François DEVARS

S’il fut oublié pendant plus de 50 ans, ce n’est plus le cas de nos jours car il a été reconnu publiquement, surtout par le Dr Justin GODARD, ancien ministre, grand ami d’Edouard HERRIOT, qui, dans une séance à l’Academie de Médecine, le 15 O5 1949, n’a pas hésité à le qualifier de « GÉNIAL ANTICIPATEUR »

De nos jours, à la bibliothèque de la Faculté de Medecine de Lyon, son travail est à l’abri dans une armoire forte ; et il faut faire une demande pour en obtenir une copie.

QUI ETAIT IL, ET QUELLE FUT SON ŒUVRE ?
  • Il nait à Paris le 30 06 1874, dans une famille amie du Pr Calmette En 1894, i1 entre à l’Ecole du Service de Santé Militaire de Lyon
  • En 1897, i1 soutient sa thèse sous la tutelle du Pr Agrégé Gabriel ROUX, prof de Microbiologie, Directeur du Laboratoire Municipal d’Hygiène de Lyon sur le sujet suivant : « CONTRIBUTION A L’ETUDE DE LA CONCURRENCE VITALE CHEZ LES MICRO ORGANISMES ;ANTAGONISME ENTRE LES MOISISSURES ET LES MICROBES » (il est agé seulement de 23 ans.)
  • En 1898, i1 fait un an d’Internat au Val de Grace
  • En 1899, i1 est nommé Médecin Major de 2eme classe au 2 nd Regiment de Hussards de Senlis.
  • En 1901, il épouse Rosa LASSALAS, de Cannes, qui décède 2 ans plus tard de la tuberculose.
  • En 1904, i1 contracte une maladie pulmonaire non identifiée ;à la suite de laquelle
  • En 1907 il est mis en congé de l’Armée et envoyé dans un centre de soins à Amelíe les Bains ou
  • En 1912, 1e 12 04, i1 décède à l’age de 37 ans.
  • Il repose auprès de son épouse au cimetière de Cannes.

II ne faut pas confondre le Pr Gabriel ROUX, excellent professeur, simple et concis, très aimé ; mais détestant les deplacements ;avec le Pasteurien Emile ROUX qui a donné son nom à la rue de l’Institut. Dans son laboratoire, de par sa fonction, le Pr ROUX analysait beaucoup les eaux ; et il faut sans doute voir ici l’idée du travail qu’il confia à DUCHESNE.

Je presenterai son travail en lisant dans sa préface ses idées et à la fin ses conclusions sur ses travaux dont je résumerai rapidement les quatre chapitres.

Je terminerai par quelques mots su les champignons et l’oeuvre de FLEMING.

Par quelques rares documents iconographiques, on pourra voir DUCHESNE, son cadre et les hommages qui lui furent rendus.

Il y a eu depuis de nombreuses études sur les travaux de Duchesne, entre autres :

  • discours de Justin Godard à l’academie de Medecine en 1949
  • article du medecin Hassenforder
  • article du Pr Alain Boucher, anatomiste à la Societe d’histoire de la Medecine à Lyon
  • article de la revue Lancet
INTRODUCTION

La question de la concurrence vitale n’a bien été étudiée jusqu’ici que pour les etres supérieurs, animaux et végétaux.Il n’est pas sans intérêt de voir si, chez les infiniment petits, cette lutte pour l’existence n’existe pas aussi, et nous avons pensé qu’on pourrait peut etre en tirer des notions utiles à la pathologie et à la thérapeutique.

Le role des microbes dans la genèse des maladies nous est maintenant bien connu :nous savons que, non seulement ils engendrent ces maladies mais qu’ils peuvent aussi en etre les remèdes, soit par leurs cultures atténuées, soit par leurs produits de sécrétion.L’idée n’est pas nouvelle d’opposer à certaines espèces pathogènes l’activité vitale d’autres espèces, mais jusqu’ici les resultats n’ont pas été satisfaisants.

C’est pourquoi nous nous sommes demandé s’il ne fallait pas chercher dans une autre voie et si, à l’activité des microbes, il ne fallait pas opposer celle d’une espèce très voisine, mais ne presentant pas les memes propriétés pathogènes les moisissures.

Cette étude demandait beaucoup de temps et de compétence pour etre menée à bien, aussi nous ne dissimulons pas que nous n’avons fait que I’ébaucher, et nous n’avons d’autre prétention que d’y avoir apporté ici une très modeste contribution.

Dans un premier chapitre nous passerons en revue quelques travaux qui se rapportent à cette question.

Les conditions d’existence des moisissures feront le sujet du deuxième chapitre et nous rechercherons en particulier pourquoi les moisissures ne se trouvent pas dans l’eau.

Le troisième sera consacré à la description de la lutte entre microbes et moisissures.

Nous terminerons en recherchant les conditions et les causes de cette lutte et démontrerons que les toxines microbiennes ne semblent pas y avoir une action importante.Enfin nous exposerons les applications possibles à la thérapeutique et à l’hygiene.

