L. latine 328.  >
À Johann Georg Volckamer,
le 4 décembre 1664

[Ms BIU Santé no 2007, fo 180 vo | LAT | IMG]

Au très distingué M. Johann Georg Volckamer, à Nuremberg.

Très distingué Monsieur, [a][1]

Quoique vous ayant récemment écrit, je le fais de nouveau pour répondre à votre dernière, où vous avez parlé d’acheter une trousse d’instruments chirurgicaux. [2] Pour les acquérir, j’ai pris l’avis d’un ami chirurgien, opérateur fort aguerri, qui a consulté un artisan, honnête homme et savant en son métier. Il a obtenu de lui un catalogue des nombreux instruments de cette catégorie, que je joins à ma lettre. Vous verrez vous-même, avec ceux qui s’y connaissent en chirurgie, s’il y manque quelque chose. Tout ce que vous pourrez désirer de plus sera très facilement ajouté, et tout cela au prix courant et sans aucune tromperie. Voyez donc et examinez ce catalogue que je vous envoie et soyez assuré que je veillerai, autant qu’il me sera possible, à ce que nul ne nous leurre, ni sur le matériel ni sur le prix.

Sachez en outre que dans le paquet de livres que j’ai récemment expédié à Lyon, chez M. Charles Spon docteur en médecine, [3] [Ms BIU Santé no 2007, fo 180 ro | LAT | IMG] à l’intention du très éminent M. Richter, [4] que je salue de tout cœur, j’ai glissé un livre de chirurgie en français, par Jacques de Marque, chirurgien de Paris, [5] que vous-même ou M. Rolfinck [6] m’avez naguère demandé. S’il s’agit de vous, alors prenez-le pour vous ; sinon, envoyez-le à ce fort éminent homme, avec mes salutations les plus obligeantes. [1] Notre jeune reine, dit-on, se porte un peu mieux de sa fièvre, mais nous n’avons aucune autre certitude sur sa santé. [7] Il semble que l’affaire du surintendant Fouquet [8] s’adoucisse de jour en jour, ce qui fait que beaucoup de gens espèrent une issue favorable ; néanmoins, ses amis et ses proches sont encore fort dans la crainte, étant donné que rien n’est jamais certain dans les affaires auliques et que, dans une cour qui est la plus corrompue des cours, toutes choses sont peu sûres et fragiles. Le Fragmentum Petronii n’a pas encore paru, je ne comprends pas la cause de ce retard. [9][10] On apprête ici l’édition d’un livre français, par M. de Mézeray, [11] très savant homme, ce sera l’Abrégé de l’Histoire de tous les rois de France, depuis le premier, qui fut Pharamond, [12] jusqu’à nos jours ; [2] chaque roi aura son portrait avec un abrégé de l’histoire de son temps. L’auteur m’a lui-même affirmé qu’il fera en sorte que l’édition soit terminée en quatre mois ; ce sera un ouvrage très beau, très élégant, et très utile et commode pour comprendre aisément notre histoire ; si vous le désirez, je vous l’enverrai très volontiers. Je salue tous nos amis, et en premier M. Felwinger, [13] etc. Dieu vous conserve, très brillant Monsieur. Vale et aimez-moi.

De Paris, ce jeudi 4e de décembre 1664. En ce même jour, il y a vingt-deux ans, le cardinal Armand Jean de Richelieu, insigne tyran et le pire des vauriens empourprés, a connu l’exigence du sort qui n’épargne personne. [14] Pour le plus grand bien de toute la France et même de toute l’Europe j’aurais souhaité qu’il ne fût jamais né.

Votre G.P. de tout cœur. [3]


a.

Brouillon manuscrit d’une lettre à Johann Georg Volckamer, que Guy Patin a dicté (quelques corrections et additions, la souscription et la signature sont de sa plume) : ms BIU Santé no 2007, fos 180 vo‑181 ro.

1.

Méthodique introduction à la Chirurgie. Extraite des bons auteurs, et divisée en deux parties. Par Jacques de Marque, maître barbier, chirurgien à Paris. Première partie. Dédiée à la communauté des Maîtres audit Art en cette dite ville (Paris, Claude de Monstr’œil, 1603, in‑8o ; rééditions avec les deux parties en 1626 et 1652).

