Introduction

Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, nous assistons à une complexification croissante des soins dentaires. Cette évolution se traduit par la création de disciplines nouvelles comme la gnathologie, l’implantologie et l’introduction du numérique dans notre spécialité ainsi que de nouveaux composés à l’origine de l’essor de la céramique sans métal.

Ces innovations aboutissent à la pratique de soins de plus en plus élaborés mais aussi de plus en plus contraignants pour la santé du praticien et de moins en moins supportables pour les malades.

C’est alors que les dentistes réalisent l’ampleur de l’inadaptation de leur arsenal opératoire et de la nécessité de repenser fondamentalement l’agencement de leurs installations pour réduire la fatigue de l’équipe soignante et obtenir la relaxation du patient.

Cette prise de conscience se manifeste à partir des années 1960 aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis par un mouvement d’idées sans précédent pour adapter nos équipements à la posture assise du praticien et de l’assistante en s’inspirant des concepts de l’ergonomie industrielle appliqués à l’Art dentaire.

Les recherches de Marvin E. Mundel (1) de Milwaukee de E. G. Green de Cleveland (2) et de Michel Chovet (3) et d’Alain Brochère (4) mettent en évidence:

  • les  positionnements défectueux des différents éléments de l’aménagement opératoire du cabinet dentaire.
  • les mauvaises positions du dentiste, de l’assistante ou du patient
  • les interférences de circulation entre les membres de l’équipe soignante.

La cinématique des cinq classes de mouvements du praticien et les problèmes généraux posés par l’équipement « Unit » sont traités sur Internet dans la série d’articles sur l’ « Historique du Cabinet dentaire », chapitre des année 1920-1960.

Les recherches de Bonsack

En 1947, ce praticien a étudié la problématique de l’équipement « Unit » à gauche et à droite du fauteuil avec le dentiste en posture assise. (5)

Bonsack : l’Unit et le travail assis

L’équipement situé à gauche du fauteuil

Pour le patient, l’accès du crachoir et du verre d’eau s’avère difficile lors de l’inclinaison et de l’élévation du fauteuil. Il devient problématique avec l’Unit de Clark ou le verre d’eau est situé au centre de l’équipement.

Pour le praticien, en cas d’inclinaison du fauteuil pour travailler assis l’accès des instruments situés sur la colonne de l’équipement l’oblige à passer au-dessus du malade en générant des mouvements qui se situent en dehors du cercle de la classe 3.

L’équipement situé à droite du fauteuil

De toutes les solutions proposées, Bonsack démontre que la position de l’Unit à droite monté sur roulettes avec le dentiste assis à 11 heures s’avère être la solution la plus satisfaisante.

Il anticipe de la sorte le principe du « Kart » qui remporte encore aujourd’hui la faveur de nombreux praticiens.

Bonsack : la répartition du corps dans la position assise perchée

Cependant, les fauteuils de l’époque conçus pour travailler debout, avec leurs encorbellements et leur position basse insuffisante, ne permettaient que l’usage de tabourets conçus pour la posture assise « perchée » très inconfortable.

Les recherches de Popesco

Cet auteur publie aussi en 1947 deux articles qui proposent de nouvelles solutions très originales et innovantes : (6)

Immobiliser la tête du patient dans l’espace

« Au lieu de faire basculer le patient autour d’un axe situé au niveau du siège, qui entraîne le déplacement de la tête du malade ainsi que la position de l’opérateur, il suffirait d’assurer son basculement autour d’un axe horizontal passant au niveau de l’axe charnière mandibulaire.»

Ce principe sera à la base du « Centric » de Comhaire en 1963.

Rendre l’équipement mobile à l’aide d’un rail plafonnier

Popesco : Vue d’ensemble des équipements sur les deux rails plafonniers

Sur ce rail disposé parallèlement à l’axe et à gauche du fauteuil « se déplacerait un petit chariot mû par un servomoteur portant en suspension une colonne à télescope compensée portant elle même l’Unit mobile.»

