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Consultations et mémorandums (ms BIU Santé  2007) : 16  >

[Ms BIU Santé no 2007, fo 247 ro | LAT | IMG]

Ulcère du mésentère
[consultation de Pierre i ou Claude Seguin, date effacée]

M. Dupuis, chirurgien de Paris, [1][1] m’avait envoyé cette page.

Consultation pour un jeune homme de Nevers, ayant une intempérie des viscères et un ulcère caché dans le mésentère, [2][3] tenue avec M. Seguin, [4][5] premier médecin de la reine très-chrétienne[6] en sa maison, le 7e de ma[rs 16…]. [a]

Ce très noble personnage est gravement affecté ; pour guérir il requiert notre consultation. C’est pourquoi j’expliquerai brièvement ce que j’en pense. Toute méthode médicale tient à trois principes […], qui sont le diagnostic, le pronostic et le traitement.

Le diagnostic doit résoudre trois autres questions : la partie atteinte, la cause et l’espèce de la maladie. Il y a ici plusieurs parties en souffrance, savoir tous les organes nutritifs, mais en tout premier le foie et la rate ; [7][8] le teint même du visage de notre malade révèle à l’évidence l’intempérie et la débilité de ces viscères, d’où vient que Galien, au livre de Locis affectis, appelle hépatiques ceux qui sont ainsi colorés. [2][9][10] Le pénible et fâcheux flux de ventre [11] indique aussi que les intestins sont touchés, ce que je croirais même provenir en partie de la défaillance des viscères précités. Un autre symptôme rend pourtant cette diarrhée bien plus grave et périlleuse : elle est purulente, [12] ce qui est insolite et même fort rare, mais extrêmement dangereux. De fait, le malade évacue chaque jour du pus, il est franc et vient seul ou mêlé aux matières fécales, parfois en grande quantité, sans aucune douleur. Je croirais certes difficilement que ce pus soit issu d’ailleurs que du mésentère, [13] car il ne saurait provenir des intestins enflammés ou de l’estomac sans qu’il y eût de violentes douleurs, comme a dit le très savant Fernel au chapitre vii, sixième livre, de sa Pathologie ; [14] mais si la fièvre venait du foie ou de la rate, elle frapperait plus rudement, et tous les symptômes seraient bien plus graves. En outre, il n’y aurait pas défécation d’une sanie aussi franche, [15] en raison du long chemin qu’elle aurait à parcourir. Les reins affectés ne se purgeraient pas non plus par là, mais par les urines. Il ne reste dans la capacité de l’abdomen que le seul mésentère qui, étant attaqué d’inflammation, [16] comme le montrent ces signes, puisse ainsi déverser du pus par voie fécale. La cause de la maladie est l’ordure crasseuse et impure des humeurs superflues, due à une alimentation excessive, et à l’absorption trop libérale de vin pur et de bon cru. [17] La quantité cumulée en a été telle qu’elle n’a pu être tout entière recueillie par les réservoirs dont la nature nous a pourvus à cet effet ; de sorte qu’une portion non négligeable de l’excédent s’est écoulée dans les structures avoisinantes, et principalement dans le pancréas [18] et le mésentère, qui sont comme les égouts de tout le corps. La catégorie de cette maladie est une intempérie très importante des viscères dédiés à la nutrition, avec accumulation de substance impure et, je crois, un abcès dans la partie inférieure du mésentère, provoqué par la matière âcre et pourrie qui s’y est accumulée, comme par […]. [3] Et voilà pour le diagnostic de la maladie qu’on me soumet ; venons-en au pronostic.

Je pense que le malade se trouve en double et très grand péril, à cause et de l’intempérie, et de l’ulcère ; lequel rejette continuellement du pus par les selles, ce qui fait même craindre que cette diarrhée, en raison de l’acrimonie de l’humeur, ne finisse par se transformer en dysenterie [19] et que l’ulcère, qui siège dans les intestins, ne s’avère alors incurable. Pourtant, je me réconforte un peu et ne perds pas entièrement espoir car le patient est à la fleur l’âge, ses forces sont encore vigoureuses, il obtempère aux avis des médecins, et nous approchons d’une saison de l’année qui est propice à la guérison. Je pense donc qu’il faut l’augurer pour l’automne prochain.

Traitement. Après avoir d’abord lavementé [20] l’intestin avec un quadruple émollient composé d’orge, [21] de miel rosat, [22] de sucre blanc [23] et de blanc d’œuf, et avoir ainsi purgé la première région du corps, [4][24] j’estime qu’il faut saigner en incisant une veine du coude : [25] non certes en raison de l’ulcère (car de fait il a seulement besoin d’être asséché pour guérir), mais autant pour corriger l’intempérie qui s’est attachée au foie, que pour ouvrir le champ aux cathartiques que nous devrons administrer. [26] Ensuite, on purgera le corps chaque semaine avec une potion composée de séné et de rhubarbe, [27][28] ou de casse, [29] qu’on aura infusés dans une décoction de racines de chicorée, [30] d’oseille, [31] d’herbes capillaires [5][32] et d’aigremoine, [33] à quoi on ajoutera un tout petit peu de sirop laxatif de roses. [34][35] Après qu’on aura répété plusieurs fois cette potion et bien purgé le corps, on en viendra aux eaux minérales, de Spa, de Pougues ou de Forges ; [36][37][38] le ventre étant toujours bien relâché, soit naturellement, soit par artifice, on les emploiera généreusement pendant au moins un mois, deux fois par jour, pour déterger et dessécher l’ulcère. Entre-temps, on utilisera une diète réfrigérante et modérément desséchante ; [39] le malade respirera un air pur et bien sec ; il se nourrira du meilleur pain, de bouillons [40] accommodés avec beaucoup de verjus, [41] de gelée, [42] d’œufs et de viandes de petits volatiles ; même pendant cette sainte période de carême, [43] il fuira les poissons cane peius et angue ; [6][44][45] il s’abstiendra de tout fruit frais, de pâtisserie, de mets poivrés et salés ; il boira de la décoction d’orge, [46] de racines d’herbes apéritives, [47] de pissenlit, [48] d’oseille, d’aigremoine et de capillaires, avec un peu de vin, dont il a trop abusé, et que ce soit du blanc plutôt que du rouge. Une fois qu’il en aura fini avec les eaux minérales et qu’un cathartique doux lui aura de nouveau purgé le corps, qu’il en vienne au lait d’ânesse, [49] et qu’il s’en gave et s’en engraisse jusqu’à ce que, jouissant d’une santé éclatante et entière, il s’acquitte parfaitement de toutes les fonctions requises pour qu’un homme se dise bien portant. Voilà ce qui me semble convenir pour soigner cette affection.

M. Seguin a approuvé tout cela, il y a aussi ajouté l’emploi quotidien d’un certain hydromel [50] desséchant et détergent, et a recommandé les eaux de Pougues.

[Ms BIU Santé no 2007, fo 247 vo | LAT | IMG]

Jean ii Riolan contre Caspar Bauhin sur la découverte de la valvule iléo-cæcale [b][51][52][53][54][55][56]

