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Consultations et mémorandums (ms BIU Santé  2007) : 16  >

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits. Consultations et mémorandums (ms BIU Santé 2007) : 16

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8146

(Consulté le 20/04/2024)

 

[Ms BIU Santé no 2007, fo 247 ro | LAT | IMG]

Ulcère du mésentère
[consultation de Pierre i ou Claude Seguin, date effacée]

M. Dupuis, chirurgien de Paris, [1][1] m’avait envoyé cette page.

Consultation pour un jeune homme de Nevers, ayant une intempérie des viscères et un ulcère caché dans le mésentère, [2][3] tenue avec M. Seguin, [4][5] premier médecin de la reine très-chrétienne[6] en sa maison, le 7e de ma[rs 16…]. [a]

Ce très noble personnage est gravement affecté ; pour guérir il requiert notre consultation. C’est pourquoi j’expliquerai brièvement ce que j’en pense. Toute méthode médicale tient à trois principes […], qui sont le diagnostic, le pronostic et le traitement.

Le diagnostic doit résoudre trois autres questions : la partie atteinte, la cause et l’espèce de la maladie. Il y a ici plusieurs parties en souffrance, savoir tous les organes nutritifs, mais en tout premier le foie et la rate ; [7][8] le teint même du visage de notre malade révèle à l’évidence l’intempérie et la débilité de ces viscères, d’où vient que Galien, au livre de Locis affectis, appelle hépatiques ceux qui sont ainsi colorés. [2][9][10] Le pénible et fâcheux flux de ventre [11] indique aussi que les intestins sont touchés, ce que je croirais même provenir en partie de la défaillance des viscères précités. Un autre symptôme rend pourtant cette diarrhée bien plus grave et périlleuse : elle est purulente, [12] ce qui est insolite et même fort rare, mais extrêmement dangereux. De fait, le malade évacue chaque jour du pus, il est franc et vient seul ou mêlé aux matières fécales, parfois en grande quantité, sans aucune douleur. Je croirais certes difficilement que ce pus soit issu d’ailleurs que du mésentère, [13] car il ne saurait provenir des intestins enflammés ou de l’estomac sans qu’il y eût de violentes douleurs, comme a dit le très savant Fernel au chapitre vii, sixième livre, de sa Pathologie ; [14] mais si la fièvre venait du foie ou de la rate, elle frapperait plus rudement, et tous les symptômes seraient bien plus graves. En outre, il n’y aurait pas défécation d’une sanie aussi franche, [15] en raison du long chemin qu’elle aurait à parcourir. Les reins affectés ne se purgeraient pas non plus par là, mais par les urines. Il ne reste dans la capacité de l’abdomen que le seul mésentère qui, étant attaqué d’inflammation, [16] comme le montrent ces signes, puisse ainsi déverser du pus par voie fécale. La cause de la maladie est l’ordure crasseuse et impure des humeurs superflues, due à une alimentation excessive, et à l’absorption trop libérale de vin pur et de bon cru. [17] La quantité cumulée en a été telle qu’elle n’a pu être tout entière recueillie par les réservoirs dont la nature nous a pourvus à cet effet ; de sorte qu’une portion non négligeable de l’excédent s’est écoulée dans les structures avoisinantes, et principalement dans le pancréas [18] et le mésentère, qui sont comme les égouts de tout le corps. La catégorie de cette maladie est une intempérie très importante des viscères dédiés à la nutrition, avec accumulation de substance impure et, je crois, un abcès dans la partie inférieure du mésentère, provoqué par la matière âcre et pourrie qui s’y est accumulée, comme par […]. [3] Et voilà pour le diagnostic de la maladie qu’on me soumet ; venons-en au pronostic.

Je pense que le malade se trouve en double et très grand péril, à cause et de l’intempérie, et de l’ulcère ; lequel rejette continuellement du pus par les selles, ce qui fait même craindre que cette diarrhée, en raison de l’acrimonie de l’humeur, ne finisse par se transformer en dysenterie [19] et que l’ulcère, qui siège dans les intestins, ne s’avère alors incurable. Pourtant, je me réconforte un peu et ne perds pas entièrement espoir car le patient est à la fleur l’âge, ses forces sont encore vigoureuses, il obtempère aux avis des médecins, et nous approchons d’une saison de l’année qui est propice à la guérison. Je pense donc qu’il faut l’augurer pour l’automne prochain.

