La palette purgative de Mormot était plus large que celle de Guy Patin ; elle devait bien occuper le temps et remplir la bourse de l’apothicaire de Donzy.
Loiseleur-Deslongchamps et Marquis (in Panckoucke, 1819) ont consacré un long article à l’histoire alimentaire et aux curieuses propriétés médicinales du nénuphar (vol. 35, pages 437‑441) :
« Mais ce n’est point à ces usages économiques que le nénuphar blanc a dû sa réputation. {a} Ses vertus réfrigérantes, antiaphrodisiaques ont été vantées depuis la plus haute antiquité jusqu’à nos jours. Suivant Dioscoride, employé pendant plusieurs jours, il prive entièrement des facultés viriles. Cet effet que produisent également les racines et les semences, dure pendant douze jours, et même pendant quarante, s’il en faut croire Pline (xxv et passim). Il empêche même la formation de la semence. Il suffit, pour en éprouver l’efficacité, du contact de la racine avec les parties génitales. Les chanteurs s’en servaient pour se conserver et se perfectionner la voix, moyen moins barbare assurément que la terrible opération qu’on leur a si souvent fait subir dans la même intention. Les médecins de l’antiquité employaient surtout le nymphæa contre les insomnies érotiques.
Doit-on être surpris, d’après tout cela, que quand aux premiers siècles du christianisme, de saints personnages, pour échapper en même temps et aux vanités mondaines et aux dangers de la persécution, cherchèrent un asile dans les déserts de la Thébaïde, {b} ils aient cru trouver dans le nénuphar le plus puissant secours contre les désirs qui les poursuivaient au fond de leur retraite, et que la solitude et les austérités mêmes ne faisaient peut-être même qu’aiguiser ? […]
Tout semble même annoncer dans la racine du nénuphar des qualités très opposées à celles qu’on se plaît à lui supposer. Sa saveur est amère et un peu astringente ; le sulfate de fer, en faisant noircir son infusion, y décèle en effet un principe astringent. Les mêmes qualités sont encore plus marquées dans son extrait, qui est de plus un peu salé. L’application prolongée de cette racine sur la peau l’irrite, la rubéfie. Enfin, l’usage alimentaire qu’en font les Tartares et les paysans suédois n’a jamais diminué leurs facultés propagatrices.
La propriété antiaphrodisiaque des nymphæa n’est donc qu’une de ces erreurs qui ont passé de livre en livre, de bouche en bouche au travers des siècles, mais que dissipe le moindre examen.
Dès l’Antiquité, la racine de nénuphar, et même ses semences, ont aussi été recommandées contre la dysenterie. On l’a aussi conseillée contre la leucorrhée, la blennorragie, {c} la néphrite, etc. D’autres citent le nénuphar comme calmant la toux ; son utilité dans tous les cas ne paraît pas beaucoup mieux prouvée que contre les mouvements érotiques. Son application sous les pieds pour guérir les fièvres intermittentes mérite-t-elle d’être mentionnée ? »
- V. note [95] de la thèse sur la Sobriété (1647) pour le nom latin du nénuphar, clava Herculis [massue d’Hercule].
- V. note [15], lettre 868.
- Pertes blanches vaginales et gonococcie (gonorrhée virulente ou chaude-pisse, v. note [14], lettre 514).
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