Résumés des communications
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09h00 |
Ouverture de la journée |
09h20 | Jean-Louis Fischer (Centre Alexandre-Koyré) Les représentations de l’embryon et du fœtus humain : entre art et science. |
10h00 |
Christiane Nivet (Université Paris 7) |
10h40 | Pause |
11h00 |
Philippe Lherminier |
11h40 |
Christian Bange (Université Lyon 1) |
12h20 | Céline Briée
(Université de Nantes) Du verdissement des huîtres aux limites qui séparent le règne animal et végétal ou la querelle qui opposa Benjamin Gaillon à Jean-Baptiste Bory de Saint-Vincent dans les années 1820. |
13h00 | Pause déjeuner |
14h30 | Charles Galperin (IHPST) De l’évolution au développement. |
15h10 | Françoise Longy
(IHPST, Université Marc-Bloch
Strasbourg) La sélection naturelle en tant que cause. Probabilité, hasard et biais sélectifs. |
15h50 | Pause |
16h10 | Gerald Fournier (Université Lyon 1) Contribution à l'anthropologie de Darwin. Pour un examen critique de "l'effet réversif" (P. Tort, 1983): la question décisive de la sympathie. |
16h50 |
Maël Lemoine (Université de Tours)
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17h30 |
Assemblée générale et Conseil d’administration de la Société |
Résumés des communications
Jean-Louis Fischer(Centre Alexandre-Koyré) Les représentations de l’embryon et du fœtus humain : entre art et science |
Nous évoquerons dans cette conférence des constructions de discours possibles concernant des représentations de l’embryon et du fœtus humains dans la normalité, l’anormalité et l’imaginaire, en nous appuyant sur des modèles historiques : rosace de la cathédrale de Lausanne (12e-13e s.), gravures des 16e et 17e s., cires anatomiques des 18e et 19e s., planches gravées du 19e s., gravures et sculptures d’artistes du 20e s… Au-delà de l’esthétisme qui caractérise ces représentations nous découvrons une symbolique de l’objet caractérisant aussi bien l’irrationnelle imaginaire d’une pensée culturelle, sociétale, théologique … que la rationalité d’une pensée scientifique s’appuyant sur des extrapolations tirées d’observations réelles… parfois aussi imaginaire et réalités se mêlent… |
Christiane Nivet (Université Paris 7) Gregor Mendel fut-il un étudiant clandestin à l’Université de Vienne en 1851 ? |
La réforme de l'enseignement universitaire mise en place dès 1849 à l'université de Vienne, tout en promouvant l'autonomie de la science par rapport aux pouvoirs politique et religieux, a instauré des mécanismes de contre sélection des étudiants ayant participé aux événements révolutionnaires de 1848. Nous suggérons que G. Mendel faisait partie de ces proscrits, son nom qui figurait avec la mention de « candidat professeur » au bas d'une pétition envoyée à l'assemblée constituante en août 48, constituait un témoignage compromettant suffisant pour le faire figurer sur la liste des proscrits interdits d'Université. En absence de documents justifiant de son inscription et de ses travaux à l'Université, nous montrerons comment il a néanmoins pu suivre des études universitaires à Vienne grâce à des protections dont il a pu bénéficier de la part des physiciens, les professeurs Baumgartner et Doppler.Il devint ainsi un des fleurons du premier état de la reforme. |
Philippe Lherminier La barrière d’espèce : mythe et génétique |
L'expression "barrière d'espèce" n'est pas seulement une métaphore trompeuse. C'est un
mythe qui renvoie à l'idée créationniste et finaliste d'une entité idéalement close, et qui suggère
l'existence d'organes ou de fonctions ayant pour but la protection de l'intégrité des espèces et finalement
de l'ordre naturel. Le dogme de l'incommunicabilité des substances l'élève au statut de principe
métaphysique. Plusieurs exemples montrent la persistance d'un tel mythe jusque dans les dossiers les plus
