François DEVARS
D.C.D., Conservateur du Musée dentaire de Lyon

Il y a eu à Lyon, ville industrielle, agricole, vinicole et de soierie, du XVIIIe au XXe siècle, des couteliers fabriquant également des instruments de chirurgie, et certains en firent une spécialisation. Nous nous limiterons aux seuls dont nous possédons au Musée des pièces relatives à l’art dentaire. Dans les plus anciens, nous trouvons: LEPINE, LAFFAY et SOUEL, CRESPIN, RULLIER, PRADAT, DEAGE et MATHIEU. La recherche a été faite aux Archives Municipales entre 1832 et 1934.

LEPINE

De loin la plus importante ; on peut suivre les LEPINE sur 9 générations, soit 3 siècles. Une étude a été faite par le Pr. A. BOUCHET pour la Ste d’Histoire de la Médecine.

La famille, d’origine suisse (comme CHARRIÈRE), est issue de Villars le Terroir, dans le canton de Vaud. Les LEPINE, catholiques, à la suite de la révocation de l’Édit de Nantes, en 1685, par LOUIS XV doivent s’exiler ou devenir protestants.

1ère génération : PHILIPPE MARTIN (1692-1754), émigre à Lyon et, à 22 ans, en 1734, s’installe comme « éguiseur » vers le pont de Pierre et la rue de la Cage. Le pont de Pierre était un pont reliant le quartier St Jean avec la presqu’île. Construit en 1076, avec des matériaux de récupération ; on trouvait sur certaines pierres des inscriptions latines. Démoli en 1840, après plus de 700 ans de service (il était aussi appelé pont de Saône.) Il a été construit un autre pont inauguré en 1845 par le duc de Nemours, dont il porta quelque temps le nom, avant de devenir le pont du Change. Il est de nos jours remplacé par un plus moderne : le pont La Feuillée.

2ème génération : GASPARD (1714-1791) lui succède comme « Maître Coutelier » et adopte le signe de la Tête Noire. Une tête noire faisait partie des armoiries d’une famille de Villars le Terroir: les PITTET.

3ème génération : CLAUDE MARIE (1756-1815) exerce pendant la révolution. Un jeune frère, PHILIPPE MARTIN, s’installe comme coutelier place des Carmes, avec comme signe le Bâton d’Epines.

4ème génération : JACQUES GASPARD (1786-1861), s’installe 15 Place des Terreaux.

5ème génération : JACQUES JOSEPH (1826-1892), qui était artiste, réalise en 1882 les dessins du premier catalogue.

6ème génération : PHILIPPE (1858-1920), déménage 14 Place des Terreaux.

7ème génération : JACQUES (1887-1981), ingénieur de Centrale, s’associe avec son cousin GUSTAVE (Sté J et G LEPINE). En 1945, Gustave se retire et la Sté devient la SA LEPINE.

8ème génération : les deux fils de JACQUES : PHILIPPE né en 1921 et GEORGES né en 1924, s’installent dans 3000 m2 rue du Vinatier à BRON (où il existe encore une tête noire en ébène).

9ème génération : JACQUES, né en 1949, entre dans la Société en 1980 et adjoint une filiale BIO SANTÉ (Produits stériles). I1 dirige la Société pendant 3 ans et, poussé par Georges, Philippe étant malade, elle est vendue à Patrick PFAIRE (marque PP). Le nom de LEPINE existe toujours; la nouvelle Société se spécialise surtout dans la fabrication des prothèses de hanches et de genoux.

La maison LEPINE a mis au point de nombreux instruments pour les chirurgiens lyonnais: LERICHE, BERARD, GALLAVARDIN, SANTY, etc., et le célèbre bouton de JABOULAY. En stomatologie des instruments pour les Professeurs DUCLOS et FREIDEL (gouges à mains, écarteurs pour dents de sagesse).

LAFFAY

21 rue Centrale à Lyon. Apparaît pour la première fois en 1861. « Coutellerie, articles de chirurgie, trousses de voyage, nécessaires, articles de jardinage, (repassage tous les jours, aiguisage). En 1895, il s’associe à SOUEL, lui-même associé à TRENTA (instruments de précision); et devient la Sté A. SOUEL et Cie. En 1910, la maison est reprise par VAGANET et BERTHOLLET, en 1916, VAGANET reste seul et en 1924 devient SOLAIRE ET Cie.

