Edwige COCHER
Docteur en
Chirurgie Dentaire

Nous avons recherché dans les textes médicaux de l’Antiquité romaine des éléments nous permettant de savoir comment les médecins de cette époque avaient expliqué et combattu les douleurs, et plus particulièrement les Odontalgies.

En effet, aussi loin que l’on remonte dans l’Histoire, il n’y a pas d’art médical qui ne cherche pas tous les moyens à agir énergiquement contre la souffrance, et les pratiques empiriques utilisées au cours des siècles dans ce but ont été multiples. Ce qu’il faut dire, c’est que, en ce qui concerne l’Odontriatrie à l’époque impériale, on n’insistera jamais assez sur le peu de place qu’elle occupait dans l’énorme corpus médical.

En cherchant dans la littérature courante les traces d’une quelconque pratique odontologique, on ne trouve que Martial et Horace qui parlent de médecins soignant  » Auriculas, fistulas vel dentes « .

Martial cite aussi un certain Castellius qui arrangeait les dents :  » Refecit  » du verbe reficere, qui a le sens assez imprécis de réparer, refaire, remplacer.

De même les mots  » dentes auro juncti  » de la loi des douze tables ne nous permettent pas de conclure à une activité prothétique à Rome.

La seule Odontologie romaine que nous connaissons bien, c’est celle des textes, celle dont parle Pline, Celse, Archigène, Scribonius, Aurelianus et Oribase.

Si l’on exclut Pline l’Ancien qui aborda le domaine des dents d’une manière assez large, on remarque que la seule préoccupation liée à la pathologie buccale ne repose, chez tous les autres, que sur la douleur.

Parmi les plus célèbres médecins de la Rome des premiers siècles, Celse, Scribonius et Aurelianus, qui ont chacun écrit une véritable encyclopédie médicale, ont consacré un chapitre de leur oeuvre à l’étude de la douleur dentaire.

Nous avons choisi de traduire le chapitre  » De dolore dentium  » tiré du De medicina de Celse, le  » Ad dentium dolorem  » tiré des  » Compositiones  » de Scribonius et le  » Dolore dentium  » tiré du  » De Morbis acutis et chronicis «  d’Aurelianus.

Nous constatons trois visions différentes de l’étiologie des Odontalgies :

  • La philosophie médicale des néo-hippocratiques,
  • celle des méthodistes,
  • et celle liée aux parasites.

Trois médecins, trois versions différentes de la genèse de la douleur, trois démarches thérapeutiques.

L’étude de ces textes permet d’expliquer selon trois volets différents, l’etiopathogénie de la douleur en général, elle va nous faire découvrir la multiplicité des remèdes répondant au trouble des humeurs, à l’action des parasites, ou au trouble physique des tissus.

Celse

 

On ne connaît exactement ni la date de sa naissance, ni celle de sa mort, mais on pense qu’il était un contemporain de Tibère puisqu’il avait accompagné, dans les fonctions de secrétaire, ce souverain en Orient.

Autre repère chronologique intéressant : son amitié avec Pline.

Même son nom a donné lieu à quelques discussions, Aurelius Cornelius Celsus ou bien Aulus. La découverte d’un manuscrit du Vatican plus ancien que tous les autres a finalement privilégié le nom d’Aulus.

Celse, médecin pour certains, simple compilateur pour d’autres, en tout cas un homme très cultivé, s’exprimant dans un latin élégant, avec une grande clarté et une grande précision.

Depuis la première impression tirée en 1478 à Florence, jusqu’aux travaux et commentaires d’aujourd’hui, c’est entre soixante-dix et quatre-vingts éditions de ses ouvrages que l’on peut compter. Les traductions françaises sont récentes. Elles remontent à la fin du XVIII siècle.

Entre autres, traduction de Ninin en 1753, Des Etangs en 1846, Daremberg en 1859, Vedrennes en 1877. Le chapitre de Dolore dentium a été repris en 1982 par François Vidal qui en a donné aussi une traduction.

Alors, voyons d’abord les conseils de Celse tirés du chapitre IV du Livre VI de son Traité :

 » Il faut commencer par s’abstenir de nourriture … appliquer à l’extérieur (de la joue) de la vapeur d’eau et encapuchonner la tête. Si la douleur est forte, il faut prescrire un lavement.

