Dr. Agnès VEILLE-FINET, chirurgien-dentiste
Dr. Florence LOIR, chirurgien-dentiste

MOTS-CLEFS :

 

Résumé :

Le 19 ème siècle voit la montée de la démocratie, l’avènement de la science, de l’industrie et la prise en compte de la connaissance scientifique du phénomène humain et particulièrement de l’enfance. Progressivement, l’école élémentaire pour le peuple est réalisée en france avec les lois d’obligation scolaire, de laïcité, de gratuité en 1881/1882. Après 1830, dans les écoles, les manuels des maîtres reprennent les préceptes de l’hygiène et après 1845, c’est au tour des familles d’être touchées par une vague de traités d’hygiène populaires. C’est dans ce contexte très sensibilisé qu’interviennent les découvertes de pasteur qui vont modifier les pratiques du corps médical et entraîner la nécessité d’une prévention et d’une hygiène rigoureuse. Les retombées au niveau de l’art dentaire sont nombreuses : des études montrent que la bouche est colonisée par les microbes, et la théorie de la carie est basée sur une étiologie chimico-parasitaire. La profession de chirurgien-dentiste s’organise : le 15 novembre 1881, la première école dentaire est créée à paris ave un hôpital dispensant des soins dentaires gratuits. Le 15 septembre 1881, edouard taillebois, chirurgien-dentiste à paris, propose un service dentaire gratuit dans les écoles communales au conseil municipal de paris. Nous développerons dans cette présentation ce projet, qui sera un précurseur des actions de prévention notamment, celle du comité national d’hygiène et de santé bucco dentaire.

Mots-Clés : Démocratie – science – hygiène – prévention – instruction/école – conseil municipal – enfance – gratuité – chirurgiens-dentistes – soins dentaires

AWAKENING OF PREVENTIVE ORAL HEALTH CONSCIENCE

Abstract :

During nineteenth century, democracy increases. This period leads to the advent of science and industry. One does most make allowance of human being scientist knowledge, particularly about children. Progressively, school becomes within reach to common people due to the law ordered in 1881/1882: one of compulsorily school, one imposing undenominational character of school, and the last one making school free. Nineteen century citizens are engaged with urbanism, science and public health. After 1830, sanitary precepts can be found in school masters handbook. These popular sanitary tracts will affect families after 1845. Pasteur’s discoveries will interfere in this acute (over sensitized) necessarily leading into strict public health measures. Consequences are numerous in dental art: surveys conclude to the fact that germs colonize human mouth. The dental decay theory is based on chemical and parasite aetiology. Dental surgeon profession becomes organized. The first dental school opens at paris on the 15th of November 1881, disposing of an hospital where free dental nursing can be given. The 15h of September 1881, edouard taillebois, a parisian dental surgeon suggests « a free dental nursing department » to Parisian councillors. We will develop about this suggestion in this statement, suggestion which was premonitory of public health engagement specially those of the national dental health and hygiene board.

Keywords : Democracy – dental nursing – sanitary precepts – school – councillors. – Children. – Science – free – Dental surgeon

Introduction

Prévenir la maladie carieuse est une préoccupation ancienne des dentistes .Brossage, alimentation équilibrée, visite de contrôle, fluor…. Nous savons prodiguer des conseils adéquats à nos patients. Mais nous sommes bien souvent désarmés devant leur manque de mémoire, il est bien difficile de changer les mauvaises habitudes. Ce que nous découvrons parfois en bouche, nous amène à faire le constat qu’il est nécessaire de commencer dès l’enfance une éducation à l’hygiène. La santé publique bucco dentaire bien que nécessaire, est encore aujourd’hui à son balbutiement en france; il existe des structures publiques (cpam, conseil général) qui nous permettent d’aller à la source des caries, c’est-à-dire dépister et éduquer les enfants à l’école, rencontrer les parents, éviter l’apparition de la maladie. Nous avons été très surprises de découvrir des expériences (ou tentatives) semblables à la notre au 19ème siècle déjà… la pétition de mr taillebois en est l’illustration. Les conditions ont été réunies au 19ème siècle pour permettre un tournant dans l’histoire de la prévention bucco-dentaire au sein de l’école publique.

Situation du siècle sur différents plans

Aspects scientifique, politique et social.