« {Bauhin se donne l’honneur d’avoir trouvé cette valvule, mais Varole [57] l’avait très bien représentée avant qu’il fût au monde ; et après lui, Salomon Alberti en ses Observations[7][58] Mais Bauhin ne se rebute pas pour cela, il fait le fâché en son Théâtre Anatomique de la deuxième édition, sur ce que j’ai rendu l’invention de cette valvule à qui elle appartenait, [8] bien qu’il soit contraint par la découverte de son larcin d’alléguer les paroles de Varole, en ses nouvelles observations. Celui-ci, qui l’a remarquée devant tout autre, l’a très à propos nommée le couvercle de l’iléon. Ce n’a donc pas été, dit l’auteur du Théâtre anatomique, avant que} Bauhin {fût né}, ainsi qu’il est avancé par Riolan, pour ce que les œuvres de Varole n’ont vu le jour qu’environ l’an 1591, par le soin de Cortesius. Mais certes, il a déguisé ce qui est véritable, que Varole était déjà en grande estime à Padoue [59] pour l’anatomie dès l’année 1572. Son livre des nerfs optiques, qu’il a adressé à Mercuriali, et la réponse de Mercuriali en rendent un authentique témoignage. [9][60][61] En ce même temps, il avait mis son livre anatomique, où il parle de la valvule, aux mains de Mediovillano, [62] secrétaire de Boncompagni, [63] frère du pape Grégoire xiii, qui fut créé l’an 1572 et tint le Saint-Siège pendant treize ans ; [64][65] d’où l’on juge très bien que la valvule de l’intestin cæcum avait déjà été trouvée par Varole avant que Bauhin fût né, ou du moins connu en la médecine ; [10][66] d’autant qu’il se vante d’en avoir fait l’invention en l’an 1579, qui est le temps auquel, < tout > bonnement, avait-il encore goûté l’étude de l’anatomie, selon son propre témoignage qui, en l’an 1621 (auquel il a réimprimé son Théâtre anatomique), confesse qu’il a travaillé l’anatomie pendant quatre ans entiers ; [11] et cependant, en 1579, il était encore écolier à Paris, où il apprenait l’anatomie sous Pineau, ainsi qu’il le témoigne lui-même en son petit œuvre des marques de la Virginité[12][67] Ajoutez à ceci qu’en la même année, Salomon Alberti faisait profession publique de l’anatomie à Wittemberg, [68] où il découvrit le premier les valvules des veines et celle de l’intestin côlon, selon ce qu’il en a lui-même écrit. [13][69] Mais certes Bauhin a bien su taire tout cela, bien qu’il ait allégué les paroles de Salomon Alberti, et qu’il soit vrai qu’il n’a lui-même commencé à écrire en l’anatomie qu’environ l’an 1599. [14]

Mais pour faire voir, en un mot, à qui l’invention de cette valvule est due, il faut savoir qu’en l’an 1586, Archangelus Picolhominus, médecin de Rome, découvrit en ses publiques leçons, l’admirable artifice de la nature en la fabrique des trois valvules placées au commencement de l’intestin côlon, où elle les a posées pour empêcher que l’excrément ne remonte vers les grêles intestins. [15][70] Bauhin se vante aussi sans occasion de ce que < Fabrice > d’Aquapendente et Casserius, [71] deux anatomistes de réputation dans les Écoles de Padoue, lui ont, à son avis, déféré l’honneur d’avoir trouvé cette valvule en leurs ouvrages anatomiques. Pour ce qu’Aquapendente{, en son livre sur l’estomac, quand il parle de cette valvule, ne fait mention de personne, n’y dit pas un seul mot de Bauhin, je ne lui ai donc point fait de tort lorsque j’ai rendu l’honneur d’une telle invention à Varole, ou à Salomon Alberti, ou à Archangelus Picolhominus.} » [16]

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a.

Copie autographe, transcrite par Guy Patin, d’une consultation donnée par Pierre i Seguin (mort en janvier 1648), ou par son neveu Claude Seguin (docteur régent en 1629, v. note [12], lettre 5) ; Pimpaud, Document 16, pages 63‑68.

Une déchirure du coin supérieur droit de la feuille empêche de lire quelques mots, dont l’année de la consultation, ce qui ôte toute possibilité de savoir duquel des deux Seguin il s’agissait. Elle eut néanmoins lieu un 7 mars (et non en mai), puisqu’on y lit que c’était le temps du carême.

b.

Le texte qui suit est un fragment écrit par une plume anonyme ; Guy Patin avait employé le verso de cette feuille pour copier la consultation qui précède.

Ce fragment, d’un grand intérêt pour notre édition (v. note [1], lettre latine 297), est la copie mot pour mot de la page 177 de l’Anthropographie de Jean ii Riolan (livre i, chapitre xii, De Intestinis [Les Intestins], édition de Francfort, 1626, v. note [25], lettre 146). Il y parlait de la valvule iléo-cæcale, en contestant vivement le fait que Caspar Bauhin en fût l’inventeur.

Cette valvule, dite de Bauhin, est un repli muqueux qui se situe à l’abouchement de l’iléon (dernier segment de l’intestin grêle) dans le cæcum (premier segment du côlon, ou gros intestin, v. note [1], lettre 245). Elle empêche la matière contenue dans le côlon de remonter à contre-courant dans l’iléon. Le cæcum se situe dans la fosse iliaque droite de l’abdomen ; c’est à lui qu’est attaché l’appendice, diverticule dont l’inflammation (appendicite) n’était pas encore connue des médecins au temps de Guy Patin (comme on a vu dans la consultation qui précède, car il pouvait fort bien s’agir d’une de ses formes abcédées, on la rangeait dans l’amas confus des inflammations mésentériques).

Je me suis contenté de transcrire entièrement les deux paragraphes de l’Anthropographie traduite par Pierre Constant (Paris, 1629, pages 256‑258), en :

Six titres figurent successivement dans les marges de cette édition française :

  1. Vanité de Bauhin ;

  2. Varolius est le premier qui a découvert la valvule ;

  3. Preuve du larcin de Bauhinus touchant la valvule tirée de lui-même ;

  4. De Salomon Albertus ;

  5. Et de Picolominus ;

  6. Bauhin se flatte d’un honneur imaginaire.

1.

Aucun Dupuis ne figure dans les deux listes des chirurgiens de Paris que j’ai consultées (Index funereus chirurgicorum Parisiensium et Liste funèbre…) ; probablement s’agissait-il d’un barbier chirurgien, et non d’un chirurgien de Saint-Côme. Il n’apparaît pas non plus ailleurs dans notre édition.

2.

Le livre v des commentaires de Galien « sur les Lieux [organes] affectés » [περι των πεπονθοτων τοπων] d’Hippocrate contient de nombreuses pages sur les hépatiques (patients atteints de maladie du foie). On trouve en particulier dans le chapitre ix cette remarque sur les changements qu’ils peuvent présenter dans leur couleur de peau (Daremberg, volume 2, page 654‑655) :

« Dans les ictères, le foie est-il toujours le lieu affecté, ou bien quelque autre diathèse produit-elle cette affection ? C’est la question à laquelle nous passons maintenant et que nous allons examiner. On voit parfois, sans que ce viscère soit aucunement affecté, un épanchement de bile jaune se produire à la peau en temps de crise, comme il se produit aussi des dépôts d’autres humeurs. On voit aussi parfois, et sans qu’il y ait crise, le sang vicié par une cause étrangère se transformer en bile, comme il arrive à la suite de morsures d’animaux venimeux. {a} Un des esclaves de l’empereur [Marc-Aurèle] qui ont pour fonction de chasser les vipères, ayant été mordu, prit pendant quelque temps en potion des médicaments ordinaires ; mais comme sa peau changeait de couleur au point de prendre la teinte du poireau, il vint me trouver et me raconter son accident. Après avoir bu de la thériaque, il recouvra promptement sa couleur naturelle. Puisque les médecins recherchent s’il existe des signes propres de l’empoisonnement, parce qu’on voit souvent, sans qu’il y ait eu administration de poisons, le corps arriver à une corruption d’humeurs semblable à celle qui est produite par les poisons, il n’y a rien d’étonnant qu’il survienne parfois dans les humeurs un changement tel que tout le corps soit frappé de jaunisse. Une telle perversion d’humeurs peut encore être produite par une altération dans le tempérament naturel du foie lui-même, sans qu’il y ait obstruction, inflammation ou squirre. {b} Cela se voit manifestement, car parfois le corps tout entier prend une teinte d’herbe jaune pâle, parfois une couleur analogue à celle du plomb ou même plus foncée que cette dernière, ou enfin d’autres nuances de couleurs qu’on ne saurait exprimer, le foie fonctionnant mal, sans offrir de tumeurs contre nature. La rate produit des teintes de cette espèce, beaucoup plus noires que celles qu’engendre le foie, difficiles à expliquer, mais très faciles à reconnaître quand on en a vu souvent. »


  1. Ictère par hémolyse, survenant à la suite d’une envenimation.

  2. Cirrhose.

On peut raisonnablement conclure de cette référence que le malade avait une jaunisse (ictère), phénomène lié à l’augmentation de la concentration des pigments biliaires (bilirubine) dans le sang. V. note [2], lettre 122, pour ses causes : insuffisance (« débilité ») hépatique (hépatites, dont certaines peuvent être dues à un empoisonnement), obstruction des canaux biliaires (lithiase, compression), destruction des globules rouges (où la rate peut jouer un rôle).

