L. 192.  >
À Charles Spon,
le 10 août 1649

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 10 août 1649

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(Consulté le 19/03/2024)

 

Monsieur, [a][1]

Comme je fus obligé, le vendredi 23e de juillet, d’écrire un mot de réponse à M. Ravaud [2] pour son Sennertus[1][3] je vous ai envoyé par la même voie une lettre de deux pages contenant ce qui était arrivé ici jusqu’à ce jour-là de nouveau. Maintenant je puis vous dire que depuis ce temps-là, nouvelles nous sont venues qu’il y a du bruit qui sonne bien haut dans l’Auvergne et autres endroits, qui protestent qu’ils ne paieront point de tailles [4] à l’avenir. On dit même que ceux de Marseille [5] se sont mis du parti du parlement d’Aix [6][7] contre le comte d’Alais, [8] qui a reçu du pis par la défaite de plusieurs des siens. [9] Je voudrais que le dernier de ces mazarins fût au fond de la mer, l’infamie de notre nation me fait honte. Autrefois la Sicile a tant tué de Français tout en un jour [10] et aujourd’hui, toute la France ne saurait se défaire d’un faquin de ministre d’État [11] siciliot qui entend le métier dont il se mêle comme je m’entends à faire des sabots. [2] Utinam eiusmodi Aquensibus et fœderatis faveat melior Fortuna quam nobis, ut possint felicius pugnare, et a tetra tyrannide Italica et aulica patriam liberare[3] Tandis que de tous côtés on parle des affaires publiques, il s’en est passé une particulière bien étrange en Bretagne, où le parlement [12] a fait couper la tête à deux dames de qualité pour l’assassinat qu’elles ont commis sur un nommé de Palerne [13] qui était fils du greffier en chef du parlement de Rennes. Ces deux dames sont la comtesse de Vignory, [14] et sa propre fille qu’elle avait fait épouser à ce malheureux Palerne, qu’elles avaient tâché de faire tuer à la chasse ; mais n’y ayant été que blessé, elles tâchèrent de gagner le chirurgien qui pansait sa plaie afin qu’il l’empoisonnât ; de quoi n’ayant pu venir à bout par la fidélité du chirurgien, elles prirent ensemble résolution de l’étrangler, et l’exécutèrent puis le firent enterrer. Quelques jours après, l’affaire ayant été découverte, leur procès a été fait. [4][15] Je pense que vous avez bien su comment un imprimeur nommé Morlot [16] avait ici été condamné d’être pendu et étranglé dans la Grève [17] le mardi 20e de juillet, et comment au sortir du Palais, il fut sauvé de la main des archers et du bourreau par le peuple, qui s’écria et s’escrima rudement pour ce pauvre malheureux qui avait été surpris en imprimant des vers satiriques contre l’honneur de la reine. [18][19] Maintenant on dit que ce même homme mourut le lendemain au soir. Les uns disent d’une saignée du pied, laquelle fut trop ample ; les autres disent de ce qu’on lui donna trop de vin à boire. D’autres disent qu’il n’est pas mort et que l’on fait courir ce faux bruit afin que l’on ne le poursuive point davantage. Ut ut sit[5] il l’a échappé belle.

M. le chancelier[20] qui est toujours ici, a été d’avis que M. le prévôt des marchands [21] accompagné de quelques échevins, [22] colonels de la Ville, conseillers de l’Hôtel de Ville et autres fissent une célèbre députation à Compiègne [23] vers la reine, [6] afin de la supplier de vouloir ramener le roi [24] son fils à Paris ; ce qu’ils ont fait. Elle leur a promis d’y revenir bientôt, mais qu’elle veut seulement auparavant donner ordre à l’armée qui est sur la frontière. Les six corps des marchands [25] y sont allés aussi lui remontrer que si elle ne revient à Paris tout le commerce s’en va cesser. [7] La Dame Anne fait comme les belles femmes qui en ont bien envie et qui ne laissent pas de se faire prier.

