La date de cet article du Borboniana (1637) est écrite dans la marge.
- En 1573, Henri de Valois, duc d’Anjou, frère puîné de Charles ix, roi de France, s’était fait accompagner par le président Guy du Faur de Pibrac (v. notule {e}, note [21] supra) pour aller en Pologne, royaume qui l’avait élu pour souverain, sous le nom de Henri ier (Henryk Walezi). Devenu Henri iii, roi de France, à la mort de son frère (30 mai 1574), le monarque polonais avait subrepticement quitté Cracovie le 18 juin, pour se rendre à Vienne puis à Venise, et rentrer à Paris en passant par Lyon. Il avait accidentellement laissé derrière lui Pibrac en très fâcheuse posture entre les mains des Polonais, dont il parvint difficilement à se soustraire (v. Thou fr, livre lviii, volume 7, pages 72‑76). Henri fut couronné roi de France le 13 février 1675.
- Sur ce sujet, il a paru un :
Discours des choses mémorables faites à l’entrée du roi de France et de Pologne en la ville de Venise, {a} remarquées par Claude Dorron, Parisien. {b} Envoyé à la reine, {c} mère du roi et régente de France en son absence. {d}
- Récit détaillé des fastes immenses qui ponctuèrent quotidiennement le séjour de Henri iii à Venise, depuis son entrée (« telle que jamais ne s’est faite une semblable », page 6), le samedi 17, jusqu’au mardi 27 juillet 1574.
- Claude Dorron (ou Doron), mort vers 1600, a aussi publié les Dévotes méditations chrétiennes, sur la mort et passion de notre Seigneur Jésus-Christ, extraites de l’Écriture Sainte par Monsieur Dorron, maître des requêtes du roi. Et depuis mises en vers français, avec plusieurs prières et oraisons, par Baptiste Badère, Parisien, avocat au Parlement de Paris (sans lieu, Guyon Giffart, 1588, in‑12).
La suite du Borboniana et de Thou (v. infra notes [38] et [39]) en disent plus sur Dorron que ce qu’on peut en lire ailleurs.
- L’épître dédicatoire de deux pages est adressée à Catherine de Médicis et datée « de Padoue, ce 8e août ». C’est un éloge appuyé des vertus du roi Henri iii.
- Lyon, Benoît Rigaud, 1574, in‑4o de 36 pages.
Mon attention s’est surtout portée sur ce passage (pages 6‑7) à propos de Pibrac, qui avait eu bien du mal à sortir de Pologne :
« Et afin que, si ce discours apporte quelque contentement, on en sache gré à celui à qui il appartiendra : j’ai bien voulu vous avertir, en passant, que, si ainsi est qu’il soit {a} délectable, la grâce de ce contentement doit être rendue à Monsieur de Pibrac, homme qu’on peut dire être comme une des plus claires lumières de notre France, pour avoir non seulement fait sentir et connaître aux siens combien étaient grands et forts les rayons de sa vertu et incomparable éloquence, mais aussi contraint l’étranger de juger qu’il était digne d’être réputé entre les hommes comme un Soleil entre les astres. Lui seul m’a induit à dresser ces mémoires, et puis fait commander de mettre en lumière ce discours, auquel je n’ai couché chose que je n’aie vue, pour avoir toujours eu entrée partout, tant en la faveur du dit sieur de Pibrac que de deux autres seigneurs vénitiens, qui me faisaient cette faveur de me conduire où il se faisait chose remarquable. » {b}
- Bien qu’il soit.
- Ce vibrant hommage laisse penser que Dorron était attaché de près à la personne de Pibrac (peut-être son secrétaire).
Le Borboniana se référait à un autre texte du même auteur sur le même sujet, mais qui n’est pas une traduction latine mots pour mot de son Discours : {a}
Narratio rerum memorabilium, quæ propter adventum Christianissimi Invictissimique Henrici iii Franciæ et Poloniæ Regis, a totius orbis florentissima Venetorum Republica factæ sunt. Per Claudium Dorronium Parisinum U.I.D. {b}
[Récit des choses mémorables que la République de Venise, la plus florissante qui soit monde, a accomplies pour célébrer l’entrée du très-chrétien et invincible Henri iii, roi de France et de Pologne. Par Claude Dorron, Parisien, docteur en l’un et l’autre droit]. {c}
- Cela tend à confirmer que Nicolas Bourbon ne lisait pas les livres écrits en français (v. note [43] du Borboniana 3 manuscrit).
- Utroque Iure Doctorem : docteur en l’un et l’autre droit (civil et canonique).
- Venise, sans nom [avec vignette des Alde], 1574, in‑4o de 4 feuilles.