Le porte instruments sur son rail plafonnier.

Grâce à ce chariot mobile, l’équipement pourrait occuper de nombreuses positions de l’espace.

Ainsi le praticien évoluerait plus librement avec un champ visuel libéré et une possibilité de nettoyage du sol facilité.

On notera sur son schéma qu’un dispositif analogue est envisagé pour l’appareil radiographique

Popesco propose l’usage des agents physiques

Ils comprendraient l’usage de l’ionisation, de la haute fréquence et de l’ozone associés à son bloc instrumental à canaux.

Si l’on reconnaît la clairvoyance des idées de Popesco, on regrettera qu’il n’ait pas réussi à convaincre les fabricants de concrétiser ses concepts.

C’est Amand Malençon qui aura le mérite de reconnaître la valeur des idées de Popesco et de les faire réaliser.

Amand Malençon :
le chercheur infatigable (1911- 1995 ?)

Curriculum Vitae

  • 23-06-1911, naissance d’Amand Louis Malençon à Sainte-Mère Eglise (Manche)
  • 1943, diplôme de Chirurgien-dentiste
  • Octobre 1949, nommé Chef de clinique de l’Ecole de chirurgie-dentaire et de stomatologie de Paris.
  • Juin 1952, reçu au concours de Professeur en physiothérapie.
  • 1947, présentation du « Physiobloc ».
  • Avril 1953, présentation du premier prototype du « Bloc opératoire dentaire ».
  • 1962, présentation du prototype de l’équipement « Clinic ».
  • 1965, présentation à Stuttgart de l’équipement Supramatic.
  • 1969, inauguration des nouvelles installations des salles de clinique de l’Ecole dentaire de Rennes avec les équipements suspendus de type Revima 56. (7)
1945 : Les premières recherches : Le « Physiobloc »

Convaincu de l’intérêt de travailler assis, Malençon constate que dans les installations conventionnelles, cette posture engendre des positions défectueuses.

Ces considérations l’amènent à commencer ses recherches en réalisant un dispositif hydraulique attenant au dossier du fauteuil qui permet de régler sans effort l’inclinaison du malade.

Malençon présente le physiobloc en 1947

A cette modification du fauteuil, il associe « le physiobloc » une tablette montée sur un bras articulé qui permet un débattement en arrière du fauteuil de plus de 200 degrés.

Sur cette tablette sont rassemblés un ensemble d’agents physiques composés d’un générateur de courants galvaniques et de hautes fréquences, associé à un insufflateur d’air et d’ozone, un cautère et un pulvérisateur.

De sorte que l’équipement « Unit » ne sert plus que de support à l’éclairage, au tour et au crachoir.

Cette installation classique dotée du « Physiobloc » ne résout non seulement pas tous les problèmes, mais elle souligne davantage les faiblesses du concept de l’Unit.

C’est alors que Malençon prend conscience qu’il faut repenser l’ensemble de nos installations et aborder en priorité l’étude du poste de travail.

1953 : Le « Bloc opératoire »

(Fabrication T.I.D. et Gallus)

Compte tenu de la similitude des modèles présentés à l’aube de la seconde moitié du XXe siècle par les fabricants tant européens qu’américains, on saisit mieux la stupeur des

congressistes de la Semaine odontologique de 1953, à la vue du prototype du « Bloc opératoire » présenté par Malençon.

Le bloc opératoire
1- le fauteuil en position assise,
2- en position allongée et surélevée.
Publicité descriptive du Bloc opératoire

Le fauteuil opératoire révolutionnaire est doté pour la première fois de mouvements télécommandés par un mécanisme hydro-électrique dont la cinématique est basée sur le principe de la déformation d’un parallélogramme articulé et dont le mécanisme est adopté par tous les fauteuils contemporains.

Un débattement vertical de 72 cm et une position basse à 38 cm assurent de bonnes

conditions du travail assis et debout.