Aspera si visa est, rigidasque imitata Sabinas,
Velle, sed ex alto dissimulare puto
[8]

C’est elle qui a bien envie d’y revenir et qui néanmoins s’en fait prier. Elle voit que toutes les affaires manquent et que la campagne ne veut point payer la taille ; [26] que l’an qui vient elle n’aura pas un sol ; que les paysans disent qu’ils ne donnent plus rien puisque le roi n’est point à Paris ; que tout le monde s’accoutume à ne rien payer ; que l’on dit tout haut que si elle ne revient à Paris, que l’on s’en passera ; que l’on menace ici, dans le mois de septembre, de jeter dans la rivière tous les commis qui reçoivent les deniers publics aux portes pour les entrées de la ville, [27] lesquelles sont de grand revenu ; que tout le commerce manque aux uns et branle aux autres ; [9] que le duc d’Orléans [28] en a déjà parlé plusieurs fois à elle-même et qu’il a dit au Mazarin qu’il fallait ramener le roi à Paris, ou autrement que tout était perdu, que dans trois mois il n’aurait pas un sol. Si bien que l’on dit d’un côté que les partisans pour leur fait, et tous les courtisans et officiers du roi pour leur intérêt, portent fort la reine à revenir pour tâcher de rétablir leurs affaires à Paris, d’autant que quand elle y sera, les bourses se pourront délier, que l’on tient aujourd’hui fermées et cachées par toute la France sous ombre du soupçon que l’on a, non sans grande apparence, que la reine a encore quelque mauvais dessein tant sur Paris que sur d’autres provinces, dont Bordeaux [29] et Aix [30] donnent et servent de fort < bons > exemples. Il y en a pourtant ici qui disent qu’elle ne reviendra point. Non sum de prosapia prophetarum[10] je ne me mêle point de prédire in re tam fortuita[11] mais je pense que la nécessité de ses affaires l’y portant, elle viendra ici prier Dieu à Notre-Dame [31] le 15e du présent mois ou le 8e du futur, par la dévotion singulière qu’elle a, ou au moins qu’elle a eue autrefois à cette bonne mère de Dieu. [12] Cette dévotion lui peut servir de prétexte à revenir en cette ville, dont le séjour lui est aussi nécessaire pour ses affaires qu’il devrait lui être agréable ; et après y avoir été quelques jours, elle s’en ira passer le reste de l’automne à Fontainebleau ; [32] sauf à voir ce qu’elle fera et de quels nouveaux conseils elle se lairra mener l’hiver qui vient, duquel chacun se doit défier. Aussi fait-on de deçà et à cette fin, la plupart des familles ont ici du blé de provision. On dit fort ici que M. le duc d’Orléans fait tout ce qu’il peut afin de faire ici ramener le roi, et qu’il a dit au Mazarin qu’il fallait que cela fût pour le bien du roi et de tout le royaume, qui lui a répondu, Ah, Monsieur, vous voulez donc tout perdre, je suis donc perdu. Vous voyez par là que si ce Gaston voulait un peu faire le méchant, qu’il se ferait aisément craindre ; mais c’est un bon garçon, il se laisse gagner et mener par le nez pour peu de chose, c’est une bûche que la reine emporte et fait aller trop aisément. [13] On pourrait bien mieux espérer quelque chose de bon du prince de Condé [33] qui est plus fin et plus habile homme, d’un esprit couvert et caché ; mais c’est un homme dangereux qui aime l’argent et par conséquent, que le Mazarin ne manquera pas de gagner à soi et d’attirer à son parti puisqu’il est capable de toute sorte de corruption. [14]

Pour réponse à votre dernière du 30e de juillet, je vous prie de dire à M. Ravaud que j’ai appris dans la rue Saint-Jacques [34] que ceux de Rouen ne continuent point leur impression du Sennertus de Lyon. À quoi j’ai répondu que ceux de Lyon ne se souciaient point de ceux de Rouen ; que leur édition serait la plus tôt faite, qu’elle serait tout autrement plus belle, très correcte ; que je connaissais bien les habiles gens qui s’en mêlaient ; que la copie était bien choisie, deux traités nouveaux ajoutés du manuscrit de l’auteur ; et en vertu de tout cela, un bon privilège du roi par lequel ils ne craignent rien ; joint que j’étais bien informé que M. Berthelin [35] ne travaillait que sur la copie de Paris, laquelle était misérablement diffamée, et qu’ils ne pouvaient rien faire de bien ; et par conséquent, que Lyon mangerait Rouen infailliblement. [15] Tous deux furent de mon avis et dirent que Berthelin avait bien fait de cesser, mais qu’il était à souhaiter que ceux de Lyon aussi continuassent de se dépêcher, d’autant que tout le monde en manquait et que le livre aurait un grand débit à cause de cette nécessité. Voilà ce que je sais pour le présent de cette affaire.

