Thibault MONIER

Introduction

Dimanche 4 juin 1944, sept heures du matin, Château de la Roche-Guyon.

Le feld-maréchal Erwin Rommel s’installe sur la banquette arrière de sa puissante Horch. Il se met en route pour l’Allemagne, bénéficiant enfin d’une permission lui permettant de retrouver sa femme dont c’est bientôt l’anniversaire, et son fils. De plus, il compte demander audience au Führer afin de lui exposer ses dernières remarques concernant les dispositifs de protection du Mur de l’Atlantique. Rommel part l’esprit tranquille. En effet, la météo annonce des conditions climatiques déplorables sur la Manche pour les jours à venir, empêchant tout débarquement allié…

Lundi 5 juin 1944, trois heures trente du matin, Bureau des Opérations, Southwick House aux environs de Portsmouth:

Le Commandant du Quartier Général des Forces Expéditionnaires Alliées, (SHAEF), le général Dwight Eisenhower, après avoir pris connaissance du dernier rapport météo annonçant une courte accalmie sur la Manche pour les prochaines 24 heures, confirme aux responsables des armées de terre, de l’air et de mer, qu’il a retenu le mardi 6 juin comme étant le jour J. L’ordre de départ est immédiatement envoyé à tous les bâtiments qui constituent la plus grande armada de tous les temps. La réussite de cette opération conditionna la suite du déroulement du conflit sur le front européen, et sa préparation minutieuse fut la clé de son succès.

Le « Commandement des Opérations Combinées »

Lord Louis Mountbatten

Huit jours après la fin du rembarquement réussi du corps expéditionnaire britannique à Dunkerque, le chef d’état-major impérial sir John Dill crée le Combined Operations, confié le 17 juin 1940 au Grand Amiral de la flotte, sir Roger Keyes, jusqu’en 1941. Son activité principale consistera en une succession de raids sur les côtes occupées par les forces de l’Axe, afin d’en tester les réactions et les défenses. Winston Churchill, devenu Premier Ministre instaure début octobre 1940 un Sous-comité combiné des chefs d’état-major destiné à étudier un prochain retour sur le continent. Le 27 octobre 1941, c’est le Capitaine de Vaisseau Lord Louis Mountbatten, cousin du Roi George VI qui succède à sir Roger Keyes. Il continuera les raids de commandos de son prédécesseur, mais développera aussi des opérations de plus grande envergure, associant opérations par mer et par air, comme l’attaque du centre de radio détection du Cap d’Antifer à Bruneval le 27 février 1942, le raid du 28 mars 1942 sur la grande cale sèche de Saint-Nazaire, et surtout le débarquement test de Dieppe le 19 août 1942, qui sera une source irremplaçable d’enseignements qui aboutiront au succès d’Overlord.

Parallèlement, Lord Mountbatten est nommé Vice-amiral à titre temporaire, le 18 mars 1942, ainsi que Lieutenant général honoraire dans l’armée et Maréchal de l’air dans la RAF : cette triple promotion marque l’importance du regroupement des trois armes au sein d’un même commandement indispensable à la réussite d’une opération combinée.

Le raid sur Dieppe et ses enseignements

Jubilee, l’opération combinée de plus grande envergure sur le front ouest reposa essentiellement sur les forces terrestres canadiennes. Elle associa 6086 hommes, 55 escadrilles de chasse, 2 de bombardiers, 250 navires et bâtiments de débarquement, 28 chars … et constitua une répétition grandeur nature d’une opération de débarquement, qui se solda malheureusement par de lourdes pertes: 3890 hommes et 494 officiers tués, blessés ou portés disparus. Cependant, malgré la propagande allemande qui présenta cette opération comme un débarquement allié anéanti grâce à l’invincibilité du Mur de l’Atlantique, dont la construction était à peine commencée, il ne s’agissait que d’un essai sur une grande échelle, permettant de tirer des enseignements indispensables au montage stratégique du vrai débarquement. Ainsi il apparut clairement au commandement allié que:

  • toute opération amphibie devait être précédée d’un bombardement préalable par voie aérienne ou navale des complexes défensifs allemand, mais également des routes, des noeuds ferroviaires, des ponts permettant l’envoi de renforts ennemis sur le lieu du débarquement.