 

Au 19e siècle, le phénomène de révolution industrielle s’étend en europe s’accompagnant de découvertes techniques et scientifiques. Apparaissent les premières lois de la physique (loi du phénomène de dilatation des gaz, travaux d’avogadro, études d’ampères, mémoire de fresnel sur la diffraction, lois de l’électromagnétisme….), les inventions (pile volta, machine à vapeur, photographie, chemin de fer, électro-aimant…) qui participent à la révolution scientifique, technique, et industrielle avec des répercutions sur l’art dentaire. La bourgeoisie est la classe dirigeante d’un point de vue économique et politique. La fin de l’ancien régime avec la révolution de 1789 a précipité son ascension par une modification des mentalités amorcées au siècle des lumières. Le 18ème siècle a permis une certaine représentation du savoir et sa diffusion : en france entre 1827 et 1877 le nombre de lettrés est passé de 15% à 60%. Le sentiment religieux recule, et la foi dans la valeur des sciences exactes se répand. Le savant devient un personnage respecté comme en d’autres temps le chevalier, le prêtre ; il dispose de méthodes efficaces, la méthode expérimentale et la méthode mathématique. Cette révolution s’accompagne de transformations politiques, sociales. La france est devenue une nation comme les autres, organisée en démocratie parlementaire modérée et ne rate pas son entrée dans la modernité.

Le 19ème siècle aura été une période post révolutionnaire de reconstruction du tissu social dans de grandes résistance: -la lutte de la philosophie contre l’église ;- le combat pour la modernité politique ;- l’abolition de privilège ;- la construction d’un nouveau contrat social pour vaincre les conditions de vie difficiles du monde ouvrier. Les républicains ont géré la transformation d’une révolution, celle de 1789. La pauvreté du monde ouvrier est grande avec des conditions d’hygiène et de travail très dures pour un salaire minimum. Leurs conditions difficiles (alcoolisme, conditions de vie, violence, prostitution… ; enquête de villermé) mènent les ouvriers à s’unir ; ils ont une conscience de classe pour eux (marx) ; leur mouvement (révoltes « classe laborieuse, classe dangereuse », grèves, mutualité, syndicalisme…. °) mène à une législation qui leur est plus favorable (1864 droit de grève, 1884 droit de réunion …°)

Hygiène

 

La chaire d’hygiène est créée à la faculté de médecine de paris en l’an II de la république ; à partir de là vont se multiplier les institutions, revues, congrès ayant la santé publique et l’hygiène comme sujet.

En 1830, les préceptes d’hygiène sont repris dans les manuels des maîtres. En 1845, les familles sont touchées par une vague de traités populaires d’hygiène. Les découvertes de louis pasteur interviennent dans ce contexte sensibilisé et l’ennemi est mieux cerné !!!Grâce à louis pasteur, on comprend le rôle des bactéries et le pourquoi d’une hygiène rigoureuse pour se protéger des infections. L’hygiène, synonyme de prévention, s’impose avec des mesures simples : lavage des mains ; toilette quotidienne à l’eau et au savon ; antisepsie en chirurgie.

Les conférences internationales aboutissent à la mise en place d’un office international d’hygiène publique qui s’installe à paris (et qui deviendra l’oms en 1946). Selon les pays, les habitudes varient mais l’hygiène s’impose partout. L’urbanisme et la science sont l’œuvre avec l’amélioration de l’hygiène de la ville : l’apport d’eau potable la création de fosses sceptiques, tout-à-l’égout, champ d’épandage, water-closet… Des bureaux municipaux d’hygiène seront créés dans les villes afin de combattre les maladies épidémiques ou transmissibles. Un des premiers est créé en 1890 à besançon. Sa compétence est de constater l’état sanitaire de la ville, rechercher toutes les causes nuisibles à la santé publique, et surveiller la mise en place des mesures de salubrité propres à combattre les maladies épidémiques ou transmissibles. Puis le bureau assurera en 1902, le respect de l’arrêté sanitaire de la loi (déclaration des maladies, vaccination, désinfection, permis de construire, assainissement des immeubles insalubres avec expropriation…)

Le docteur jean-françois terme est président du conseil général d’administration des offices civils et maire de la ville de lyon en 1840. Fondateur du dispensaire général et du comité de mendicité, il crée la société pour l’instruction élémentaire qu’il souhaite laïque et gratuite…Tous ses efforts portent sur tout ce qui est susceptible d’améliorer l’hygiène de la ville : aménagement des quais de la saône, éclairage au gaz, égouts, apport d’eau potable en quantité suffisante. Il offre une aide à la restructuration de l’hospice de la charité. Cette restauration, commencée en 1830, s’étendra sur près de 20 ans. Mais en 1903 des hygiénistes de renom dénoncent la vétusté des hôpitaux lyonnais. L’hospice, voué en 1913 à la « désaffectation », sera finalement condamné à la démolition en 1920 et remplacé par l’hôtel des postes.