Ensuite, on prépare un gargarisme avec du vin dans lequel on fait bouillir de la racine de jusquiame, des écorces de pavot et de la racine de Mandragore (…)

On peut aussi plonger une sonde enveloppée de laine dans de l’huile chaude pour en fomenter la dent (…)

Quoique l’on mette sur les dents, on peut enduire un linge de myrrhe, de safran, de pyrethre, de graines de moutarde broyées. Ce linge doit être appliqué sur le bras du côté de la dent malade. Si c’est une dent du haut, vers la région scapulaire, si c’est une dent du bas, vers la région pectorale. Ce remède apaise la douleur et il doit être enlevé dès qu’il a soulagé. (…)

Si la douleur contraint d’enlever la dent, on place dans la cavité de la semence de poivre, et aussi des baies de lierre tassées ensemble, cela fend la dent qui tombe en morceaux.

Et le poisson plat que nous appelons Pastinaca, et que les grecs appellent  » Trygon « , une fois torréfié, broyé et mélangé à de la résine, fait détacher la dent autour de laquelle on l’applique (…).

Mais l’expérience des paysans nous apprend que des vapeurs de menthe sauvage reçues dans la bouche provoquent l’écoulement de la pituite et guérissent pour une année entière. « 

Tout, on le voit, consiste à limiter la production de pituite, à la neutraliser dans la bouche, à l’éliminer en provoquant sa sortie du cerveau.

Les plantes entrant dans la thérapeutique sont parmi celles dont les qualités physiques, chaudes et sèches, sont les plus actives.

Celse défend avec beaucoup de talent et de clarté l’humorisme hippocratique et ses applications classiques. Tout repose sur les humeurs et leur équilibre. La crise des humeurs conditionne la santé, cette harmonie interne étant déterminée par rapport au milieu extérieur, au régime alimentaire.

Ce dernier avait une grande importance pour les dogmatiques qui voulaient que l’on équilibre le froid et l’humide, donc l’excès de pituite par des aliments chauds et secs.

Le pituitaire, qui était souvent victime de douleurs dentaires, devait rechercher pour remédier à ce mal des produits se caractérisant par des qualités hautement chaudes et sèches, selon le principe  » Contraria a contraris « 

Conformément à ce principe, les traitements seront la saignée, les ventouses, la purgation, les frictions, la transpiration.

Les règles de l’humorisme vont persister jusqu’au XVIIIème siècle, où l’on pense encore que la carie et donc aussi la douleur ont pour cause principale la pituite qui est en trop grande quantité dans le cerveau et qui s’écoule dans la bouche par la lame criblée de l’ethmoïde.

Guy Lefranc écrivait au XVIIIème siècle :

 » Souvent les dents humaines sont gâtées et même creusées à cause des humeurs corrosives ; elles sont aussi caustiques qu’un fer brûlant. « 

Pour Bunon,

 » C’est la pituite du cerveau qui, en tombant sur les mâchoires cause la carie aux dents « .

C’est une explication simple, tout à fait conforme au Galénisme. En effet le maître de Pergame reprendra l’idée maîtresse d’Hippocrate, l’intégrant à ce vaste système qui sera la vérité première jusqu’à la fin du XVIIIème siècle.

Parmi les remèdes utilisés à la fois chez les médecins de la Rome antique et ceux du XVII et XVIIIème siècles, arrivent en tête le pyrèthre.

On le retrouve pratiquement dans toutes les compositions visant à soulager les odontalgies soit sous forme de gargarismes soit encore dans les masticatoires de Fauchard et de Bunon.

Les masticatoires avaient l’avantage d’agir in situ en mêlant les qualités dessicatives des plantes à la pituite présente dans la bouche, et aussi en provoquant l’action mécanique des muscles buccaux qui faisaient descendre la pituite par la lame criblée de l’etmoïde.

La pharmacopée est abondante.

Les préparations à base de plantes sont nombreuses et elles sont utilisées en cataplasmes sur les joues, ou bien en fomentations sur les dents douloureuses, en bains de bouche , en masticatoires, en emplâtres.

Pour n’en citer que quelques unes, en dehors du pyrèthre, nous trouvons le Poivre, chaud et sec lui aussi, et qui broyé avec de l’opium, le tout incorporé dans du galbanum comme excipient, servait à apaiser la douleur de la dent.