3.

La référence à la Pathologie de Jean Fernel (v. note [1], lettre 36), dont cette consultation s’est inspirée, correspond aux citations déjà données dans les notes [4], lettre 69, et [4], lettre 798. Cette source ne m’a néanmoins pas permis de restaurer le mot exact qu’une déchirure du manuscrit a rendu illisible.

4.

V. notes [1], lettre 151 et [11], lettre 909, pour le double sens du terme « première région » : il s’agissait clairement ici de la partie haute et postérieure de l’abdomen (sus-mésocolique), et non de la tête.

5.

Capillaires ou fougères médicinales : « nom qu’on donne à certaines herbes dont on fait des sirops bons pour le rhume. On les appelle ainsi, parce qu’elles croissent en filets aussi déliés que les cheveux. Il y a de cinq sortes de capillaires […]. Les capillaires croissent ordinairement dans les fentes des rochers, et dans les lieux raboteux [accidentés] et pleins de pierres. Ils ne portent ni fleur ni graine, et on ne se sert que de leurs feuilles, qui sont attachées à leurs petits troncs. Ils nettoient la poitrine et l’estomac, désopilent [déchargent] le foie et la rate, purifient le sang et, étant broyés en huile, ils sont bons pour raffermir les cheveux qui tombent » (Thomas Corneille).

6.

« pire que chien enragé ou serpent » ; Odis cane peius, et angue [Tu hais pire que chien enragé et serprent] est un adage qu’Érasme a commenté (no 1863) en citant deux vers d’Horace (Horace, Épîtres, livre i, xvii, vers 30‑31) :

Alter Mileti textam cane peius et angue
vitabit chlamidem
.

[L’autre fuira un manteau tissé de Milet, {a} pire que chien enragé ou serpent]


  1. Ville d’Ionie (en Turquie), célèbre pour ses laines et sa pourpre. Horace parlait de l’homme vertueux qui aime mieux mourir de froid que courtiser pour obtenir un beau manteau.

7.

V. note [50], lettre latine 154, pour Varole (Constantius Varolius, Constanzo Varolio) anatomiste de Padoue mort en 1575.

Salomon Alberti (Salomo Albertus ; Naumbourg 1540-Dresde 1600), médecin allemand, professeur d’anatomie à Wittemberg, a publié plusieurs ouvrages. Son plus célèbre, que Jean ii Riolan appelait ici ses « Observations », est intitulé : Historia plerarunque partium humani corporis, in usum tyronum edita a Salomone Alberto, Medicinæ Doctore et Professore eius publico [Description de la plupart des parties du corps humain, publiée pour l’usage des étudiants par Salomon Alberti, docteur et professeur public de médecine] (Wittemberg, Johann Krafft, 1585, in‑8o) ; son frontispice, orné de la devise γνωθι σαυτον [gnôthi sauton, connais-toi toi-même (v. notule {c}, note [33], triade 60 du Borboniana manuscrit)], mérite un coup d’œil. Voici ce qu’Alberti y dit du côlon droit (page 40) :

In dextris vero a concavo iecoris versus regionem renis, in prægrandem globum protuberat. In sinistrum globi illius latus dehiscens ileum intestinum extremitate sua intus in fimbriatam valvam desinit, quæ in paullo impetuosiore versatione laterum remigrationi sordium obstaret. A nobis primum ea in homine et castore observata est.

[À droite, depuis la concavité du foie jusqu’à la région du rein, il fait saillie sous la forme d’un énorme globe. S’abouchant sur le flanc gauche de ce globe, l’intestin grêle se termine intérieurement par une valve frangée qui, par un retournement un peu plus saillant de ses bords, fait obstacle à la remontée des matières fécales. C’est nous qui l’avons observée en premier chez l’homme et chez le castor].

8.

Dans la seconde édition de son Theatrum Anatomicum (Francfort, 1621, v. notule {b}, note [4], lettre 1024), Caspar Bauhin avait répondu à ses détracteurs dans une longue note marginale, en justifiant sa priorité dans la découverte de la valvule iléo-cæcale (livre i, chapitre xvii, pages 63‑64) :

Valvulam hanc aliqui dari pernegant, inter quos fuit Pauvius Anatom. Leidensis : alii vix semel atque iterum a me observatam volunt : alii ut Patavinæ scholæ Anatomicæ lumina, Aquapendens et Placentius (absit invidia dicto) in demonstrationibus Anatomicis, ejus inventionem mihi tribuere solebant. Alii Andernacum invenisse volunt, sed locum eos ostendere vellem, cum in sua Medicina per dialogis edita, ne verbum extare asserere possim. Riolanus asserit, Varolium ante natum Bauhinum (parcius) descripsisse et post eum Salomonem Albertum : de his paucis, suo loco plenius : An Varolius inventor fuerit, me ignorare fateor : at hoc assero ipsius scripta primum circa annum 1591. a Cl. Ioh. Baptista Cortesio, nunc Panormi in Sicilia medico professore edita et ab ipso mihi oblata fuere, cum jam annis undecim Anatomicis præfuissem, in quibus Valvulæ hujus descriptionem reperi ; Sed non ante Bauhinum natum, cum is Bononiæ vixerit, tum cum Patavii studiorum causa versarer : sed levia hæc relinquamus, modo inventa sit, et magis seria tractemus : et brevibus quæ de hac habentur subnectamus. Varoli verba : ubi Ilium jungitur Colo, protuberat ex parte interna membrana quædam, quæ est ultimus finis Ilii, eo usque producti, quam ego ejusdem inventor operculum Ilii appello : unde fæces ex compressione ad superiora regurgigantes, operculum prædictum supra ilii foramen reclinant atque claudunt, atque ita superiora petere nequeunt. Salomon Albertus in suis orationibus anno 1584. editis, intra capacitatem, ait, intestini, ubi Ileum et Colon sunt contermina, jam in secundo cadavere sese exhibuit Valvula, satis crassa, firma ac rigida, quæ ita Ilei foribus obderetur, ut fæce illabenti jam exsucta ab intestinis gracilibus cedere possit, nam introspectat margini coli quæ id dextro reni et femur moventi musculo objacet affirmata. Piccolhominus in suis prælect. Anatom. anno 1586. editis : Valvulæ tres quemadmodum in corde, ad Cæcum intestinum sunt additæ, tanquam ostiola quædam deorsum spectantes, ut materiam intestinis gracilibus inclusam deorsum illabi sinant, et ne sursum resilire possit impediant. Ioan. Sigfridus in suis Anatomicis anno 1598. editis : Valvula quædam insignis ad ingressum ex Ileo in Colum etc. Laurentii verba in textu habentur. Greg. Horstius lib. de nat. hum. in primis his consideranda Valvula ad Cæcum intestinum addita, de qua vide Bauhinum et Archangelum. Knoblochius in disp. anat. alii Valvulas tres defendunt, ut Archangelus, alii unam vide Bauhin lib. de part. cæs. et lib. de part. simil. Casp. Bartholinus in anat. ad Coli initium apponitur Valvula crassa et membranosa satis, a Bauhino inventa, sursum spectans, non deorsum ut scribit Laurentius, etc.

