Micheline RUEL-KELLERMANN, Roger GUICHARD

Dans son « Nouveau Guide des Musées de France », Pierre Cabanne, historien et critique d’Art, honore la mémoire d’un de nos confrères pratiquement ignoré de notre profession. Aux pages concernant le Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, (MAMVP), un paragraphe mentionne en effet : Un collectionneur passionné : Le Docteur Girardin qui «  à sa mort institua la ville de Paris légataire de sa fabuleuse collection ». En 1951, la ville de Paris recevait ainsi un legs de plus de 500 œuvres.

D’âpres tractations eurent lieu avec la famille, qui déshéritée fît valoir le quart réservataire auquel elle avait droit et dont une partie dût être dispersée au cours de deux ventes, l’une le 10 décembre 1953, l’autre le 26 février 1954.

En mai 1954, le Petit Palais, alors Palais des Beaux Arts de la Ville de Paris, put enfin exposer les œuvres qui lui revenaient définitivement. Ce fut un événement médiatique (fig.1).

Figure 1

André Chamson préfaça le catalogue en ces termes : « Quatre cent vingt peintures et dessins des plus grands artistes de notre temps, des livres illustrés par les mêmes maîtres, un ensemble d’objets de Polynésie et d’Afrique pleins d’une étrange beauté, en résonance avec cet art pictural dont l’Art Nègre fut une des sources, constituent un véritable musée, un rassemblement prestigieux des plus belles œuvres de notre époque… » et il conclut : «  c’est donc une immense gratitude que nous devons au collectionneur qui nous a comblés de richesses que rien ne nous aurait permis d’assembler. »

Les toiles furent estimées à l’époque à plus de 700 millions. Il y avait entre autres, cinquante Rouault, quatre MODIGLIANI, trois PASCIN, dix-huit DUFY, deux BRAQUE, deux SOUTINE, un VALADON, huit BUFFET, des UTRILLO, des PICASSO, des DERAIN (fig.2), des MATISSE, des BONNARD et plus de cent vingt GROMAIRE.

C’est pour et à cause de cet important apport à un Petit Palais devenu trop étroit, que sera décidé le réaménagement, jamais entrepris, du Palais de Tokyo construit en 1937 pour l’Exposition Universelle et qui ouvrira enfin ses portes en 1961, l’actuel MAMVP.

Figure 2

On pourrait alors se demander comment, vu l’importance de ce legs, il a pu rester aussi confidentiel ?

Quelques documents sont archivés au MAMVP, deux mémoires en 94 et 95 restent très difficiles à consulter, et datant de 1960, un chapitre : Les coups de foudre du Dr GIRARDIN dans le livre de Pierre Cabanne, « Le roman des grands collectionneurs », en préservent la mémoire. De la famille, un remarquable silence : il est vrai que l’on peut imaginer son dépit devant les termes mêmes du testament écrit le 1er mai 1951, sept mois avant sa mort (déposé chez Maître Fontana) où l’on pouvait lire entre autres :

« J’institue la ville de PARIS, ma légataire universelle à charge pour elle :
« d’installer dans ses musées les tableaux, dessins, aquarelles, livres en éditions originales et illustrées, objets d’art moderne et ancien, meubles anciens, objets d’art primitif etc… »
« De servir à ma mère une rente annuelle et viagère de 200.000 francs, mais à condition qu’elle renonce expressément à son quart réservataire, elle me fera plaisir »
« A ma femme Georgette, une rente de 300.000 francs et lui laisse l’usufruit de douze tableaux : DUFY, ROUAULT, MATISSE, PICASSO, BLANCHARD, GROMAIRE etc…

Suivent quelques cadeaux à sa belle fille, galériste, Henriette GOMÈS, un ami, un neveu.

Puis l’énumération détaillée de sa fortune déposée dans son coffre, espèces, valeurs mobilières, ors et métaux précieux etc…, sa vieille voiture Hotchkiss  et son cabinet dentaire « pour lequel je suis associé avec Monsieur Jean GOMÈS et sur lequel il ne m’a versé à ce jour qu’une somme de 212.000 francs contre reçu »

Enfin il précisait : « au cas où la ville de Paris renoncerait à ce legs, j’institue pour légataire universel, le Musée d’Art Moderne, la Bibliothèque Nationale et le Musée de l’Homme ». (Cette proposition de répartition dans trois endroits différents favorisait d’autant une dilution dans l’anonymat qu’il ne donnait aucune indication pour associer son nom à sa collection !). Le Petit Palais, à sa réouverture, devrait inscrire son nom dans une de ses salles.