CRESPIN

16, rue de la Barre, en face de l’École de Médecine, apparaît en 1862. « Fabricant d’Instruments de Chirurgie, fournisseur des Hôpitaux et de l’École de Médecine, ex-ouvrier de la maison CHARRIÈRE à Paris, instruments d’agriculture et d’horticulture, 15 médailles d’encouragement « . Il disparaît en 1871 (Signe C couronné.)

Veuve RULLIER

5 rue Lanterne et 14 rue de Constantine, apparaît en 1879. En 1880, A. RENAUD lui succède et disparaît en 1884.

PRADAT

20 quai Pierre Scize, apparaît en 1882; en 1896 on trouve à la même adresse SCHAUFFER, dit PRADAT ?

MATHIEU

Apparaît en 1908, 25, 21, 31 Place Bellecour; même maison qu’à Paris; Sté An. des Etablissements MATHIEU SCHERER et d’Hygiène Publique de Lyon Réunis.

DEAGE

Ancienne maison; mais rien avant 1934; 20 rue Belle Cordière. Photo au Musée de l’Hôtel-Dieu « Instruments de Chirurgie et bandages »

FAVRE SOUCHON

qui devient FAVRE REYMOND, en collaboration avec REYMOND frères, de Genève; 54 rue de la République.

Plus récemment on trouve d’autres fabricants.

NICHROMINOX

Dynamique société familiale fondée en 1938 par Henri TORNIER qui, avec son beau-frère prothésiste, met au point un alliage au NiCr pour l’art dentaire. En 1940, le renchérissement de l’or donne un essor inattendu aux alliages non précieux ; la marque est déposée en 1942. La Sté est dirigée de nos jours par sa fille Arlette LEFRANC LUMlERE (commerciale) et son petit fils ERIC, arrière petit-fils de Louis LUMIERE (technique). La production est divisée en deux parties: DENTAIRE LABORATOIRE (tréfilés, tubes, laminés, alliages de coulée, cylindres et cônes); DENTAIRE CABINET (plateaux de stérilisation, supports de fraises, boîtes d’endodontie, instruments divers); et CHIRURGIE (matériel d’ostéosynthèse (arcs de DUCLOS, plaques de FREIDEL, masques de DELAIRE).

Elle travaille sur stock avec les dépôts et directement pour les pièces spéciales. Export à 30%. Des arcs de contention pour les fractures des maxillaires ont été parachutés à Dien Bien Phu.

LA BUIRE

115 route d’Heyrieux; P. POTIN ing. AM et R GAZZANO ing. ECL.

Existait encore en 1965; fabrique de fauteuils dentaires.

DESPINS

15 rue Claudius Penet, P. DESPINS ing. constructeur. Fabrique de fauteuils dentaires, marque  » Excelsior « .

GALLOIS

54 rue Villon et à Paris, 5 rue Dante ; puis 21 rue d’Argenteuil. Fabriquait des scialytiques en aluminium poli.

DUCHAMP puis LARGERON

11 Place Raspail, fabriquait entres autres des tours électriques portatifs pour les étudiants.

DURILLON et LASSEIGNE

4 rue de la Charité. Instruments de chirurgie ( gouges, burins).

DURAND et GIRARD

Très ancienne maison, 21 rue Juiverie, fabrique des métaux pour l’art dentaire. La Sté existe toujours sous le nom ARIA DENTAIRE France, 3 imp. Louis Verdi à Irigny. Métaux précieux, attaches, céramiques et fours, produits divers de laboratoire, tenons et pivots. Jean Charles GIRARD est toujours présent dans la Société.

LUMIERE

La Société d’Auguste et Louis LUMIERE fabriquait des anesthésiques pour infiltration: ALLOCAINE et des films pour radios dentaires avant d’être reprise par l’anglais ILFORD.

SERF : SOCIETE D’ETUDES, DE RECHERCHES ET DE FABRICATION

Jeune société implantée à Decines Charpieu, fondée par des ingénieurs très compétents, fabrique, entre autres, des implants très performants.

Il existe encore dans la région des marques connues comme DYNAR (Villefranche-sur-Saône, Amalgames). GARNIER, 5 et 12 rue du Tunnel à Besançon (MICROMEGA) et ANTHOGYR, 3 rue du Lac à Sallanches, qui sont célèbres pour leurs instruments rotatifs.

Ma liste n’est sûrement pas exhaustive et je m’excuse auprès de ceux que j’ai pu oublier.