À Charles Spon, le 12 décembre 1642, note 14.
Note [14]

V. note [3], lettre 672, pour l’emploi médicinal des excréments d’animaux.

Hermant (tome i, chapitre xvi, pages 176‑177) a identifié ce charlatan qui vint au chevet de Richelieu mourant :

« Sa maladie s’augmentant parmi ses inquiétudes, il se servit d’un médecin de Troyes, nommé Le Fèvre, {a} qui lui donna son passeport pour l’autre monde par une pilule qui lui avança ses jours. On crut pendant quelque temps qu’il était guéri et il le croyait peut-être lui-même ; mais la crainte que l’on en avait se trouva sans fondement. Le roi le visita dans cette dernière extrémité. Il fit paraître jusqu’à la fin une constante politique, et M. Tonnelier, docteur en théologie, curé de Saint-Eustache, qui lui administra les sacrements, l’interrogeant, selon l’usage de l’Église, s’il ne demandait point pardon à ceux qu’il avait offensés et ne pardonnait point à ses ennemis, il lui répondit qu’il n’avait jamais eu d’autres ennemis que ceux du roi et de l’État et qu’il n’avait point de pardon à leur demander. Tant de sang qu’il avait répandu dans le cours de son ministère ne lui causait aucun scrupule, et au lieu que les plus justes craignent leurs meilleures actions, de peur de faire pour le monde et par un motif d’amour-propre ce qui ne doit être fait que pour Dieu, il n’avait pas la moindre peine ni la plus légère appréhension d’avoir recherché sa vengeance particulière sous le voile des intérêts de l’État. Il mourut dans cette paix extérieure le 4 décembre, jour de la Saint-Cyran, {b} à l’âge de 56 ans. On remarque que, comme on faisait ce jour-là dans le diocèse de Paris la fête des Saintes Reliques, l’épître que l’on chantait à la messe, et qui était tirée de la fin du xe chapitre des Proverbes et du commencement du xie, était une terrible conjoncture, et ceux qui ont assez de foi pour croire que tout est réglé dans l’ordre de la Providence en faisaient une étrange application. » {c}


  1. V. note [5], lettre 61.

  2. Cyran (Sigiramnus), ascète et saint français du viie s., avait fondé le monastère de Longoret à Saint-Michel-en-Brenne (plus tard nommé abbaye de Saint-Cyran) et l’abbaye de Méobecq dans le Berri. Hermant prenait ici malin plaisir à évoquer le souvenir de Jean Duvergier de Hauranne, abbé de Saint Cyran (v. note [2], lettre 94) et l’un des pires ennemis de Richelieu.

  3. « Jamais le juste ne sera ébranlé ! mais les méchants n’habiteront pas le pays. La bouche du juste produit la sagesse, la langue perverse sera arrachée. Les lèvres du juste distillent la bienveillance, la bouche des méchants la perversité. Abomination pour Yahvé : la balance fausse ! mais le poids juste lui plaît. Vienne l’insolence, la honte viendra ; chez les humbles se trouve la sagesse. Leur honnêteté conduit les hommes droits ; leur perversité mène à la ruine les perfides. Au jour de la fureur, la richesse sera sans profit, mais la justice délivre de la mort. La justice de l’homme intègre lui aplanit la voie, le méchant s’abîme dans la méchanceté » (Proverbes, 10:30-32, 11:1-5).

Le laudanum, mot venu par déformation de laudatum ou laudandum (digne de louange) ou, moins probablement, de ladanum (gomme du ciste, plante qui n’a aucun rapport avec le pavot), est une panacée, comme une sorte de thériaque (v. note [9], lettre 5), inventée par Paracelse. Elle était composée de feuilles d’or et de perles fines, mais aussi, et surtout quant aux effets, d’une bonne dose d’opium (v. note [8], lettre 118) : « on le mêle avec du sel de tartre, du sucre, de l’esprit de vin, des teintures, d’aromates, poudres cordiales, magistères, sels volatiles et autres extraits, et on s’en sert en une infinité de maladies » (Furetière). Guy Patin le tenait pour une drogue chimique et ne le prescrivait pas, lui préférant l’opium pur, quand les circonstances imposaient un puissant remède narcotique et antalgique (mais potentiellement mortel). Le laudanum, diversement modifié, notamment par l’Anglais Thomas Sydenham (mort en 1689), est resté en usage médical jusqu’à la fin du xixe s.

V. la Leçon de Guy Patin au Collège de France sur le laudanum et l’opium et l’observation x pour maints autres détails critiques sur cette préparation. La pilule narcotique était le mode d’administration le plus courant de l’opium et du laudanum.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 12 décembre 1642, note 14.

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(Consulté le 11/11/2024)

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