Egalement la Myrrhe qui avait la propriété de détruire les humeurs, donc de préserver de toute corruption et pourriture, et c’est pourquoi les anciens embaumaient le corps des morts.

Citons aussi la Noix de Falle, le Fenugrec.

Les terres sigillées, qui seront encore utilisées au XVIIIème siècle en cataplasmes appliqués sur les joues, la terre attirant l’eau à travers la joue desséchait les humeurs humides et calmait l’odontalgie.

Quelques autres produits, faciles à trouver et répondant à l’obligation de chaleur et de sécheresse pouvaient être utilisés en gargarismes.

Strabon parle du trafic qui faisait parvenir à Rome l’urine d’hommes roux du nord de l’Espagne, dont les qualités curatives devaient être bonnes, puisque au XVIIIème siècle encore, Liautaud, le médecin du roi rappelait :

 » On met avec raison l’urine au nombre des médicaments résolutifs et dessicatifs. « 

Fauchard, dont l’autorité ne faisait aucun doute, écrivait dans un traité :

 » J’ai beaucoup soulagé plusieurs personnes qui avaient les dents cariées et que des fluxions et des douleurs tourmentaient. Le remède consistait à se rincer la bouche tous les matins et même le soir avec quelques cuillerées d’urine toute nouvellement rendue. « 

L’urine était réputée chaude et sèche.

 

Scribonius Largus

Il était contemporain de Néron et de Claude.

En 43 il avait accompagné ce dernier dans une campagne contre les Bretons au titre de médecin des armées.

La plupart des renseignements le concernant et concernant son oeuvre  » Les compositiones « , on les trouve dans le Corpus de Galien, sous formes de notes et de commentaires.

Ces Compositiones consistent en un recueil de remèdes à la fois destinés à la thérapeutique externe et interne.

La langue de ce traité n’a pas la pureté que la langue latine conservait encore du temps de Claude. C’est pourquoi certains ont pensé qu’il avait d’abord été écrit en grec, supposition qui ne tient pas puisque l’auteur lui-même, écrivant à Callistius parle de ses livres de médecine écrits en latin.

De plus, Scribonius désigne beaucoup de maladies sous leur dénomination latine, qu’il fait suivre du terme grec en ajoutant  » Graeci vocant  » (et d’ailleurs Celse utiliser les même formules)

Nous pouvons donc penser que nous sommes en possession du texte original.

Ce chapitre intitulé Ad dentium dolorem contre le mal de dent est tiré du Livre VI des Compositiones.

En voici quelques passages :

 » Lorsque la dent est creusée, … il faut détacher la partie qui est abîmée en coupant à l’aide d’un instrument tranchant, ce qui se fait sans aucune douleur. … La partie restante conserve l’aspect et la fonction de celle-ci … mais quand la douleur sera pressante, il faudra la calmer par différents moyens, en partie par un bain de bouche, en partie avec des masticatoires, ou quelquefois même par la fumigation ou par l’application de certaines substances.

A l’endroit où la douleur siégera, on enroulera un scalpel à oreille dans une laine souple que l’on plongera dans l’huile bouillante et que l’on appliquera d’abord sur les dents, ensuite sur la gencive proche, deux à trois fois jusqu’à ce que la douleur diminue … Ensuite on recouvre entièrement la dent avec ce médicament… jusqu’à ce que la douleur disparaisse.

Il faut faire des fumigations, la bouche ouverte avec des graines de jusquiame répandues sur des charbons. Aussitôt après, il faut laver la bouche avec de l’eau chaude : en effet, de temps en temps, des sortes de petits vers sont éliminés. « 

Nous retrouvons là une théorie datant de la fin de la haute Antiquité, qui expliquait que le mal de dents était simplement dû à l’existence d’un ou de plusieurs vers qui rongeaient l’intérieur de la dent.

Le corpus coaque lui, est muet sur l’étiologie parasitaire des odontalgies. Si Aristote explique l’apparition des vers dans le corps de l’homme  » à partir de la pourriture « , il n’explique pas une désintégration de la dent par les parasites.

La thèse vermiculaire n’apparaîtra pas dans la littérature médicale avant le 1er siècle. Il est vrai que le domaine propre à la pathologie dentaire intéresse bien peu les médecins.

Ce n’est qu’au Xème siècle, chez les Arabes, en particulier à l’Ecole de Bagdad, que Razes revient à l’étiologie parasitaire.

