Texte
Thomas Bartholin
Historia anatomica
sur les lactifères thoraciques (1652)
chapitre v  >

[Page 12 | LAT | IMG]

observations nouvelles que nous ajoutons
aux lactifères de pecquet
[1]

L’ingéniosité de ceux qui exploraient la distribution du chyle s’en tenait à ce que j’ai dit et les sceptiques pensaient la tâche achevée. Il nous semblait tant devoir à Aselli [2] qu’il était inutile de mener la recherche sur les lactifères plus loin que les contours qu’il en avait décrits et publiés. On pensait qu’ils se terminaient dans le pancréas ou dans une glande médiane, [3] sans sortir des limites de l’abdomen. Des esprits éveillés ont vu des inconvénients dans l’étroitesse des branches qui vont du pancréas au foie, et présagé qu’on découvrirait un jour d’autres chemins encore ignorés. Sur sa planche iii, à la lettre T, Aselli avait dessiné la racine du mésentère, mais s’il l’avait suivie plus loin, vers le rachis, il aurait trouvé bien des choses. [1][4] Il a laissé à la postérité l’honneur de chercher et découvrir le reste. Hippocrate [5][6] puis Marziano et Castellus [7][8] ont émis maintes conjectures sur la possibilité que le chyle soit poussé du mésentère dans les mamelles, mais sans parler d’autre chose que de voies et de pores corporels igorés. [2][9][10] Pour l’éternel éclat de son nom, Jean Pecquet[11] médecin de Paris natif de Dieppe, [12] a prolongé et fait progresser la terminaison des veines lactées en mettant au jour des vaisseaux du chyle qui étaient précédemment inconnus ; dans les Experimenta nova anatomica, publiées à Paris en 1651, il a résumé trois années de ses travaux en trois courtes dissections, et en donnera d’autres à voir. Il y a le premier découvert deux choses chez des moutons, des chiens et d’autres [Page  13 | LAT | IMG] animaux vivants qu’il a disséqués [13] environ quatre heures après les avoir nourris : d’abord, sous le mésentère ou les veines lactées d’Aselli, qui étaient déjà connues, est disposé un réservoir [14] qui recueille tout le chyle venant du mésentère par ses nombreux lactifères ; ensuite, depuis ledit réservoir, d’autres canaux chylifères rampent vers le haut dans le thorax en direction des subclavières. [15][16][17] C’est par accident et sans y penser qu’il a découvert ces deux structures que tant de siècles ont méconnues, en travaillant sur le mouvement du cœur chez les animaux vivants : en les éviscérant et en essuyant le sang qui coulait en abondance, son regard s’est arrêté sur l’écoulement d’un liquide laiteux et sur des canaux blancs du thorax ; en les explorant ensuite plus avant, il a vu que leur origine siégeait autour du diaphragme et dans le mésentère. Il est fort surprenant qu’une chose aussi manifeste se soit jusqu’ici soustraite aux yeux de tous, et même de ceux qui se glorifient du vain orgueil d’avoir ajouté à l’anatomie l’ultime complément qui lui manquait encore. Nous qui sondons tous les jours la nature pour trouver du nouveau, méritons-nous vraiment d’être facilement pardonnés quand nous avouons ingénument ne pas suivre ce qu’elle nous montre ? [3] Nous savons gré à Pecquet, à la page 3, chapitre i[18] d’avoir mis ce manque de clairvoyance plutôt sur le compte de notre malchance que sur notre incurie. Prévenu par une lettre de mon frère Érasme Bartholin[19] très distingué médecin et mathématicien qui avait reconnu l’exactitude d’une démonstration faite à Blois, [20] j’ai éprouvé le désir ardent de connaître les observations pecquétiennes. [4][21] Dès que j’eus le livre en ma possession, agité d’impatience par cette nouveauté, en compagnie de mon ami M. Michael Leyser[22] nous ouvrîmes un chien vivant, quatre heures après l’avoir très copieusement nourri, et trouvâmes la plus grande partie de ce que Pecquet avait observé et [Page 14 | LAT | IMG] représenté dans ses figures. [23] Étant donné que les vaisseaux lactés disparaissent très vite chez un animal vivant agité de mouvements, dans son ultime effort contre la torture, et que j’avais observé des veines lactées subsistant dans l’abdomen d’hommes qui venaient d’être pendus, je pensai que l’expérience pourrait être accomplie avec succès si j’ouvrais sans tarder un animal étranglé avec une corde et nourri quelques heures plus tôt, ou un homme mené au gibet après un copieux repas car, la suppression de la respiration empêchant subitement tout mouvement du thorax, les liquides