Je suis fort en peine des nouvelles de M. Volckamer, [36] duquel je n’ai rien reçu il y a longtemps. M. Picques [37] m’a assuré que son ballot, dans lequel est enfermé notre manuscrit, est en chemin et qu’il attend bientôt des nouvelles qu’il soit à Lyon. Fiat, fiat[16] afin que nous le puissions bientôt toucher. C’est une des choses que je souhaite le plus de voir en ce monde après la paix générale et vos bonnes grâces, desquelles je vous demande la continuation s’il vous plaît. Quand ce beau et précieux manuscrit m’aura été rendu, je ferai tout ce que je pourrai afin de le mettre sous la presse cum Χρηστομ. φυσιολογ. [17][38] et en faire un bon volume ; mais il faut dire à la charge que le temps sera changé pource qu’en l’état de nos affaires, nos libraires ne veulent rien entreprendre et pour certain, ne le feront point si Dieu ne met la main à nos affaires.

M. Riolan [39] est bien fâché de la mort de M. Walæus [40] de Leyde. [41] Il espérait que cet auteur examinerait sa Circulation [42][43][44] et en attendait plus de lui que de pas un. [18][45] On dit que Veslingius [46] se prépare pour lui répondre, mais M. Riolan n’en fait pas grand cas. [19] Je n’ai point vu depuis M. Becker, [47] je pense qu’il est retourné à Orléans. [48] Je vous dirai en passant de lui ce que j’en ai trouvé : il est grand menteur et hoc sæpius deprehendi[20] et de plus, more suo sapit, nec habet ingenium practicum ; [21] il ne comprend pas même les premières vérités de notre métier. Pour Sebizius, [49] je m’étonne qu’il manque d’imprimeur [50] pour son service à Strasbourg, vu qu’il y en a tant et qu’il a grand crédit en cette ville ; mais je suis en tout de votre avis touchant le mérite de ce Sebizius que je révère fort et que j’ai toujours fort estimé. Il me semble qu’il n’a rien fait que de fort bon ; au moins, tout ce que j’ai vu de lui me semble bien curieux et fort élaboré. [22]

Nobilis tuus Holsatus [23] m’a envoyé quérir, je l’ai fait saigner [51] une fois, je l’ai revu encore une fois depuis ; [52] il fait difficulté de se purger [53] disant qu’il fait trop chaud. Je pense qu’il est débauché. Il m’a dit qu’il me renverra quérir quand les grandes chaleurs seront passées, ce qu’il fera s’il veut. Et en attendant, je vous remercie du soin que vous avez de me procurer diverses connaissances dont il me peut revenir de l’honneur et du profit. Utinam liceat retaliare[24] Vous m’obligeriez fort de me dire ce que vous trouvez à redire du titre de mon livre que je vous ai envoyé. [54] Il me semble que vous le louez trop et néanmoins, on m’a dit qu’il est trop long pour un petit livre. Vide annon quoque alium aliquem nævum in eo deprehendas[25] et m’en parlez librement afin que je vous reconnaisse mon ami parfait en cela aussi bien qu’en toute autre chose. Les méthodes de Frisimelica [55] et de Pernumia [56] ne me déplaisent pas, [26] mais néanmoins je suivrai la méthode ordinaire et y donnerai bon ordre pour les tautologies, dont je dirai aussi quelque chose dans ma préface ; joint que in tradendis artibus et disciplinis si eadem res variis in locis interdum repetatur, non est semper tautologia ; aut saltem crimen non est, si in proprio loco res doceatur[27] J’ai dessein de ne faire qu’un petit livret de 12 sols afin que personne ne puisse se plaindre de grande dépense à l’acheter et qu’on n’ait guère de choses à me reprocher si on ne le trouve bon. Je l’amenderai néanmoins autant qu’il me sera possible ; même, je mettrai dans ma préface que si quelqu’un a regret de l’avoir acheté, que je m’offre de lui en rendre l’argent. Mais je vous prie, traitez-moi en ami, avertissez-moi de ce qui vous semble dans le titre que je vous ai envoyé, ou me dites quelque chose touchant mon dessein. Hoc debes amico[28] de qui voulez-vous que j’attende de bons avis que de vous ? Et combien que je sois naturellement fort docile, je vous avertis qu’il y a bien du monde que je n’écouterais point s’il m’en voulait donner, et au jugement duquel je ne m’arrêterai point.