[Certains, tel Pavius, anatomiste de Leyde, {a} refusent absolument d’attribuer la découverte de cette valvule à qui que ce soit ; d’autres, à d’assez nombreuses reprises, veulent que ce soit moi qui l’aie observée ; d’autres, telles les lumières de l’école anatomique de Padoue qu’ont été Aquapendens et Piacentius {b} (soit dit sans jalousie de ma part), avaient coutume, lors de leurs démonstrations anatomiques, de m’en faire l’inventeur. D’autres veulent qu’Andernacus l’ait découverte, mais je voudrais qu’ils me montrent où ils l’ont lu, car je n’ai pu le trouver dans la Médecine par dialogues qu’il a publiée. {c} Riolan a soutenu que « Varole, avant que Bauhin fût né (excusez du peu), l’a décrite, et Salomon Alberti après lui ». {d} J’en dirai plus là-dessus que ses quelques mots. J’avoue ne pas savoir moi-même si Varole l’a découverte ; mais je vais dire ce que je déduis de ses écrits qui ont été publiés pour la première fois vers 1591 par le très distingué Giovanni Battista Cortesi, à présent professeur de médecine à Palerme ; {e} il me les a lui-même offerts quand j’assistais à ses leçons d’anatomie, voici déjà onze ans. J’y ai trouvé la description que Varole a donnée de la valvule, mais ce n’était pas « avant que Bauhin fût né », puisqu’il vivait à Bologne tandis que je résidais à Padoue pour étudier ; mais laissons-là ces vétilles, {f} dans la mesure où elle a bien été découverte, et passons à des questions beaucoup plus sérieuses, en nous attachant à ce qu’il y a de certain sur le sujet. Voici les mots de Varole : « À l’abouchement de l’iléon dans le côlon, une membrane faisait saillie, venant de la partie intérieure, qui est la terminaison de l’iléon, et émanant de lui ; et moi, qui en suis l’inventeur, je l’appelle le “ couvercle de l’iléon ” ; quand, en comprimant, on pousse les matières fécales vers l’amont, elles replient et ferment le susdit “ couvercle ” par-dessus l’orifice de l’iléon, et c’est ainsi qu’elles ne peuvent remonter. » Salomon Alberti, dans ses Orationes, publiés en 1584, {g} dit que dans la lumière de l’intestin, là où se joignent l’iléon et le côlon, il a vu, déjà dans deux cadavres, une valvule, assez épaisse, solide et rigide, qui verrouillait si étroitement la porte de l’iléon qu’elle ne pouvait être de nouveau franchie par la matière fécale qui s’était déjà écoulée de l’intestin grêle, comme on le voit bien en comprimant le côlon droit entre le muscle psoas et la cuisse repliée du même côté. Dans ses Anatomicæ prælectiones, publiées en 1586, Piccolomini a écrit : {h} « De même que dans le cœur, {i} trois valvules sont attachées à l’intérieur du cæcum, comme de petites portes ouvertes sur l’aval, permettant à la matière contenue dans l’intestin grêle de couler vers le bas, mais empêchant qu’elle ne puisse refluer vers l’amont. » Johannes Sigfridus, dans ses Anatomies publiées en 1598, a écrit qu’il existe une valve remarquable à l’abouchement de l’iléon dans le côlon, etc. {j} J’ai reproduit les propos de Du Laurens dans le corps du texte. {k} Gregor Horst, de Natura humana, dit qu’il faut porter une attention particulière à la valve qui s’insère sur le cæcum, et renvoie là-dessus à Bauhin et Archangelus. {l} Certains, dont Knobolichius, en ses Dissertationes anatomicæ, {m} défendent l’existence de trois valvules, comme Archangelus, et d’autres n’en voient qu’une seule ; voyez Bauhin sur l’accouchement césarien et de Partibus similaribus. {n} Dans son Anatomie, Caspar Bartholin écrit :{o} « Une valvule épaisse et assez membraneuse est placée à l’origine du côlon ; découverte par Bauhin, elle est tournée vers l’aval, et non vers l’amont, comme l’a écrit Du Laurens, etc. »]. {p}


  1. Pieter Paaw (v. note [46] du Grotiana 1) a nié l’existence de la valvule iléo-cæcale dans sa lettre à Guillaume Fabrice de Hilden, publiée dans sa première centurie d’Epistolæ [Épîtres] (Oppenheim, Johannes Theodor de Bry, 1619, in‑4o) : centurie i, lettre lxxxix, datée de Leyde, le 18 avril 1612 (pages 426‑427).

  2. V. note [10], lettre 86, pour Fabrice d’Aquapendente, et infra note [16] pour son disciple Piacentus (écorché en Placentius dans le texte latin).

  3. Les Ioannis Guintherii Andernaci Medici clarissimi de Medicina veteri et nova cognoscenda, tum faciunda Commentarii duo [Deux commentaires de Jean Gonthier d’Andernach (v. note [4], lettre 840) sur la connaissance et la pratique de la médecine ancienne et nouvelle] (Bâle, Henricpetri, 1571, in‑fo) sont composés de deux séries de dialogues entre deux médecins, Geron [le Vieillard] et Mathetes [l’Étudiant].

  4. Dans la première édition de l’Anthropographie (Paris, 1618), Riolan avait simplement écrit (page 185) :

    Bauhinus inventionem huius vavulæ sibi tribuit et arrogat, quum ante natum Bauhinum, Varolius eleganter descripserit, et post eum Salomon Albertus in suis observationibus.

    [Bauhin s’est attribué et arrogé la découverte de cette valvule ; mais avant que Bauhin fût né, Varole l’avait déjà brillamment décrite et, après lui, Salomon Alberti en ses observations].

  5. V. infra note [9] pour Cortesi, qui enseignait à Messine et non à Palerme (après avoir professé à Bologne jusqu’en 1598), et pour son édition princeps du livre de Varole (Francfort, 1591).

  6. V. note [28] du Faux Patiniana II‑5.

  7. V. supra note [7] pour Salomon Alberti et son Historia, qui est datée de 1585.

  8. V. infra note [15] pour Arcangelo Piccolomini, ses « Leçons anatomiques » (Rome, 1586) et la citation complète de ce qu’il y a écrit sur le sujet.

  9. Le cœur est pourvu de quatre valves, formées chacune de trois valvules, qui orientent le sang en sens unique : à droite, pour le sang veineux allant vers les poumons, les valves tricuspide (de l’atrium [oreillette] vers le ventricule) et pulmonaire (du ventricule vers l’artère pulmonaire) ; à gauche, pour le sang artériel quittant les poumons, les valves mitrale (de l’atrium vers le ventricule) et aortique (du ventricule vers l’aorte).

  10. Johann Siegfried a enseigné à Helmstedt au xvie s. et publié d’obscurs ouvrages anatomiques, dont la trace est aujourd’hui difficile à retrouver.

  11. Bauhin citait l’Historia anatomica [Histoire anatomique] d’André i Du Laurens (Erfurt, 1595, v. note [3], lettre 13) quelques lignes plus bas (page 64) :

    Hanc Andreas Laurentius in novo suo et elegantissimo opere Anatomico his verbis descripsit : Ad Coli principium Valvulam sæpe observavimus, deorsum spectantem hostioli instar, quam eleganter descripsit Bauhinus (pro hac honorifica nostri mentione, gratiam debemus) hæc fæcum et inutilium humorum refluxum ad supernas partes prohibet […].

    [En son nouveau et très bel ouvrage anatomique, Du Laurens la décrit en ces termes : Nous avons souvent observé, au début du côlon, une valvule qui regarde vers l’aval, à la manière d’une petite porte ; Bauhin l’a élégamment décrite (mention honorifique dont je dois lui savoir gré) ; elle interdit le reflux des fèces et des humeurs inutiles vers l’amont (…)].

  12. Gregor ii Horst (v. note [33], lettre 458) : De Natura humana libri duo… [Deux livres sur la Nature humaine…] (Wittemberg, 1607, in‑8o, pour la première édition). Archangelus (Arcangelo) est le prénom de Piccolomini.

  13. Tobias Knobloch, médecin allemand mort en 1641 : Dissertationes anatomicæ et psychologicæ… [Dissertations anatomiques et psychologiques…] (Leipzig, 1612, in‑8o).

  14. V. note [7], lettre 159, pour la traduction latine du livre de François Rousset sur la césarienne, qu’a publiée Caspar Bauhin (Bâle, 1591). Dans les appendices qu’il y a ajoutés (et sans relation avec le sujet), on trouve (v. infra seconde notule {b}, note [14]) un chapitre intitulé Valvula in intestino Colo, Anno 1579. a me reperta [La Valvule du côlon que j’ai découverte en 1579).

    Le second livre de son Anatomes [Anatomie] (Bâle, Sebastianus Henricpetri, 1591, in‑8o) traite « des Parties similaires du corps humain » (v. note [7], lettre 270). Dans le chapitre xxvi, Valvularum seu ostiolorum in Corpore humano existentium enumeratio [Dénombrement des valvules ou petites portes existant dans le corps humain] (page 355), Bauhin y mentionne la valvule iléo-cæcale comme sa découverte, faite en 1579.

  15. V. note [1], lettre 306, pour les Anatomicæ Institutiones [Institutions anatomiques] de Caspar Bartholin (Wittemberg, 1611).

