Texte
Jean ii Riolan
Responsiones duæ (1655),
Responsio ad Pecquetianos
6e et dernière partie

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Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte. Jean ii Riolan Responsiones duæ (1655), Responsio ad Pecquetianos, 6e et dernière partie

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(Consulté le 20/05/2024)

 

[Page 144 | LAT | IMG] [1]

extrait d’un livre de feu Monsieur Naudé, imprimé à Paris, l’an 1649, intitulé
Jugement de tout ce qui a été imprimé contre le cardinal Mazarin,
depuis le 6e de janvier, jusqu’à la déclaration du 1er d’avril, 1649,
tiré de la page 173 et suivantes
[1][2]

« Monsieur Mentel veut absolument que nous en soyons redevables à un de ses ancêtres, nommé comme lui Mentel ou Mentelin ; [3] mais comme nous n’avons aucun passage formel dans les auteurs contemporains pour vider ce différend des auteurs ou inventeurs de l’imprimerie, je me suis tenu jusqu’à cette heure à ce qui est du fait et j’ai cru, laissant la question du droit à Messieurs Mentel, Mallinckrodt, Boxhornius et autres[2][4][5] que, puisque nous n’avons point de plus anciens livres imprimés, il y a environ cent quatre-vingt-dix ans que Jean Fust [6] nous donna en 1459 le Durandus de Ritibus Ecclesiæ, le Catholicon Ianuensis qui était le Calepin de ce temps-là, en 1460, et la Bible en 1462, qui sont les trois premiers livres imprimés que l’on ait jusqu’à cette heure vus dans l’Europe, il fallait aussi que Jean Fust et Pierre Schoeffer[7] qui les ont imprimés, fussent [Page 145 | LAT | IMG] les premiers qui ont mis en exécution et en pratique ce que ou eux-mêmes (comme il est très probable) ou Mentel, ou Gutenberg[8] ou quelque autre avait trouvé ; [3] et que par conséquent, on pouvait soutenir avec raison qu’ils étaient les premiers imprimeurs de l’Europe. Pour moi, je pense qu’il ne faut, pour mettre Jean Fust en possession du droit qui lui appartient d’être inventeur de l’imprimerie, que produire les premiers livres qui ont été imprimés, puisqu’ils sont tous de son impression ; car il y a bien de l’apparence que si d’autres eussent eu meilleure part que lui en l’invention d’une chose si belle et si nécessaire, ils ne lui auraient pas permis de se l’attribuer à lui seul, et à son gendre Schoeffer, comme il a fait quasi en tous les livres qui sont sortis de sa presse, sans que personne ait osé faire de même, ou le contredire. Et puisque Salmuth, en son addition au chapitre de Typographia de Pancirole[4][9][10] n’apporte que quatre de ces témoignages, et que Monsieur Bernard de Malinckrodt, l’un des doctes polygraphes qui soit aujourd’hui en Allemagne, se vante à bon droit d’y en avoir ajouté trois, je te veux bien avertir que j’en ai remarqué six autres, desquels je ne dirai maintenant toutes les dates, puisque les inscriptions en sont trop longues pour en avoir chargé ma mémoire ; et aussi que les ayant communiqués à Naudé, il m’a promis de les insérer, dans son Addition à l’Histoire de Louis xi lorsqu’on la réimprimera, et de dire qu’il les tient de moi. Or entre ces nouvelles épigraphes, la première est celle du Catholicon, [Page 146 | LAT | IMG] de l’an 1460, que le R.P. Romuald m’a montré dans la bibliothèque des feuillants de cette ville. [5][11] Et quoique les noms de Fust ni de son gendre n’y soient pas exprimés, il est constant néanmoins que c’étaient eux qui l’avaient imprimé ; réservé cela, tout est semblable aux autres Inscriptions rapportées par Salmuth et Malinckrodt. La seconde est de la Bible de 1462, dont les exemplaires se trouvent à Sainte Croix de la Bretonnerie, aux Carmes de la place Maubert, et chez Monsieur de Harlay, et dont l’inscription a déjà été rapportée par Naudé en l’Addition susdite. [6] La troisième est d’autres Bibles toutes pareilles de 1472, que l’on peut voir chez le Cardinal Mazarin. La quatrième, du saint Augustin, de la Cité de Dieu, avec les commentaires de Thomas Valois de 1473, que j’ai vu chez le sieur Claude Garasse de Pridiane ; la cinquième, du Mercure Trismégiste, de Potestate et Sapientia Dei, in‑4o (car