qu’il contenait y resteraient sans être déplacés par la douleur de la dissection. Après avoir médité sur la question et mené l’expérience sur de nombreux chiens, l’occasion désirée se présenta : conformément au vœu du public et avec la clémente permission du sérénissime roi Frédéric iii[24] nous nous sommes mis en quête de cadavres d’hommes condamnés à la roue ou à quelque autre sorte d’exécution capitale après avoir été bien nourris ; et une fois trouvés, chacun d’eux serait soumis à la dissection habituelle, soit publiquement, dans l’amphithéâtre anatomique de la Faculté, soit en privé ; nous y avons mis tant d’application que nous avons été les premiers à reproduire l’expérience de Pecquet chez l’homme. [5][25] Le premier cadavre fut celui d’un homme très maigre, presque réduit à l’état de squelette, exécuté pour infanticide, et le second, celui d’un voleur qui était obèse et entièrement sain de corps. Cinq heures avant leur exécution, tous deux furent rassasiés de nourriture et de vin. Chez le premier, nous avons trouvé des lactifères mésentériques et thoraciques remplis de chyle ; [26] chez le second pourtant, il ne restait plus de chyle dans ces vaisseaux, mais notre attente et nos espoirs ne furent pas entièrement déçus, car se voyaient les glandes lombaires du mésentère et les canaux thoraciques qui sont destinés à recevoir le chyle, et nous les avons découverts avec d’autant plus de facilité que leur position nous était [Page 15 | LAT | IMG] parfaitement connues grâce aux expériences précédemment menées sur de nombreux animaux. Chez le premier, dans la même position que le réservoir pecquétien, nous avons publiquement démontré la présence de trois glandes lombaires pleines de chyle, [27] et l’insertion externe et bien visible, sous la forme de trois rameaux, des lactifères thoraciques dans la veine axillaire gauche. Chez le second, en y mettant la plus extrême application, après avoir retrouvé les mêmes glandes mésentériques, nous avons bien vu l’insertion des lactifères thoraciques, avec sa valvule, [28] à l’intérieur de la veine axillaire que vous avions ouverte, après l’avoir bien dégagée à l’aide du scalpel et de l’insufflation d’air. Personne ne mettra honnêtement en doute notre bonne foi et notre sincérité. À aucun moment nous n’avons dit le moindre mot pour influencer public qui nous regardait. Je sais pourtant qu’il ne manquera pas d’opposants pour nous contredire, par jalousie ou par mépris, mais nous faisons fi des hommes de cette engeance qui ont l’ajournement pour règle : qu’ils fassent donc l’expérience eux-mêmes, s’ils en sont capables, ou du moins qu’ils suivent nos traces, et cessent de médire et de mal nous entendre ! En attendant, s’ils nous accusent de supercherie, j’ai pour moi des planches dessinées et les très honorables témoins de toute condition, très éminente comme très modeste, qui ont assisté à nos dissections, tant publiques que privées : en tout premier l’illustre et magnifique héros qu’est M. Christen Thomesen, seigneur de Stougaard, chevalier de l’Éperon d’or, grand chancelier du sérénissime roi et très généreux conservateur de l’Université et des lettres, [6][29] ainsi que d’autres généreux et très nobles personnages, que la nouveauté de la chose et leur bienveillance coutumière à mon égard avaient incités à venir contempler ce spectacle de la nature, et que nul ne louera assez pour cela ; mais aussi de très nombreux et éminents médecins, fins connaisseurs de l’anatomie, Jacobus Fabricius[30] [Page 16 | LAT | IMG] Olaüs Wormius[31] Simon Paulli[32] Paulus Moth[33] Henrik Fuiren[34] Jacobus Finck[7][35] et d’autres professeurs royaux, qui formaient une splendide couronne de gens fort instruits et attentifs. Quiconque n’accorde pas sa confiance à de si grands personnages sera à tout jamais de mauvaise foi. Nous avons néanmoins observé que la structure des nouveaux vaisseaux n’est pas la même chez les hommes et les bêtes, et qu’elle varie d’une espèce animale à l’autre, comme nous l’expliquerons ultérieurement plus en détail et selon notre méthode coutumière, mais nous traiterons principalement ici de l’homme car le premier inventeur des lactifères thoraciques n’a disséqué que des bêtes, et il a tant enjolivé ses descriptions de mots et de phrases fleuries qu’il laisse toujours place au doute, même après qu’on l’a relu plusieurs fois. [8][36]