  • le débarquement ne pouvait être envisagé avec succès en attaquant frontalement un port, pourtant indispensable au déchargement rapide de troupes et de matériel. En effet, la défense très forte des installations portuaires de la manche et de l’atlantique, renforcée par la présence des décombres provoqués par les bombardements préalables, retardent et complique toute progression des troupes et des véhicules débarqués, et renforce le dispositif défensif ennemi.

  • l’opération de débarquement et surtout les quarante-huit heures suivantes, nécessaires à l’établissement d’une tête de pont, étaient conditionnés par la maîtrise absolue de l’espace aérien par les avions alliés, obtenue par la destruction de la Luftwaffe au cours des mois précédents.

Les principes tirés de cette coûteuse aventure amèneront le Combined Operations à établir les bases qui assureront le succès du plan d’invasion pour lequel il a été créée: Overlord.

Les Américains en Europe

Le 8 décembre 1941 voyait l’entrée en guerre des États-Unis. Le 24 décembre, à Washington, il fut expressément décidé que le premier objectif des Alliés devait être « d’attaquer en force et directement l’ennemi européen ». Le général Marshall réorganisa alors le War Department et nomma le brigadier général Dwight D. Eisenhower commandant des troupes américaines en Grande Bretagne. L’emprise américaine se fit alors de plus en plus sentir au sein du commandement allié, au détriment de Mountbatten, qui perdit tout espoir de se voir nommé à la tête des opérations de débarquement en France. En avril 1942, à Londres, George C. Marshall présente à l’état major britannique un plan recommandant l’ouest de l’Europe pour la première offensive contre les forces de l’Axe. En raison des oppositions des Britanniques qui estimaient les forces américaines encore insuffisantes en Grande-Bretagne, les Alliés tombèrent d’accord, en juillet 42, sur un débarquement en Afrique du Nord.

L’opération Torch

La première expédition anglo-américaine, décidée afin de répondre à la demande pressente de Staline, qui exigeait l’ouverture d’un second front en 1942, se porta sur l’Afrique du Nord: c’était l’opération Torch. Les troupes alliées débarquèrent le 8 novembre 1942 sur une ligne de front de 1500 kilomètres, entre Alger et Casablanca. Trois Task forces, forces navales autonomes, comprenaient des bâtiments d’assaut, des navires de ravitaillement et de protection des convois, et des péniches de débarquement spécialisées dans le transport de troupes d’infanterie. Il était prévu de débarquer le premier jour un total de 100 000 hommes pour les trois secteurs. En fait, à peine la moitié de cet effectif mis pied à terre dans les délais souhaités. Une nouvelle leçon fut donc donné au commandement allié, qui compris la nécessité d’un entraînement poussé des hommes et d’une parfaite coordination entre les différents unités. De plus, le manque d’opération de reconnaissance photographique aérienne et de relevés topographiques se fit cruellement sentir et amena de nombreuses erreurs sur le terrain et un éparpillement des troupes ralentissant considérablement l’avancée des formations à l’intérieur des terres. L’opération Torch fut cependant un succès et aboutit à la libération définitive et totale de l’Afrique du Nord en mai 1943.

La Sicile

En janvier 1943, Roosevelt et Churchill, à la conférence de Casablanca, décidèrent un débarquement en Sicile, l’établissement d’une tête de pont en Europe, avant un débarquement en France courant 1944. Le 5 mars était créé le COSSAC (Chief of Staff to the Supreme Allied Commander) dirigé par le lieutenant-général F.E. Morgan, destiné à élaborer le plan d’invasion en Normandie.