Traitement. Après avoir d’abord lavementé [20] l’intestin avec un quadruple émollient composé d’orge, [21] de miel rosat, [22] de sucre blanc [23] et de blanc d’œuf, et avoir ainsi purgé la première région du corps, [4][24] j’estime qu’il faut saigner en incisant une veine du coude : [25] non certes en raison de l’ulcère (car de fait il a seulement besoin d’être asséché pour guérir), mais autant pour corriger l’intempérie qui s’est attachée au foie, que pour ouvrir le champ aux cathartiques que nous devrons administrer. [26] Ensuite, on purgera le corps chaque semaine avec une potion composée de séné et de rhubarbe, [27][28] ou de casse, [29] qu’on aura infusés dans une décoction de racines de chicorée, [30] d’oseille, [31] d’herbes capillaires [5][32] et d’aigremoine, [33] à quoi on ajoutera un tout petit peu de sirop laxatif de roses. [34][35] Après qu’on aura répété plusieurs fois cette potion et bien purgé le corps, on en viendra aux eaux minérales, de Spa, de Pougues ou de Forges ; [36][37][38] le ventre étant toujours bien relâché, soit naturellement, soit par artifice, on les emploiera généreusement pendant au moins un mois, deux fois par jour, pour déterger et dessécher l’ulcère. Entre-temps, on utilisera une diète réfrigérante et modérément desséchante ; [39] le malade respirera un air pur et bien sec ; il se nourrira du meilleur pain, de bouillons [40] accommodés avec beaucoup de verjus, [41] de gelée, [42] d’œufs et de viandes de petits volatiles ; même pendant cette sainte période de carême, [43] il fuira les poissons cane peius et angue ; [6][44][45] il s’abstiendra de tout fruit frais, de pâtisserie, de mets poivrés et salés ; il boira de la décoction d’orge, [46] de racines d’herbes apéritives, [47] de pissenlit, [48] d’oseille, d’aigremoine et de capillaires, avec un peu de vin, dont il a trop abusé, et que ce soit du blanc plutôt que du rouge. Une fois qu’il en aura fini avec les eaux minérales et qu’un cathartique doux lui aura de nouveau purgé le corps, qu’il en vienne au lait d’ânesse, [49] et qu’il s’en gave et s’en engraisse jusqu’à ce que, jouissant d’une santé éclatante et entière, il s’acquitte parfaitement de toutes les fonctions requises pour qu’un homme se dise bien portant. Voilà ce qui me semble convenir pour soigner cette affection.

M. Seguin a approuvé tout cela, il y a aussi ajouté l’emploi quotidien d’un certain hydromel [50] desséchant et détergent, et a recommandé les eaux de Pougues.

[Ms BIU Santé no 2007, fo 247 vo | LAT | IMG]

Jean ii Riolan contre Caspar Bauhin sur la découverte de la valvule iléo-cæcale [b][51][52][53][54][55][56]

« {Bauhin se donne l’honneur d’avoir trouvé cette valvule, mais Varole [57] l’avait très bien représentée avant qu’il fût au monde ; et après lui, Salomon Alberti en ses Observations[7][58] Mais Bauhin ne se rebute pas pour cela, il fait le fâché en son Théâtre Anatomique de la deuxième édition, sur ce que j’ai rendu l’invention de cette valvule à qui elle appartenait, [8] bien qu’il soit contraint par la découverte de son larcin d’alléguer les paroles de Varole, en ses nouvelles observations. Celui-ci, qui l’a remarquée devant tout autre, l’a très à propos nommée le couvercle de l’iléon. Ce n’a donc pas été, dit l’auteur du Théâtre anatomique, avant que} Bauhin {fût né}, ainsi qu’il est avancé par Riolan, pour ce que les œuvres de Varole n’ont vu le jour qu’environ l’an 1591, par le soin de Cortesius. Mais certes, il a déguisé ce qui est véritable, que Varole était déjà en grande estime à Padoue [59] pour l’anatomie dès l’année 1572. Son livre des nerfs optiques, qu’il a adressé à Mercuriali, et la réponse de Mercuriali en rendent un authentique témoignage. [9][60][61] En ce même temps, il avait mis son livre anatomique, où il parle de la valvule, aux mains de Mediovillano, [62] secrétaire de Boncompagni, [63] frère du pape Grégoire xiii, qui fut créé l’an 1572 et tint le Saint-Siège pendant treize ans ; [64][65] d’où l’on juge très bien que la valvule de l’intestin cæcum avait déjà été trouvée par Varole avant que Bauhin fût né, ou du moins connu en la médecine ; [10][66] d’autant qu’il se vante d’en avoir fait l’invention en l’an 1579, qui est le temps auquel, < tout > bonnement, avait-il encore goûté l’étude de l’anatomie, selon son propre témoignage qui, en l’an 1621 (auquel il a réimprimé son Théâtre anatomique), confesse qu’il a travaillé l’anatomie pendant quatre ans entiers ; [11] et cependant, en 1579, il était encore écolier à Paris, où il apprenait l’anatomie sous Pineau, ainsi qu’il le témoigne lui-même en son petit œuvre des marques de la Virginité[12][67] Ajoutez à ceci qu’en la même année, Salomon Alberti faisait profession publique de l’anatomie à Wittemberg, [68] où il découvrit le premier les valvules des veines et celle de l’intestin côlon, selon ce qu’il en a lui-même écrit. [13][69] Mais certes Bauhin a bien su taire tout cela, bien qu’il ait allégué les paroles de Salomon Alberti, et qu’il soit vrai qu’il n’a lui-même commencé à écrire en l’anatomie qu’environ l’an 1599. [14]

Mais pour faire voir, en un mot, à qui l’invention de cette valvule est due, il faut savoir qu’en l’an 1586, Archangelus Picolhominus, médecin de Rome, découvrit en ses publiques leçons, l’admirable artifice de la nature en la fabrique des trois valvules placées au commencement de l’intestin côlon, où elle les a posées pour empêcher que l’excrément ne remonte vers les grêles intestins. [15][70] Bauhin se vante aussi sans occasion de ce que < Fabrice > d’Aquapendente et Casserius, [71] deux anatomistes de réputation dans les Écoles de Padoue, lui ont, à son avis, déféré l’honneur d’avoir trouvé cette valvule en leurs ouvrages anatomiques. Pour ce qu’Aquapendente{, en son livre sur l’estomac, quand il parle de cette valvule, ne fait mention de personne, n’y dit pas un seul mot de Bauhin, je ne lui ai donc point fait de tort lorsque j’ai rendu l’honneur d’une telle invention à Varole, ou à Salomon Alberti, ou à Archangelus Picolhominus.} » [16]

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Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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