tous les autres ci-dessus sont in‑fo) de 1503, que le même Garasse m’a montré, aussi bien que la sixième, qui est le Tite-Live de 1518, auquel, bien qu’il y ait quelque différence, elle est néanmoins plus avantageuse à Iean Fust que toutes les précédentes inscriptions, qui le publient auteur et inventeur de l’impression, car ce n’est plus lui ni son gendre, ni ses petits-fils, Jean et Ivo Schoeffer, qui parlent ; et en effet, il n’y a sur la fin du dit Tite-Live que ces mots : Moguntia, in ædibus Joannis Scoëffer, mense Nouembris, anno 1518 ; mais au commencement, il y a un privilège que l’empereur Maximilien donne au [Page 147 | LAT | IMG] dit Schoeffer, qu’on ne puisse contrefaire ledit Tite-Live de dix ans, ni tous les autres livres que le susdit Schoeffer imprimera de six, sous peine de confiscation, et ce en reconnaissance de ce que son oncle, Jean Fust, avait trouvé l’invention d’imprimer. Cùm sicut docti et moniti sumus fide dignorum testimonio, Ingeniosum Chalcographiæ, Authore Auo tuo, inuuentum felicibus incrementis in vniuersum orbem promanauerit, etc. Ce privilège est en date de 1518 ; après quoi on trouve au feuillet suivant, une Épître d’Érasme[12] dans laquelle il parle premièrement des obligations qu’on a à ceux qui ont trouvé l’imprimerie, puis il ajoute : Quorum princeps fuisse fertur totius aui memoriâ celebrandus Ioannes Faust, Auus eius, cui Liuium hunc, etc. debemus. Et puisque, comme dit Quintilien, en ses Déclamations, non satis videri potest probatum quod duo sciunt[13] Ajoutons-y pour troisième témoin, un Nicolaüs Carbachius[14] dans l’Avertissement, qu’il a mis sur la fin dudit livre, et dans lequel il dit toutes les mêmes choses que le privilège impérial et la lettre d’Érasme[7] Après quoi, si tu mets les six témoignages que je te viens de rapporter avec les sept cotés par le sieur Malinckrodt, tu auras treize occasions bien remarquables, auxquelles Jean Fust et les siens ont publié à tout le monde que l’imprimerie était née dans leur maison, sans que jamais Gutenberg ni d’autres s’y soient opposés : ce qui me fait croire qu’ils ne faisaient en cela tort à personne qui se soit plaint de leur procédé. Or si tu ajoutes à ces preuves essentielles qu’il [Page 148 | LAT | IMG] est encore à naître qui puisse dire avoir vu des livres imprimés par Gutenberg ou par Mentel auparavant ou au même temps que ceux de Jean Fust ; que tout ce que l’on dit des autres inventeurs de l’imprimerie n’est fondé que sur des rapports, des conjectures, des vraisemblances, des autorités forcées, des jalousies de villes les unes contre les autres ; que tous ceux qui donnent cette invention à d’autres qu’à Fust s’embrouillent, se contredisent, et se suivent l’un l’autre, font des ignorances grossières ; et finalement que Salmuth, en son addition sur le chapitre de Typographia de Pancirole[4] cite un instrument public, par lequel il appert que Fust, après avoir longtemps lui seul soutenu la dépense, associa avec lui Gutenberg pour contribuer à une partie de tant de frais qu’il lui fallait faire, à cause principalement du parchemin sur lequel il tirait la plupart de ses livres ; après, dis-je, toutes ces preuves si légales, si peu forcées, si convaincantes et assurées pour Jean Fust, je ne sais pas comment il est possible qu’on le veuille tanquam septuagenarium de ponte deijcere, pour en mettre d’autres à sa place. Car s’ils ont recours aux témoins, outre qu’ils s’accordent fort mal les uns avec les autres et que peut-être ne sont-ils pas en si grand nombre que l’on s’imagine, et s’ils veulent établir leur opinion sur l’expérience, comme c’est le meilleur et le plus assuré moyen de terminer le différend dont il est question, qu’ils m’en donnent de meilleures que les miennes, que celles de [Page 149 | LAT | IMG] Salmuth et de Malinckrodt, et non seulement je quitte la partie, mais agello cedo parterno. » [8][15]

Qui voudra voir un plus ample discours sur cette matière, il le trouvera aux Additions que le même Monsieur Naudé a faites sur la vie de Louis xi


jugements de très savants hommes sur jean riolan.