  16. V. infra note [11] pour le passage de son texte auquel Bauhin a ajouté tout ce commentaire.

9.

V. 2e notule {d}, note [50], lettre latine 154, pour les Constantii Varolii Anatomiæ libri iiii [Quatre livres d’Anatomie de Costanzo Varolio (Varole)] (Francfort, Johann Wechel et Peter Fischer, 1591, in‑8o), contenant les lettres qu’il a échangées avec Girolamo Mercuriali (v. note [16], lettre 18) sur les nerfs optiques. Éloy en mentionne à tort une édition de 1573 à Padoue : il s’agissait de son seul traité sur les nerfs optiques.

V. supra note [8] pour le commentaire de Caspar Bauhin sur ce livre et sur la description de la valvule iléo-cæcale qu’il contient, dont voici la transcription et la traduction complètes (livre iii, chapitre iii, pages 69‑70) :

Sed quia ex prædicta ventris compressione (quidquid dicant aliqui veteres) non erat maior ratio cur fæces ab intestino crasso regurgitarent ad tenuia, chylique distributionem perturbarent, ac vomitum stercoraceum provocarent, quam per inferius foramen exirent : ergo, ubi ilium iungitur colo, protuberat ex parte interna huius membrana quædam, quæ est ultimus finis ilii eiusque producti, quam ego eius inventor operculum ilii appello. Unde fæces ex compressione ad superiora regurgitantes, operculum præditum supra ilii foramen reclinant, idque claudunt ; atque ita superiora petere nequeunt.

[À la susdite compression du ventre (quoique disent quelques anciens), au lieu de sortir par l’orifice inférieur, {a} les matières fécales devraient régurgiter du gros intestin vers le grêle, pour y perturber la distribution du chyle et provoquer le vomissement fécaloïde ; {b} mais à l’abouchement de l’iléon dans le côlon, une membrane faisait saillie, venant de la partie intérieure, qui est la terminaison de l’iléon, et émanant de lui ; et moi, qui en suis l’inventeur, je l’appelle le couvercle de l’iléon. Quand, en comprimant, on pousse les matières fécales vers l’amont, elles replient et ferment le susdit couvercle par-dessus l’orifice de l’iléon, et c’est ainsi qu’elles ne peuvent remonter].


  1. L’anus, orifice du rectum.

  2. Le vomissement vrai de matière fécale ne se produit qu’en cas de communication anormale (fistule) entre le côlon et l’estomac.

Giovanni Battista Cortesi (Bologne 1554-Reggio de Calabre 1636) a enseigné la médecine et l’anatomie à Bologne (à partir de 1589), puis à Messine (à partir de 1598).

10.

V. note [2], lettre 430, pour Ugo Boncompagni, qui fut pape de 1572 à 1585 sous le nom de Grégoire xiii. Dès son élection, il avait nommé cardinal son neveu Filippo Boncompagni, fils de Boncompagno Boncompagni (1504-1587), frère puîné d’Ugo.

Voici ce qu’en dit Cortesi dans son épître dédicatoire (non précisément datée) à Girolamo Mercuriali dans l’Anatomie de Varole (Francfort, 1591, v. supra note [9]) :

Superioribus enim diebus, incidi in sermonem de administrandis rebus Anatomicis, cum nobili viro Cæsare Mediovillano, humanissimo pariter atque integerrimo, liberaliumque artium, ac rerum præsertim anatomicorum studioso, de me vero optime merito. Is tum mihi significavit, se methodum quandam Anatomicam, ab eodem Varolio sibi inscriptam dono accepisse, dum ille esset à secretis excellentissimi Boncompagni, Gregori xiii. summi Pontificis fratris : (cuius quidem sanctissimam memoriam, nulla unquam delebit oblivio ; sicut nec Boncompagni ipsius benignitatem, et probitatem singularem) eamque apud se nunc quoque servari optime castigatam, ut possit statim typis mandari ; quod auctor ipse quidem decreverat, sed inmatura repentinaque morte extinctus, præstare non potuit.

[De fait, ces jours précédents, j’ai conversé avec Cesare Mediovillano sur la manière dont on doit enseigner l’anatomie ; c’est un homme très cultivé et également très sensé, versé dans l’étude des arts libéraux, et en particulier de l’anatomie, et je le tiens en vraiment grande estime. Il m’a alors appris qu’il avait reçu en cadeau une méthode anatomique que son auteur, Varole, lui avait dédiée, tandis qu’il était secrétaire de l’excellent Boncompagni, frère du souverain pontife Grégoire xiii (dont la très sainte mémoire ne sombrera jamais dans l’oubli, tout comme la bonté et la singulière probité du dit Boncompagni), et qu’il la conservait alors encore par-devers lui, parfaitement corrigée, de sorte qu’il était possible de la faire imprimer immédiatement ; ce que l’auteur en personne avait décidé, mais qu’il n’a pu accomplir, la mort l’ayant prématurément et soudainement frappé].

Tout cela atteste, laborieusement mais solidement, qu’avant sa mort en 1575, Varole avait remis son anatomie manuscrite à Mediovillano : écrite au moins 16 ans avant sa publication (1591), elle contenait sa description de la valvule iléo-cæcale, que Caspar Bauhin (né en 1560) disait avoir découverte en 1579 (v. supra notule {m}, note [8], et infra note [16]).

11.

La transcription du texte latin de Jean ii Riolan (v. supra note [b]) comporte ici deux fautes :

La description de « sa valvule » par Bauhin se lit aux pages 63‑64 de son Theatrum (identique dans les deux éditions de 1605 et 1621) :

Quare *Valvula adposita est Coli principio, ubi Ilio id jungitur, quam ab Anno 1579. in omnibus nostris Anatomiis hactenus (et quidem antequam ullum legerimus, qui hujus meminerit) demonstravimus ; quæ membranosa et crassa est, orbicularis et circularis sursumque spectat, cum cibi excrementa ex Ilio in Colon non descendu, sed ascendu ferantur : hæc facili labore invenitur, si aqua per Rectum intestinum infundatur, et una cum Colo suspensum tenatur, nihil enim aquæ, imo ne flatus, nisi vi adigas, pertransire videbis.

[C’est pourquoi une *valvule {a} est placée à l’origine du côlon, à l’endroit où l’iléon s’y abouche : nous l’avons mise en évidence lors de nos dissections anatomiques depuis l’an 1579 jusqu’à ce jour (et auparavant, nous n’en avions lu la description par aucun auteur) ; elle est épaisse et membraneuse, circulaire et orbiculaire, {b} et saille quand les excréments des aliments veulent remonter du côlon dans l’iléon, au lieu d’aller dans l’autre sens. Cela s’observe aisément en injectant de l’eau dans le rectum et en le tenant suspendu au-dessus du côlon : à moins de presser vigoureusement, on voit qu’aucune goutte d’eau, pas même une bulle d’air, ne peut forcer le passage]. {c}


  1. L’astérisque renvoie à la longue addition marginale que j’ai transcrite, traduite et commentée supra dans la note [8].

  2. Ronde.

  3. Le livre se termine par un atlas. La valvule y est dessinée sur la figure iii, planche xv du livre i, pages 32‑33, repère †, avec cette légende :

    Valvula intestini Coli, non rotundo, sed laxo principio utrimque intestini lateribus adposita.

    [Valvule du côlon, insérée sur les côtés des deux intestins (iléon et cæcum), par une attache qui n’est pas circonférentielle, mais lâche].

12.

Severini Pinæi Carnutensis, Parisiis in Chirurgia Mag. i. Opusculum Physiologum et Anatomicum in duos libellos distinctum. In quibus primum, De integritatis et corruptionis virginum notis, deinde De graviditate et partu naturali mulierum in quo ossa pubis et ilium distrahi, dilucidè tractatur. Ad clarissimum et doctissimum virum D.D. Rivierum Christianissimi Galliarum et Navar. Regis Archiatrum [Opuscule physiologique et anatomique de Séverin Pineau, natif de Chartres, premier maître en chirurgie à Paris, divisé en deux petits livres. Où il est clairement traité des signes de l’intégrité et de la corruption des vierges, et ensuite de la grossesse et de l’accouchement des femmes quand les os pubis et ilion se disjoignent. Dédié au très illustre et savant M. Rivière, archiatre du roi de France et de Navarre] (Paris, Étienne Prevosteau, 1597, in‑12, pour la première édition).