1.
Dans son livre De Lactibus seu Venis lacteis [Des Lactifères ou veines lactées], {a} Gaspare Aselli a spéculé sur la destination et la terminaison des lactifères mésentériques à la fin du 19e chapitre, {b} page 43 :

Progressus earum, quantum mihi cognoscere datum fuit hactenus, hic est. Ab intestinis (hunc enim progressum sumo, vt mihi notiorem) per Mesenterium (tab. 1.2) obliquo ductu, duas inter eius tunicas, partim seorsum à vasis reliquis, partim cum illis unà, modo recto ductu, modo eadem transcendentes, et veluli decussantes, per plures glandulas, ad diremptus ramorum præsertim collocatas, in Pancreas vsque perferuntur. In Pancreate variè cancellorum (tab. 1. et 2.L.) in modum, vel si ita maius, spetie retium, aut capreolorum, implexæ sibi mutuò, et toto corpore confusæ, in plurimos, eosque inexplicabiles gyros, anfractusque hac illac, ferè vt in labyrinthis, aut meandris intorquentur. Ab eo rursus maioribus iam ramis, per portæ latera, quam quibusdam locis corollæ instar, siue annuli incingunt (tab. 3.R.) ambiuntque, missis quandoque etiam ad cauam propaginibus (tab. 3.M.) in iecoris caua subeunt. Inde illatæ in hepar ipsum, et difficilæ in minutissimas fibras, veluti quædam capillamenta (tab. 4.M.O.) in eius carnem quaquauersum, tamdiu disperguntur, disseminanturque dum prorsus obliterentur. Atque historia, et descriptio haru partium hæc est.

[Pour leur trajet, voici ce qui m’a été donné d’en savoir : depuis les intestins (en m’appuyant sur ce que je présume connaître le mieux), ils se portent jusqu’au pancréas en cheminant entre deux feuillets du mésentère, suivant un trajet oblique, séparément des autres vaisseaux ou en se joignant à eux (figures i et ii) {c}, soit directement, soit en passant par dessus eux comme s’ils les croisaient, au travers de plusieurs glandes, surtout localisées à leurs jonctions. Dans le pancréas, comme sous la forme de treillis variables (figures i et ii, lettre L), {c} ou surtout d’une sorte de réseaux ou de vrilles, entremêlés dans tout le corps de ce viscère, ils s’unissent les uns aux autres çà et là en boucles et sinuosités inextricables, comme on voit dans les labyrinthes ou les entrelacements ornementaux. De là, par d’encore plus grandes branches, flanquant la veine porte, qu’elles ceignent et entourent à la façon d’une petite couronne ou d’un anneau, (figure iii R) {d} ils partent en direction de la concavité du foie, avec parfois des émissaires dirigés vers la veine cave inférieure (figure iii M). {d} Enfin, dans la substance même du foie, de très petits rameaux, ressemblant à des cheveux, se dispersent et s’éparpillent en tous sens (figure iiii M‑O), {e} jusqu’à y disparaître entièrement. Telles sont la description et l’anatomie de ces parties]. {f}


  1. Milan, 1627, v. note [1], Experimenta nova anatomica, chapitre i. Ses figures en trichromie (noir, blanc, nuances de rouge) font de ce livre une exception parmi les ouvrages anatomiques de l’époque.

  2. V. note [1], chapitre xi de l’Historia anatomica, pour son titre complet.

  3. La lettre L désigne une structure ovale qui occupe le centre du mésentère, où convergent les lactifères (en blanc), mais sans montrer clairement ce qui correspond à des « glandes » intermédiaires :

    • sur la figure i, παγκρεατος portiuncula, in quam venæ lacteæ inter se implexæ, insinuantur forma Capreolum [la petite portion du pancréas où les veines lactées s’enchevêtrent et s’insinuent sous comme les vrilles de vigne] ;

    • sur la figure ii, Implicatio Lactearum in Pancreas [Entrelacement des lactifères sans le pancréas], où il en émerge deux canaux plus gros (N) marqués comme étant Progressus Lactearum ex Pancreate ad hepar [le trajet des lactifères allant du pancréas au foie].