Chapitre I

Il débute par une citation de DARWIN :

« Lorsqu’on observe la nature, il est de la dernière nécessité d’avoir toujours présent à l’esprit que toute espèce organisée, isollée de nous, doit etre regardée comme s’efforçant dans toute la mesure de son pouvoir de s’accroître en nombre ;que chaque individu ne vit qu’en raison d’un combat livré dont il est sorti vainqueur…  »

La concurrence pour la vie chez les infiniments petits a été mise en évidence par les Pasteuriens :

  • METTSCNIKOFF : bactéries et cellules (diapédèse et phagocytose)
  • FREUDENREICH et SOYKA : role du terrain et des toxines
  • GUIGNARD, CHARRIN, EMMERICH : atténuation de la virulence de la bacterie charbonneuse par d’autres especes injectées en meme temps.
  • BLAGOVESTCHENSKY : expérience sur le lapin et in vitro.
  • Le Pr ROUX a eu l’idée de rechercher un antagonisme entre bactéries et moisissures, espèces tres proches.

Les champignons sont parasites (sur vivants) ou saprophytes (sur dechets). II y a de nombreuses espèces destructrices : Mucormucedo (confiture), Ascophora Mucedo (pain), Molina (fruits) Actinospora (papier des livres ), Mucor Herbarium (herbiers ) ; la bière qui tourne, les cornichons qui aigrissent etc et l’Aspargillus Fumigatus (sorte de tuberculose.)

Chapitre II. MOISISSURES et EAU

II y a dans l’air de nombreuses espèces de germes qui varient suivant l’année ;mais on ne trouve pas de moisissures dans l’eau de boisson :

POURQUOI?

  • Causes Physiques :masse, epaisseur
  • Causes Chimiques :acidité, alcalinité

Et :

« LES ORGANISMES QUE L’ON Y RENCONTRE ONT ILS UNE INFLUENCE ? »

Le Pr ROUX met en évidence dans l’eau de Toulouse une conccurence entre le Bacterium Violet et le Bacille Rouge et il lui vient l’idée d’un antagonisme entre microbes et moisissures, espèces très proches, les moisissures demandant, en plus, moins de support

II fait une séries d’expériences en utilisant comme moisissures le « PENICILLIUM GLAUCUM »

  • 1-2 -3- Pen. Glau. + eau stérile :il se multiplie rapidement
  • 4-5 -6 idem avec barbotage donne un mélange Moi et Mic.
  • 7 Pen. Glau. + eau stérile ;en 20 jours, dépôt au fond.
  • 8 Pen Glau + Microbes ;plus de moisissure en 3 jours
  • 9 Rien, les microbes apparaissent rapidement.

D’ou :

LES MOISISSURES VIVENT PLUS LONGTEMPS S’IL N’Y A PAS DE MICROBES, ET CEUX-CI SE DEVELOPPENT SEULS BIEN QU’IL EXISTE UN AIR PLEIN DE SPORES.

Chapitre III. ANTAGONISME BIOLOGIQUE ENTRE MOISISSURES ET MICROBES ; ACTION DEFAVORABLE DES MICROBES SUR LE DEVELOPPEMENT DES MOISISSURES.

Il reprend ses expèriences avec des moisissures mieux adaptées et sur différents milieux

  • 13 Eau du robinet + Pen Glau ;en 5 jours plus de moisissure
  • 14 Eau de fontaine publique :resultat idem
  • 15-16-17-18- Pen Glau. + bac d’EBERTH & COLI ; plus de Pen GI en 3 jrs
  • 20-dans une culture de vin sur gélatine, la moisisure disparaît si on ajoute du bacille fluorescent.

Il a alors DEUX IDEES GENIALES

  • 1 CONSERVER LES ALIMENTS PAR DES BACTERIES INOFFENSIVES
  • 2 AVANT DE DISPARAITRE ? LES MOISISSURES N’ONT ELLES PAS PORTE ATTEINT A LA VIRULENCE DES MICROBES.

II fait alors des expériences sur des cobayes :

Un cobaye + 2 cc de solution ce bacille COLI dcd en 12 heures

Idem EBERTH 24

21-un cobaye de 800 grammes reçoit une injection de 2 cc d’une solution de bac.COLI et de Pen.Glaucum ;le soir il présente une légère hypothermie, semble atteint puis plus rien.Le 4èmè jour il reçoit une nouvelle injection qui reste sans effet. .

22-II reprend cette expérience avec un sujet de 790 gr et une solution de Pen Glauc et de bacille d’Eberth, plus virulent.Le soir rien ;une très légère réaction à l’injection du 4 ème jour ;puis tout va bien.

II note n’avoir pu faire d’autres expériences avec des souches plus virulentes.

Chapitre IV. MECANISME DE LA CONCURRENCE VITALE ENTRE BACTERIES ET MOISISSURES

Vient elle de toxines fabriquées par les microbes ou du milieu qui est très proche pour les 2 espèces.

Il faut, en gros, de l’eau, de l’oxygène, une temperature de 15 à 20° pour les moisissures et pas d’azote par contre necessaire aux microbes chez qui l’acide est fatal.

