Résumé

Aujourd’hui nous sommes en mesure de révéler que Pierre-François, unique héritier de Pierre Grangeret, obtient un poinçon d’orfèvre en 1805 et atteint le sommet de la célébrité dès 1806 lorsqu’il devient le coutelier en titre de Napoléon. Malgré le changement de régime, il continue d’avoir la faveur de Louis XVIII et de Charles X.

Le « nécessaire à dents » de Pierre-François Grangeret réalisé en collaboration avec Biennais et Genu comprend deux boîtes en vermeil gravées d’armoiries d’époque Restauration.

Nos recherches ont abouti à mettre en évidence que cet exceptionnel coffret correspond à la « boîte d’instruments à dents » conçue et commandée par Dubois-Foucou au début de 1814 pour assurer les soins dentaires de Louis XVIII.

Summary

In 1805, Pierre-François, heir and only son of Pierre Grangeret succeeded to obtain the « H crowned mark » and reached celebrity achieving some pieces of work for Napoléon.

After the fall of the Emperor, he would continue to get the favour of the French monarchs Louis XVIII and Charles X.

The dental case completed jointly with Biennais and Genu, includes two silver gilted boxes engraved with a blason of Restauration period.

Resuming our efforts to acknowledge this amazing dental case, we have the clues to thoroughly affirm that this item was designed and ordered by Dubois-Foucou at the beginning of 1814 for the dental cares of Louis XVIII.

Introduction

Le Sacre

La commémoration du bicentenaire du sacre de l’Empereur en 2004 a donné lieu à d’importantes manifestations.

Ce fut d’abord l’exposition du tableau de Louis David au Louvre représentant le sacre de l’Empereur Napoléon 1er et le couronnement de l’Impératrice Joséphine dans la cathédrale Notre-Dame de Paris le 2 décembre 1804.


Le nécessaire à dents attribué à Biennais

Jusqu’au 3 avril 2005 on pouvait admirer la prestigieuse exposition : «Trésor de la Fondation Napoléon» au Musée Jacquemard-André qui exposait entre autre le petit nécessaire dentaire de Napoléon présenté au Congrès de St Malo.


Le coffret de l’Empereur, le pélican

Lors de la vacation du 7 novembre 2004 Me Jean-Pierre Osenat mettait aux enchères à Fontainebleau des pièces exceptionnelles se rapportant à l’Empire dont le fameux coffret de chirurgie dentaire aux Armes impériales signé de Grangeret que nous avions pu admirer lors du Congrès de L’ADF en 1989.

Bien qu’aucun élément historique ne soit rapporté à ce coffret, que les instruments ne portent pas le « Chiffre » de l’Empereur et que le gainage ne soit pas d’origine, un jeune collectionneur a dû néanmoins pousser les enchères à 65.000 euros (75.600 euros avec les frais d’usage) pour emporter ces précieux et insolites instruments.

Comment expliquer cette adjudication record pour un coffret de Grangeret ?

Par ailleurs le «nécessaire à dents» de Pierre-François Grangeret que nous présentons en exclusivité comprend deux boites en vermeil gravées des mêmes armoiries que le couteau de Pierre-François Grangeret, référencé dans le catalogue des orfèvres du Musée du Louvre au n° 301. Le descriptif de ce couteau, bien que daté 1819-1830 ne donne pas d’attribution aux armoiries. Se rapportent-elles à Louis XVIII ou à Charles X ?

Un « nécessaire à dents » de
Pierre-François Grangeret

Mémoire de Grangeret
de 1810

Aucun document ne subsiste de la période du Consulat, à l’exception des Archives de l’Assistance publique qui révèlent que Grangeret fournissait dès 1803 des instruments de Chirurgie à l’hôpital de la Charité.

Quand il devient le coutelier attitré de l’Empereur en 1806, sa production se partage entre les pièces de coutellerie fine et les instruments de chirurgie destinés au Service de Santé, au Premier chirurgien, au chirurgien-dentiste Dubois-Foucou et aux hôpitaux de la Marine.(1)

Mémoire de
Grangeret de 1813

A partir de 1813, sa production va de plus en plus privilégier l‘instrumentation chirurgicale et fournir les hôpitaux des colonies. Sous la restauration, Louis XVIII, CharlesX, les grands dignitaires de la Cour et l’Empereur de Russie seront les clients attitrés de Grangeret. Curieusement, Louis XVIII ne tiendra pas rigueur à Grangeret d’avoir été le coutelier de « l’usurpateur ». Par contre, les services de Dubois-Foucou ne furent maintenus que grâce à son titre de dentiste de Louis XVI.(2)

Lettre de Dubois-Foucou au Ministre de la Maison du Roi

Le 14 janvier 1815, Dubois-Foucou envoie une lettre au Ministre de la Maison du Roi qui précise q’il a commandé à Grangeret quelques temps avant l’arrivée du Roi un nécessaire dentaire pour soigner le bouche de sa Majestés conformément aux modèles qu’il lui a fournis. .Ce qui signifie que cette commande a été faite pour Louis XVIII avant avril 1814 et que Dubois-Foucou est le concepteur de cette instrumentation.