Bien entendu le guide du MAMVP fait état de l’importance de ce legs. Dés l’entrée dans la première salle, deux vitrines présentent les objets d’Afrique et d’Océanie, sélectionnés par Jacques Kerchache et sont également accrochés en alternance une vingtaine de tableaux et quelques sculptures. C’est bien peu ! Lors de chaque grandes expositions rétrospectives d’Art Moderne, on peut découvrir ou revoir des œuvres qui ne portent pas toujours la mention « legs du docteur Girardin ».

Enfin pour en terminer avec les tribulations de cette extraordinaire collection, l’inventaire établi le 25 avril 1951 et déposé dans son coffre, répertoriait 621 tableaux. Après sa mort, on n’en retrouvera que 490 !

Quelques éléments de biographie

Il est né à Paris le 1er février 1884 dans le 6ème arrondissement, de parents commerçants (bouchers ?), qui se retirent, fortune assurée, vers la quarantaine. Il a une sœur Isabelle et un frère Gaston (négociant en passementerie en gros).

Ses relations avec sa famille seront toujours distantes. Il dira plus tard ; « chez mes parents, je ne recueillais aucun écho à mes découvertes ». Ils en étaient même plutôt scandalisés, ce qui, semble t-il, ne lui déplaisait pas.

Il passe le baccalauréat et s’inscrit en 1902 à l’Ecole Dentaire, rue de la Tour d’Auvergne (fig.3).

Figure 3

Sorti en 1907, il part aussitôt pour l’Université de Pennsylvanie et en revient diplômé trois ans plus tard (fig. 4, 5, 6)

Figure 4

Figure 5

Figure 6

Figure 7

A son retour, se marie t-il avec Marcelle Charuet, exerce t-il en tant qu’opérateur, fait-il son service militaire ? On retrouve sa trace en 1912 : il s’installe 67 boulevard Malesherbes (fig.7) et est membre titulaire du groupement de l’Ecole Dentaire de Paris.

1914, il est mobilisé à Nevers en tant que Chirurgien-dentiste.

1920, il est membre de la Société d’Odontologie et de l’Association Générale Syndicale des Dentistes de France. Dans l’Annuaire Dentaire de 1926, on peut lire son année de diplôme EDP 1907, mais aucune mention n’est faite de ses titres américains, ce qui n’etait pas d’usage à cette époque.

Sans doute a t-il divorcé durant ces années là. Il n’a pas d’enfant de ce mariage.

1931, il épouse Georgette Gomès, née Tommasi, divorcée d’un avocat nîmois. Elle a trois garçons : André, Jean et (?).

Il quitte le boulevard Malesherbes en 1936, passe trois ans rue la Boétie. A partir de 1939, il s’installe définitivement, dans un appartement beaucoup plus grand, 17 rue La Ville l’Evêque (fig.8). et s’associe professionnellement avec son beau-fils Jean Gomès.

Figure 8

Figure 9

Aucune mention de sa mort dans la presse professionnelle. Seul, le Docteur Armand Dimanche, dans L’information Dentaire du 31 décembre 1953, lors des ventes très médiatisées de la succession , rendra hommage au « collectionneur exceptionnel et généreux donateur » (fig.9).

 

Le collectionneur et le mécène

Maurice Girardin tenait beaucoup de cahiers dans lesquels il consignait ses achats, ses ventes, ses prêts etc…Quelques notes précieuses écrites à la fin de sa vie, nous éclairent sur ses conceptions :

« Il y a plusieurs sortes de collectionneurs – les gros qui ne sont pas toujours les vrais, et les passionnés qui ne sont pas toujours les gros : Les gros sont des gens fortunés qui, pour des raisons personnelles ou sociales peuvent à coup de chèques, bien conseillés et bien guidés, constituer en peu de temps un ensemble d’œuvres célèbres et en tirer vanité ; ce sont généralement des financiers mais il arrive que quelques uns se prennent au jeu et deviennent de vrais collectionneurs. Les autres, les petits, les sans-grade, sont à l’origine des grands mouvements d’art ; ce sont eux les vrais mécènes qui, souvent se saignent aux quatre veines pour aider un artiste à ses débuts, l’encouragent, le soutiennent. On les trouve rarement aux côtés d’un peintre arrivé, car ils sont parfois répudiés en cours de route à cause de leur pauvreté, quand ils ne sont pas traités d’exploiteurs pour avoir, à l’origine, acheté des toiles dont le prix est devenu impressionnant. Ce sont les passionnés, à la fois sensibles et curieux, impulsifs et analystes… Ils aiment avec le cœur…, seule la qualité de l’œuvre les touche. Nous sommes quelques uns comme cela. »