  4. Dans la légende de la figure iii :

    • la lettre R désigne la veine porte (Vena Portæ),

    • la lettre M, la veine cave inférieure (Vena cava),

    • et la lettre T, dont parlait Thomas Bartholin, entre les deux précédentes, la racine du mésentère (Origo Mesenterij), sans montrer de collecteur principal du chyle.

  5. Dans la légende de la figure iiii :

    • la lettre M désigne la veine porte (Vena Portæ),

    • la lettre N, l’insertion des lactifères dans le foie (lactearum in hepar insertio),

    • et les cinq lettres O, le foie (Hepar), ou plus exactement la face inférieure des lobes hépatiques, avec la vésicule biliaire (P) et le canal cholédoque (V).

  6. La description d’Aselli et les dessins qui l’illustrent étaient pour leur plus grande part imaginaires.

2.

Thomas Bartholin renvoyait à deux commentateurs d’Hippocrate au xviie s.

Ni Marziano ni Castellus n’expliquent exactement par quelles voies le chyle passerait du tube digestif dans les mamelles ; et pour cause, car une telle communication n’existe chez aucun mammifère.

3.

Dans le vibrant et sincère hommage que Thomas Bartholin rendait à Jean Pecquet, je n’ai pas su traduire cette phrase autrement qu’en la mettant au mode interrogatif.

4.

Après avoir remercié Jean Pecquet pour le deuxième paragraphe de la page indiquée des Experimenta nova anatomica (identique en 1651 et 1654), Thomas Bartholin parlait de son frère Érasme (Rasmus) Bartholin, le plus jeune de ses cinq frères  : vnote Patin 17/236. Alors âgé de 17 ans, il parcourait l’Europe pour acquérir du savoir. Guy Patin a signalé sa présence à Paris dans la lettre qu’il a écrite à Thomas le 28 mars 1652.

Blæsi ne peut à mon avis rien être d’autre qu’une orthographe fautive de Blesæ, cas génitif du patronyme latin de la ville de Blois. Je n’ai rien lu d’autre sur un séjour de Pecquet dans la capitale du Blaisois. Peut-être l’invitait-on à montrer sa découverte chez les mécènes princiers, tels Gaston d’Orléans : Blois était la principale résidence provinciale de Monsieur, qui frondait alors à Paris, mais allait bientôt s’y exiler (novembre 1654).

Comme Jean ii Riolan dans ses Opuscula de 1652 (v. note [24], préface de la première Responsio, chapitre xx), Thomas Bartholin employait l’adjectif Pecquetianus, « pecquétien », dans son Historia anatomica. Les deux livres sont contemporains (parus vers juin 1652) et ne parlent pas l’un de l’autre. Riolan et Bartholin partagent donc la paternité de cet adjectif, dont l’origine est à tenir pour élogieuse, mais peut-être courut-il sur toutes les lèvres savantes dès la parution du livre de Pecquet.

5.

La syntaxe latine de Thomas Bartholin est ici inextricable : ma traduction n’est qu’une interprétation plausible de ce qu’il voulait dire.

V. notes :

6.

Christen Thomesen Sehested de Stougaard (1590-1657) était un des plus hauts personnages de la couronne danoise ; l’Éperon d’or était un titre de chevalerie du Saint-Empire germanique établi au xive s.

7.

Ces collègues de Thomas Bartholin étaient :

8.

Thomas Bartholin n’avait assurément pas tort de critiquer le latin de Jean Pecquet : bien plus que ses fioritures, sa rugosité gêne sérieusement sa compréhension et sa traduction ; mais c’était l’hôpital qui se moquait de la charité, car le latin de Bartholin était très loin d’être irréprochable, et d’égaler celui de Jean ii Riolan ou de William Harvey.

Riolan, en 1653, et Pecquet, en 1654, ont tous deux relevé ce blâme de Bartholin : v. notes [9] et [13], épître dédicatoire de la Nova Dissertatio.

a.

Page 12, thomæ bartholini de lacteis thoracicis historia anatomica.

