À Georg Friedrich Lorenz, le 10 décembre 1664, note 3.
Note [3]

Le Dialogus Ciceronianus [Dialogue cicéronien] d’Érasme, publié en 1528 (v. note [8], lettre 584), est une discussion entre trois personnages, Bulephorus (porte-parole d’Érasme), Hypologus (le questionneur) et Nosoponus (le cicéronien), visant à critiquer les adeptes inconditionnels du style de Cicéron. Christophe de Longueil (Christophorus Longolius, 1488-1522, v. note [53] du Naudæana 2), humaniste flamand réputé pour son éloquence cicéronienne, y est cité dans cet échange (Leyde, 1643, pages 6‑7) :

Nosoponus. Me non solum pulcherrimi cognominis splendor sollicitat, verum etiam Italorum quorumdam procax insultatio, qui quum nullam omnino phrasim probent præter Ciceronianam, summique probri loco ducant, negari quempiam esse Ciceronianum ; tamen huius cognominis honorem ab orbe condito nemini Cisalpinorum contigisse iactitant, præterquam uni Christophoro Longolio, qui nuper e vivis excessit. Cui ne videar hoc laudis invidere, idem ausim de illo prædicare, quod de Calvo scripsit Quintilianus, fecit illi properata mors iniuriam.

Hypologus. Imo non tam illi quam optimis studiis præpropera Longolii mors fecit iniuriam. Quid enim ille non potuisset nobis in bonis literis restituere, si tali ingenio, tali industriae iustum vitæ spatium addidissent Superi ?

[Nosoponus. Ce qui me trouble n’est pas seulement le prestige d’un très beau patronyme, mais aussi l’insolente impertinence de ces Italiens : ne prisant aucune éloquence autre que cicéronienne et méprisant au plus haut point quiconque n’est pas cicéronien, ils déclarent pourtant que, depuis que le monde est monde, nul de ce côté-ci des Alpes n’a mérité l’honneur de cette dénomination, à l’exception de Christophe de Longueil, récemment décédé ; mais pour ne pas paraître lui envier les louanges qu’il mérite, j’oserai dire de lui ce que Quintilien a écrit au sujet de Calvus, fecit illi properata mors iniuriam. {a}

Hypologus. La mort prématurée de Longueil ne lui a pas fait autant de tort qu’elle en a fait aux belles-lettres : que n’aurions-nous pas pu y rétablir si les dieux avaient allongé l’existence d’un tel génie ?]


  1. « une mort prématurée lui a fait du tort » (Quintilien, L’Institution oratoire [v. note [4], lettre 244], livre x, § cxv).

    Caius Licinius Macer Calvus était un orateur et poète romain contemporain de Cicéron (ier s. av. J.‑C.), mais dont le style, clair et dépouillé, était réputé radicalement opposé au sien. Aucune de ses œuvres n’a été conservée.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Georg Friedrich Lorenz, le 10 décembre 1664, note 3.

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(Consulté le 11/10/2024)

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