Déjà étudiant il raconte qu’il s’arrêtait devant les vitrines de VOLLARD, de BERNHEIM, de DURAND-RUEL ou de DRUET. Dés 1910, il achète des meubles anciens avec sa jeune femme, éprise d’art elle aussi.

Lors d’une permission, en 1916, à la Galerie DRUET, il achète 500 francs, à crédit, une toile de SIGNAC : « Saint Tropez » . Enhardi par la gentillesse et la compréhension de Madame Druet, il lui propose des mensualités de 50 à 150 francs pour acquérir d’autres toiles.

1917 : Premier « coup de foudre » il découvre Georges ROUAULT (fig. 10).

Figure 10

Figure 11

Il achète quatre toiles et aquarelles d’un coup, pour 800 francs et très vite encore d’autres, puis des SIGNAC, VLAMINCK etc …ROUAULT devient rapidement un familier, dînant souvent boulevard Malesherbes, où tous ses tableaux etaient accrochés dans la chambre à coucher de ses hôtes. Toujours en 1917, à la galerie BERNHEIM, il demande le prix d’un BONNARD. Horrifié par les 4000 francs demandés, il court à Montmartre trouver le peintre, qui, subjugué par son exceptionnel sens pictural accepte de lui faire son portrait pour 600 francs (fig.11). «  Epoque heureuse, confiait -il, à l’un de ses amis, où l’on trouvait un UTRILLO pour 60 francs, un MODIGLIANI pour 250 et plusieurs paysages de VLAMINCK pour 150. »

1920, deuxième « coup de foudre » Marcel GROMAIRE : En 1920, il achète au salon des Indépendants « les musiciens mendiants », puis débarque dans son atelier et lui propose un contrat pour le dégager de ses soucis matériels. Il lui fera faire son portrait en 1925 (fig.12). Le contrat prendra fin en 1929, année économique difficile entre toutes. Il continuera à le promouvoir et une correspondance entre les deux hommes témoigne du soutien tout autant moral que financier apporté au peintre et de l’amitié fidèle qui les unira jusqu’à la mort. Un de ses derniers achats sera « Le Pont de Brooklyn ».

Figure 12

Figure 13

1948 troisième « coup de foudre » Bernard BUFFET : Au jury de la Jeune Peinture, réuni à la galerie DROUANT-DAVID, ce jeune peintre totalement inconnu, est écarté au profit de Jean Cortot, le fils du pianiste. Furieux, il démissionne et se précipite chez le peintre évincé ; il tourne et retourne silencieusement les toiles et dit : « j’en prends trois » dont le « Buveur assis » (fig.13) refusé par le jury, et lui tend deux billets de 5.000francs. Il retourne chez DROUANT-DAVID pour dire que ce peintre est encore mieux que ce qu’il croyait. Peu de temps après, Emmanuel David offre à Bernard BUFFET un contrat mensuel de 40.000 francs pour toute sa production. L’ascension est fulgurante et son découvreur délire de bonheur d’avoir, une nouvelle fois, révélé un peintre.

Il lui achètera 30 toiles, lui fera faire son portrait (fig.14). Quelques jours avant sa mort, appuyé sur le bras de son médecin, il se rend à la galerie, pour voir encore les toiles de celui qu’il appelait « le gamin ».

Concernant sa passion plus tardive pour les objets d’Art africains et océaniens, ses choix seront moins instinctifs.

S’il achète à VLAMINCK une statuette Baoulé de Côte d’Ivoire en 1920, c’est surtout durant les dix dernières années de sa vie, qu’il multiplie les achats, conseillé, guidé par Madeleine Rousseau, alors directrice du Musée Vivant situé au Musée de l’homme et approvisionné le plus souvent par Charles Ratton, un courtier très éclairé. (fig.15, 16, 17)

 

En 1986 une exposition au MAMVP sera consacrée à ces objets magnifiques.