CAP. V.

Novum Pecqveti Lactearum complementum
in hominibus à nobis observatum
.

Stetit hic observantium indutria, et confectum di-
stribuendi chyli pensum malè creduli existimarunt.
Asellio tantum debuisse visi sumus, ut nihil ultra de
Lacteis scrutaremur, nisi qvorum ipse duxisset lineas et
signasset. In Pancreas terminari sive mediam glandulam
ratum fuit, et angustiis abdominis circumscribi. Excita-
tæ mentes difficultates viderunt, de ramorum inter Pan-
creas Heparqve exilitate, diversasqve sed ignotas adhuc vias
præsagi futurorum divinarunt. Asellius Tab.III. litT. o-
riginem mesenterij designavit, sed eandem si proseqvutus
fuisset ulterius spinam versus, plura invenisset. Cæterum
hanc curæ laudem et inventionis, reliqvit posteris. Hip-
pocrates
qvoqve eumqve seqvuti Martianus et Castellus,
chylum ex mesenterio ad mammas detrudi plurimis
conjecturis suspicati sunt, sed vias nominarunt nullas præ-
ter incognitas et corporis porositates. Nuper verò æter-
nâ nominis sui famâ venarum lactearum Terminum au-
xit produxitqve Joannes Pecqvetus Diepæus, Medicus Pa-
risiensis, editis Experimentis novis Anatomicis, qvibus
incognita hactenus chyli vasa it, et publico asseruit
Parisiis 1651, trium annorum observatione, qvod tamen
tribus sectionibus, imò minoribus, aliis videre dabitur.
In his duo primus adinvenit in ovibus, canibus aliisqve a-

b.

Page 13, thomæ bartholini de lacteis thoracicis historia anatomica.

nimalibus vivis post pastum qvarta circiter hora disse-
ctis. Primum, à Mesenterio seu venis Asellij lacteis jam
notis, prodire sub iisdem Receptaculum qvoddam chyli,
in qvod per varios lacteos ex mesenterio derivatur omnis
chylus. Deinde, ex eodem Receptaculo sursum per tho-
racem ad subclavias serpere alios ductus chyliferos. U-
trumqve tot seculis inauditum, casus aperuit nihil tale co-
gitanti, sed circa cordis motum in vivis occupato : Exem-
ptis enim visceribus, copiáqve cruoris abstersâ, in conspe-
ctum felici augurio prodiere lacteus liqvor et candican-
tes Thoracis ductus, qvos ulterius deinde inqvirens, circa
diaphragma et mesenterium originem deprehendit. Mi-
rum profectò rem manifestam omnium hactenus oculis
se subduxisse etiam illorum qvi vano supercilio ultimum
se Anatomiæ complementum addidisse gloriantur. Nos
verò facilem meremur veniam, qvi naturam qvotidie ad
nova sollicitamus, nec tamen asseqvuturos ingenuè fate-
mur. Unde Pecqveto gratiam referimus, qvod hæc præ-
ter visa infelicitati nostræ potius tribuat cap.1.p.3. qvam in-
curiæ. Monitus per Epistolam à fratre Cl. V. Erasmo
Bartholino
Medico et Mathematico insigni, qvi Blæsi
experimenti veritatem comprobaverat, anxiè Pecqvetia-
nis observationibus inhiavi, novæqve rei sollicitudine ex-
citatus, cum primum libri copia mihi facta fuit, diligen-
ter cum M. Michaele Lysero, amico meo et in Anatomi-
cis optimè versato, inqvisivi in vivo cane qvarta post pa-
stum largiorem hora, reperiqve pleraqve ab ipso observata et

c.