Instruction

 

Progressivement, au cours du 19e siècle, l’école élémentaire pour le peuple sera réalisée et les projets révolutionnaires d’éducation du peuple français aussi : les salles d’asile, institutions d’accueil de la petite enfance en france créées vers 1826, subsisteront jusqu’en 1881 date de la création de l’école maternelle. Dans le « manuel des salles d’asile » publié en 1833 par jean marie denys cochin on lit : « doivent avoir de l’influence sur la moralité des populations, l’aisance des familles par la garde des enfants dont les parents travaillent….il s’agit de libérer les pères et les mères pour qu’ils puissent travailler sans dépendre de la charité publique ; préserver les enfants des dangers moraux et physiques de la rue… »

Quelques dates peuvent être retenues : obligation en 1833 pour les communes de posséder une école; en 1866 : naissance de la ligue pour l’enseignement ; en 1881-1882 : -les lois d’obligation scolaire, de laïcité, de gratuité, la création de l’école maternelle, la liberté de réunion, la gratuité de l’enseignement public primaire (les collèges et lycées de filles avaient vu le jour l’année précédente).

Il y a là, à la fois, le résultat de l’action d’une partie de la bourgeoisie désireuse d’éclairer le peuple, tout en la maintenant à sa place dans le circuit de la production et celui d’une partie des masses populaires elles-mêmes. Chez certains ouvriers, en particulier, une véritable « demande d’enseignement » se fait jour ; c’est ainsi qu’un ouvrier parisien, pierre bruno, écrivait en 1865 : « il y a 3 aspirations de la classe ouvrière au milieu du 19e siècle, la première consiste à combattre l’ignorance, la deuxième à combattre la misère, la troisième à s’aider les uns les autres. » La scolarité obligatoire pour tous quelque soit son niveau social devient le principal vecteur de diffusion des théories des scientifiques et des pédagogues qui vantent la santé et le bien-être, dans le cadre de l’éducation civique et de l’enseignement de la morale. L’hygiène pénètre peu à peu toutes les couches de la société française dans la seconde moitié du siècle.

La profession s’organise et évolue

Des dates sont importantes :

  • février 1879 : constitution de la chambre syndicale de l’art dentaire ; 10 avril 1879 : création du cercle des dentistes de paris qui lance une souscription pour la création d’une école dentaire ;

  • le 15 novembre 1880 à la création de la 1 ère école dentaire et de son hôpital avec 45 étudiants ;

  • en 1881, jules ferry ministre de l’instruction publique, présente à l’académie de médecine un projet de loi sur la reconnaissance du titre de chirurgien-dentiste et la nécessité de formation et d’examens ;

  • en 1881, parution de 2 publications professionnelles (la revue odontologique de france, l’odontologie) mais il faudra attendre la loi du 30 novembre 1892 pour obtenir une concrétisation :

« Nul ne peut exercer la profession de dentiste s’il n’est pas muni d’un diplôme de docteur en médecine ou de chirurgien-dentiste. Le diplôme de chirurgien-dentiste sera délivré par le gouvernement français à la suite d’études organisées suivant un règlement rendu après avis du conseil supérieur de l’enseignement public et d’examens subis devant un établissement d’enseignement supérieur médical d’état. » (Cette même année la durée maximale de travail des femmes et des adolescents est ramenée à 11 heures et ils pourront disposés d’une journée de repos par semaine.)

La pétition de Mr Taillebois

Le 15 septembre 1881 : mr édouard taillebois, membre du cercle des dentistes de paris, promoteur d’une chambre syndicale professionnelle française, et fondateur de la première école dentaire, présente au conseil municipal de paris une pétition en faveur de l création des services de soin dentaires gratuits à l’intention des élèves des écoles primaires de la ville de paris.

