en interprétation d’un passage fort allusif (dont le sens demeure incertain). V. note [9], lettre 73, pour Argus aux cent yeux. La transcription laisse planer un doute sur Largus, écrit avec une majuscule initiale (mais omis dans la traduction), que j’ai transformée en minuscule (Argus largus, « le généreux Argus ») ne voyant pas de rapport entre Argus et le médecin Scribonius Largus (v. note [1], lettre 205).

    Les autres noms propres se réfèrent à des célébrités bibliques. Pour la cohérence du sens (car il est question de la bonne qualité du fromage) et le respect du non, deux négations me semblent devoir été ajoutées : pour Madeleine en pleurs (Luc, 7:36‑50), « n’inonde » au lieu d’« inonde », et pour Lazare le lépreux (ibid., 16:19‑31), « Ni » au lieu de « Mais ».


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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Traité de la Conservation de santé (Guy Patin, 1632) : Chapitre II, note 55.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8169&cln=55

(Consulté le 27/04/2024)

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