 

Le 9 juillet 1943 une force navale, supérieure à celle qui participera à Neptune le 6 juin 1944, se présente au large de la Sicile. L’opération Husky dirigée par Eisenhower porte sur une bande côtière de 140 kilomètres dans l’angle sud-est de l’île entre Syracuse à l’est et Licata à l’ouest. Son but: soulager le front russe et fixer en Italie une partie des troupes allemandes dégarnissant éventuellement ainsi le Mur de l’Atlantique. L’opération militaire fut précédée d’un plan d’intoxication destiné à faire croire aux Allemands à une prochaine intervention en Sardaigne. Cette opération préfigurait Overlord: comme en Normandie, les troupes alliées attaquaient des plages nues, sans ports, mais à l’aide de bâtiments spécialisés dans ces opération pour transporter hommes, véhicules et chars. et réalisèrent deux ports artificiels.

Grâce à une armada de plus de 3500 bâtiments, protégés par une force aérienne de 4000 avions, et après le largage de deux divisions aéroportées sur des points stratégiques, les barges de débarquement atteignaient les plages le 10 juillet vers 3 heures du matin: 8 divisions d’infanterie, 24 000 véhicules, 600 chars et 1800 canons seraient débarqués, plus qu’en Normandie un an plus tard!

Le 11 juillet, une forte contre attaque des blindés allemands sur une tête de pont fragile et incomplète fut brisée de justesse par l’aviation alliée et l’artillerie embarquée. Un nouvel enseignement pour Eisenhower: empêcher tout mouvement des divisions blindées vers les plages dans les premières 72 heures d’une opération amphibie et assurer une protection constante des troupes débarquées par un soutien aérien permanent; d’où la nécessité de détruire et de prendre rapidement les aérodromes ennemis et de construire des pistes d’atterrissage aux abords mêmes des sites de débarquement.

Le S.H.A.E.F.

Fort de l’ expérience acquise lors des débarquements dans le pacifique et sur le théâtre européen, le COSSAC travaillait à l’élaboration d’un plan destiné à établir une tête de pont puissante dans le nord-ouest de la France, début de l’écrasement définitif des forces allemandes.

Le 14 août 1943 à Québec, Churchill et Roosevelt approuvèrent le plan final d’Overlord qui consistait en un débarquement de trois divisions sur la cote normande, entre Ouistreham et Grandcamp-Maisy, précédé d’une opération aéroportée à l’intérieur des terres, destinée à couper et tenir les axes routiers, empêchant l’arrivée des renforts ennemis vers la mer. Cette opération combinée devait se dérouler au plus tard le 1er mai 1944, puis complétée secondairement par un débarquement en Provence.

Churchill, qui aurait préféré un débarquement anglo-américain dans les Balkans afin de contrer l’hégémonie soviétique sur les pays de l’est, libérés par l’armée rouge, obtint en contrepartie l’acceptation du bout des lèvres des américains pour les débarquements de Salerne (opération Avalanche) en septembre et d’Anzio. Le débarquement en baie de Salerne devait permettre à Montgomery de prendre Naples, port stratégique en Méditerranée, et d’établir des bases aériennes, permettant aux bombardiers alliés d’intensifier leurs raids sur l’Allemagne, mais surtout la Roumanie et ses champs pétrolifères. Le débarquement d’Anzio.

Le commandement d’Overlord étant politiquement destiné à un officier américain (Marshall avait été pressenti), Lord Mountbatten se vit confié en octobre le commandement du Sud-est asiatique.

A Téhéran, le 28 novembre, Staline obtint enfin l’annonce de l’attaque alliée en France et enfin, le 4 décembre, Eisenhower fut nommé commandant suprême du SHAEF (Supreme Headquarter Allied Expeditionary Forces) et Montgomery, commandant du 21e groupe d’armée, Sir Maitland Wilson obtenant le commandement en Méditerranée.