La lettre de remise du mémoire de Grangeret au Ministre de la Maison du Roi du 16 mars 1815

Dans une lettre du 16 mars 1815, le Secrétaire général du Ministre de la Maison du Roi désire avoir l’avis de Monsieur Dubois-Foucou sur la somme de 1162 francs demandée par Monsieur Grangeret qui lui paraît très élevée, pour « la boite d’instruments à dents » qu’il a fourni au Roi. (4)

Le coffret

Le coffret en acajou flammé, est richement orné à son pourtour d’une frise incrustée en argent composée de volutes, rosaces et palmettes. Au centre, un cartouche en argent gravé est flanqué des armes de France. Les experts attribuent ce coffret à Martin-Guillaume Biennais.


L’entrée de Serrure.
L’entrée de serrure en trèfle est accompagnée d’une clef.

Le coffret ouvert On remarquera que les tranches du coffret sont ornées de motifs incrustés d’argent semblables au nécessaire de Fouché par Biennais

La gravure de la serrure La serrure est gravée : « Grangeret coutelier du roi à Paris »


Les boites en vermeil et ses poinçons

Richement ouvragées, elles présentent sur leur couvercle des armoiries entourées des colliers des l’Ordre de St Michel et du Saint-Esprit, strictement similaires à celles gravées sur la médaillon du couteau de Pierre-François Grangeret et au fer N°7 de Louis XVIII des Pl 2497.de la 3e partie de l’ouvrage d’Olivier, Hermal et Roton (Cf. le chapitre précédent : Les « Grangeret », quatre générations de couteliers-orfèvres parisiens).

Sur le fond de ces boites on note la présence des poinçons :

  • de Jean-Marie-Gabriel Genu, orfèvre attitré de Biennais.
  • du titre d’argent au premier coq (Paris 1797-1809).
  • de la grosse garantie argent Paris 1797-1809.
Les flacons

Les flacons en cristal sont munis de bouchons en or ciselé aux armes de France


Le plateau supérieur et la paire de ciseaux

Ce plateau est composé de rugines à détartrer en acier poli à manche de nacre avec écusson gravé aux armes de France, viroles et culots en or.

An centre une exceptionnelle paire de ciseau en vermeil ciselée. La photo en gros plan met en évidence le H couronné.


Le plateau inférieur et le bistouri

Il comprend une série d’instruments de dentisterie opératoire à manche de nacre et écusson aux armes de France.

Notons la présence

  • d’un tube en vermeil ciselé contenant un porte-crayon de nitrate d’argent intitulé « pierre infernale » par Maury.
  • d’un bistouri avec embouts en or ciselé et émaillé dont le gros plan suivant met en évidence le marquage : « Grangeret à Paris »


Le fond du coffret et les brosses à dents de Louis XVIII et de Bonaparte

Il est composé:

  • d’un carnet de feuilles d’étain destinées aux obturations et plusieurs paquets de limes.
  • d’une exceptionnelle brosse à dents en or ciselé et émaillé. Elle porte un poinçon : petite garantie or, Paris 1909-1819. Cette brosse à dents révèle, d’autre part, une parfaite similitude avec celle de Bonaparte du Musée de la Malmaison ; elles de différencie par les armes de France qui remplacent le B de Bonaparte. La présence de cette brosse dans ce nécessaire renforce encore la thèse de son attribution à Louis XVIII.

Deux arguments viennent encore confirmer cette attribution :

  • Tous les documents concernant « le nécessaire à dents du Roi » correspondent à la période de Louis XVIII et aucun n’apparaisse dans les archives après 1824.
  • Dubois-Foucou,qui était le créateur des coffrets de Napoléon et de Louis XVIII, n’était plus en activité en 1826, biens qu’il ait conservé son titre,comme l’atteste un document du 15 décembre 1826.(5)

Conclusion

L’enchère record de Grangeret à Fontainebleau s’explique certes par la présence des armoiries impériales sur ce coffret de chirurgie dentaire mais aussi par la qualité exceptionnelle du travail du coutelier.

Le raffinement des réalisations de Pierre-François Grangeret, est confirmé par la présentation de son « nécessaire à dents » dont l’appartenance à Louis XVIII est attestée par le résultat de nos recherches.

Ce coffret est, par ailleurs, le seul qui soit à la fois complet avec son gainage d’origine et réalisé avec la collaboration de Biennais et Genu.

Ce nécessaire confirme enfin leur collaboration avec Grangeret pour les coffrets d’exception.

Les honneurs sont enfin rendus à Pierre François Grangeret aux expositions françaises du Louvre en 1819 avec une mention honorable, en 1823 avec l’obtention de la médaille de bronze, et les félicitations du jury en 1827 « pour son exécution remarquable des objets de la coutellerie fine et la précisions des instruments de chirurgie » (8)

Les résultats de ces recherches nous permettent d’affirmer que la confiance témoignée aux Grangeret par Louis XVI, Napoléon, Louis XVIII et Charles X constitue un cas unique dans les annales de l’orfèvrerie française.