Liliane et Yves VAN BESIEN

Thomas EVANS est né en 1823 à Philadelphie, dans une famille de Quakers. Son père voulait qu’il soit juriste ….il s’y refusa. Sa vocation profonde était la chirurgie dentaire. Entré comme apprenti chez un orfèvre il lit des livres de dentisterie et rêve la nuit que son nom figure sur une plaque de docteur en médecine dentaire. Il s’inscrit au collège de médecine, fait un stage dans un cabinet dentaire et obtient en 1843 une licence d’exercice de l’art dentaire. En 1847 un prix d’excellence lui est attribué pour la qualité de ses aurifications. Ceci amène un praticien américain de Paris, le docteur Clark, à lui proposer de venir à Paris, où le docteur Brewster, praticien américain du roi Louis-Philippe, cherche un collaborateur. .Evans, qui a maintenant 24 ans, accepte et vient à Paris avec sa jeune épouse, Agnès Doyle. Peu de temps après survient la révolution de 1848,Louis-Napoléon devient président, puis empereur.

Evans est appelé à soigner Louis-Napoléon en urgence et c’est le début d’une grande amitié entre les deux hommes. Thomas Evans devient le chirurgien dentiste officiel de la cour et il est le premier citoyen américain à recevoir la légion d’honneur. Il sera chargé par l’empereur de donner un avis sur l’issue de la guerre de sécession américaine et après un voyage d’information au cours duquel il rencontre le général Grant il prévoit la défaite du sud. Après la défaite de Sedan et la chute de l’empire, c’est lui qui accueille l’impératrice Eugénie et l’emmène en Angleterre. Lié avec une actrice, Méry Laurent, modèle de Manet, il fréquente les milieux artistiques et acquiert de nombreux tableaux. La ville de Paris espère qu’elle lui léguera sa fortune pour construire un musée où ses tableaux seront exposés, mais son épouse meurt en 1897 et il veut qu’elle soit enterrée au cimetière de Woodlands à Philadelphie.

Il fait construire un monument, avec un obélisque de 150 pieds, qui coûte 100.000 dollars. Il lègue sa fortune pour construire un musée et une école dentaire sur le site de sa maison familiale, à Philadelphie. Des membres de sa famille tentent de faire casser le testament en arguant du fait que le legs est fait à un musée et à une école qui n’existent pas encore et ne peuvent donc pas l’accepter. Les frais de justice amputent le legs de 3 millions de dollars et de quelques tableaux, laissant 1,75 millions qui permettent en 1913 l’édification d’un beau bâtiment néo-gothique pour l’institut et le musée dentaires. L’impératrice Eugénie, alors âgée de 87 ans, envoie un message de félicitations pour la réalisation de l’idée généreuse de celui qui l’avait secourue dans les jours les plus sombres de sa vie. Le landau dans lequel Evans avait sauvé l’impératrice était exposé dans le musée de l’école dentaire, ainsi que des tableaux, en particulier des œuvres de Manet. Si le panneau du musée Evans est toujours visible, le musée n’existe plus. Il n’en reste qu’une vitrine contenant les décorations obtenues par le docteur Evans et parmi elles la légion d’honneur remise par Napoléon III. Les collections ont été envoyées au musée dentaire de Baltimore, mais la voiture historique ne s’y trouve pas…. sauf en photo. Il faut aller en France, au musée franco-américain de Blérancourt, dans l’Aisne, pour la trouver. Si extérieurement le landau a encore belle allure, l’intérieur est en bien triste état. Il serait souhaitable que notre Société, peut-être en association avec l’Académie nationale de chirurgie dentaire, rédige une notice historique et participe à la rénovation de ce témoin d’un temps où l’art dentaire et l’histoire furent si bien intriqués.