La Liste funèbre des chirurgiens de Paris (pages 81‑82) dit de Séverin Pineau (vers 1550-1619) :

« Né à Chartres, chirurgien ordinaire du roi, très habile lithotomiste, composa d’abord trois dissertations en français sur la manière de tirer la pierre de la vessie urinaire. Il donna ensuite son excellent traité concernant les marques de la virginité et de la défloration des filles, qui a toujours été et qui est encore fort estimé. Il le composa en langue latine, craignant, comme il le dit dans la préface, que l’obscénité du sujet n’en eût arrêté l’édition. En effet, ce traité, traduit en allemand, ne parut pas plus tôt à Francfort que l’édition en fut supprimée par l’ordre du magistrat, prétendant que l’exposition de ces sortes de faits pourrait remplir l’imagination des jeunes gens de mauvaises idées ; mais l’édition latine a été imprimée une infinité de fois. Il mourut doyen du Collège {a} le 19e de novembre de l’année 1619. »


  1. Des chirurgiens de Saint-Côme.

Le chapitre viii, Historia anatomica, ad superius caput confirmandum aptissima [Histoire anatomique qui confirme parfaitement le précédent chapitre], du livre ii de son Opusculum (pages 191‑198) relate une dissection pratiquée en février 1579 au Collège des chirurgiens de Paris, en présence d’un vaste auditoire, dont faisait partie (page 194) :

Casparus Bauhinus Basiliensis apud suos nunc clarissimus Medicus et Professor simplicium et Anatomes electus omnium cupidissimus, quem, ob eam causam et propter eius patrem utriusque Medicinæ peritissimum aliàs collegam nostrum summo amore prosequebamur.

[Caspar Bauhin de Bâle, qui y est maintenant très brillant médecin et a été élu professeur de botanique et d’anatomie, {a} le plus aimé de tous, pour cette raison et à cause de son père, {b} qui a été autrefois un de nos collègues très habile dans les deux médecines, {c} et à qui nous attachait une très grande affection].


  1. Caspar Bauhin (né en 1560) avait été nommé titulaire de cette chaire en 1588.

  2. Jean Bauhin (mort en 1582), v. note [2], lettre latine 145.

  3. Chirurgie et médecine proprement dite.

13.

V. supra note [7], pour la description de la valvule iléo-cæcale par Salomon Alberti. Celle des valvules veineuses (v. note [12] de Thomas Diafoirus et sa thèse) est généralement attribuée à Girolamo Fabrizio (Fabrice d’Aquapendente, v. note [10], lettre 86), dont Éloy dit qu’Alberti fut un des disciples à Padoue.

L’existence de valvules dans les veines et la découverte de leur fonction ont permis à William Harvey de comprendre la circulation du sang (v. note [12], lettre 177). Thomas Lauth a résumé les grandes étapes de ce progrès décisif dans son Histoire de l’anatomie (Strasbourg, F. G. Levrault, 1815, in‑4o, tome premier, pages 425‑428) :

« La structure des veines est encore essentiellement distinguée de celle des artères par les valvules placées à leur surface interne. La découverte de ces valvules n’appartient pas à J. Sylvius, comme l’a dit Rolfinck, {a} Sylvius parlant seulement des rebords élevés à l’origine des grandes veines, et ne décrivant pas les replis valvuleux placés au milieu de ces vaisseaux. On est plus fondé à reconnaître pour auteur de cette découverte soit Canannus, {b} soit J. Fabrice, et c’est en faveur de ce dernier qu’Albinus en réclame l’honneur, {c} parce qu’il prétend que Canannus n’a vu que les rebords qui s’élèvent à la naissance des branches veineuses. Je n’ai pas pu vérifier ce point, n’ayant pas pu me procurer le traité de Canannus ; et j’en suis d’autant plus fâché que les auteurs contemporains, en parlant de cette découverte, paraissent avoir eu en vue les véritables valvules. Amatus de Portugal remarque que le sang ne peut pas traverser la veine azygos en sens inverse, {d} l’air même qu’on y souffle par un tuyau y étant arrêté par les valvules qu’il a vues, en 1547, à Ferrare, sur une douzaine de cadavres et d’animaux. Il ajoute que Canannus a fait la même remarque. Les véritables valvules paraissent trop clairement indiquées ici pour penser qu’on ait entendu par cette dénomination le rebord du tronc veineux, qui se divise en deux branches. La manière douteuse dont Fallope s’exprime est un autre argument favorable à l’opinion que je viens d’exposer : {e} il dit qu’Amatus prétend avoir remarqué dans les veines des couvercles ou valvules semblables à celles qui existent à l’orifice des vaisseaux du cœur ; Fallope savait donc qu’il avait été question, de son temps, des vraies valvules, propres à arrêter le cours du sang. Que Fallope ait nié l’existence de ces valvules et qu’il ait soutenu qu’on s’est toujours trompé au sujet de la direction du sang, cette assertion ne peut nuire en rien au véritable état des choses. Si la découverte de ces valvules paraît douteuse à l’égard de Canannus, Fabrice, au moins, est dans le cas d’en partager la gloire avec Piccolomini, {f} qui dit que tous les anatomistes ont oublié de parler des valvules innombrables placées dans la cavité des veines, et semblables aux valvules des vaisseaux du cœur. D’autres attribuent la découverte des valvules dans les veines à un savant étranger à la médecine. Vesling, par exemple, informa Thomas Bartholin, pendant son séjour à Padoue, que Jér. Fabrice tenait la connaissance de ces valvules de Fra Paolo Sarpi, anecdote répétée par Grisselini dans la vie de ce célèbre religieux. {g} Au reste, il faut distinguer la découverte des valvules de leur description. Fabrice fit, en 1579, la démonstration de ces parties à ses élèves dans la ville de Padoue. Le rapport en étant parvenu à Salomon Alberti, qui avait précédemment une idée vague de l’existence de ces valvules, il procéda, sur cet avertissement, à un examen plus attentif. Alberti écrivit à ce sujet un petit traité dans lequel il reconnaît qu’il a été guidé par les observations de Jér. Fabrice. {h} Celui-ci parle, de son côté, avec éloge du traité d’Alberti dans la dédicace à la nation germanique placée à la tête de son propre traité sur les valvules, {i} où il en réclame la découverte ; et il me semble qu’on doit l’en croire car Fabrice, qui dit que Fra Paolo Sarpi lui fit remarquer la mobilité de l’iris, {j} aurait de même fait honneur à ce religieux de la découverte des valvules, si elle appartenait à celui-ci. Par la même raison, je crois que Fabrice ignorait ce qui s’était passé à Ferrare au sujet des valvules, et que ce fut vraiment lui qui en fit la découverte ; mais Alberti en donna la première description, et Fabrice, une seconde plus détaillée.

Elles ressemblent, dit-il, par leur figure, à la rognure d’un ongle ; elles sont formées par une membrane mince et dense ; elles s’ouvrent vers le tronc de la veine, et se ferment dans la direction opposée ; elles sont communément placées par paires, mais il y en a aussi qui sont isolées. Fabrice a représenté les valvules dans un grand nombre de veines incisées en long, et sur le bras vivant et lié ; il remarque qu’on voit aussi les valvules quand les veines sont variqueuses, et il reconnaît que le mouvement du sang en est retardé. Il est donc bien extraordinaire qu’il n’ait pas deviné la véritable direction du sang dans les veines, qui se trouvait en quelque sorte sous ses yeux. »


  1. V. note [9], lettre 9, pour Sylvius (Jacques Dubois) ; Werner Rolfinck a correspondu avec Guy Patin.

  2. Giovanni Battista Canani (ou Cananni, 1515-1579), anatomiste de Vérone, est auteur d’une Anatomes en deux livres parue à Turin en 1574, aujourd’hui introuvable.

  3. Bernhard Albinus (1653-1721), médecin allemand, professeur à Leyde, est auteur d’un discours de Ortu et progressu Medicinæ [sur l’Origine et le développement de la médecine] (Leyde, 1702, in‑4o).