Hier 6e d’août fut rompu [57] à la Grève un jeune voleur qui a confessé d’avoir tué sur les grands chemins 17 hommes l’un après l’autre. Personne n’a réclamé ce franc voleur, combien qu’il ait été exécuté à la vue de tout Paris au milieu de la Grève. L’imprimeur Morlot en a été quitte à meilleur marché, qui n’en est pas mort et se porte bien. [5] Hier au matin, un voleur qui avait affronté [29] un orfèvre d’un diamant de grand prix fut arrêté bien près du grand Châtelet [58] où on le conduisait. Comme il se vit attrapé, il commença à dire que c’était pour un loyer de maison ; aussitôt, une infinité de peuple se jeta sur les sergents et délivra cet homme. Voilà comment l’injustice se couvre d’un faux manteau, dum licet insanienti plebeculæ, vim superiorem non agnoscenti[30]

J’ai reçu le livre que M. Falconet m’a envoyé en trois volumes de Philosophia Epicuri et lui en ai écrit et remercié le même jour. [31] Il me semble que c’est un bel ouvrage, vastum pelagus et ingens thesaurus amœnæ et omnigenæ eruditionis ; [32] mais le tout serait encore plus beau s’il consistait tout en un volume dont les pages fussent plus grandes. Je vous prie d’une faveur sur ce point, qui est de me mander à quel prix M. Barbier [59] a mis ces trois livres en blanc, pris dans Lyon. Je souhaite à M. Gassendi [60] longue et heureuse vie afin qu’il puisse jouir de l’honneur qu’il mérite d’un tel livre.

Le deuxième tome de Famianus Strada [61] de bello Belgico a été traduit en français [62] et imprimé en in‑fo, comme le premier ; on s’en va commencer à le débiter. [33] La plupart de nos libraires sont Gallico gelu frigidiores [34][63] et ne peuvent amender que par le retour du roi.

Il y a eu du bruit à la fin du mois passé à Romorantin, [64][65] petite ville de Sologne entre Bourges [66] et Orléans : [35][67] quelques maltôtiers y ont été tués et massacrés ; M. le chancelier, qui connaissait celui qui avait été la cause de ce tumulte, a bien prudemment donné ordre de l’attraper, ce qui a été fait ; et a été conduit à Montargis [68] où son procès lui a été fait, et condamné à mort ; mais quand on est venu pour l’exécuter le peuple l’a délivré comme l’imprimeur l’a été de deçà. [5]

On dit que le roi sera ici pour la mi-août à cause de la nécessité de ses affaires, dont tout le monde se réjouit de deçà, et entre autres les partisans et ceux qui leur ont prêté ; mais ils ont beau faire, ils ne seront jamais payés par les deniers qui seront levés des impôts qui dorénavant seront établis. [69] Le peuple n’est plus grue, maître Gonin est mort. [36] Les ministres ont par leur imprudence et mauvais conseil fait connaître au peuple de Paris sa force, qui en est tout insolent, et en même moment ont montré leur faiblesse et leur pauvreté. On dit que Gaston et M. le Prince veulent que le roi revienne à Paris ; qu’ils demandent que l’on tienne parole à M. de Bouillon-Sedan [70] et qu’il soit récompensé de sa principauté. [71] Ils demandent aussi l’Amirauté, [72] mais je ne sais pour qui c’est. Si cela est, le Mazarin se trouvera pris entre deux feux. [37]