Afin de ne pas passer pour un Suffenus, [16] je prie mon cher lecteur de me pardonner et excuser si je cite les éloges de très savants hommes qui brillent par leur science et qui ont recommandé les ouvrages de Riolan : chacun saura ainsi que de doctes personnages ne m’ont pas jugé aussi méprisable que mes adversaires le proclament, et que je suis capable d’en procurer la preuve.

En tout premier, je citerai Gabriel Naudé, docteur en médecine de Padoue, qui a brillé par l’étendue de son érudition : dans ses livres, il n’a jamais parlé de Riolan sans le glorifier, et l’a appelé le prince des médecins de notre siècle à la page 174 de son livre de Studio militari ; et dans son Additio à l’histoire de Louis xi, roi de France, page 102 et ailleurs, il le dit être hæc ætate sine controversia Principem[9]

Si de me vir bonus bene sentit, eodem loco sum, quo si omnes idem sentirent, par illis, idemque iudicium est, dit Sénèque ; et Vir bonus bonum nunquam odit, dit Ménandre. [10][17][18]

[Page 150 | LAT | IMG] Gaspar Bachot, très savant médecin de Moulins dans sa continuation de Joubert sur les Erreurs populaires touchant la médecine, qualifie Riolan de « miracle du monde », pour son habileté et son érudition en anatomie[11][19][20]

Caspar Hofmann, en ses Commentaires sur les livres de Galien de Usu partium[21][22] cite en maints endroits l’autorité de Riolan comme celle d’un juge et arbitre en anatomie.

Dans sa Médecine pratique, Daniel Sennert loue Riolan dans le chapitre sur le Mésentère et l’épiploon[23]

Dans son livre iii, Zacutus : [24] « Riolan dans son Anthropographie[25] ouvrage dont le style est tout à fait excellent, la science remarquable et l’éloquence admirable, a débattu sur les cotylédons [26] plus subtilement que tous les anatomistes, il est digne d’être comparé aux plus doctes Anciens. » [12]

Joannes Antonides Vander Linden[27] très savant médecin et professeur de Leyde, [28] parle ainsi de Riolan à la page 33 de sa Physiologie : « Quand Hippocrate a écrit son livre des Lieux dans l’homme[29] bonus Senex id habuit consilij, quod nuper non minus eleganter, quàm vtiliter exequutus est Ioannes Riolanus filius, cuius

Crescit occulto velut arbor auo
Fama Primani, micat inter ignes omneis
Gallicum sidus velut inter ignes Luna minores
. » [13][30]

L’Anglais Harvey, outre les compliments dont il a honoré à Riolan dans ses deux Essais anatomiques sur la Circulation du sang[31] a qualifié Bauhin [32] et Riolan de « très savants hommes et très compétents anatomistes » dans son Essai anatomique sur le Mouvement du cœur et du sang[14][33]

[Page 151 | LAT | IMG] Dans sa Réponse à Harvey, le Français Jacques Primerose, docteur de Montpellier, qui habite en Angleterre, a écrit : Anatomicam Disciplinam Ioannes Riolanus, Præceptor olim meus, multis et nouis inuentis, et elegantioribus explicationibus ita locupletauit, vt vltimum ei complementum addidisse videatur[15][34]

Simon Paulli, natif de Rostock, médecin du roi au Danemark[35] dans son opuscule sur l’Arthrite, appelle Riolan « son précepteur et un anatomiste incomparable qu’il faut vénérer éternellement ».