Plus tard en Espagne, le chirurgien arabo-andalou Abul Kassim affirme :  » Quand une dent est douloureuse parce qu’un ver y a son siège, il faut recourir à la cautérisation « . Il reprenait ainsi le procédé de Scribonius qui, avec de l’huile bouillante, éliminait l’hôte malfaisant.

Au cours des siècles qui suivirent, les quelques médecins qui s’intéressent à la thérapeutique dentaire donnent leur avis sur ce point.

Guy de Chauliac voit dans l’élimination des parasites la solution à l’Odontalgie. Après les vapeurs de jusquiame, le fer rouge, l’huile très chaude, le médecin du Pape conseille lui l’application d’eau de vie.

La théorie vermiculaire persistera jusqu’à Fauchard, qui, lui, tout de même, reste très réservé sur le problème de l’existence des vers et qui écrit :

 » Il y a des observations qui font foi … n’en ayant jamais vu, je ne les exclus ni ne les admets.

J’ai fait ce que j’ai pu pour me convaincre par mes yeux de la réalité de ces vers.

Je me suis servi des excellents microscopes de Monsieur de Marteville et je n’ai pu réussir à découvrir des vers. « 

Par contre, pour Ambroise Paré, la dent après s’être corrodée, se remplissait de vers.

Jourdain aussi est catégorique :

 » Quand on voit des vers corrompre et détruire des pierres, on ne peut refuser d’admettre qu’il y ait des vers dans les caries des dents. « 

C’est Houlier, qui dans les dernières années du siècle expliquera la confusion dont avait été victime Scribonius, qui aurait pris les fleurs calcinées de jusquiame, entraînées par la fumée, pour de petits vers se trouvant dans les dents.

Caelius Aurelianus

 

On ne sait pratiquement rien de sa vie.

Le Professeur Gmerk, dont les avis font autorité dans ce domaine, situe l’oeuvre d’Aurelianus dans la seconde moitié du Vème siècle.

On l’appelait Caelius Aurelianus Sicciensis, Aurelien de Sicca. Sicca était une ville de Numidie, dans la partie est de l’Afrique du Nord, région de l’actuelle Constantine.

Ce provincial d’Afrique a écrit en latin, mais dans un style à demi-barbare, difficile à comprendre, rude et embrouillé. Il semble bien même que ses textes médicaux soient une traduction latine d’un texte de Soranus d’Ephèse (2ème siècle, sous l’empire de Trajan et d’Adrien).

L’oeuvre d’Aurelianus, De Morbis Acutis et Chronicis, des maladies aiguës et chroniques.

Il est intéressant de savoir que Laennec avait entrepris la traduction de cet ouvrage mais que son travail ne lui a pas permis de la conduire à son terme.

Alors voilà quelques extraits du IVème chapitre qui est consacré à la thérapeutique dentaire et au traitement de la douleur dentaire.

 » … les douleurs des dents font enfler les gencives, rendent les visages boursouflés … les dents et les gencives se nécrosent à cause de la corruption des os … Il faudra même faire un choix précis sur le traitement à conclure selon qu’il s’agira d’une douleur qui commence ou au contraire d’un mal qui dure … Au commencement, il faudra utiliser un bain de bouche ayant une vertu astringente (corne de cerf, vinaigre). quand la douleur est forte, le malade doit s’aliter … il faudra lui couvrir les muscles de la bouche avec de la laine trempée dans de l’huile chaude … Au summum de la douleur, la phlébotomie est conseillée … on appliquera des ventouses contre les muscles de la bouche, on pourra scarifier les gencives … on fera des fomentations sur les gencives. Cette fomentation sera ainsi faite : on trempe dans de l’huile très chaude un rouleau de peau de brebis que nous appliquons sur toute la gencive, à l’intérieur comme à l’extérieur, de même que sur les dents.

Des linges trempés dans de l’huile chaude serviront aussi de masticatoires … Lorsque le malade se rétablit, on fera un traitement tonifiant en massant les muscles de la bouche avec des étoffes rugueuses … Le suc de Tithymale sert à faire éclater la dent lorsqu’on désire l ‘éliminer. On enveloppe la dent avec de la tithymale écrasée herba quam tithynalum vocant graeci…

Alors, Caelius Aurelianus, d’après les principes qu’il développe dans son Traité des maladies aiguës et chroniques, est considéré comme le porte parole de la secte méthodiste.