Il en resulte :

  • 1-Que le milieu peut avoir une importance.
  • 2-Que la reproduction est + lente chez les champignons. (exemple d’une armée ou d’un famille)
  • 3-Que les toxines ont peu d’importance.

D’ARSONVAL et CHARRIN avaient fait des expériences sur la transformation de l’eau sucrée en alcool sous l’effet de le levure de bière. Si on ajoute de B ;Pyocìanìque, la reaction n’a pas lieu ;mais si on utilise une culture stérilisée ou filtrée la réaction se fait meme plus rapidement.

Il reprend à son compte des expériences analogues pour conclure que Si les bacteries triomphent c’est surtout à cause de leur rapidité de reproduction.

II termine en citant une note des Drs de Backer et Brunat parlant d’une guérison de diphterie de l’oreile du lapin par l’emploi de ferments ; Note datant de 1893.

CONCLUSIONS

I- Les moisissures (mucédinées) ne se développent pas, ou disparaissent tout au moins très hativement dans l’eau, sous un certain volume, et cela pour les principales raisons suivantes :a)l’exageration meme de l’humidité ;b)le mouvement de la masse liquide ;c)enfin, et surtout le résultat de la concurrence vitale.

II- Il existe en effet un antagoniste très marqué et incontestable entre les moisissures et les bacteries qui ont été simultanément semées dans l’eau ou dans un liquide nutritif quelconque, et cet antagonisme tourne le plus souvent au profit des bacteries en ce qui concerne, tout au moins, les processus de vitalité et de végetalité.

III- Si les microbes l’emportent presque constament sur les moisissures dans la lutte pour la vie, c’est par suite d’une grande resistance vitale et surtout d’une pullulation infiniment plus rapide due, elle meme, au phénomène de bipartition ou scissiparité.Mais il ne semble pas que les toxines microbiennes soit appelées à jouer un role actif dans cette lutte et dans ses resultats.

IV- Les moisissures, cependant, peuvent parfois voir cette lutte tourner à leur profit lorsque le milieu de culture leur est, par sa reaction, plus nettement favorable qu’aux bacteries, et qu’elles sont enfin, initialement, en proportion très prépondérante.

V- II semble d’autre part, résulter de quelques unes de nos expériences, malheureusement trop peu nombreuses et qu’il importera de répéter à nouveau et de controler, que certaines moisissures(PENICILLIUM GLAUCUM), inoculés à un animal en meme temps que des cultures très virulents de quelques microbes pathogènes (B.coli et B. typhosus , d’Eberth), sont capables d’atténuer dans de très notables proportions la virulence de ces cultures bacteriennes.

VI- On peut donc esperer qu’en poursuivant l’étude des faits de concurrence biologique entre moisissures et microbes, étude seulement ébauchée par nous et à laquelle nous n’avons d’autres prétention que d’avoir apporté ici une très modeste contribution, on arrivera, peut etre à la decouverte d’autres faits directements utiles et applicables à l’hygiène prophylactique et à la thérapeutique.

UTILISATION des MOISISSURES

Elle est très ancienne :

  • Levure de bière chez les Egyptiens pour les blessures 1500 BC Cuxum Fung pour les memes cas chez PLINE l’Ancien 100 BC Bois putrfies chez les indiens d’Amerique du Sud
  • « Sympathetic Ointment »John Parkinson XVII ème siècle Champignon des harnais de chevaux chez les Arabes Pen.Roqueforti en Auvergne
  • Pen Glaucum, utilisé, rapporte Pasteur contre les douleurs des champs en GB et Russie.

Usage de levure avec succès en GB par Mosse contre la furonculose. Lister aurait consigné l’effet inhibitoire du Pen Glaucum sur la mobilité et la croissance des bacteries en 1871 ;ses experiences n’eurent pas de succes et FLEMING le regrettera.

Fleming

En 1928, travaillant sur une souche de staphilocoques il remarque l’apparition d’une moisissure avec fait sans précédent une lyse autour. « Je n’avais rien recherché, c’était un pur hasard »

Il a eu le grand mérite de conserver cette souche et d’en envisager une exploitation dans un but thérapeutique et de ce fait mettre au point en 1940 la PENICILLINE avec ses collaborateurs d’Oxford, CHAIN et FLOREY. Ils en furent récompensés en 1946 par le prix Nobel.

Il a toujours été très « Fair Play » et dans sa réception à l’Académie en 1945 il declara :

« On m’a accusé d’avoir inventé la Pénicilline : personne n’aurait pu le faire car elle a été fabriquée et de temps immémorial par une espèce de moisissure, forme inférieure de la vie vegetale que l’on voit se decelopper sur [etc.] »

II reste évident que FLEMING n’a pas été au courant de l’oeuvre de DUCHESNE – pourquoi ? – et qu’il ne doit sa notoriété qu’à lui même.

On se demande aussi pourquoi le Pr Roux n’a pas repris ses études ni les a confié à d’autres etudiants ?