Les conditions nécessaires à la réussite du plan d’invasion

Le choix du lieu et de l’heure

Le plan d’ensemble de l’opération Overlord devait réunir plusieurs conditions pour être mené à bien :

  • La première était l’effet de surprise concernant le lieu du débarquement
    L’État Major Allemand s’attendait à un débarquement autour d’un grand port, et en un lieu où les bâtiments de débarquement alliés auraient la distance la plus courte à parcourir: le pas de Calais était donc pressenti et fortement défendu. Il convenait donc de renforcer cette opinion par l’utilisation adéquate des méthodes d’intoxication et de faux renseignements propres aux services secrets: c’est « Ultra » et l’opération « Fortitude ».

  • La seconde concernait les conditions climatiques favorables au débarquement
    Rommel avait couvert le bord des plages de la Manche et de l’Atlantique d’une multitude d’obstacles devant détruire les péniches de débarquement atteignant la côte à marée haute. Le SHAEF décida donc que le débarquement aurait lieu à marée basse, à l’aube, permettant ainsi aux troupes du génie le démantèlement des obstacles avant l’arrivée des lourdes péniches chargées de chars et d’artillerie.
    De plus, le réseau des nombreuses stations météo américaines et britanniques assurait la suprématie des prévisions alliés à court et moyen terme, indispensable au choix d’une date assurant les conditions climatiques les plus favorables aux opérations aériennes et navales, ces informations manquant cruellement à l’État Major allemand.

  • Enfin, la désorganisation totale des moyens de communication allemands: routes, voies ferrées, ponts, stations radars et lignes téléphoniques

La couverture aérienne et la préparation navale

Une préparation aérienne et navales était donc prévue avant l’arrivée des premiers soldats alliés sur les plages normandes.

L’offensive aérienne débuta en mars 1944 et, le jour J, plus de 71.000 tonnes de bombes avaient déjà ravagé les noeuds ferroviaires, les aérodromes et les grands axes du nord et de l’Ouest de la France. Les batteries côtières du Pas de Calais et de la Normandie furent désignées journalièrement comme objectifs à partir de J – 21 et, à J – 1, 11.912 tonnes de bombes s’abattirent sur les lignes allemandes.

Le cinq juin au soir, des escadrilles de bombardiers furent aussi chargées de brouiller la détection allemande par largage de leurres constitués de longs rubans d’aluminium. Enfin, le transport de trois divisions aéroportées et leur largage plus ou moins réussit sur les Drop Zones balisées ainsi que l’acheminement des planeurs fut à la charge des aviations américaines et britanniques.

Ceci ne fut rendu possible que garce à la suprématie totale de l’aviation alliée sur la Luftwaffe, qui, le 6 juin 1944, ne pouvait opposer que 319 appareils aux chasseurs et bombardiers alliés.

La désorganisation des lignes téléphoniques allemandes et le sabotage des voies de communication revint enfin en partie à la mise en alerte et au passage à l’action des divers réseaux de résistance, qui connaissaient parfaitement les missions qui revenaient à chacun dès les premières minutes du jour J.

Les opérations navales désignées sous le nom de code de plan  » Neptune » comprenaient plusieurs étapes:

  • en premier lieu, le repérage des chemins navigables entre les champs de mines et leur balisage à l’aide de sous-marins de poches.

  • le transport des troupes d’invasion des ports anglais aux plages normandes, avec rassemblement à mi-chemin des côtes française des différentes unités en un lieu nommé « Picadilly Circus« , puis de là, constitution de cinq forces destinées aux cinq plages de débarquement. L’armada alliée comprenait 137 vaisseaux de guerre, 700 bâtiment de soutien, plus de 4000 embarcations de débarquement plus des centaines de cargos et Liberty Ships.

  • – une préparation d’artillerie massive sur les objectifs ennemis avant que les premières péniches atteignent les plages.

De l’élaboration de « Neptune » et du respect de la chronologie des opérations navales dépendait le succès du débarquement.

