Manuel anatomique et pathologique, ou Abrégé de toute l’anatomie, et des usages que l’on en peut tirer pour la connaissance et pour la guérison des maladies. Par Me Jean Riolan, ancien doyen de la Faculté de médecine de Paris, doyen des professeurs du roi et premier médecin de la reine Marie de Médicis, mère du roi Louis xiii. Augmenté de la sixième partie, sur les mémoires et livres imprimés de l’auteur, des traités des veines lactées, de la circulation du sang, des ongles, des poils, des valvules des veines et de l’anatomie pneumatique. {a}
- Paris, Gaspard Meturas, 1653, in‑12, traduit du latin en français par Sauvin ; réédition ibid. et id, 1661.
À lui seul, le titre contient une belle erreur : Jean ii Riolan a été ancien (doyen d’âge), mais jamais doyen élu de la Faculté de médecine de Paris. La traduction en français de l’Encheiridium (v. note [25], lettre 150) ne pouvait que déplaire à Jean ii Riolan et à Guy Patin : il était en effet choquant pour eux de mettre à la portée de tous, et notamment des chirurgiens, un ouvrage que son latin d’origine réservait aux seuls médecins.
La Préface au lecteur et auditeur ne manque pas de le rappeler vivement :
« Lesquelles parties de l’anatomie {a} sont tellement nécessaires à un médecin qui veut tenir son rang, conserver sa dignité, et montrer son savoir dans les consultations et conseils des chirurgiens, que s’il les ignore, il faut qu’il acquiesce à leurs opinions et jugements ; car de tous les remèdes de chirurgie, de pharmacie et de la diète que les chirurgiens ont proposés par un long discours, ils ne laissent aux médecins que la seule faculté de prescrire de leur propre main la purgation et la saignée. De sorte que les chirurgiens sont maintenant avec nous les consulteurs des choses de la médecine, les qualificateurs des maladies et les directeurs des cures. Je rougis de honte de rapporter et de voir le mépris qu’ils font des médecins, étant remplis d’arrogance de ce qu’ils savent l’anatomie, de laquelle ils se vantent d’être les vrais possesseurs et professeurs ; mais si c’est bien ou mal, j’en ai laissé à juger aux anatomistes experts. »
- L’étude approfondie des os.
L’épître de l’imprimeur mise en tête de l’ouvrage donne le fin mot de l’affaire :
« À Monsieur Maître Guy Patin, docteur régent en la Faculté de médecine de Paris, et doyen en ladite Faculté.
Monsieur,
On tient pour constant que les eaux répandues par toute la terre viennent de la mer, que les eaux qui rejaillissent sur la terre et qui forment les rivières retournent incessamment dans la mer, que les eaux des fontaines ne montent pas plus haut que leurs sources. Cette considération m’a fait connaître que le docte Manuel anatomique et pathologique de M. Riolan m’ayant été donné de votre part pour l’imprimer comme un livre excellent en la médecine, étant traduit du latin en français, devait retourner à sa source, d’autant que M. Riolan vous l’a dédié en latin, avouant dans son Anthropographie que vous seul souventefois l’avez prié et incité à revoir ses ouvrages anatomiques pour leur donner la dernière façon et correction. Je sais que travaillant sur l’impression de l’Anthropographie, elle fut arrêtée pour imprimer ce présent Manuel que ledit sieur Riolan a composé à votre instance et sollicitation, à mesure que l’impression s’avançait en grande diligence. Voyant qu’il a été fort bien reçu en latin et qu’aussitôt que je l’ai mis en lumière on l’a rimprimé en Hollande, {a} j’ai cru qu’étant traduit en français, il aurait la même réputation puisque de tous les endroits de France les chirurgiens me le demandent. S’il n’a la même grâce en français comme en latin, cela ne doit point être imputé à l’auteur puisque je l’ai imprimé en cachette et à son insu, n’en ayant eu la connaissance que lorsque l’ouvrage a été achevé. J’espère que la dédicace de ce présent livre français, qui vous a été dédié en latin, portant le nom de M. Riolan qui est votre intime ami, ne vous sera point désagréable et que vous adoucirez l’esprit de l’auteur s’il a quelque dégoût de cette version que j’ai faite à mes dépens, en intention de servir aux chirurgiens français pour lesquels j’ai déjà imprimé beaucoup de livres en chirurgie, et < suis > tout prêt d’imprimer la Chirurgie allemande de Felix Wirtzius avec la Chirurgie espagnole admirable de Hidalgo d’Aguero, traduites en français par le sieur Saunin qui a fait cette version. Les médecins et chirurgiens vous doivent savoir gré du profit qu’ils recevront de cette édition, tant latine que française, et moi particulièrement vous demeurerai obligé de m’avoir procuré l’édition des ouvrages du sieur Riolan, vous protestant que je suis, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur, Gaspard Meturas. De Paris, ce dernier jour d’octobre 1652. »
- V. note [5], lettre 209.
Meturas, qu’on sent tout de même mal à son aise, aurait pu rappeler en sa faveur que ça n’était pas la première traduction française d’un ouvrage de Jean ii Riolan : circulaient alors déjà depuis plus de 20 ans Les Œuvres anatomiques de Me Jean Riolan, conseiller, médecin, et professeur du roi en anatomie et pharmacie, revues et augmentées d’une cinquième partie en cette édition… Le tout rangé, corrigé, divisé, noté et mis en français par M. Pierre Constant, docteur en médecine (Paris, Denis Moreau, 1629, deux tomes en un volume in‑4o, avec une dédicace de Constant au duc d’Orléans ; réédition en 1661). Meturas n’en continua pas moins à publier les ouvrages de Riolan. |