À Charles Spon, le 21 avril 1643, note 22.
Note [22]

Se sentant en effet perdu, Louis xiii avait assemblé dans sa chambre à Saint-Germain, le lundi 20 avril 1643, la reine, Anne d’Autriche, les enfants de France (Louis, futur Louis xiv, et Philippe, futur Monsieur), les princes du sang, les ducs et pairs, son Conseil, et leur fit lire par le secrétaire d’État La Vrillière une déclaration sur le gouvernement de ses États. Le roi entendait que, lorsqu’il aurait plu à Dieu de disposer de lui, la reine fût régente, Gaston d’Orléans, son frère, lieutenant général du roi mineur (Louis) et chef du Conseil sous l’autorité de la reine ; le prince de Condé, Henri ii de Bourbon, y siégerait aussi. Tous trois seraient assistés de quatre ministres d’État, conseillers indestituables, tous créatures de Richelieu : le cardinal Mazarin, le Chancelier Séguier, le surintendant des finances, Claude Bouthillier, et son fils Léon, sieur de Chavigny. Les décisions devraient être prises à la pluralité des voix. Dans l’exposé des motifs, le roi proclamait que « La France a bien fait voir qu’étant unie elle est invincible, et que de son union dépend sa grandeur, comme sa ruine de sa division. »

Cette déclaration fut enregistrée par le Parlement dès le lendemain à l’unanimité. Louis xiii voulut que son fils aîné, qui avait alors quatre ans et demi et n’avait été qu’ondoyé, fût baptisé, et désigna pour marraine et parrain, la princesse de Condé et le cardinal Mazarin ; la cérémonie eut lieu dans la chapelle du château. Ensuite le roi aurait demandé : « Mon fils, comment avez-vous nom à présent ? – Louis xiv, mon papa – Pas encore, mon fils, pas encore ; mais ce sera peut-être bientôt, si c’est la volonté de Dieu » (R. et S. Pillorget).

Le cardinal de Retz (Mémoires, pages 280-281) a dépeint le péril de la situation que créaient les volontés de Louis xiii pour sa propre régence :

« La fameuse victoire de Rocroi {a} donna autant de sûreté au royaume qu’elle lui apporta de gloire ; et ses lauriers couvrirent le roi qui règne aujourd’hui, {b} dans son berceau. Le roi son père, qui n’aimait ni n’estimait la reine sa femme, lui donna en mourant un conseil nécessaire pour limiter l’autorité de sa régence ; et il y nomma M. le cardinal Mazarin, M. le Chancelier, M. Bouthillier et M. de Chavigny. Comme tous ces sujets étaient extrêmement odieux au public parce qu’ils étaient tous créatures de M. le cardinal de Richelieu, ils furent sifflés par tous les laquais dans les cours de Saint-Germain aussitôt que le roi fut expiré ; et si M. de Beaufort {c} eût eu le sens commun, ou si M. de Beauvais {d} n’eût pas été une bête mitrée, ou s’il eût plu à mon père d’entrer dans les affaires, ces collatéraux de la régence auraient été infailliblement chassés avec honte, et la mémoire du cardinal de Richelieu aurait été sûrement condamnée par le Parlement avec une joie publique.

[…] M. le duc d’Orléans fit quelque mine de disputer la régence et La Frette, qui était à lui, donna de l’ombrage parce qu’il arriva une heure après la mort du roi, à Saint-Germain, avec deux cents gentilshommes qu’il avait amenés de son pays. J’obligeai Nangis dans ce moment à offrir à la reine le régiment qu’il commandait, qui était en garnison à Mantes. Il le fit marcher à Saint-Germain ; tout le régiment des gardes s’y rendit ; l’on amena le roi à Paris. Monsieur se contenta d’être lieutenant général de l’État ; M. le Prince fut déclaré chef du Conseil. Le Parlement confirma la régence de la reine, mais sans limitation. »


  1. V. note [8], lettre 83.

  2. Louis xiv.

  3. V. note [14], lettre 93.

  4. Augustin Potier, v. note [6], lettre 83.

La régente s’adressa au Parlement dès le 18 mai 1643 pour faire casser la déclaration royale en supprimant la clause de pluralité des voix qui limitait fortement son pouvoir. Anne d’Autriche sollicitait et obtenait ainsi une légitimité avec la plénitude de l’autorité pendant la minorité de son fils ; mais ce faisant, elle accordait de fait au Parlement une part d’autorité politique dont il ne manqua pas d’user et d’abuser pendant la Fronde qui éclata cinq ans plus tard. Cette procédure à la limite de l’illégalité contribua à entretenir, jusqu’à septembre 1651 (majorité de Louis xiv, à 13 ans), le débat sur la légitimité des décisions de la régente et de son ministre Mazarin (Bertière a).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 21 avril 1643, note 22.

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(Consulté le 27/04/2024)

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