Les Grandes lignes du plan OVERLORD

Les opérations aéroportées

Une division britannique et deux divisions américaines devaient sauter à l’est et à l’ouest du secteur formé par les cinq plages de débarquement après balisage des zones de largage par les Pathfinder (éclaireurs) :

  • La 6° Airborne anglaise devait prendre ou détruire les ponts sur l’Orne et le canal de Caen à la mer et sautèrent sur Bénouville (Pégasus Bridge) et les environs de Ranville. Plus à l’est, un détachement de parachutistes devait neutraliser les canons de la batterie de Merville qui, supposés plus puissant qu’ils ne furent en réalité, menaçaient le flan est du dispositif d’invasion

  • Les 82° et 101° Airbornes américaines devaient isoler le Cotentin, dégager l’intérieur des terres jouxtant Utah Beach et bloquer la Route Nationale 13 Caen-Cherbourg empêchant l’arrivée des renforts allemands. Cependant, du fait des mauvaises conditions de visibilité et de balisage, les Dakotas lâchèrent les parachutistes loin de leurs objectifs, et même au-dessus des zones inondées par les allemands, de part et d’autre de la Douve et du Merderet, où nombreux sont ceux qui y périrent. La désorganisation des groupes à terre retarda l’accomplissement des missions, mais l’opération ne fut cependant pas un échec.

Les plages cibles

Cinq plages du littoral normand furent choisies comme lieu du débarquement. D’est en ouest on trouve successivement :

 

  • Sword, entre Ouistreham et Saint Aubin, première plage du secteur britannique, dont l’assaut était prévu à 7h30.(3° division d’infanterie GB et N° 4 Commando du Commandant Kieffer des F.F.L.).

  • Juno, entre Saint-Aubin et Graye-sur-Mer, plage ou débarqua la 3° division d’infanterie canadienne dés 7h30.

  • Gold, entre Ver-sur-Mer et Port-en-Bessin, seconde plage du secteur britannique, où débarqua à 7h30 la 49° division d’infanterie GB.

  • Omaha, entre Sainte-Honorine et Grancamp-Maisy, ou débarqua laborieusement les 1° et 29° divisions d’infanterie US à partir de 6h30 et qui devint « Omaha la sanglante », du fait des pertes subies dés les premières minutes de l’invasion.

  • Utah, au niveau de la Madeleine qui vit l’assaut de la 4° division d’infanterie US à partir de 6h30.

Les moyens de la réussite

Ces lieus choisis, il fallait définir les modalités de l’établissement des structures portuaires indispensables au déchargement des quantités de ravitaillement nécessaires aux troupes d’invasionLes britanniques construisirent d’énormes caissons en béton, les « Phoenix » qui après avoir été remorqués des quais anglais devaient être assemblés afin de former des jetées délimitant un port artificiel le Mulberry comprenant des pontons reliés à la terre par véritables chaussées flottantes. De vieux bateaux furent sabordés afin de créer une digue protégeant la rade créée des mouvement des marées. Un de ces port fut assemblé à Arromanche et aujourd’hui encore quelques caissons « Phoenix » témoignent de sa solidité. L’autre fut construit à Omaha-Beach au large de Vierville-sur-Mer mais sans caissons Mulberries et il fut totalement détruit lors de la tempête des 19-21 juin.

Le déplacement de nombreux véhicules et chars étant tributaire d’une source régulière de carburant. De petits terminaux pétroliers furent donc construits , notamment à proximité de Port-en-Bessin, sur Omaha et Utah. Mais, les techniciens mirent au point un pipe-line qui traversait la manche au départ de l’Ile de Wight pour emmerger dans le port de Cherbourg. Baptisé Pluto (Pipe Line Under The Ocean), ce pipe-line constitué de dix conduits souples ne fut mis en pression que début août du fait des retards de construction provoqués par les fortes destructions des installations portuaires. Au fur et à mesure de l’avancée des troupes, le pipe-line s’allongeait et il ne s’interrompit q’au sud de Paris devenu inutile après la prise des ports du Havre, Dieppe et Boulogne.