Figure 14

Figure 15

Figure 16

Figure 17

 

Enfin dernier mécénat : le cinéma ; il soutient en 1950-51 pour la somme de 200.000francs « Mon cher assassin ».

Inutile de souligner sa notoriété dans les milieux artistiques qui le fait nommer membre de plusieurs jurys de sélection pour de nombreuses expositions auxquelles il prête toujours généreusement des œuvres. En particulier , une trentaine de toiles pour celle de l’Art indépendant (1895-1937) organisé par Raymond Escholier, lors de l’Exposition Universelle de 1937.

La LICORNE : un collectionneur qui tente de devenir «galériste»

Dés la fin de la guerre, Maurice Girardin a très vite accès à une société cultivée et raffinée, sans doute par son activité professionnelle, mais aussi par le biais d’une jeune femme de ses amies (nombreuses aux dires de Jean Cassou), Jeanne Hugard, ancienne danseuse de l’Opéra. Elle l’introduit dans le cercle d’Edouard Dujardin, un des derniers survivants du Symbolisme, où l’on rencontrait artistes et écrivains d’avant-garde. En Compagnie de Jeanne Hugard et de son amie la pianiste Yvonne Chastel, il projette d’ouvrir une galerie dans le but de découvrir et faire découvrir de jeunes talents. Elles dirigeront la galerie et lui, sera le « conseiller artistique ».

A l’automne de 1921, s’ouvre donc la galerie « la LICORNE » au 110 rue La Boétie. Deux salles aux murs clairs contrastent avec les habituels fonds grenat des autres galeries.

Les deux premières expositions présentent ROUAULT (fig.18) et GROMAIRE, puis LHOTE, PASCIN, BLANCHARD, MAKOWSKI, LIPCHITZ, PRAX, ZADKINE, VLAMINCK etc…

Figure 18

S’y tient également le siège des « Cahiers Idéalistes » dirigés par Edouard Dujardin. Et sous l’égide de Jean Cassou et Georges Pillement s’y jouent des spectacles d’avant garde, jugés très audacieux, telle « La Ronde » d’Arthur Schnitzler. Mais la crise économique de 1929 aura raison de la riche mais non moins dispendieuse expérience d’un homme, avant tout collectionneur, pas du tout marchand (il ne pouvait se séparer de certaines œuvres) et gestionnaire peu éclairé ; pour faire face aux échéances, il devra mettre en vente une partie de son stock à l’Hôtel Drouot.

Le chirurgien-dentiste et l’homme

Certains témoignages évoquent le collectionneur, le travailleur et l’excellent professionnel.

En 1929, dans le Paris-midi du 8 novembre à la rubrique « La semaine artistique » le journaliste Jean Charles Gros rapporte sa visite : « dans l’appartement du Docteur Girardin, les murs sont recouverts de tableaux…le salon , un vrai Salon d’Automne permet aux patients, amateurs d’œuvres d’art, d’attendre sans ennui la minute où passant dans le cabinet du chirurgien-dentiste, ils garderont encore et justement, sur le fauteuil redouté, la bouche ouverte d’admiration ; et voici le collectionneur qui apparaît en tenue de travail : son sarrau blanc, fermé sous le menton, a sur deux bras solidement musclés, des manches relevées jusqu’au coude. Le visage rasé est énergique et jeune…Le cabinet dentaire contient aussi de la peinture. Si le fauteuil du praticien tourne le dos à la cimaise, du moins reçoit-il de la fenêtre, ce jour qui baigne ses tableaux et qui fait dire aux mâchoires aurifiées gagnées aux arts de notre époque, que c’est du boulevard Malesherbes que leur vient la lumière ».

Rien que dans son cabinet, il y avait 19 tableaux accrochés dont neuf UTRILLO, la Bataille de Champigny du DOUANIER ROUSSEAU au dessus du lavabo, son portrait par BONNARD, le Baptême du Christ et l’Accusé de ROUAULT etc… une « nature morte aux trois anses » de la FRESNAYE que le patient Jean Cassou admirait, quand, « bouche ouverte, il etait en train de se faire soigner ».

Il y avait des tableaux et des sculptures partout, dans tout l’appartement (fig.19 et 20), jusque dans la salle de radiographie, la lingerie, les lavabos, les débarras et la chambre de bonne.

