L. 584.  >
À Claude II Belin,
le 7 novembre 1659

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 7 novembre 1659

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0584

(Consulté le 13/12/2024)

 

Monsieur, [a][1]

J’ai tant eu d’affaires depuis un mois que je n’ai pu vous écrire ni faire réponse, comme j’eusse bien désiré. Même, je me souviens que je dois réponse à M. Barat, [2] et néanmoins je ne sais où est sa lettre. Je vous supplie de m’excuser envers lui, et de lui dire que je suis son très humble serviteur et que je le remercie de l’honneur qu’il m’a fait de m’écrire. Je n’ai point vu les Provinciales in‑8o, je n’en ai qu’ouï parler, mais je crois qu’il y en a une édition. [1][3] L’on m’a dit qu’il s’en fera une autre in‑4o, dans laquelle seront toutes les Provinciales et leurs dépendances, toutes les censures des évêques, toutes les lettres des curés de Paris, de Rouen, d’Amiens, [4] etc., la censure de Rome et encore quelque chose d’ajouté. Celle-là sera la meilleure de toutes, donnez-vous un peu de patience. M. Léonard [5] est un de ceux qui en ont des premiers, mais il faut attendre, en jouissant des deux sortes que vous en avez, car on en fera encore une autre latine, laquelle sera meilleure et plus ample. Je n’ai point vu ni rien ouï dire de cette vie d’Érasme [6] que l’on m’avait dit qui s’imprimait en Angleterre et néanmoins, c’était un conseiller de la Cour qui me l’avait dit. J’ai vu et lu avec grande joie cette épître de Baudius [7] touchant Érasme, il y a plus de 38 ans. [2] Cette vie d’Érasme a été imprimée in‑4o, et puis in‑12. Elle a été aussi mise au-devant des Épîtres imprimées à Londres in‑fo l’an 1642. Elle a été pareillement imprimée avec ses Opuscules in‑12 depuis quelques années en Hollande, l’an 1642. Une autre vie du même est aussi apud Melchiorem Adamum, in vitis philologorum Germanorum, et in Bibliotheca Belgica Valerii Andreæ in‑4o, et in Elogiis Auberti Miræi in‑4o, et in Athenis Belgicis Franc. Sweertii in‑fo, et in Monumentis ac elogiis illustrium virorum Marci Zuerii Boxhornii in‑fo, de 1638, et in Elogiis Theod. Bezæ in‑4o[3][8][9][10][11][12][13] Elle est aussi dans un livre in‑8o que j’ai vu, et peut-être que j’ai. Même Cardan [14] l’a tant loué in suis duodecim genituris[4] à qui seul il en a donné une entière qui est fort belle. Beatus Rhenanus, qui fuerat ei amanuensis, et cuius commendatione factus est Canonicus Vesontinus, eius vitam scripsit : valde etiam laudatur a Zuerio Boxhornio in sua Hollandia, pag. 285[5][15] Feu M. Bertius, [16] professeur du roi en géographie qui mourut ici l’an 1629 ex dysenteria atrabiliaria[6][17][18][19] m’a dit lui-même qu’il avait fait toute la vie d’Érasme quam ex omnibus eius Operibus collegerat ; [7] mais elle n’est pas encore en lumière, je ne sais si ce n’est point celle-là que l’on parlait d’imprimer en Angleterre. Il est vrai qu’Érasme était bâtard, tant de gens l’ont dit, lui-même l’avoue au commencement de sa vie. Le premier qui l’a dit et qui lui a reproché, a été Scaliger le père en ce qu’il écrivit contre lui, pro Cicerone, qui se trouve in‑4o : [8][20][21] Spurius de Erasmo[9] ce sont ses mots, grande hoc secretum didicerat a Monachis ; [10][22] mais Érasme mourut en même temps, et Scaliger se repentit de l’avoir fâché et d’avoir écrit contre lui, comme il paraît par un épigramme qui est inter eius poemata[11][23] lequel finit ainsi :

Ille ego, qui insanæ ridebam vulnera mortis,
Conditaque Ætnæa tela trisulca manu :
Ad quodvis stupeo momentum, ac territus adsto,
Maxima quum videam Numina posse mori
.

L’épigramme commence par ces deux vers : in Heroïbus, page 323.

Tu ne etiam moreris ? Ah, quid me linquis Erasme,
Ante meus quam sit conciliatus amor ?

Joseph Scaliger [24] s’est plaint de son père, maintes fois en sa vie, de ce qu’il avait écrit contre Érasme qui était un si grand personnage. [12] Possevin, [25] jésuite, a reproché à Érasme qu’il était bâtard et qu’il avait été moine. [13][26] Je voudrais bien savoir si de tous les carabins qui sont sortis de la braguette du P. Ignace, [27] il n’y en a point quelqu’un dont la mère ait été gaillarde jusqu’à ce point. Auriculas asini quis non habet ? quasi Patres isti de fœtura Loyolæ omnes essent inculpati[14][28][29]

Les deux chaires vacantes de Montpellier [30] sont adjugées, l’une à un nommé Chicoyneau, [31] neveu de feu M. de Belleval, [32] l’autre au jeune Sanche. [15][33] Deux autres en ont appelé et en plaident à Toulouse, [34] savoir Loÿs [35] et le jeune Scharpe. [16][36] Le nommé Chastelain, [37] gendre de Courtaud, [38] qui avait disputé, s’en est exclu lui-même : il tomba malade, envoya quérir un charlatan qui jouait sur le théâtre dans Montpellier et prit de sa main une dose d’un certain vinum vitæ, quod post tres horas factum est illi vinum mortis ; [17] il en mourut trois heures après en vomissant, erat vinum ex stibio emeticum[18][39][40] Le roi [41] est à Toulouse, on dit qu’il s’en va en Provence. [42] On attend le retour d’Espagne de M. le maréchal de Gramont. [43] Le cardinal est guéri de sa goutte. [44][45] Il y a grand bruit en Angleterre pour le milord Lambert [46] qui veut se rendre le maître et avoir la place de Cromwell. [47] Le second fils du roi d’Espagne est mort. [19][48] La paix [49] est accordée, mais elle n’est pas signée. Je ne sais si la mort de ce petit prince n’y apportera pas quelque retardement. Je vous baise les mains, à Mme Belin, à monsieur votre fils et à MM. de Courberon, Allen, Barat, Maillet, Sorel et Le Grain, et suis, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Guy Patin.

De Paris, ce vendredi 7e de novembre 1659.


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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