La plus notable différence entre cet opuscule latin et son édition française est que Dorron ne s’y adresse plus à la reine mère de France, mais Benevolo Lectori [au bienveillant lecteur], dans une épître qui permet de mieux comprendre la relation du Borboniana, mais sans l’éclaircir tout à fait :
Quum ego Ventiis essem eo tempore quo Henricus iii. Franciæ et Poloniæ Rex Christianissimus atque invictissimus, ab amplissimo florentissimoque Venetorum Senatu exceptus est, videremque propter tanti principis adventum eas res fieri, quarum similes, nec in historiis maiorum legimus, nec a parentibus accepimus, nec ætate nostra vidimus : non dubitavi omnia scribere, eaque ad nostros mittere : existimans eos quibus hæc videre non contigerat, ex hac narratione aliquam percepturos delectationem. Sed cum vir magnæ prudentiæ et authoritatis, eximiæ doctrinæ, et singularis eloquentiæ, Dominus Pibracus (quem boni doctique omnes tanti faciunt, quanti paucos mortalium) non ad solos Francos tam novæ, et inauditæ rei lætitiam pertinere iudicaret, verumetiam communem Polonis in Henrico rege gloriam esse putaret : suavit, ut quæ Gallice scripseram, Latina faceem, ut Poloni Latinæ linguæ non ignari, rem totam intelligere possent, et amplissimo Venetorum Senatui florentissimæque Reipub. ob tam singularem in Henricum regem benevolentiam, ob tam propensam in eum voluntatem, ob tantos tamque eximios honores delatos, gratias haberent, atque cum Francis beneficium agnoscentes, referre cogitarent : Dedi igitur operam, ut clarissimi viri suasioni, et quorundam expectationi satisfacerem : atque hæc quæ ab hinc triginta diebus in lucem emittere conabar, ubi primum edere concessum fuit, tibi, si quando otio abundares, legenda proposui. Quæ si grata esse intellexero, ad maiora nostra industria excitabitur : Vive, Vale.
Venetiis Calendis Septembris 1574.
In labore gloria.
[Étant présent à Venise quand le très florissant et éminent Sénat vénitien a reçu le très-chrétien et invincible Henri iii, roi de France et de Pologne, et ayant observé que les fastes célébrés pour l’entrée d’un si grand prince ont surpassé tout ce nous pouvons avoir lu dans les histoires de nos aïeux, entendu raconter par nos parents, ou nous-mêmes vu de notre vivant, je n’ai pas douté que je devais en faire le récit complet et l’envoyer à nos concitoyens, estimant que ceux qui n’ont pas eu la chance d’assister à tout cela en tireront quelque délectation. Monsieur de Pibrac, homme de grande sagesse et autorité, de remarquable science et de singulière éloquence (dont tous les gens honnêtes et savants font plus de cas que de la plupart des mortels), ayant jugé que la joie d’un événement si nouveau et inouï n’était pas réservée aux seuls Français, mais qu’ils la partageaient avec les Polonais, pour la gloire du roi Henri, ma persuadé de traduire en latin, langue que ce peuple n’est pas sans connaître, ce que j’avais écrit en français, de manière que les Polonais rendent grâces au très ample Sénat de la très florissante République de Venise pour sa si singulière bienveillance et ses sentiments si profonds envers ce souverain, et pour les honneurs si nombreux et remarquables qu’il lui a rendus, et soient bien convaincus qu’ils les partagent avec les Français. {a} Je me suis donc mis au travail pour satisfaire la requête du très brillant M. de Pibrac et les attentes de certains autres, et me suis proposé de te donner à lire, quand tu en auras le loisir, ce que j’ai entrepris d’écrire dans les trente jours qui en ont suivi la commande. Si j’apprends que cela t’a plu, je serai incité à en faire plus et mieux. Vive et Vale.
À Venise, le 1er septembre 1574. {b}
La gloire est dans le labeur.
- Pibrac entendait clairement ménager les Polonais, mais c’était beaucoup leur demander après la peu glorieuse désertion du roi français qu’ils s’étaient choisi.
- Soit trois semaines après la dédicace du Discours à Catherine de Médicis ; nulle part dans ces deux éditions, Dorron ne dit avoir adressé au roi une harangue « au nom des Français qui se trouvèrent là ».
- Fils de Claude, Charles Dorron, mort en 1666, est notamment auteur d’un livre dont le titre décrit ses qualités :
Pia Exercitia ex Sacra Scriptura, Patribus et Liturgiis deprompta. Seu Considerationes quædam quæ mentem occupare possint, circa præcipua Religionis Christianæ documenta et mysteria. In duos libros distributa. Per R.P. Carolum Dorron, Congregationis Oratorii Iesu Christi Domini nostri Presbyterum.
[Pieux Exercices tirés de la Sainte Écriture, des Pères et des liturgies, ou quelques Considérations capables de concentrer l’esprit sur les principaux enseignements et mystères de la religion chrétienne. Distribués en deux livres, par le R.P. Charles Dorron, prêtre de la Congrégation de l’Oratoire {a} de Jésus-Christ notre Seigneur]. {b}
- V. note [1], lettre 29.
- Paris, Michael Soly, 1650, in‑12 de 395 pages.
La dédicace à Omer ii Talon (v. note [55], lettre 101) exprime la reconnassance de Dorron envers l’avocat général au Parlement de Paris, mais n’y parle pas de son père et n’y dévoile rien sur sa propre biographie.
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