Il y a ici eu du bruit au Parlement depuis quelques jours pour des lettres que le parlement de Provence a écrites à celui de Paris. Les conseillers qui les ont reçues demandent que lecture en soit faite en plein Parlement, les chambres assemblées ; à quoi résiste depuis trois jours le premier président[73] qui ne veut ni ne peut souffrir cette assemblée des chambres ; la délibération en est remise à demain mercredi. [38] Les mazarinistes font ici courir le bruit que les affaires sont apaisées et que tout est d’accord en Provence, mais les gens de bien disent que non. Le comte d’Alais est ici fort détesté et haï, et encore davantage sa femme que l’on dit être une méchante diablesse. [39][74] Quelques-uns disent ici, que ceux de Provence ne sont pas à plaindre vu que combien qu’ils nous eussent donné adjonction durant notre guerre, [40] néanmoins, sans faire autre chose, ils nous abandonnèrent et firent leur accord sans nous en parler dès le 21e de février, [41] qui était un temps où les mazarins commençaient déjà fort bien de se lasser de la guerre et où nos affaires étaient apparemment très bonnes, et que nous étions les plus forts ; mais à vous dire vrai, je ne veux point de mal pour cela à ces pauvres Provençaux qui firent leur accord de la sorte, peut-être y étant fort pressés d’ailleurs, peut-être y étant alléchés par quelques conditions avantageuses que le Conseil et les ministres mazarins leur offraient, qu’on ne leur a pas tenues. Tout au moins, je les plains comme bonnes gens et qui ont fait ce qu’ils ont fait pour le bon parti. On dit que la peste est bien forte à Marseille : [75][76] eût-elle, la méchante bête, bien dévoré le comte d’Alais et sa femme et tous ceux qui sont de leur parti, [42] qui ont si cruellement détruit et ravagé ce pauvre pays. [43]

Une dame m’a dit ce matin, que la Provence était pacifiée et que la reine avait approuvé et ratifié tout ce que M. d’Étampes de Valencay, [77] conseiller d’État, y avait négocié et réglé ; et même que le courrier était parti d’ici pour s’y en retourner. Cette dame est voisine et bonne amie de Mme d’Étampes, c’est pourquoi j’en crois quelque chose.

Je suis fort en peine de M. de Volckamer, j’ai peur qu’il ne soit malade, il y a longtemps que je n’ai point de ses nouvelles. Je souhaite pareillement bien fort de pouvoir apprendre quelques nouvelles de mon manuscrit pathologique de 50 écus[17]

Je vous prie derechef de dire à MM. Ravaud et Huguetan, [78] que Vlacq, [44][79] libraire anglais, m’est venu assurer céans que l’impression du Sennertus de Rouen [15] est faillie et que M. Berthelin a tout mis bas afin de n’avoir pas de concurrence avec eux ; que ledit Vlacq désire fort d’être en leurs bonnes grâces et que s’ils veulent, il fera bien débiter de leurs Sennertus en Angleterre et en Hollande ; mais à la charge qu’ils lui en enverront bon nombre un mois ou deux plus tôt qu’aux autres. Ces Messieurs qui sont bons et sages, et habiles gens et qui entendent à demi-mot, recevront l’offre de cet Anglais de bonne sorte et comme ils savent qu’il faut traiter avec cet homme. Je ne leur en écris que ce qu’il m’a prié de faire céans. Pour moi, je n’y prétends autre intérêt que le leur et que celui du public, c’est-à-dire que le Sennertus de Lyon soit bientôt achevé, qu’il soit beau et bien correct. Le syndic des libraires plaide ici contre ledit Vlacq, qui l’a fait mettre prisonnier au Châtelet, et a été condamné à 100 livres d’amende. Ils lui font encore d’autres procès pour d’autres articles ; et entre autres ils ont saisi sur lui quelques livres où se sont trouvés deux exemplaires Encheiridii Anatomici et Pathologici Io. Riolani [80] qu’ils ont imprimé depuis peu à Leyde in‑8o avec des figures anatomiques[45][81][82] J’ai prié M. Meturas [83] pour cet Anglais qu’il n’intervînt point en procès contre lui, qu’on lui abandonnerait les deux exemplaires. Cet homme, qui m’est obligé en plusieurs façons, m’a fort bien dit qu’il en voulait avoir raison tout du long, qu’il y dépenserait plutôt 100 écus. Et ainsi, voilà comment règnent parmi les hommes la charité chrétienne et la reconnaissance.

Plusieurs espèrent ici le retour du roi samedi prochain, ce que je ne crois pas encore et beaucoup d’autres sont de mon avis. Néanmoins, je le croirai dès que je le verrai. Puisse-t-il bien venir, et par son arrivée nous apporter la paix générale et la tranquillité publique. On dit que le Mazarin s’en va derechef à Saint-Quentin [84] et que le roi n’a quant et soi que quatre compagnies de son régiment des gardes, le reste étant à l’armée, [46] et que cela l’empêchera de venir ; joint qu’on ne croit point que la reine abandonne ainsi le Mazarin. Vale vir clarissime, et me ama. Tuus ex animo,

Patinus[47]

De Paris, ce mardi 10e d’août 1649.


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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