Extrait d’un article de mr édouard taillebois dans la revue le progrès dentaire pour expliquer sa pétition au conseil municipal de la ville de paris ; tout dépistage précoce chez l’enfant suivi de soins est indispensables à un bon état bucco dentaire à l’âge adulte : «  Pour tout dentiste sérieux il est avéré que dans une proportion énorme (50%), on éviterait chez les adultes les difformités et le déviations de l’appareil dentaire, les caries cotangentes et par conséquent tous les inconvénients qui résultent de la destruction des dents, si dès l’enfance le passage de la première à la seconde dentition avait été intelligemment surveillé et dirigé. »

Un dépistage gratuit à l’école est une nécessité : «  Aussi ai-je de tout temps considéré la création d’un service dentaire municipal gratuit dans les écoles primaires, comme une nécessité primordiale d’hygiène et une partie importante des devoirs de la société envers les générations futures. » La mauvaise alimentation nécessite des soins renforcés : «  Le frelatage de plus en plus éhonté de toutes les denrées alimentaires, l’industrie criminelle, quoique presque tolérée, de toutes les sophistications qui ruinent les voies digestives rendent plus précieuses que jamais la conservation de l’appareil masticatoire. »

L’auteur de la pétition s’offre à créer et à appliquer gratuitement dans le 1er et le 2e arrondissement, son plan d’organisation avec les modifications qui pourraient être introduits par le conseil municipal. La pétition contient 8 articles qui expliquent le déroulement de l’action avec ses différents acteurs :

  • Article 1 : tout enfant fréquentant les écoles primaires et municipales de Paris, sur la demande de ses parents, profitera gratuitement du service dentaire spécial organisé dans ses écoles par les mairies.

  • Article 2 : ce service gratuit comprendra au mois 2 inspections annuelles, faites semestriellement, et les extractions jugées nécessaires par le dentiste.

  • Article 3 : inspections semestrielles ou trimestrielles et opérations se feront, dans chaque école, un dimanche fixé d’avance par avis transmis aux familles. Pour tout enfant inscrit sur la demande de sa famille, l’inspection sera obligatoire, sous peine de punition, à moins d’excuse valable.

  • Article 4 : un dentiste en chef, par 2 arrondissements, sera chargé par le conseil municipal de la création et de la direction du service dentaire de leurs écoles.

  • Article 5 : les fonctions du dentiste en chef, directeur de ce service, et des dentistes adjoints, sont gratuites. Les dentistes adjoints de chaque arrondissement devront être agréés par la municipalité de cet arrondissement sur la présentation du dentiste en chef, et après avoir fait candidature par écrit pour un engagement minimum de 2 ans.

  • Article 6 : chaque membre du service dentaire est tenu de fournir et d’apporter sa trousse ou instruments d’opération.

  • Article 7 : le directeur de chaque école sera instruit par la mairie des jours et des heures des visites semestrielles. Il en avisera à temps les enfants et les familles ; il assistera le dentiste pendant la durée de l’inspection, et lui prêtera le concours de son autorité pour obtenir de enfants la discipline ainsi que la soumission nécessaire. Enfin, sur un registre spécial, en regard du nom de chaque enfant inspecté, le directeur de l’école inscrira le nombre d’opérations faites et de celles qui restent à faire.

  • Article 8 : pour la 1 ère année, l’acquisition d’un matériel étant nécessaire, un crédit spécial maximum de 100 francs sera inscrit au budget de chaque école de Paris.

En résumé, le programme concerne tous les enfants scolarisés avec l’accord de leurs parents, les contrôles semestriels et soins sont obligatoires, prodigués par un dentiste chef responsable nommé par le conseil municipal et ses adjoints, assistés par le directeur de l’école.

De nombreuses notabilités du monde scientifique et médical (victor hugo, louis pasteur…..), la chambre syndicale des dentistes français, le cercle des dentistes ont soutenu mr édouard taillebois pour sa pétition : louis pasteur : «  il vaut mieux s’attacher à prévenir les maladies que les abandonner à leur développement pour tenter de les guérir ensuite. » ;

Jules Roche du département du Var : «  cette créativité dont vous avez eu l’heureuse idée, et destinée à augmenter et à populariser en france des habitudes d’hygiène publique en général trop négligées. »

Le texte d’Edouard Taillebois est très positif et enthousiaste : « nos lecteurs applaudiront ….une idée aussi généreuse, aussi fertile en bons résultats pour la santé publique ». Dans « le progrès dentaire » il écrit qu’il espère bien conquérir l’europe avec « son idée vraie »!