Il divise les maladies en deux groupes :

1. Les plus fréquentes, qui procèdent d’une trop forte contractibilité des tissus, les espaces par où se font les échanges liquides sont trop resserrés. Il y a strictum.

Les régions atteintes sont dures, douloureuses.

Plus le strictum est fort, plus forte est la douleur. Pour remédier à cette tension, à cette dureté, le médecin fera diminuer la quantité des liquides, il cherchera aussi à donner plus de souplesse, d’élasticité aux solides.

Les traitements seront :

Les ventouses, les massages, les saignées, les émollients, les bains chauds.

Le calme apporté par le sommeil et la promenade en litière étaient recommandés. (la gestatio)

2. S’il y a laxum, on aura des maladies par relâchement qui souvent donneront des évacuations abondantes. Les malades auront la chair molle, le corps amaigri ; les hémorragies seront la règle. Les troubles dentaires seront peu douloureux, même souvent indolores.

Les gencives seront fongueuses, saignantes au moindre contact. Il y aura déchaussement des dents.

Pour rendre la fermeté aux tissus, on prescrira des bains froids, on appliquera sur les gencives de l’eau additionnée de vinaigre.

A ces traitements buccaux, il faudra toujours associer un régime alimentaire et un cadre de vie adapté à la situation pathologique qu’on veut corriger.

Il faut observer que selon ces principes, l’état de la dent n’entre pas en compte. Seuls sont retenus l’état des tissus buccaux permettant de savoir s’il y a strictum ou laxum.

Cette théorie du binôme solides-liquides et de ses troubles vient d’Erasisthrate, dans le lointain IVème siècle avant J.-C., à Alexandrie.

Le fondateur de la secte méthodiste aurait été un certain Asclepiade, un grec venu à Rome pour y pratiquer la médecine au début du 1er siècle avant J.-C. Il utilisait très largement les propriétés curatives du vin.

Quelques décennies plus tard, un médecin d’origine grecque lui aussi, Themison, écrit un ouvrage sur les fièvres, où est clairement énoncé le principe que reprendra à son tour Soranus d’Ephèse.

Cette explication de la douleur dentaire par un raidissement pathologique des solides, ou par une trop grande quantité ou un épaississement des liqueurs, se retrouvera chez les médecins du XVII et XVIIIème siècles.

Aussi rencontrons-nous presque toujours l’utilisation des huiles, des graines, du beurre appliqués sur les joues.

Schroder disait :

 » On dissipe l’odontalgie en assouplissant les solides trop tendus, trop durs, par des graisses. « 

Fauchard lui-même, pour combattre l’odontalgie et diminuer la tension de la région malade, conseillait d’utiliser la révulsion qui déplace l’humeur et vide l’épanchement.

Et les saignées évacuatrices seront aussi largement utilisées, saignées conséquentes et répétées, recommandait-on.

Alors la traduction et l’étude comparative de ces trois textes nous ont montré d’abord que la nosologie de cette période reposait sur quelques grandes entités.

A la douleur, puisque c’est le problème qui nous intéressait, répondaient trois étiologies.

L’influence des chefs de sectes était grande, et après avoir fait un choix, tout médecin à Rome s’alignait sur le maître à penser qu’il avait choisi.

Une autre constatation se dégage de cette étude : c’est la prééminence de la thérapeutique médicale. Les traitements proposés par Celse, Scrinonius, Aurelianus, évitent autant que possible les sanctions chirurgicales.

L’avulsion est déconseillée. Cette attitude aurait dû rendre plus prudents certains historiens qui ont consacré des chapitres de leurs ouvrages sur la chirurgie des dents et le travail du dentiste à Rome et dans l’Empire.

Et si les campagnes de fouilles ont permis de mettre à jour des objets métalliques à usage thérapeutique, on ne peut pas parler q’une quelconque spécificité d’instruments chirurgicaux à usage dentaire.

La plupart des historiens d’aujourd’hui se refusent d’admettre la destination résolument odontologique d’objets métalliques en forme de pointe ou de pince dont la forme rappelle celle d’un davier.

Une chose est certaine pour cette période de l’histoire médicale, c’est la prééminence très nette de la médecine dentaire par rapport à la chirurgie des dents.

Voilà, résumé, l’idée essentielle de notre démarche.