L. latine 397.  >
À Bernhard Verzascha,
le 6 avril 1666

[Ms BIU Santé no 2007, fo 207 ro | LAT | IMG]

Au très distingué M. Bernhard Verzascha, docteur en médecine, à Bâle.

Très distingué Monsieur, [a][1]

Ayant reçu hier votre très agréable lettre, j’y réponds brièvement et sans délai. Je ne conteste ni ne mets en doute qu’un calcul se puisse tenir caché au fond de la vessie ; sans nier que nulle manifestation ne saurait à elle seule révéler sa présence au médecin, je pense qu’il peut l’établir sur la combinaison de plusieurs signes. [2] Je suis de même avis que vous sur le diagnostic, mais juge qu’il faut s’abstenir de diurétiques en une telle situation, [1][3] car c’est la cystotomie qui est requise avant tout, la pierre ne pouvant en effet être retirée que par l’ouverture de la vessie. [4] Vous avez néanmoins besoin du plus habile opérateur de Paris : celui-là est François Colot ; [5] il est de présent à Mayence, [6] chez l’archevêque électeur de ce lieu ; [7] vous pourrez vous y rendre pour savoir où il demeure. Entendez-vous alors avec lui pour convenir d’un prix et savoir quel est le meilleur moment pour vous faire tailler, après que vous aurez quitté Mayence. [2] Buxtorf, [8] à qui je n’avais rien demandé et dont je n’attendais rien, m’a très généreusement gratifié ; [Ms BIU Santé no 2007, fo 207 vo | LAT | IMG] je l’en remercie, tout comme vous. [3] J’ai envoyé pour vous notre Hortus regius [4][10][11] à votre collègue, M. Burcardus. [9] Le mois prochain, je vous enverrai autre chose de plus belle importance. Vale, très distingué Monsieur, et aimez-moi.

De Paris, le 6e d’avril 1666.

Vôtre en tout, G.P.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Bernhard Verzascha, ms BIU Santé no 2007, fo 207 ro et vo. Ayant d’abord eu l’intention d’écrire à Sebastian Scheffer, à Francfort, Patin a corrigé sa suscription en conséquence. Il lui a adressé sa lettre latine suivante (9 avril 1666).

1.

Appartenant à la classe des hydragogues (v. note [1], lettre 654), les diurétiques sont des « remèdes qui provoquent l’urine. Le vin blanc pris le matin est fort diurétique, il coule aisément. On a appelé aussi les chiens, animaux diurétiques, parce qu’ils sont sujets à pisser souvent » (Furetière). « On distingue les diurétiques en chauds et en froids. Les chauds sont ceux qui par leurs parties salines, tant fixes que volatiles, animent le ressort des fibres, augmentent le mouvement du sang, l’atténuent, le fondent, et brisent les parties sulfureuses qui liaient et embarrassaient sa sérosité. Les diurétiques froids sont ceux qui relâchent les fibres, lubrifient les voies de l’urine, adoucissent l’acrimonie des humeurs, les délaient, les rafraîchissent et augmentent par leurs parties aqueuses la sérosité du sang » (Trévoux).

Issus des règnes végétal et minéral (eaux métalliques ou thermales), les diurétiques d’alors étaient infiniment moins efficaces que ceux dont nous disposons aujourd’hui (dérivés du mercure pour les plus anciens) ; à tel point qu’ils ont rendu la saignée inutile dans la pléthore sanguine (catarhe suffocant ou œdème aigu pulmonaire de surcharge).

2.

Mayence se situe à quelque 300 kilomètres au nord de Bâle : Guy Patin recommandait tout bonnement à Bernhard Verzascha un voyage aller-retour d’une grosse semaine avec son caillou dans la vessie.

Étant donné les complications parfois fâcheuses (et même mortelles) de la taille, Patin lui conseillait de se faire opérer chez lui, à Bâle, plutôt qu’à Mayence.

Patin n’a plus mentionné Verzascha dans la suite de sa correspondance. J’ignore s’il se fit tailler, mais il vécut jusqu’en 1680.

3.

Johann Jakob Buxtorf avait dû envoyer un présent à Guy Patin en remerciement du conseil qu’il lui avait donné pour soigner sa hernie abdominale (entérocèle), par le bienveillant intermédiaire de Bernhard Verzascha (v. note [1], lettre latine 361).

4.

V. note [3], lettre 841, pour le « Jardin royal » de Denis Joncquet (Paris, 1665).

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 207 ro.

Cl. viro D. Seb. Scheffero, Bern. Verzaschæ, Med. Doctori, Francofurtum. Basileam.

Heri suavissimam tuam accepi, Vir Cl. cui sic paucis et raptim respondeo. De præsentia calculi
in vesicæ fundo latitantis nec disputo, nec dubito : quamvis enim nulla sint in Medicina calculi præsentis
signa univoca, tamen ex aliorum concursu verum concluditur : Tibiq. consentio in diagnosi : sed à
diureticorum usu puto abstinendum in tali casu : sed cystotomia quamprimùm
indiget, sola enim vesicæ sectione potest detrahi : sed requiritis Cystotomum Paris.
peritissimum : ille est Fr. Colot, qui nunc est Moguntiæ, apud Principem Electorem,
Archiepiscopum Moguntium, apud quem de eo audietis ubinam sit : agite igitur
cum illo, ut conveniatis de pretio, ut et de tempore ad sectionem idoneo, postquam miseritis
Moguntiam. Buxtorfius, à quo nihil peteram, nec expectabam, amplissimè satisfecit :

t.

Ms BIU Santé no 2007, fo 207 vo.

quo nomine Tibi et ipsi gratias ago. Hortum Regium nostrum Tibi destinatum misi
ad D. Burcardum, Collegam tuum : proximo mense aliud mittam, majoris momenti.
Vale, Vir Cl. et me ama. Parisijs, 6. April. 1666. Tuus ad omnia G.P.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Bernhard Verzascha, le 6 avril 1666

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(Consulté le 26/04/2024)

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