Figure 19
Figure 20

François, le fils de Marcel GROMAIRE déclarait lors d’un entretien : « C’etait un type très cultivé qui s’intéressait à beaucoup de choses. Il avait ses deux trucs, son métier et la peinture. C’etait un type fin, sensible, intelligent, dur. Il avait même la main dure… c’etait un des meilleurs dentistes de Paris, son diplôme américain faisait de lui un des dentistes clés de Paris. C’est d’ailleurs ce qui lui a permis de se lancer dans sa collection. Il a travaillé jusqu’à la fin de sa vie ».

Isabelle, la fille de Georges ROUAULT dira : « Girardin etait un collectionneur exemplaire, passionné. C’etait un homme exceptionnel ».

Il travaillait en effet beaucoup, souvent tard le soir et il consacrait la presque totalité de ses revenus et de son temps libre à sa passion : « dentiste la semaine, peintre le dimanche et collectionneur le reste du temps » plaisantait-il souvent. Dés son plus jeune âge, il a peint, sans prétention aucune, mais ce faisant il pouvait mieux apprécier la complexité de cet art.

Il prétendait que sa collection ne lui avait guère coûté plus d’un million en tout. Son avarice etait légendaire : « L’économie de quelques milliers de francs ne représente qu’une chose pour moi : un tableau nouveau »

Maximilien Gauthier disait de lui : « Il perfectionnait sa collection sans cesse et ne vendit jamais un seul tableau que pour s’en procurer de plus coûteux ; les nouveaux ne le consolaient d’ailleurs pas du chagrin d’avoir dû abandonner les autres ».

Et Pierre Cabanne de préciser : « L’idée de spéculation ne l’effleura jamais et s’il échangea ou revendit, ce fut moins pour augmenter la valeur marchande de l’ensemble que pour enrichir sa qualité. Il aimait les tableaux mais aussi leurs auteurs et savait se montrer généreux avec des artistes dans la gêne. Il partageait tout de leur espoir de leurs soucis, de leur succès et leur vouait une amitié fidèle même quand devenus très cotés, il ne pouvait plus les acheter ».

Il parcourait silencieusement et discrètement les expositions, les galeries et c’est parce qu’il adorait les musées que dés les années 20, il pensait déjà à leur léguer sa collection.

Georges Pillement qui etait un de ses amis disait : « il s’etait identifié avec sa collection qui etait sa raison de vivre et de survivre… ».

En 1941, lors de la vente de la collection de Félix Fénéon, il s’insurgeait en disant « une vente disloque, désorganise, dépersonnalise une collection » .

A son ami le plus proche, André Richier, il confiait : « mes tableaux ne sont pas à moi, je ne suis que leur dépositaire provisoire ; personne n’est propriétaire d’une oeuvre d’art …Le bonheur d’avoir pu constituer une collection particulière et d’en jouir se suffit à lui même ; finalement, elle doit revenir à la collectivité ».

Et toute sa vie, il fut en proie au doute sur sa qualité. Se sachant condamné, il n’en parlait pas, mais il murmurait : « Ma collection ne vaut rien ».

Mais dans les trop brefs écrits des toutes dernières années, n’écrivait-il pas :

« Déceler un artiste à ses débuts est affaire d’affinités et de sensibilité, c’est quelque chose qui échappe à la science et au savoir, c’est peut-être avoir l’instinct de la beauté, un don aussi vieux que le monde ». et un peu plus loin il ajoutait : « Je n’irai pas sur une île déserte car je ne pourrai me résoudre à choisir deux ou trois toiles. Je les aime toutes, elles me rappellent une histoire, certaines heures de ma vie, elles sont fidèles à la confrontation quotidienne et comme je ne suis pas un héros, je ne renie pas mes amours ».

Le 6 décembre 1951 Maurice Girardin s’éteignait, un dernier regard posé sur la Pastorale de MATISSE (fig.21).

Figure 21

Références bibliographiques

CABANNE Pierre « Les coups de foudre du Docteur Girardin » in Le roman des grands collectionneurs. p219 – 244 PLON 1961
MOLINARD Stéphanie Le legs du Docteur Girardin Mémoire de Muséologie, Ecole du Louvre PARIS 1995 – 1996
NEVEJAN Geneviève « La collection du Docteur Girardin » Mémoire de DEA. Institut d’Art et d’Archéologie, Université de Paris IV-Sorbonne