Enfin, les bureaux d’étude alliés étudièrent un grand nombre de projets d’engins destinés à réduire rapidement les nids de résistance qui pouvaient demeurer après les bombardements préliminaires à l’arrivée des barges sur la plage. Des chars amphibies, des tanks portant des fagots de bois pouvant combler des fossés antichars, des destructeurs d’obstacles, des lance-flammes, des chars-fléaux traçant des allées dans les champs de mine furent expérimentés et mis en service pour le grand jour. Ils eurent plus ou moins de succès dans les taches auxquels ils étaient destinés: ainsi, du fait d’une mer houleuse, beaucoup de chars amphibies coulèrent dés leur mise à l’eau…

Fortitude

Afin de conserver l’effet de surprise, il convenait d’égarer le plus longtemps possible le renseignement allemand, en lui laissant croire que les opérations de Normandie n’auraient pas lieu en cet endroit, puis qu’il ne s’agissait pas du véritable débarquement.

Ainsi, l’opération « Fortitude » visait à persuader l’État-major allemand que l’invasion se produirait dans le Pas-de-Calais et sur la côte belge (Fortitude Sud) ou en Norvège(Fortitude Nord). Pour cela, les bombardements des installations côtières et des noeuds de communication furent dés mars 44 plus nombreux dans le nord qu’en Normandie. Les alliés accumulèrent des forces réelles mais aussi factices dans les ports du nord-est de la Grande-Bretagne et ceux de la côte ouest face à Boulogne. De faux parcs de matériels furent créés avec des chars et des véhicules en caoutchouc gonflable, en bois, et déplaçables à volonté afin de tromper la reconnaissance aérienne de la Lufwaffe dont les appareils n’étaient bien-sûr pas interceptés. Une activité radio semblable à celle accompagnant l’entraînement d’une armée en campagne fut même créée de toute pièce par quelques techniciens ingénieux, avec de faux messages et de faux ordres censés provenir du Kent où était censé se trouver le Quartier-Général du Général Patton qui fut lui-même utilisé comme leurre . La manipulation des agents allemands retournés par le contre-espionnage allié accrédita toutes ces informations de telle sorte qu’en mai 44, Von Rundstedt commandant en chef des troupes d’occupation en France restait persuadé que le débarquement allié se produirait au nord de la Seine.

Dés les premières minutes de l’invasion, alors que les troupes aéroportées alliées sautaient de leurs DC3, d’autres avions larguaient des petites poupées en toile de jute ressemblant vaguement à un parachutiste prés de Rouen, au sud-ouest de Caen et à proximité de Saint-Lô entraînant une véritable panique au sein du commandement allemand, compliqué par l’interruption des lignes de communication du fait des sabotages de la Résistance.

Alors que l’opération Neptune battait son plein, une flottille de petits bâtiment traînant de gros ballons mouillait temporairement au large de Fécamp (Opération Taxable) ou de Boulogne-sur-Mer (Opération Glimmer) produisant un épais barrage de fumée alors que de gros Haut-parleurs diffusaient des bruits comparables à ceux que font une armada de navires de débarquement. Les radars allemands décelaient, du fait des ballons, une multitude de points semblant provenir d’un nombre important de grosses unités: le leurre était parfait .

« Fortitude » fut menée de main de maître et se révéla un succès total. Plusieurs jours après le 6 juin, alors que la tête de pont alliée était bien établie, Hitler et son Etat-Major attendaient vainement le vrai débarquement promis dans la région de Calais. Cette attente explique l’immobilité des troupes de réserve et surtout des division blindées qui firent défaut au Maréchal Rommel qui ne put ainsi rejeter les alliés à la mer lors des premières heures de l’invasion…

ANNEXES

 

Les défenses allemandes
le 6 juin 1944.

Une casemate type
du « Mur de l’Atlantique »
(Longues-sur-Mer).

Les zones désignées
aux diverses troupes alliées
le 6 juin 1944.