À Bernhard Verzascha, le 30 mai 1664, note 1.
Note [1]

Bernhard Verzascha avait envoyé à Guy Patin une édition séparée des splendides planches anatomiques illustrant le Theatrum Anatomicum [Amphithéâtre anatomique] {a} de Caspar Bauhin, {b} intitulée :

Vivæ Imagines partium corporis humani æneis formis expressæ, et ex Theatro Anatomico Caspari Bauhini Basilen. Archiatri desumptæ.

[Images semblant vivantes des parties du corps humain, gravées sur des plaques de bronze, tirées du Theatrum anatomicum de Caspar Bauhin, archiatre de Bâle]. {c}


  1. Francfort 1605 et 1621 (v. notule {b}, note [4], lettre 1024).

  2. Caspar Bauhin (v. note [7], lettre 159), père de Johann Caspar i.

  3. Bâle, Matthias Merianus, 1640, in‑4o, avec un magnifique frontispice (repris du Theatrum anatomicum de 1621).

    Les gravures ont été dessinées par Johann Theodor de Bry (v. notule {b}, note [9], lettre latine 228).


V. le supplément fortuit de la Consultation 16, que j’ai intitulé Jean ii Riolan contre Caspar Bauhin sur la découverte de la valvule iléo-cæcale, pour la vive attaque de Riolan contre Bauhin dans la deuxième édition de son Anthropographie (Paris et Francfort, 1626, v. note [25], lettre 146), qui méritait riposte.

Elle se lit dans la préface (non datée) de cet atlas anatomique, intitulée Io. Casparus Bauhinus, Medic. Profess. ordinarius in Academia Basil. Lectori et Spectatori candido S. [Johann Caspar i Bauhin, professeur ordinaire de médecine de l’Université de Bâle salue le bienveillant lecteur et contemplateur]. Louant les considérables mérites de son père (160-1624), Bauhin y a inséré cette attaque contre Riolan (1577 ou 1580-1657), sans citer son nom :

Satis enim solidæ laudis sibi domi fuit, nec aliunde vel precario vel ultro oblatum quid in subsidium ipsi vocandum. Sed, uti virtus minus sine invidia, quam flamma absque fumo, (etenim

Φθονουσιν αυτοι χειρονες πεφυκοτες,
Εις τ’απισημα δ’ο φθονος πηδαν φιλει)

exortus est post eius felicem ex hac vita migrationem homo nequam, qui dum Stentorea et Thrasonica ambitione et audacia, nihil non sibi arrogat, solus sibi placet, solus sapit, tanquam gallus in sterquilinio suo sibi plaudens : dum cæteros omnes Anatomicos sibi posthabet, suo arbitrio languorem aliorum rite partæ famæ, non solum, verum et pro sua nequitia mortem, si qua pote, illaturus : diabolico affectu, calumniante stylo, putidissimæ mentis indice, nigra nota candidissimum Bauhini nomen notat. Quicquid huic laudi datum, id sibi decessisse putat. Et, cum ipse aliorum fuerit compilator, exscriptor et consarcinator, auriginoso perversi animi oculo alios intuetur. Sed quî affectatam tyrannidem anatomicam, flagitio maledicentiæ quæsitam, bonis artibus exerceret ? Id unum sua neqitia effecit, ut palam appareat, quam efferata et diabolica malitia mens plena maledicentiam ore eructans. Bauhino quidem aliisque viris doctis, non solum famam non extinxit, sed eorum memoriam potius commendabilem, suam vero mendaciis palpabilibus execrandam reliquit : Herostrateum nimirum imitans exemplum et expertus fatum. Cæterum Patri, si vixisset, solatio fuisset, recte factorum conscientia, quorum fructus est fecisse : solatio fuissent, scripta in publico exposita, de quibus judicare integris, et sine livoris morbo sanis mentibus licet : solatio fuisset, fatum sibi cum multis viris magnis commune. Nos vero paternæ famæ honestatem, calamistrante φιλαυτιας veneno, longe anteferimus : nam secundum Tragicum Φημη τον εοθλον καν μυχω δεικνυς ιγης.