On trouve dans cette démarche tous les aspects du 19e siècle :

L’aspect politique

Les élus sont considérés comme responsables de la santé publique et ils semblent l’être réellement par leur réponse positive. Cette discussion au conseil municipal montre la démocratie au sein du conseil municipal de la capitale de la france. La création d’un service municipal gratuit dans les écoles primaires « est une partie importante des devoirs de la société envers les générations futures » La prise en charge d’une prévention bucco dentaire par l’état mais aussi par les chefs d’institutions « un peu sérieux » des établissements scolaires, et par un service municipal pour les plus indigents serait souhaitable. Dans la pétition, on lit, « l’incurie, la pauvreté, l’ignorance……tout conspire pour laisser les jeunes générations, non soumises à des visites obligatoires et périodiques dans un état d’abandon entraînant une dégénérescence physique à laquelle nos élus municipaux ont le devoir d’apporter remède en diminuant les causes ». Les élus sont interpellés comme « un jury aussi éclairé que le conseil municipal … » et donc susceptibles d’action. Dans l’article 5 les fonctions des dentistes sont gratuites et ils utilisent leur matériel….Ce qui induit une réponse de mr Hovelacque, conseiller municipal : « la création d’un service dentaire dans nos écoles me semble désirable ; mais pour des motifs d’ordre divers, il est indispensable que la ville rétribue ce service ».

L’aspect social

C’est une « généreuse initiative » par la gratuité de l’acte au sein d’une institution elle-même gratuite, laïque et obligatoire depuis peu, les lois sur l’instruction publique permettant l’existence de ce projet. La surveillance manque « absolument aux enfants moins favorisés par la fortune » mr taillebois « s’offre à créer et appliquer gratuitement » dans les 1er et 2e arrondissement son plan d’organisation….La gratuité pour les indigents, très en vogue au 19e siècle paternaliste, a accompagné pendant tout le siècle suivant la prévention bucco dentaire , comme étant une activité que le chirurgien-dentiste devait faire en plus un peu par générosité et charité…

L’aspect scientifique

Ce projet s’inscrit dans une action hygiéniste, avec une réflexion de professionnel éclairé par les dernières découvertes scientifiques (l’étiologie de la carie). La réponse éminente de pasteur est placée en premier, après la pétition, place de choix vu l’importance de son auteur et il écrit : « votre idée est, à mon sens, excellente en principe et conforme à cette grande règle de l’hygiène, qu’il vaut mieux s’attacher à prévenir les maladies que les abandonner à leur développement pour tenter de les guérir ensuite. » Plus loin la réponse du dr level : « Les avantages hygiénistes de cette création sont incontestables. »

L’aspect du chirurgien-dentiste

La profession s’organise comme d’autres corporations par des syndicats ou cercles ; elle crée une école, veut montrer son savoir-faire et son sérieux par la reconnaissance d’un diplôme d’état comme le médecins. Elle prend conscience que la santé bucco dentaire est liée à une bonne hygiène de vie et passe par une prévention essentielle chez l’enfant pour le devenir de l’adulte. Mr taillebois explique par une lettre sa pétition ; nous y retrouvons des préoccupations de chirurgiens-dentistes d’aujourd’hui : -on éviterait beaucoup de problèmes dentaires aux adultes si les enfants étaient « intelligemment surveillés et dirigés » ; -« le frelatage le plus éhonté de toutes les dentées alimentaires…, l’industrie criminelle… » Un reproche sur le projet du dr georges martin qui : d’après lui une visite tous les   mois serait préférable. D’autres réponses font état des soins de la bouche bien souvent négligés et de la nécessité des contrôles. La réponse enthousiaste des dentistes pour participer gratuitement au projet est rapide : en 1 mois, 80 dentistes sont prêts ! « Personnel jeune, ardent, expérimenté » de l’école dentaire de paris ; « entre les membres du service dentaire municipal de la ville de paris il y aura solidarité, esprit de corps, inspiré par cette pensée unique : intérêt général et honneur professionnel. » Une 2e pétition suivra avec 300 signatures de dentistes. On lit : « cette admirable harmonie entre les membres d’une même profession mettant noblement de côté toute préoccupation de susceptibilité et d’intérêts personnels.. ». Mr taillebois indique un intérêt pour la profession : augmentation de patients des cabinets modestes « en faisant prendre aux masses, dès l’enfance des habitudes auxquelles elles sont encore absolument réfractaires. »

Conclusion

Cinquante ans plus tard, naîtra le comité national d’hygiène dentaire qui reprendra dans ces premières actions les 8 articles de la pétition d’édouard taillebois. D’autres actions de prévention, d’origines diverses, verront le jour au cours du 20e siècle, essentiellement basées sur le bénévolat des chirurgiens-dentistes. Très peu seront planifiées par une politique de santé publique globale avec une prise de conscience d’élus.

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Sites Internet

www.silapedogogie.com
www.herodote.net
www.hygiène-educ.com
www.sante.gouv.fr
www.19e.org