techniques. 1) Les conjoints de même espèce se recherchent et se conviennent, mais d'une espèce à l'autre ils ne s'évitent pas : simplement ils s'ignorent. L'isolement sexuel entre espèces n'est pas une fonction, car il n'existe ni organe de protection ni molécule répulsive qui mériterait le nom de "barrière". 2) La barrière infectieuse entre espèces n'est pas plus réelle : les parasites, les germes pathogènes, ne cherchent pas une espèce mais des conditions de vie. 3) La barrière de xénogreffe (un cœur de porc à un homme) est aussi incohérente : il n'y a pas de barrières immunologiques entre espèces mais des incompatibilités qui n'ont que des rapports lâches à la parenté taxonomique. A son tour la transgénèse (un "gène humain" à un "gène de souris") est perçue comme une transgression parce qu'on s'imagine que chaque gène appartient en propre à une espèce. 4) Les élucubrations sur la Création et l'ID se résument en dernière analyse au refus mythique du passage d'une espèce à une autre. D'ailleurs la Genèse est le triomphe de l'espèce, tandis que la Bête de l'Apocalypse en est la déchéance. La Théogonie d'Hésiode montre aussi comment le Chaos s'ordonne quand paraît l'espèce. 5) Il est plus décevant que des psychologues placent une séparation nette entre comportement animal et humain : la barrière de la parole. 6) L'écologie elle aussi résout la biodiversité à un dénombrement d'espèces, comme si la disparition d'un moucheron se comparait à celle des guépards ou des gorilles. L'espèce est une idée régulatrice au sens de Kant. Elle guide et coordonne nos recherches, suggère des hypothèses, classe et unifie nos savoirs. Mais si au contraire on fait l'erreur de lui conférer une valeur causale, alors le statut épistémologique de l'espèce est perverti : elle devient un mythe explicatif. |
Christian Bange
(Université Lyon 1) |
Parmi beaucoup d’autres apports dont les sciences de la vie sont redevables à Linné, la nomenclature binomiale (tout être vivant est scientifiquement désigné par un nom constitué de deux termes, le premier se rapportant au genre et le second à l’espèce à laquelle on peut le rapporter) constitue aujourd’hui le legs le plus visible et le plus souvent célébré. Employé systématiquement pour les végétaux par Linné dans son Species plantarum (1753), ce mode de nomenclature a été progressivement adopté au cours de la seconde moitié du XVIIIème siècle dans toute l’Europe, y compris la France où cependant plusieurs naturalistes, parmi les plus célèbres (Buffon et Adanson, par exemple) émettaient de vives critiques envers divers aspects des doctrines linnéennes. Comme le démontre l’étude des ouvrages de botanique et de zoologie publiés entre 1753 et 1800, l’opposition à Linné n’a cependant pas été aussi absolue en France qu’on a pu le dire, et même si l’adoption de la nomenclature binomiale n’implique pas nécessairement l’adhésion à la totalité des idées et des pratiques de Linné, elle est cependant liée suffisamment à ses principaux concepts taxinomiques pour expliquer comment, malgré les critiques pertinentes qui ont pu lui être adressées, l’esprit du linnéisme s’est imposé en France avant même la mort de Buffon (1788). |
Céline Briée (Université de Nantes) Du verdissement des huîtres aux limites qui séparent le règne animal et végétal ou la querelle qui opposa Benjamin Gaillon à Jean-Baptiste Bory de Saint-Vincent dans les années 1820. |
Charles Galperin (IHPST) De l’évolution au développement |
Ce titre peut surprendre. Habituellement on passe des mécanismes qui gouvernent le développement de l'organisme à ceux qui provoquent l'innovation dans l'évolution. Ici on prendra le chemin inverse. En effet,si l'on considère l'oeuvre de Ed.B.Lewis(1918-2004) on constate que les problèmes qui retiennent le grand généticien du développement chez la Drosophile sont ceux des conditions d'émergence des fonctions nouvelles dans l'évolution ou encore celles de nouveaux gènes. Nous insisterons sur l'étude de 1951,"pseudoallelisme and gene evolution"où s'appuyant sur la structure des chromosomes il reprend une question déjà ancienne, reprise par C.B.Bridges en 1935, celle de la duplication des gènes. Comment est conduite l'analyse génétique des segments du corps de la drosophile? Comment se construit le premier modèle? On insistera sur le rôle indispensable de l'histoire des sciences pour comprendre la naissance et la persistance de nouveaux concepts et l'originalité des cheminements de la recherche. |
Françoise Longy (IHPST, Université Marc-Bloch, Strasbourg) La sélection naturelle en tant que cause. Probabilité, hasard et biais sélectifs |
Que désignent les expressions "sélection naturelle" et "dérive génétique" dans la théorie
de l'évolution contemporaine? Des causes, comme on le suppose couramment, ou de simples effets statistiques?