[En son pays il fut suffisamment comblé de louanges pour ne pas en quémander davantage ailleurs ; mais comme le mérite est moindre sans jalousie et, comme il n’y a pas de fumée sans feu, (le fait est que

Φθονουσιν αυτοι χειρονες πεφυκοτες,
Εις τ’απισημα δ’ο φθονος πηδαν φιλει), {a}

après qu’il fut paisiblement passé de vie à trépas, un vaurien a surgi qui s’arroge tout avec la prétention et l’audace d’un Stentor ou d’un Thrason, {b} n’ayant d’estime que pour lui-même, prétendant être le seul à s’y connaître, comme un coq battant des ailes du haut de son tas de fumier ; il tient tous les autres anatomistes pour inférieurs à lui, mettant ainsi en lumière sa réputation bien méritée d’engendrer non seulement l’ennui des autres avec ses jugements, mais même peut-être leur mort avec sa fourberie ; avec une intention diabolique, dans un style calomniateur, témoin d’un esprit totalement décrépit, il marque d’une tache noire le renom d’un blanc parfaitement éclatant de Bauhin. Il estime que tout ce qu’on a pu lui décerner de mérites, Bauhin le lui a volé ; mais comme il a lui-même été le compilateur, le copiste et le plagiaire {c} des autres, il les scrute avec l’œil jaunâtre d’un esprit vicieux. Mais sur quels bons principes exercerait-il une tyrannie anatomique que le scandale de la médisance a inspirée et orientée ? Sa malice n’aboutit qu’à étaler publiquement à quel point sa méchanceté est sauvage et diabolique, et son esprit vomit l’injure à pleine bouche. Non seulement il n’a pas fait mourir Bauhin et d’autres savants hommes, mais il a plutôt glorifié leur mémoire, laissant véritablement la sienne dans l’exécration pour ses tangibles mensonges, imitant seulement en cela l’exemple d’Érostrate et il a éprouvé le même sort que lui. {d} Autrement, pour mon père, s’il avait été en vie, la bonne conscience de ses bienfaits eût été une consolation car leur récompense est de les avoir correctement accomplis ; les écrits qu’il a publiés, que peuvent juger les esprits intègres et sains, sans jalousie morbide, eussent été une consolation ; la destinée qu’il partage avec beaucoup d’éminents personnages eût été une consolation. Nous préférons de loin la considération dont jouit le renom paternel au poison frelaté de l’amour de soi-même car, comme a dit le Tragique, Φημη τον εοθλον καν μυχω δεικνυς ιγης]. {e}


  1. « Les natures médiocres, quant à elles, sont envieuses. Ce sont les mérites insignes que l’envie se plaît à assaillir » (Euripide, Bellérophon, fragment isolé de cette tragédie dont l’essentiel est aujourd’hui perdu) : traduction de François Jouan, Euripide (Paris, Les Belles Lettres, Collection des universités de France, 2004, tome viii, 2e partie, page 25), avec mes profonds remerciements à la Pr Sophie Minon (v. note [1], lettre 115) qui m’a une fois de plus tiré d’embarras en trouvant cette référence et en me la communiquant très aimablement.

  2. V. notes [3], lettre latine 154, pour Stentor, et [32] de la lettre latine de Christiaen Utenbogard (21 août 1656), pour Thrason.

  3. Consarcinator n’est pas un substantif latin classique, le Dictionnaire de Trévoux le traduit par « emballeur », mot qui « se dit figurément des hâbleurs, qui disent plusieurs choses contre la vérité, qui inventent plusieurs histoires à plaisir, et qu’ils débitent aux crédules » (Furetière). Néanmoins pour rester proche du contexte et du verbe latin consarcinare, « coudre ensemble », j’ai préféré « plagiaire », sans trouver toutefois le mot exprimant l’idée de faire un centon en assemblant, sans en citer la source, des passages pris ici et là dans plusieurs livres.

  4. V. note [13], lettre 754, pour le calamiteux Érostrate, qui incendia le temple de Diane à Éphèse pour s’assurer l’immortalité.

  5. « La Renommée fait connaître l’homme vertueux, fût-il caché dans les profondeurs de la terre », autre citation d’Euripide donnée par Eschine (orateur athénien du ive s. av. J.‑C.) dans son plaidoyer Contre Timarque, et introduite par ce commentaire : « Euripide […] démontre que cette déesse peut révéler le véritable caractère non seulement des vivants, mais aussi des morts, lorsqu’il dit… » (Guillaume Budé et Victor Martin, Eschine, Discours, Paris, Les Belles Lettres, Collection des universités de France, 2002, tome i) ; avec mes remerciements renouvelés à Sophie Minon (v. supra notule {a}).

Dans la préface de l’Anthropographie, Ad Lectorem [Au lecteur] (identique dans les deux éditions de son, 1618 et 1626), Riolan s’en était aussi pris, avec vigueur et mordant, aux anatomistes de son temps, les accusant d’avoir peu disséqué eux-mêmes, de s’être trop entichés de nouveautés et d’avoir beaucoup recopié, souvent sans citer leur source, les observations (justes ou erronées) de leurs prédécesseurs, tels lui-même et son père, ou le grand Vésale (qu’on accusait Bauhin d’avoir souvent plagié dans son Theatrum anatomicum). Le nom de Bauhin n’y figure pas, mais il avait pu se sentir visé (s’il n’avait pas la conscience parfaitement tranquille sur l’originalité de ses travaux).