  4. V. notes [2], lettre 232, pour Amatus Lusitanus, et notule {b‑iv}, note [8], lettre latine 87, pour la veine azygos.

  5. Gabriel Fallope, anatomiste de Padoue (v. note [16], lettre 427).

  6. V. infra note [15] pour Arcangelo Piccolomini.

  7. V. notes [19], lettre 192, pour Johann Vesling, et [13], lettre 467, pour Fra Paolo Sarpi. Thomas Bartholin a correspondu avec Guy Patin.

  8. « De valvulis membranaceis quorundam vasorum anno 1579 detectis [Sur les valvules membraneuses de certains vaisseaux, observées en 1579], imprimé en 1584, et dans S. Alberti Orationes tres, Norimb. [Trois Discours, Nuremberg], 1589 » (note de Lauth).

  9. De venarum Ostiolis [Les Ostioles des veines] (Padoue, Lorenzo Pasquati, 1603, in‑fo).

  10. Muscle contractile de la pupille oculaire.

14.

Jean ii Riolan se fourvoyait : le premier ouvrage anatomique de Caspar Bauhin, De corporis humani partibus externis Tractatus, hactenus non editus [Traité sur les parties externes du corps humain, qui n’a encore jamais été publié] a paru à Bâle, ex Officina Episcopiana, en 1588 (in‑8o). La préface, Ad auditores Asclepiadeos præfatio [Aux asclépiades auditeurs (v. note [54], lettre 551)], contient deux passages qui ont directement trait au contenu du présent fragment.

15.

Anatomiæ prælectiones Archangeli Piccolhomini Ferrariensis civisque Romani, explicantes mirificam corporis humani fabricam : Et quæ animæ vires, quibus corporis partibus, tanquàm instrumentis, ad suas obeundas actiones, utantur ; sicuti tota anima, toto corpore [Leçons d’anatomie d’Arcangelo Piccolomini, natif de Ferrare (en 1526) et citoyen romain (ville où il enseigna l’anatomie et mourut en 1605) expliquant la merveilleuse fabrique du corps humain, et comment les forces de l’âme sont en relation avec les parties du corps, comme avec des instruments, pour obtenir l’exécution de ses ordres ; comme le corps tout entier au service de l’âme tout entière] (Rome, Bartolomeo Bonfadino, 1586, in‑fo) ; ce passage se trouve à la page 86 :

Valvæ tres, quemadmodum in corde, ad cæcum intestinum sut additæ, tanquam ostiola quædam deorsum spectantes, hunc in finem, ut materiam in intestinis gracilioribus conclusam, deorsum illabi sinant, illapsam autem, in crassiora impediant ne sursum resilire possit. Proinde harum valvarum interventu, quicquid in crassioribus intestinis, sive stercus, sive putridus flatus, extiterit, prohibetur, ne in violentis abdominis compressionibus, in tenuiora, nobilioraque intestina, possit refundi, ad præpediendas nobiliores naturæ functiones. Has autem valvas, cæco esse addictas, observatione deprehendes, si colon inferne impleveris aqua, illudque sublime suspensum teneas, cernes, nihil prorsus aquæ, valvas illas perfluere, et in graciliora intestina subire. Sed quid de aqua dico ? Cum si rectum intestinum, aere ac flatu, qui longè aqua est penetrabilior, sufflando impleveris, ne minimum quidem flatus erumpere videbis à colo et cæco, in ileon, tam arctè claudunt valvæ illæ. Imo, si pugno premas colon, potius aliquid disrumpetur, quam valvæ illæ cædant, flatus ascensui, in graciliora intestina. Quid plura ? Hoc tibi exploratum evadet, si experientia adhibita, hoc tibi exploratum fieri, operam naves.

[De la même manière que dans le cœur, trois valves s’adjoignent au cæcum, comme de petites portes s’ouvrant vers le bas, pour permettre que la matière contenue dans l’intestin grêle s’écoule vers le bas, et empêcher qu’une fois écoulée dans le gros intestin, elle ne puisse refluer vers le haut. {a} Ainsi donc, par l’intervention de ces valves, tout ce qui sort du gros intestin, qu’il s’agisse de matière fécale ou de ventosité putride, est empêché, si l’abdomen est violemment compressé, de pouvoir être refoulé dans le plus noble intestin grêle, pour y entraver l’exécution des plus nobles fonctions de la nature. Une observation vous permettra de découvrir ces valves qui s’adjoignent au cæcum : si, par en bas, vous remplissez le côlon avec de l’eau, puis que vous le tendez suspendu en hauteur, vous verrez distinctement que pas une goutte d’eau ne franchit ces valves et ne pénètre dans l’intestin grêle. Mais pourquoi ne parler que d’eau ? Quand vous emplissez le rectum en y injectant de l’air et du vent, qui pénètre beaucoup mieux que l’eau, vous verrez que pas même une bulle ne passe du côlon et du cæcum dans l’iléon, tant ces valves sont hermétiques. Qui plus est, si vous serrez le colon avec le poing, vous le romprez plutôt que faire céder ces valves et passer de l’air dans l’intestin grêle. Que dire de plus ? Vous serez convaincu de cela si vous prenez le soin d’exécuter cette expérience, et cela vous paraîtra évident]. {b}


  1. V. supra notules {g} et {h}, note [8], pour la citation de ce passage dans le Theatrum anatomicum de Caspar Bauhin (1621) et pour l’analogie avec les valvules cardiaques.

  2. En renvoyant le lecteur à cet extrait, Jean ii Riolan semblait vouloir prendre Bauhin en flagrant délit de plagiat, tant la démonstration de la valvule iléo-cæcale par Piccolomini, publiée en 1586, ressemblait à celle que Bauhin avait donnée dans la préface de son traité de 1588 (v. supra note [14]) ; mais ce serait oublier que Riolan disait ignorer l’existence de ce dernier livre, et que Bauhin avait décrit sa propre expérience dans son livre sur la césarienne paru en 1582 (et que Riolan connaissait). Piccolomini n’y a, apparemment, ajouté que l’injection d’air à celle d’eau.

16.

Casserius Piacentius (que la copie latine du texte de Jean ii Riolan appelle ici Placentius) est le nom latin de l’anatomiste Giulio Cesare Casseri (1552-1616), natif de Piacenza (Plaisance), disciple de Fabrice d’Aquapendente. Casseri a notamment laissé de somptueuses Tabulæ Anatomicæ lxxiix [Soixante-dix-huit planches anatomiques] (publiées par Daniel Bucretius à Venise, Evangelista Deuchinus, 1627, in‑fo), dont la planche v, livre viii, montre :

V. supra note [9] pour la description de la valvule par Fabrice d’Aquapendente publiée en 1591. Je n’ai pas trouvé l’ouvrage dont parlait Riolan en se référant au livre de Fabrice « sur l’estomac ».

Il est impossible de donner raison à Riolan après avoir pesé tous ses arguments. Voici la séquence que je crois être la plus défendable.

Les insinuations insultantes et insistantes de Riolan étaient à mon avis parfaitement infondées, et la nomenclature a rendu justice à Bauhin en attachant son nom à celui de la valvule iléo-cæcale. Son infortune me semble être venue de sa candeur de jeune anatomiste :

Cette histoire, dont le recto, apparemment insignifiant, d’une feuille de brouillon m’a incité à avoir le fin mot, montre à quel point il convient de détacher ses œillères, de remonter aux sources, de confronter les textes et les dates, pour discerner le probable du faux. Le faire avec négligence, c’est s’exposer à des erreurs, capables de ternir une réputation, comme a fait Éloy, avec une consternante autorité :

« Bauhin était laborieux et comme il prit beaucoup de soins pour recueillir ce qu’il y avait de mieux dans les auteurs qui ont traité de l’anatomie et de la botanique, et pour rédiger chaque partie en un seul et même ouvrage, il se fit par là une réputation aussi solide que s’il eût écrit de son propre fonds. Il passa même pour habile anatomiste, quoiqu’il eût disséqué assez rarement. Mais Riolan ne le regarda pas comme tel ; il poussa la vivacité de sa censure jusqu’à le traiter d’homme vain, sans jugement et sans connaissances. Il lui reprocha encore de se parer des découvertes d’autrui, spécialement au sujet de la valvule placée entre l’ileum et le côlon. Quoiqu’en ait dit Bauhin, quoiqu’il assure d’avoir aperçu cette valvule en 1579, avant qu’aucun auteur en ait fait mention, il est certain que Varolius et beaucoup d’autres en avaient fait une description exacte longtemps avant lui ; cependant, cette valvule a retenu jusqu’aujourd’hui le nom de Bauhin. »

s.

