À Charles Spon, le 23 février 1655, note 28.
Note [28]

« et qui a presque un pied dans la tombe, pour ne pas dire qu’il est un cadavre ambulant ».

Jean ii de Champrond (mort le 3 août 1658 âgé de 80 ans), second fils de Jean i (v. note [24], lettre 39), avait été reçu en 1609 conseiller au Parlement de Paris, puis président en la deuxième Chambre des enquêtes, en 1632, pour enfin monter à la Grand’Chambre après s’être fait catholique. Sa première femme, Jacqueline du Lys était morte en 1647, et sa deuxième femme, Suzanne de Roussy, le 27 décembre 1654 ; la troisième (dont parlait ici Guy Patin) allait être Anne de Cugnac-Dampierre (ce qui ne correspond pas au nom de Colombel donné par Patin ; peut-être y eut-il une autre prétendante) (Adam et Popoff, no 877).

Tallemant des Réaux a consacré une historiette à Champrond (tome ii, pages 626‑627) :

« C’était un président des Enquêtes qui, étant demeuré veuf et sans enfants, assez âgé et fort avare, se remaria à une fort jolie personne, mais elle ne lui dura rien. En troisièmes noces, il se remaria avec la fille d’un marquis de Dampierre qui était fort gueux : cette personne est honnêtement follette ; hors qu’elle a les cheveux roux, elle peut passer pour jolie. Il fallait souper tous les soirs à sept heures et se coucher à huit ; mais elle se relevait à une heure de là et ne revenait se coucher qu’à cinq heures du matin. Je crois qu’elle se servait de quelque drogue pour l’assoupir. Le bonhomme se levait pour aller au Palais et ordonnait bien qu’on ne réveillât point sa femme. Il était sous-doyen du Parlement car, pour monter à la Grand’Chambre, il avait quitté sa commission. Quelquefois, il lui prenait des chagrins du grand abord {a} qu’il y avait chez lui, mais Madame l’apaisait en lui remontrant que sa sœur, qui logeait avec elle, ne trouverait mari s’il ne venait bien du monde les voir. Enfin, il tomba malade l’été 1658. Au 17e jour de sa maladie, il appelle sa femme. “ Madame, lui dit-il, ce M. Brayer {b} fait durer mon mal autant qu’il peut, cela me ruine ; congédiez-le ; la nature me guérira bien sans lui. ” Et le soir il dit à une fille : “ Charlotte, à quoi bon deux chandelles ? Éteignez-en une. ” Le lendemain, il fut à l’extrémité. Sa femme, qui n’avait pas découché, le voyant dans une convulsion, fait aussi l’évanouie de son côté ; elle ne manquait jamais à jouer la comédie. Il revint qu’elle faisait encore la pâmée. “ Revenez, ma chère, lui dit-il, revenez. J’ai fait tirer mon horoscope, je dois avoir quatre femmes ; vous n’êtes encore que la troisième. ” Cependant, il passa le pas. Elle le sut si bien cajoler qu’outre tous les avantages qu’il lui avait faits, elle lui fit donner 24 000 livres à sa sœur, un laideron qu’il haïssait comme la peste. »


  1. Grande affluence de personnes.

  2. Nicolas Brayer, v. note [2], lettre 111.

Imprimer cette note
Citer cette note
x
Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 23 février 1655, note 28.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0391&cln=28

(Consulté le 19/04/2024)

Licence Creative Commons