Les attaques de Riolan contre le défunt Bauhin sont devenues plus virulentes encore dans la préface de ses Animadversiones in Theatrum Anatomicum Caspari Bauhini [Remarques sur le Theatrum Anatomicum de Caspar Bauhin], parues avec la 3e édition de l’Anthropographia (Opera anatomica vetera, Paris, 1649, pages 685‑688). L’assaut final résume le pugilat :

Cæterum, nolui in singulis Bauhini paginis quæ mea sunt repetere, vel indicare, ut modestiam illam quam præ me fero, ubique servarem : Id Lector curiosus, primam et ultimam editionem Theatri Anatomici, cum libro nostræ editionis anni 1618. comparando deprehendet.

Si quis me levitatis et inconstantiæ arguat, quod multa in Bauhino reprehendo, quorum ipse primus author fui : Monebo illa in postremis editionibus a me deleta vel emendata fuisse: sic Sosigenes libris de siderum motu editis, non cessabat addubitare, semetipsum corrigendo. Ideoque Bauhinus peritus Anatomicus ea suis adsuere et coniungere non debuerat, nisi prius diligenter inspecta et eplorata habuisset. Propterea curiose cuncta, quæ ab aliis Anatomicis prodita sunt investigavi, sedulo expendi, ut de iis rectum possem proferre iudicium.

[Autrement, je n’ai pas voulu chercher ou signaler ce qui m’appartient dans toutes les pages de Bauhin, afin de préserver cette réputation d’humilité qui partout me précède. Le lecteur curieux s’en rendra compte en comparant les première et seconde éditions du Theatrum anatomicum {a} avec celle de mon Anthropographia parue en 1618.

Si quelqu’un m’accuse de frivolité et d’inconséquence pour avoir blâmé dans Bauhin de multiples observations que j’aurais été le premier à décrire, je l’avertirai que j’ai entièrement ôté ou corrigé ces assertions dans les éditions suivantes de mon livre : {b} ainsi, pour ses livres sur le mouvement des étoiles, Sosigène n’a-t-il jamais cessé d’être dans le doute, en se corrigeant lui-même. {c} Voilà pourquoi, en anatomiste expérimenté, Bauhin n’aurait pas dû coudre entre elles des observations, {d} comme étant siennes, sans les avoir d’abord soigneusement examinées et recherchées ailleurs. Voilà pourquoi j’ai scruté avec soin toutes les études que les autres anatomistes ont publiées, je les ai pesées avec la plus grande application, afin de pouvoir les juger équitablement].


  1. « Amphithéâtre anatomique » de Caspar Bauhin (Francfort, 1605 et 1621, v. supra).

  2. Publiée pour la première fois en 1618, l’Anthropographie de Riolan avait été rééditée en 1626 ; celle dont vient le présent extrait était la troisième (1649).

  3. Pline (Histoire naturelle, livre xviii, chapitre lvii, Littré pli, volume 1, page 685) à propos du calendrier julien (v. note [12], lettre 440) :

    Tres autem fuere sectæ : Chaldæa, Ægypta, Græca. His addidit apud nos quartam Cæsar dictator, annos as solis cursum redigens singulos, Sosigene perito, scienciæ ejus adhibito. Et ea ipsa ratio postea comperto errore correcta est : ita ut xii annis continuis non intercalaretur, quia cœperat sidera annus morari, qui prius antecedebat. Et Sosigenes ipse trinis commentationibus, quandam diligentior cæteris, non cessavit tamen addubitare, ipse semet corrigendo.

    « Il y a eu trois écoles, la Chaldéenne, l’Égyptienne, la Grecque. Une quatrième a été formée chez nous par le dictateur César, qui ramena l’année à la révolution solaire avec l’aide de Sosigène, astronome habile. Et ce calcul même, où l’on découvrit une erreur, a été corrigé : pendant douze années consécutives on ne fit pas d’intercalation, attendu que l’année, qui auparavant anticipait, maintenant retardait sur les astres. Sosigène lui-même, quoique plus exact que les autres, n’a pas cessé, dans trois mémoires, de témoigner de ses doutes en se corrigeant lui-même. »

  4. Réplique de Riolan au consarcinator de Bauhin fils (v supra. première notule {c}).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Bernhard Verzascha, le 30 mai 1664, note 1.

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(Consulté le 06/12/2024)

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