Gregorius Nymmanus dit de Riolan que c’est un « savant homme et le plus éminent anatomiste de ce temps ». [36]

Après avoir visité 54 universités en 14 ans et soigneusement observé leurs professeurs, Fridericus Monavius, médecin natif de Breslau, est enfin rentré dans sa patrie, puis a publié un écrit où il déclare franchement que l’École de Paris est inégalable, la meilleure, la plus grande et la plus auguste de toutes ; et non sans l’honorer d’un éloge, il a dédié ses premiers travaux anatomiques à son maître Riolan. [16][37]

Le très savant médecin hollandais Christiaen Utenbogard[38] professeur de l’Université d’Utrecht, a écrit, dans sa lettre du 8 janvier 1650 à Guy Patin, docteur en médecine de Paris et professeur royal : [39] « Pour vous donner mon avis sur l’Anthropographie de Riolan, je vous dirai que j’en avais beaucoup entendu sur le renom de ce grand homme, mais l’empreinte que je vois dans ses livres dépasse la rumeur. L’Anthropographie du grand Riolan est le fruit d’une profonde érudition, d’une très riche expérience, [Page 152 | LAT | IMG] d’une inépuisable science médicale et d’une très grande intelligence. Vesling [40] avait coutume de dire que, parmi tant d’anatomistes, Riolan était le seul à qui on dût faire confiance, car il avait toujours été fort assidu à disséquer les corps humains (ce que peu font), comme à lire les auteurs. »

Dans une lettre à M. Guy Patin datée du 25 avril 1653, Johann Georg Volckamer, très brillant médecin de Nuremberg[41] écrit : « Je prie Dieu de tout cœur pour que M. Riolan, qui a très hautement mérité de la république médicale, jouisse encore longtemps de sa vigoureuse vieillesse, sans jamais perdre sa vigueur. J’aurais souhaité que notre Schlegel, médecin natif de Hambourg et mon très cher ami, [42] atteignît le terme de ses jours et quittât la scène de la vie avec plus de félicité, mais il a été emporté au mois de février dernier par une fièvre pétéchiale [43] tandis qu’il accomplissait ses tâches médicales et anatomiques, dans l’immense tristesse et chagrin des plus savants hommes. J’aurais tant souhaité que Schlegel ne nous eût pas été arraché par une mort si prématurée et nous fût resté comme fait le très énergique Riolan, dont il admirait l’audace anatomique en dépit de son âge avancé, comme il me l’a écrit dans la dernière lettre qu’il m’a adressée avant de mourir. » [17]

Dans une lettre qu’il a écrite à M. Jean-Alcide Musnier[44] très célèbre médecin de Gênes, Cecilio Folli[45] médecin de Venise et très expert professeur d’anatomie, écrit : « J’ai lu avec immense avidité ce remarquable livre que votre intime ami M. Guy Patin vous a envoyé de Paris, et ne parvenant pas à en trouver de meilleur, parmi les nombreuses louanges que je puis répandre, je choisis de n’en dire qu’une, c’est qu’il est l’œuvre de Monsieur Riolan à qui la louange est due parce qu’il a remporté tous les suffrages [Page 153 | LAT | IMG] pour son talent à joindre l’utile à l’agréable ; mais les livres de Riolan ne souffrent pas d’être loués car ils sont au-dessus de cela et n’admettent plus de l’être, sauf à vouloir lasser tout le monde. Je garde donc pour moi, au fond du cœur, les nombreuses louanges que mérite cet éminent homme, car je ne viendrai jamais à bout de les chanter, même en n’y prenant aucun répit. À Venise le 7 décembre 1652. » [18]

Markward Schlegel, disciple de Riolan, et très docte médecin et habile anatomiste de Hambourg, loue admirablement le talent et l’adresse de son ancien maître en anatomie, et recommande ses livres à tous. [17]

Guiffart, très docte médecin de Rouen et anatomiste accompli, reconnaît Riolan pour son vénérable maître : « par ses nombreuses dissections et ses lectures d’auteurs divers, par la longue suite d’années qu’il a consacrées à pratiquer et à raisonner sur l’examen très attentif des corps, Riolan s’est montré le plus perspicace de tous ceux qui l’ont précédé. » [19]

Tous ceux qui ont daigné lire son Opuscule sur les Veines lactées ont remarqué les éloges que Charles Le Noble[46] très savant médecin de Rouen et anatomiste fort compétent, y adresse à Riolan[20]

Dans son Introduction à l’art de remédier, parue en 1654, Hermann Conring écrit : « Riolan le Jeune a trouvé plus grande gloire que celle dont on m’honore avec sa grandiose et si célèbre Anthropographie, ainsi que par son Manuel anatomique qui est plus digne d’être lu avant les autres, en raison de son contenu pathologique. » [21][47][48]