Ms BIU Santé 2007, fo 247 ro.

Hanc [pagina]m ad me miserat D.
Dupuis, Chirurgicus Parisiensis.

Consilium pro iuvene Noviodunensi, viscerum intemperie et ulcere in mesenterio la[tente,]
habitum cum D. Seguyn, Christianiss. Reginæ Med. primario, suis in ædibus, die 7. Ma[rtis 16…]

Nobilis vir de magno affectu conqueritur, à quo ut sanetur consilium nostrum requirit : id[circo]
quid de eo sentiam, breviter explicabo. Omnis medendi methodus circa à tribus præcipuis pendet, […]
dignotione nimirum, prænotione et curatione. Diagnosis : Diagnosis tria alia demonstrat, partem afec[tam],
causam et speciem morbi. Pars affecta hic multiplex est ; partes nimirum omnes nutritiæ : imprimis
v. hepar et lien, quorum viscerum intemperiem et άτόνιαν detegit ipse color in ægri nostri facie
conspicuus, unde fit ut qui eo modo colorati sunt, à Gal. lib. de loc. affect. hepatici dicantur.
Intestina quoq. affici indicat molestum et importunum alvi profluvium, quod etiam partim à
prædictorum viscerum imbecillitate fieri crediderim : sed diarrhœam hanc multò graviorem et pericu-
losiorem facit aliud symptoma, rarum sanè et insolitum, sed periculosissimum, quod nempe
sit purulenta : pus etenim deijcit æger quotidie, syncerum, seorsum et alvi fæcibus impermistum,
magna interdum copia, absq. ullo sensu doloris ; quod quidem pus aliunde quàm à mesenterio
decidere vix crediderim : neq. enim, ut ait eruditiss. Fernelius, lib. 6. patholog. cap. 7. ab inflammatis
intestinis, neque à ventriculo potest posset sine vehementi dolore prodire : ex iecoris .v. aut
lienis inflammatione, febris vehementior affligeret, omniáq. symptomata fierent gravissima :
neq. tam syncera sanies seorsum ob longiorem viæ tractum exiret. Renes etiam affecti non
illac, sed per urinas repurgarentur. Itaq. unum mesenterium reliquum est in abdominis
capacitate, quod sub illis notis inflammatione tentatum, pus per alvum
eo modo possit evomere. Causa morbi est supervacuorum humorum sordida et
impura colluvies, ex intemperante victu, et liberaliore meri generosi potu, ea quantitate collecta, ut
destinatis à natura receptaculis tota excipi non potuerit, ita ut non parva eius portio in vicinas sedes
illapsa sit, præsertim .v. in pancreas et mesenterium, quæ totius corporis veluti sentina sunt. Species
morbi est viscerum nutritioni dicatorum summa intemperies calida cum materia impura ; et abscessus
ut reor, in infima parte mesenterij, ab acri et putrida materia illuc congesta, tanquam à […] exortus.
Prognosis. Et hæc de propositi affectus diagnosi : veniamus ad prognosim. In magno sanè et ancipiti versari periculo ægrum
opinor, tum ratione intemperiei, tum ratione ulceris, quod continuò per alvum pus demittit, unde etiam verendum
est ne diarrhœa illa, præ humoris acrimonia, in dysenteriam tandem transeat, et ulcus in intestinis immedi-
cabile efficiat : florida tamen ægrotantis ætas, validæ adhuc vires, æger Medicorum consilijs obtemperans, et
anni tempestas curationi quam intendimus idonea, aliquo modo me recreant, et omnem curationis spem adhuc
non adimunt. Eam itaq. sic auspicandam censeo autumno. Therapia. Iniecto primùm in alvum enemate ex iiij. emoll. de hordeo,
cum melle rosaceo, sacc. albo, et vitello ovi, sicq. expurgata prima corporis regione, secandam venam in
cubito censeo, non equidem ratione ulceris (etenim qua ulcus est, solam exsiccationem ad sui curationem requirit,) sed, tum
ratione intemperiei hepati affixæ, tum ut faciliùs in posthac in actum promoveantur cathartica à nobis præscri-
benda : dein unaquaq. hebdomada repurgetur corpus potu ex folijs Oriental. rheo, vel cassia confecto,
infusis in decocto radic. cich. oxalid. gram. capillar. et agrimonij ; cui tantillum addetur syrup. diarrhod.
solutivi. Eo potu pluries repetito, et expurgato corpore, ad aquas medicatas, verbi gratia Spadenses, Pugenses,
aut Forg Forgenses se conferet, quib. fluida semper alvo, aut na[tur]æ aut artis opera, per mensem ad
minus quotidie bis liberaliter utetur ad ulceris detersionem et exsiccationem. Interea diæta utatur
refrigerante et mediocriter exsiccante ; aerem purum et sicciorem respiret : sorbeat ; pane optimo, iusculis omphacio
multo alteratis, gelatina, ovis et carnibus avicularum pascatur : pisces, etiam hac sancta quadragesima,
cane peius et angue fugiat ; ab omni fructu horario, dulciario cibo, piperatis et salsis abstineat : potus ei sit
decoctum hordei, radic. aperient. graminis, taraxachi, acetosæ, agrimonij et capillarium, cum pauco vino,
cui nimiùm assuevit, eóq. albo potiùs quàm rubro. Ex aquis medicamentistis redux, iterum blando cathartico
expurgato corpore, ad lac asininum se conferat, quo sese repleat et saginet quo usque increpata
et integra sanitate fruens, omnes in sano homine sano requisitas functiones perbellè obeat. Hæc est mea sunt quæ
huic affectui curando mihi videntur convenire.

Hæc omnia probavit D. Seguyn, quib. etiam iniunxit uzum usum quotidianum hydromelitis cuiusdam
exsiccantis et detergentis, et Pugenses aquas commendavit.

t.

Ms BIU Santé 2007, fo 247 vo.

Bauhinus, ut dixit Riolanus, cùm eius scripta circa
annum 1591. à Cortesio edita fuerint.
Sed ille
dissimulavit Varolium scriptis anatomicis innotuisse, in
Academia Patavina anno Domini 1572, ut liquet ex libello de
nervis opticis ad Mercurialem
, et eiusdem Mercurialis responsione
ad Varolium
. Eodem tempore librum suum Anatomicum
consignavit Mediovillano Secretario Boncompagni fratris Summi
Pontificis Gregorij 13. qui creatus fuit anno 1572.
et 13. annos pontificatim exercuit. Ex his intelligitur
valvulam à Varolio inventam fuisse, priusquam Bauhinus
natus et notus fuisset in mMedicina. Nam à se reperire
gloriatur anno 1579. quo tempore vix dum sacris
Anatomicis initiatus erat, quoniam anno 1618 quo secundam
editionem sui Theatri Anatomici publicavit, fatetur
se per annos 40 Anatomicis rebus operatum fuisse.
At eodem anno 1579 Bauhinus medicinæ studiosus erat
et auditor atque spectator Anatomiæ Parisijs celebratæ à Pinæo,
ut ipse testatur in opusculo Anatomico de notis
Virginitatis
. Præterea eodem anno Salomon Albertus
publicè docebat Anatomem Wittebergæ, quo tempore valvulas
venarum, et istam coli valvulam detexisse primum scripto
edito declaravit, sed hoc Bauhinus subticuit, quamvis
verba Salomonis Alberti referat. Ipse verò Bauhinus
circa annum 1599. Anatomica scriptis mandare coepit.
Adde quod Archangelus Picolominus Medicus Romanus, in
suis prælectionibus Anatomicis
, quas edidit anno 1586,
mirificum naturæ artificium ad principium cæci colocatum,
videlicet tres valvulas revelavit, eo fine constructas,
ut remeantibus sordibus obsisterent. Frustrà gloriatur
Bauhinus quod Aquapendens, et Placentinus, percelebres
Anatomici Patavini, in suis administrationibus Anatomicis huius valvulæ
inventionem illi tribuere solebant, quoniam Fabri[cius]


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits. Consultations et mémorandums (ms BIU Santé 2007) : 16

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(Consulté le 27/04/2024)

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