Depuis sept ou huit ans, le débat fait rage parmi les philosophes de la biologie anglo-saxons. D'un côté,
Sober, Rosenberg, Millstein, Brandon, Bouchard et un certain nombre d'autres défendent l'interprétation
habituelle, causaliste, de la sélection. De l’autre, Walsh, Ariew, Matthen contestent cette dernière en
s'appuyant sur une analyse du rôle des probabilités dans les théories évolutionnistes. C'est la nature
probabiliste, stochastique, attribuée aussi bien à sélection qu'à la dérive qui fait problème. La
détermination des causes dans les processus stochastiques soulève, en effet, des difficultés particulières. Notre objectif est de défendre le point de vue causaliste et de le préciser. Notre point de départ est une analyse critique d'un argument central des anti-causalistes développé par Matthen et Ariew en 2002. Leur argument s'appuie sur une analogie avec le lancer à pile ou face. Nous verrons, d'abord, ce que cette analogie nous apprend sur les causes à effet probabiliste, c'est-à-dire les causes qui sont supposées déterminer la probabilité d'un certain effet et non pas le produire de façon certaine. Nous verrons aussi comment une meilleure compréhension des causes à effet probabiliste condamne certaines perspectives, par exemple, celle adoptée par Sober en 1984 qui assimile la sélection et de la dérive à des forces. Ensuite, nous nous séparerons de Matthen et Ariew. Nous établirons que, contrairement à ce qu'ils affirment, il est possible dans beaucoup de cas de déterminer après coup les rôles causaux respectifs de la sélection et de la dérive dans une évolution particulière malgré la nature probabiliste de ces dernières. Ce qui explique cette singularité, c'est la façon particulière dont biais et hasard se combinent dans la sélection naturelle. On n'est donc pas contraint au même ignorabimus face à un résultat de l'évolution que face au résultat d'un lancer à pile ou face. Cela sauve, montrerons-nous, une des interprétations causalistes que Matthen et Ariew avaient prises comme cibles. Dans la dernière partie, nous ferons apparaître l'intérêt de la réflexion menée par les anti-causalistes. Elle éclaire de façon décisive la question même si elle manque son but. Elle fournit, en effet, le moyen de séparer les causalistes en deux camps, d'établir qu'un camp a tort, et de dégager les principes d'une interprétation causaliste cohérente et solide de la sélection naturelle et de la dérive. |
Gerald Fournier
(Université Lyon 1) Contribution à l'anthropologie de Darwin. Pour un examen critique de "l'effet réversif" (P. Tort, 1983): la question décisive de la sympathie. |
La thèse de P. Tort est que, chez Darwin, « par la voie des instincts sociaux la sélection naturelle sélectionne la civilisation qui s’oppose à la sélection naturelle ». Tel est « l’effet réversif » de l’évolution. « Là où la nature élimine, la civilisation préserve » ; avec la civilisation, il y aurait donc, chez Darwin, « élimination de l’élimination ». La civilisation est définie par la protection qu’incarnent la médecine et l'aide sociale. Cette lecture repose sur l’extension de la sympathie à tous les hommes, jusqu’aux animaux. Si P. Tort nous dit que l’idéologie se définit par un processus de réduction et d’extension, notre thèse est que lui-même cède et réduit la sympathie à la compassion et étendcette dernière à la sympathie. C’est pourquoi il voit l’extension de la sympathie comme une extension de la compassion, de l’altruisme. Or un passage précis de l’œuvre l’interdit et souffre d’ailleurs d’une traduction étonnante (comparez la Filiation de l’homme, p. 222 (trad. Tort) avec l’original). On verra que l’extension de la sympathie n’est pas le problème (dégénérescence) mais sa solution ; que chez Darwin, les « supérieurs » se réservent le monopole de la reproduction légitime ; que l’accepter (de la part des « inférieurs ») c’est faire preuve de la même noble nature et d’une extension de la sympathie à la nation et à son avenir. Que c’est parce que les « inférieurs » en sont pour l’instant incapables que Darwin estime nécessaire, sans négliger la voie éducative, (XXI) une conservation de la lutte pour l’existence, bien qu’elle entraîne beaucoup de souffrances dit-il. Est-ce cela l’élimination de l’élimination ? On proposera ainsi une anthropologie darwinienne revisitée ainsi qu’un effet réversif alternatif. |
Maël Lemoine (Université de Tours)
Désunité de la science médicale ? |
Une explication scientifique peut toujours être développée ou approfondie, de sorte qu'un phénomène semble ne jamais pouvoir être expliqué. Dans ces conditions, chaque discipline scientifique définit les conditions d'une explication "suffisante" ou "satisfaisante" dans son propre champ. En partant d'un exemple d'énoncé médical : "la cyclosporine est un agent immunosuppresseur efficace unique qui offre un grand potentiel de contrôle du rejet de greffe" (Hess & al., 1986), on se propose de mettre en évidence les conditions pour qu'un énoncé scientifique soit tenu pour expliqué de manière suffisante en médecine. Est ainsi tout d'abord mis en lumière le rôle des "valeurs explicatives" ou croyances qui définissent ces conditions. L'exemple particulier de la science médicale montre ensuite la pluralité des valeurs explicatives qui peuvent circonscrire et régler le domaine d'une science, leur irréductibilité, mais aussi leur nécessaire collaboration. Sur l'exemple particulier de l'action de la cyclosporine, on expliquera succintement le rôle des valeurs explicatives du pharmacologique, du clinique, du biologique, du mécanique et de l'épidémiologique. |