Voici encore le jugement du noble Monsieur Charles Artur du Plessis, [Page 154 | LAT | IMG] docteur en médecine à Avranches, sur Riolan : [22][49][50] « Hippocrate a le premier sculpté l’anatomie, qui est l’œil de la physiologie, et le principe et fondement de la médecine, puis Galien l’a considérablement éclairée. Néanmoins, ces derniers temps, nous disposons presque de ses ultimes contours car voici environ quarante-cinq ans, sous les auspices du très heureux roi Henri le Grand[51] et sous le nom d’Anthropographie, vous avez entrepris d’embellir cette Sparte, [23] en la pétrissant une troisième fois, en gommant ses rides, en y ajoutant des réflexions et observations nouvelles, et vous l’avez si élégamment polie que vient tout juste de se lever enfin en pleine lumière, comme le faîte de l’art, un ouvrage parfaitement achevé : c’est l’abrégé le plus riche et complet, où les adeptes de notre métier, tant vieux que jeunes, puiseront à l’envi, ainsi que d’un trésor ; et pour que rien ne manque au si éminent prix de votre œuvre, vous y avez encore ajouté le Manuel anatomique et pathologique, pour promouvoir les opérations de l’art et les diriger très utilement, si bien que chacun doit vous exprimer les remerciements publics qui vous sont dus à tant de titres. Nul non plus ne manquera de reconnaître les mérites que vous avez accumulés, en recevant la claire approbation de tous les savants car vous avez dirigé l’anatomie durant tant d’années, non seulement depuis les chaires et les amphithéâtres des Écoles, mais aussi par tous ces brillants livres que vous avez publiés, à l’intention des Français, nos compatriotes, comme à celle des étrangers, Anglais, Hollandais, Allemands, Italiens, Espagnols, car vous êtes partout recommandé avec éloges. Pour moi, qui suis un homme d’esprit sincère et candide, je les répands très librement, [Page 155 | LAT | IMG] et vous vénère et admire comme presque le seul de tous les auteurs de notre temps qu’il faut hautement célébrer. Qu’y a-t-il en effet de plus brillant et glorieux que de recevoir de son vivant cet hommage que post cineres rari habent Poëtæ, pour parler comme Martial[24][52] dont, me dit-on, vous prisez fort le sel ? Courage donc, Monsieur ! vous êtes à l’abri des jugements capricieux, vous avez acquis la commune admiration de quiconque se voue aux études anatomiques : c’est par cet éloge que le très savant Duret [53] a conclu ses louanges d’Hippocrate[25] Continuez à enfoncer un bonnet sur vos cheveux blancs, et prenez exemple non seulement sur l’unique Fabrice d’Aquapendente [54] s’appliquant à écrire des livres en sa quatre-vingtième année d’âge, mais aussi sur d’autres qui ont très heureusement couronné leur vie en luttant dans l’arène littéraire. Le dernier de juin 1651. » [26]

Alethophilus est soumis à Pecquet, et donc contraint de s’opposer à Riolan et d’en dire du mal, comme il a cherché à le faire en divers endroits de sa lettre[55] Voici toutefois comment Adrastée [56] le pousse à parler de moi : « Quoi qu’on en pense, je crois qu’il faut pardonner à un vieillard qui n’a pas démérité de la république des lettres, qui a parsemé son Anatomie des fleurs qu’il a tirées avec un louable soin des meilleurs ouvrages classiques, qui a fort élégamment habillé et orné des faits fort rebattus et vulgaires, et qui a surtout eu le souci non négligeable de rappeler leur intérêt dans la pratique médicale. »

Pexatus pulchrè, rides mea, Zoïle, trita,
Sunt hæc trita quidem, Zoïle, sed mea sunt
[27][57]

J’ai dressé un modeste relevé ou inventaire de mes travaux dans mon Anthropographie de 1626, afin de faire savoir au lecteur ce que j’ai découvert ou corrigé. [28][58] Si Alethophilus avait pris la peine de le consulter et s’y connaissait bien en anatomie, il n’aurait pas prononcé un jugement si hardi et mal avisé [Page 156 | LAT | IMG] sur mes recherches ; mais il faut pardonner à ce parasite et sycophante qui vend sa plume au plus offrant. Écoute donc bien ceci, cher Alethophilus :

