Dans l’histoire xcii de sa 6e centurie (v. supra note [5]), Thomas Bartholin n’a pas émis de doute sur l’authenticité des faits rapportés à Pont-à-Mousson et sur les possibilités de grossesse extra-utérine, mais a essayé d’en concevoir les mécanismes, avec des propositions plausibles en regard des connaissances de son temps (pages 362‑364) :
Semen vero virile ad Tubam uteri pervenire facile potest, sive per anfractuosos vasorum ductus […], sive per tunicam uteri patulam, hacq. parte […] tenuiorem. Quotidie certe nobis inscientibus hæc diverticula semen quærit, ut ibi præparetur. Hinc primo mense ex observatione Harvei, nihil ex semine in utero invenitur, quum revera immissum fuerit. Dubio procul in tubis tamdiu delitescit ut cum femineo copuletur. At quando regressus denegatur a quacunque obstructione, in Tubis sit conceptus, quas dilatari posse (…). At in his angustiis adultior fœtus comprehensus vel suffocatur secumque matrem in exitium trahit, quod exempla Riolaniana testantur, quando nempe membranæ Tubarum fortiores sunt, vel si tenuiores, vi perrumpit tubas et in abdominis cavitatem ampliorem devolvitur, quod in hac Mussipontani fœtus evenisse suspicor. Ex utero conceptum fœtum perrupisse crederem, nisi author historiæ nobis persuaderet, uterum prorsus illæsum fuisse sine ullo cicatricis vestigio, quod forsan in tuba uteri observasset dissector, si hanc particulam examinasset. Facilius certe per tubam disruptam prodit infans, quam per uterum sua natura et ampliorem et robustiorem. […] Quomodo vero fœtus Mussipontanus vinculis suis adalligatus deinde sit intestinis tenuibus et peritonæo, difficile non est illi divinare, qui in steatomatibus, atheromatibus aliisq. anomalis tumoribus similia a Natura ad alieni corporis robur et nutritionem efformari vidit.
[La semence virile peut en vérité facilement parvenir jusqu’à la trompe de l’utérus, en passant soit par les conduits tortueux des vaisseaux (…), soit à travers la tunique qui enveloppe l’utérus, (…) qui est plus fine à cet endroit. Il est certain que chaque jour, à notre insu, la semence recherche ces diverticules, pour y être préparée. Suivant l’observation d’Harvey, on n’en trouve aucune trace dans l’utérus pendant le premier mois, bien qu’elle s’y soit en vérité immiscée. Pendant tout ce temps, elle demeure sans aucun doute tapie dans la trompe, pour s’unir avec la semence féminine. {a} Pourtant, si quelque obstruction empêche sa ponte, l’œuf demeure dans la trompe, qui peut se dilater (…). Quand le fœtus grandit en étant enfermé dans cette cavité étroite, ou bien, si les parois de la trompe sont solides, il étouffe et emporte avec lui la mère dans la mort, comme en attestent les exemples décrits par Riolan ; {b} ou bien, si elles sont fragiles, sa force rompt la trompe et il se précipite dans la bien plus vaste cavité de l’abdomen, ce que je soupçonne être arrivé pour ce fœtus de Pont-à-Mousson. Je croirais qu’une fois conçu, le fœtus se serait échappé hors de l’utérus, si le narrateur de l’histoire ne nous persuadait pas qu’on a trouvé l’utérus absolument intact, sans le moindre soupçon de cicatrice ; mais celui qui disséquait en aurait peut-être vu une dans la trompe s’il l’avait examinée. L’enfant est certainement plus facilement sorti en passant à travers la trompe, qu’à travers l’utérus qui est par nature plus épais et plus solide qu’elle. (…) Il n’est pas difficile de deviner pourquoi le fœtus de Pont-à-Mousson s’est attaché pas des ligaments à l’intestin grêle et au péritoine, {c} quand on voit que, dans les stéatomes, les athéromes et les autres tumeurs anormales, la nature s’y prend de la même manière pour assurer la nutrition et le développement d’un corps étranger]. {d}
- Il est établi aujourd’hui qu’en quelques minutes, la semence virile (c’est-à-dire les spermatozoïdes, décrits en 1677) pénètre dans l’utérus par le col, traverse la cavité du corps, puis gagne la trompe dite de Fallope (conduit qui relie l’ovaire au corps de l’utérus). Après maturation (capacitation de quelques jours), son union avec l’ovule (décrit en 1673) se fait à l’intérieur de la trompe, d’où, normalement, l’œuf descend ensuite dans la cavité utérine pour s’y implanter et développer.
- V. note [2], lettre latine 167.
- V. notule {c}, note [4], lettre latine 146.
- Stéatomes et athéromes sont des tumeurs à contenu graisseux. Bartholin établissait une juste analogie entre le développement de tumeurs contenues dans le péritoine et celui, bien plus rare mais possible, d’un fœtus logé hors de l’utérus.
Guy Patin ne voulait hélas rien croire de ces belles explications, qui contenaient pourtant bien plus qu’un ferment de vérité. |