Page 14, thomæ bartholini de lacteis thoracicis historia anatomica.

icone expressa. Putabam autem, siqvidem in tanto vi-
vi animalis motu et extremo torturæ conatu, citius pere-
ant vasa lactea, et ego aliàs in hominibus strangulatis ob-
servaverim lacteas venas superstites, successurum qvoqve
exprimentum, si vel animal post pastum aliqvot interje-
ctis horis celeri chordâ strangularetur, vel homo cruci de-
stinatus post largius jentaculum suffocatus aperiretur,
qvia tum thoracis motu cessante inhibitâ respiratione e-
odem situ permanent humiditates distributæ, nec à dolo-
re secantis facilè moventur. Meditato consilio optatus e-
ventus adspiravit, plurimisqve in canibus factis experimen-
tis, humana tandem cadavere {a} ex voto publico, Serenissimo
Rege friderico iii. clementer annuente, rotæ alio-
qvin et perpetuæ cruci adjudicata beneqve pasta, nacti in
singula accuratius tam in publico Theatro Anatomico
solenni demonstratione, qvam privata opera, tanto ma-
jori studio inqvisivimus, qvod primi hæc in homine ten-
taverimus. Primum cadaver infanticidæ fuit, furis alte-
rum, illus macilentum vixqve ossibus hærens, hoc obœ-
sum planeqve omnibus numeris sanum. Utrumqve qvinqve
ante interceptum spiritum horis cibo vinoqve, fuit ad sa-
tietatem repletum, in primo lacteas mesentericas et thora-
cicas chylo repletas invenimus, in altero verò ne chyli in
vasis illis vestigium usqvam visum, nec tamen spe frustra-
ti aut exspectatione ; comparebant enim in mesenterio
glandulæ lumbares, et in thorace ductus chylo destinati,
qvos ea facilitate eruimus qvo superiores loco nobis et


  1. Sic pour : cadavera.

d.

Page 15, thomæ bartholini de lacteis thoracicis historia anatomica.

modo tot ante in animalium sectione experimentis factis
ad unguem cognito. In primo glandulas plenas tres lum-
bares loco Receptaculi Pecqvetiani, monstravimus pu-
blicè, et thoracicarum lactearum in axillarem sinistram
insertionem externam triplici ramulo conspicuam. In al-
tero maxima cura nostra occupabatur, visis glandulis iis-
dem, in interna insertione lactearum thoracicarum,
qva cum valvula, explicata axillari egregiè vidimus, ad-
hibito folle aliisqve cultri adminiculis. De fide nostrâ et
sinceritate nemo candidus dubitet. Nunqvam publico
imposuimus aut verba dedimus. Non defuturos tamen
scio qvos vel invidia vel contemptus transversos rapiet.
Sed apage hanc hominum nationem, lex habet compe-
rendinationem, ipsi experiantur si possint, sin minus no-
stra vestigia seqvantur, et desinant malè agere et audire.
Interea si actionem falsi instituant, tabulas pro me habeo
et testes, maximos minimos, omniumqve ordinum spe-
ctatores honoratissimos, qvi demonstrantibus nobis se-
cantibusqve publice privatim adfuerunt, inprimis illu-
strem et Magnificum Heroem Dn. Christianum Thomæ-
um
de Stougaard, Eqvitem Auratum, Ser. Reg. Cancel-
larium Magnum, et Academiæ literatorumqve Conserva-
torem perbenignum, aliosqve Generosos nobilissimosqve
Viros, qvos rei novitas et in me favor solitus ad hoc natu-
ræ spectaculum invitaverat, nunqvam non hoc nomine
laudandos, nec non Medicos qvamplures Ecellentissi-
mos et Anatomicarum rerum peritissimos, Jacobum

e.

Page 16, thomæ bartholini de lacteis thoracicis historia anatomica.

Fabricium, Olaum Wormium, Simonem Paulli, Paulum
Mothium
, Henricum Fuiren, Jacobum Finckium, aliosqve
professores Regios, et lectissimorum studiosorum splen-
didam coronam. Qvisqvis tot tantisqve nominibus fidem
detrahit, ipse in æternum cassà sint {a} fide. Diversam autem
in homine et brutis observavimus vasorum novorum
fabricam, et in brutis qvoqve pro specierum individuo-
rumqve diversitate, qvemadmodum accuratius et meththo-
do solitâ in seqventibus sumus explicaturi, ad hominem
præsertim digressuri, qvia inventor primus bruta sola cul-
tro Anatomico subjecit, et observationes suas obscuris a-
deò verborum sententiarumqve flosculis exornavit, ut le-
ctores repetita lectione, dubios semper demittat.


  1. Sic pour : sit (errata).


Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte. Thomas Bartholin, Historia anatomica sur les lactifères thoraciques (1652), chapitre v

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/pecquet/?do=pg&let=1025

(Consulté le 14/06/2024)

Licence Creative Commons "Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale 4.0 International.