[Neuhaus, Centuria vi, Epistola lxi, page 87 | LAT | IMG]
À l’illustre M. Guy Patin, médecin royal de Paris, à Paris.
Illustre Monsieur Patin, [a][1][2]
Quelques mois ont passé depuis que je vous écrivis ma dernière. Vous y ayant remercié comme il convenait pour l’immense ouvrage numismatique de votre fils Charles [3] et pour ces autres livres qui ont vu le jour sous votre soleil, j’espère que vous aurez perçu ma gratitude pour la lettre que j’avais reçue de vous avec félicité. Honte à moi si la mienne était mal tournée et si vous m’avez tenu pour indigne de vous, bien que cela se fît sans mauvaise intention ni offense de ma part. Aussitôt que [Neuhaus, Centuria vi, Epistola lxi, page 88 | LAT | IMG] M. Vander Linden [4] m’a remis ce paquet béni de vos livres, j’avais pris la plume, témoignant en deux pages de mon intime affection, tant pour vous que pour votre fils et toute votre famille ; elle s’est ici acquis gloire et renom parmi tous les érudits, comme étant un riche atelier où abondent tous les savoirs, d’où oracles et habiles discours se répandent dans le monde entier. [1] Je reconnais être vraiment heureux d’avoir, par je ne sais quelle faveur du sort, pénétré en cette maison, moi que ni les tiares elles-mêmes ni ces dieux apolliniens ne méprisent et n’ignorent totalement. [2][5][6] Le ciel fasse que, si l’occasion s’en présente à moi, je puisse un jour vous rendre dignement la pareille des bienfaits que j’ai reçus de vous, et célébrer à hauteur de leurs mérites le renom et l’éclat des Patin. Pour en témoigner, je me permettrai seulement d’insérer ici ces vers :
Tot veterum monumenta Ducum, tot Templa Minervæ, [7]
Et Druidum tot sacra Schola, Regumque Penates, [8]
Et cum Borboniis insumere tempora Musis. [3]
Mon cher Patin, les tristes funérailles du très distingué Vander Linden viennent ternir ces réjouissances et ces lauriers ; [9] lui que voilà arraché à notre École, [10] au grand dam de tout le public. La mort d’un homme dont le renom et la splendeur étaient si grands a couvert nos yeux de ténèbres et de cruauté. Comme vous verrez, j’ai commis quelques petits vers en hommage à ses mânes immortels, non sans célébrer son illustre renom. [4] Je préférerais pourtant que quand ils en auront le temps, par dévouement et affection pour lui, Apollon et les Muses célestes n’aillent point jusqu’à le chanter après moi, pour le porter aux nues plus noblement que dans mon style tragique et lyrique. Autrement, je n’ai rien qui soit digne de vous être dit. Nous vivons ici dans la paix, souhaitant être exempts des soupçons de guerre et de malheurs qui pourraient s’ensuivre, mais spemque metumque inter dubii, [5][11] comme il est ordinaire ici-bas. Vous, qui avez fait la paix avec Rome, [12] allez tout droit dans une guerre contre le Turc, [13] en envoyant à l’empereur [14] des troupes de renfort parce que la conjoncture le demande. Je souhaite au monde chrétien [Neuhaus, Centuria vi, Epistola lxi, page 89 | LAT | IMG] de réussir et qu’à la fin, les bonnes alliances ayant été conclues et l’ennemi mis en fuite, César victorieux [15] puisse considérer, en présence du roi Louis, [16]
tutos interim Germania Fines
Viderit, et sese Pax alta in sceptra reponat. [6]
J’en ai fini.