Miserum est aliena viuere quadra[29][59]


Réponse à l’Anagramma de Riolan[60]

Un inepte poétereau et rimailleur merdeux, qui se donne le nom d’Alethophilus dans une lettre impie et abominable qu’il a écrite à Pecquet, a composé des vers ridicules et insensés contre notre médecine et les médecins de Paris, sur l’anagramme de Riolanus, Lanius ore insano ; [30] mais il n’a pas bien considéré que son patron, le susdit Pecquet, armé de sa secespita (le couteau en fer que les Anciens utilisaient pour immoler les victimes qu’ils offraient en sacrifice), a massacré des centaines de chiens ; [61] c’est donc lui qui est le Lanius ore insano, le canicide, l’euiscerator canum rabidus, en français « l’écorcheur de chiens enragés ». [31] Riolan, quand il anatomisait publiquement, revêtu d’une longue robe de soie, disséquait avec tant de dextérité et d’adresse, sans presque aucune effusion de sang, qu’il n’avait besoin ni de tablier ni de manchettes, comme il l’a déclaré à la page 62 de son Anthropographie : Ne medici secantis actio sit horrida et sordida, partes omnes peritè ac solerter secabit, [Page 157 | LAT | IMG] vt vitet largas sanguinis effusiones, aut eas citissimè spongiabit ; quæ si præstiterit eleganter, non indigebit eo vestitu, qui lanij pecudes mactantis speciem redolet. Propterea soleo tunica eadem sericea talari indutus secare, et demonstrare Anatomen, qua suggestum ascendo ad docendum. Appositè Soranus, cap. 4, [62] ad nostrum institutum : Ipsa Natura interdum indoctis, etiam peritorum tribuit efficaciam : sed ipsa operatio et ipsius honesta tractatio longè in eo apparet, qui peritus est, et facile improbat imperitum[32][63] On m’a depuis longtemps reproché d’exercer la boucherie quand je dissèque les cadavres de mes propres mains, en disant que j’accomplis là une tâche qui est dévolue au chirurgien, car c’est à lui qu’incombe la charge d’exécuter et de monter l’anatomie ; le docteur régent se contente de la commenter et de discourir publiquement sur ce qu’il en connaît, comme s’il n’était qu’un physicien[64] Ai-je exercé la boucherie et donné la torture en spectacle quand j’ai moi-même disséqué des cadavres ? Je conviens certes que cette tâche a été bien plus profitable pour nos élèves et nos auditeurs, que glorieuse pour moi, mais un médecin peut-il parfaitement discourir sur les structures anatomiques s’il ne les a pas soigneusement examinées de ses propres yeux et explorées de son adroite main ? Où donc cherchera-t-il à obtenir leur connaissance et leur représentation ? Est-ce d’un dessin inutile et trompeur ? Est-ce désormais le chirurgien qui sera le précepteur du médecin, dont dépendront son discours, sa main et son savoir ? Vous en lirez plus sur ce sujet dans le chapitre xvii, livre i de l’Anthropographie[33]

Si je n’avais pas disséqué moi-même, je n’aurais pas enseigné la manière de le faire facilement, ce qui m’a valu les louanges des médecins et des bons anatomistes : Schlegel, dans son livre sur la Circulation contre Riolan et Michael Kirsten [65] dans le très élégant poème qu’il lui a dédié,

Accedit causæ consors Riolanus, et ingens
Affert momentum,
Phœbi Riolanus amicus,
Cui faciles
Pallas cultros, ritúsque secandi
Felices dedit : hinc partis ex arte tropæis,
Eminet ante alios, et vertice pulsat Olympum
[34][66][67]

Après tant d’éclatants éloges, que je n’ai pas mendiés en écrivant des lettres, comme quelques-uns ont coutume de le faire, j’ai de quoi me réjouir en mon for intérieur et bien espérer de mes travaux anatomiques. Je puis enfin employer ce vers de Virgile, qui va contre le gré des suppôts pecquétiens et de Pecquet lui-même :

Fortunate senex, ergo tua rura manebunt[35][68]

FIN.

Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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