Guy Patin avait sans doute envoyé à Nuremberg, pour Johann Georg Volckamer ou à Werner Rolfinck, par l’intermédiaire du jurisconsulte Johann Georg Richter, la réédition complète et récente (Paris, Jean Baptiste Loyson, 1662, in‑8o) des Œuvres du sieur Jacq. De Marque, ancien et fameux Chirurgien juré à Paris, contenant :

En 1778, Éloy écrivait de Jacques de Marque (Paris 1569-ibid. 1622), neveu d’un chirurgien de même nom (natif de Nantes et mort à Paris en 1618), que :

« Supérieur à ses confrères par la qualité de bon logicien, qui était alors si rare parmi eux, doué de l’esprit le plus judicieux, versé dans les écrits d’Hippocrate, de Galien, de Celse, de Paul d’Égine, d’Aëtius, d’Albucasis, de Gui de Chauliac, de Tagault, de Paré et d’autres auteurs qui ont travaillé sur la chirurgie, il éclaira son siècle par des ouvrages qui méritent encore d’être lus et qui ont servi de canevas à des livres plus nouveaux que nous lisons aujourd’hui. »

2.

V. notes :

3.

La dernière phrase, la souscription et la signature sont de la plume de Guy Patin. V. note [14], lettre 75, pour la mort de Richelieu le 4 décembre 1642.

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 180 vo.

Clariss. Viro D. Io. Georg. Volcamero. Noribergam.

Nuper ad Te scripsi, vir Cl. ecce tamen iterum scribo ut respondeam
postremæ tuæ, in qua egisti de emendia supellectile quadam
instrumentorum chirurgicorum, de quibus habendis consului
Chirurgum, virum mihi amicum, et artificem peritissimum :
ille consuluit Opificem, virum bonum et eruditum in arte sua,
à quo sumpsit n
Nomenclatorem multorum ejusmodi organorum,
quem ecce Tibi mitto. Quod si aliquid in illo desit, Tu videbis
cum peritis rei chirurgicæ : quidquid enim ultra desiderabitur,
facillimè superaddetur, idque totum vulgari pretio, et absque
ulla fraude : vide ergo et examina Nomenclatorem quem ad
Te mitto, habeásque pro certo me, quantum in me erit, daturum
operam ne quis nos fallat aut in re ipsa aut in pretio emptionis.

Præterea scias velim me in fasciculo librorum nuper
transmisso Lugdunum ad D. Car. Sponium, Doct. Medicum,

t.

Ms BIU Santé no 2007, fo 181 ro.

pro viro præstantissimo D. Richtero, quem ex animo saluto, inseruisse
librum quemdam chirurgicum et Gallicum, Authore Jac. de Marque,
chirurgo Parisiensi, quem t
Tu vel D. Rolfinkius antehac à me
petijstis : si Tu, habeas illum t
Tibi, sin minus, mitte ad illum cum salute
officiosissima ad tantum virum. Junior nostra Regina dicitur
paulò melius habere de febre sua, nec quidquam aliud habemus
certi de ejus valetudine. Gazophilacis Fuqueti negotium videtur
in dies mitescere, unde fit ut multi bene sperent de eventu,
nihilominus tamen ejus Amici et propinqui adhuc fortiter
M
metuunt, cùm in negotijs Aulicis nihil sit certum, et in aula
omnium aularum corruptissima, omnia sint infida, et exiguæ securitatis. Fragmentum
Petronij
nondum prostat, ejus moræ causam non intelligo.
Hîc adornatur Editio libri cujusdam Gallici, Authore D. de Mézeray,
viro D
doctissimo : erit Epitome Historiæ omnium Regum Galliæ à
primo, i. Pharamundo usque ad nostra tempora : unusquisque
Rex habebit suam effigiem et breviarium historiæ sui temporis :
Author ipse mihi affirmavit se effecturum ut intra quatuor
menses inchoata Editio ad finem perducatur ; erit Opus
pulcherrimum, elegantissimum, et ad Historiæ nostræ notitiam
uti facilè assequendam utilissimum atque commodissimum :
quod si habeas in votis, libertissimè mittam. Amicos nostros
omnes saluto, et imprimis D. Felwingerum, etc. Deus te servet,
Vir præstantissime. Vale, et me ama. Parisijs, die Iovis
4. Decembris 1664 Dec. 1664.

I. eodem ipso die quo ante annos vigenti duos fati nemini parcentis necessitatem
expertus est Tyrannus insignis et pessimus nebulo purpuratus,
Io. Armandus cardinalis Richelius : Tuus ex animo
qui utinam summo
totius Galliæ bono, imò totius Europæ commodo numquam natus fuisset. Tuus ex animo G.P.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johann Georg Volckamer, le 4 décembre 1664

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(Consulté le 19/09/2024)

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