À Charles Spon, le 16 novembre 1643, note 21.
Note [21]

« sur les démoniaques » est le titre du 54e des 60 dialogues des :

Iulii Cæsaris Vanini Neapolitani, theologi, philosophi, et iuris utriusque doctoris, De Admirandis Naturæ Reginæ Deæque Mortalium Arcanis libri quatuor.

[Quatre livres de Giulio Cesare Vanini de Naples, théologien, philosophe, et docteur en l’un et l’autre droits, sur les admirables secrets de la Nature, reine et déesse des mortels]. {a}


  1. Paris, Adrien Périer, 1616, in‑8o de 495 pages, dédiés au maréchal de Bassompierre (v. note [10], lettre 85). v. note [41] du Naudæana 4.

Après avoir examiné les « subtilités » de Cardan (v. note [30], lettre 6) sur le sujet, l’interlocuteur dénommé I.C. (Iulius Cæsar, qui pourrait bien être un avatar du rugueux calviniste Scaliger, v. note [5], lettre 9) prononce ces fortes paroles (pages 406‑407) :

Sacrosanctæ Romanæ Ecclesiæ me subijcio : cæterum illud scio complures (omnes dicere vetat Religio) qui a Dæmone oppressi creduntur, solis melancholicis humoribus conflictari : nam melancholiam purgantibus medicamentis adhibitis convalescunt. ut subticeam non nisi melancholicos morbo huic esse obnoxios, puellas nubiles innumeras, quibus suppressi sunt menses, et viduas multas, quarum retentum semen corrumpitur, ac tetros congignit vapores, hinc mæsti spiritus, qui cerebrum exasperant. Præterea non parum ad hæc confert opinio, et credulitas : quare in Hispanis, et Italia duntaxat Dæmoniaci esse creduntur. in tota Gallia vix unus. in Germania, et Britannia nullus. nec ad Cœli temperiem id ego referam, nam quo tempore ijs in partibus Catholicismus vigebat, innumeros pene ενεργουμενοις adfuisse legi, et a sapientissimis viris accepi, quibus adhibuisse fidem non me redarguent, qui norunt in Hispanico et Italico Cœlo nullum Philosophum, nullum Theologum a Dæmone obsessum esse.

[Je me soumets à la sacro-sainte Église romaine : d’ailleurs, je sais bien que la plupart de ceux (la religion interdit de dire tous) qu’on croit oppressés par le démon ne sont que tourmentés par des humeurs mélancoliques : leur mélancolie guérit après qu’ils ont pris des médicaments purgatifs. Néanmoins, je ne sous-entends pas que les mélancoliques sont les seuls à souffrir de ce mal : chez d’innombrables jeunes filles et chez bien des veuves dont les règles se trouvent supprimées, la semence, étant retenue, se corrompt, ce qui engendre des vapeurs abominables, sources d’esprits malfaisants qui irritent le cerveau. À tout cela contribue en outre, pour une grande part, la naïve opinion menant à croire que les démoniaques n’existent qu’en Espagne et en Italie, tandis qu’il y en a fort peu en France, et aucun en Angleterre et en Allemagne ; et je ne rapporterais pas cela à la conformation du ciel, parce que la lecture de très sages auteurs m’a appris que les énergumènes {a} étaient presque innombrables au temps où le catholicisme était en vigueur dans ces pays. Quant à ceux qui me rétorqueraient que je ne suis pas de bonne foi, ils ignorent que, sous le ciel d’Espagne et d’Italie, aucun philosophe ni aucun théologien n’a jamais été obsédé par le démon]. {b}


  1. Possédés du démon (énergouménoï en grec).

  2. Dans la suite du dialogue, I.C. résiste vaillemment aux arguments de ses contradicteurs.

Giulio Cesare (ou Lucilio, v. note [2], lettre latine 27) Vanini (Taurisano, Pouilles 1584-Toulouse 1619), médecin, philosophe, théologien, juriste en droit civil et canonique, astrologue et enfin prêtre, a été, avec Cesare Cremonini, l’un des fondateurs du libertinage érudit en Italie. Son premier livre fut l’Amphitheatrum æternæ providentiæ divino-magicum, christiano-physicum, necnon astrologo-catholicum. Adversus veteres philosophos, atheos, epicureos, peripateticos et stoicos [Amphithéâtre de l’éternelle providence, magico-divin, physico-chrétien et aussi astrologo-catholique. Contre les anciens philosophes, athées, épicuriens, péripatéticiens et stoïciens…] (Lyon, Antoine de Harsy, 1615, in‑8o).

Peu après, Vanini se rendit à Paris où il se fit un grand nombre de disciples, devint chapelain du maréchal de Bassompierre et publia ses quatre sulfureux livres De admirandis arcanis…. La Sorbonne censura cet ouvrage fort imprégné d’athéisme et Vanini s’en alla à Toulouse (1617), où ses idées jugées subversives le menèrent au supplice : on le condamna à avoir la langue coupée avant d’être brûlé, ce qui fut exécuté avec grande cruauté le 9 février 1619 (v. note [3], lettre latine 27).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 16 novembre 1643, note 21.

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(Consulté le 10/10/2024)

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