Un siège d’opérateur mobile et la tablette du « Physiobloc » sont fixés à la base du fauteuil

Le bloc opératoire, vedette d’un film avec Brigitte Bardot et Henri Vidal

Un chariot mobile sur un rail situé de part et d’autre du fauteuil est composé de deux colonnes dont l’une supporte l’éclairage et le tour électrique alors que l’autre est solidaire de la radiographie. La mobilité de ces appareils assure à l’opérateur une bonne accessibilité.

Cependant l’encombrement au niveau du dossier causé par le compas traditionnel de la têtière et les deux vérins hydrauliques ainsi que les deux bras articulés situés de part et d’autre des accoudoirs ne permettent pas une bonne approche de la bouche du malade en position assise.

Le Conformatic en position narcose

Quelques années plus tard, une présentation simplifiée, le « Conformatic » est présentée par la société Gallus où les équipements sont rassemblés sur une colonne unique dont la mobilité est assurée par un bras articulé en trois points.

C’est sur ces matériels que sont montés pour la première fois des seringues multifonctions.

1962 : Le « Clinic » (Fabrication Revima)
Le Clinic

Le « Clinic » est présenté au congrès de l’Entente odontologique de Paris en 1961.

Son originalité réside dans la satellisation du système de levage du fauteuil dans l’importante colonne de l’équipement. Ce mécanisme est assujetti au bras latéral qui supporte en porte à faux le corps du fauteuil.

Lors de l’élévation du fauteuil, celui-ci prend une inclinaison latérale de 5°. Le dossier est échancré sur les 2/3 du rebord droit alors que le dernier 1/3 du rebord constitue un bourrelet de calage très saillant.

L’originalité de la têtière se situe au niveau de la forme circulaire du coussin et du mécanisme à rotules à blocage hydraulique commandé au pied.

Comme tous les fauteuils à inclinaison latérale, il ne permet pas une bonne approche de l’assistante au plan de travail. L’échancrure du dossier privilégie encore la position de 8h, mais contre indique la position de 11h.

La satellisation du mécanisme de levage dans la colonne de l’équipement est aujourd’hui adoptée avec succès par la firme finlandaise Planméca.

En 1968 la Société Revima présentera un ensemble simplifié du Clinic.

1965 : Le « Supramatic » et le fauteuil RC (Fabrication Quétin)
Le Supramatic et le fauteuil RC

Cet ensemble présenté au Congrès de Francfort en 1965, se différencie des modèles précédents par une importante colonne sur laquelle sont fixés deux bras compensés qui supportent l’éclairage et l’important boîtier comprenant un porte instruments suspendu très fonctionnel composé d’une turbine, d’un micro tour et d’une seringue universelle.

Le cordon de raccordement souple remplace le bras, les poulies et la corde de transmission traditionnels.

La tablette, comme pour les équipements précédents, est fixée à l’arrière de la base du fauteuil.

Le fauteuil RC ( relaxation compensée )

Ce fauteuil présenté avec le « Supramatic  » est solidaire de l’équipement et contrôlé par trois mouvements hydro-électriques :

  • le débattement vertical du fauteuil avec une position basse de 38 cm et haute de 104 cm ;
  • l’inclinaison du dossier ;
  • le positionnement de la têtière.

En outre sont prévus le réglage de l’inclinaison latérale du dossier et le réglage latéral de la têtière.

La suppression des bras articulés de la têtière permet une meilleure approche de la bouche du patient en position de 11h.

1969 : L’aménagement opératoire de l’Ecole nationale de chirurgie dentaire de Rennes

C’est grâce à l’obligeance de l’ASPAD du Dr. Gérard Braye qui nous a confié certaines archives de Monsieur Malençon, que nous sommes en mesure de présenter la problématique posée par l’aménagement opératoire de l’Ecole dentaire de Rennes conçu par Amand Malençon.

La création de l’Ecole nationale de chirurgie dentaire de Rennes en 1968 a posé des problèmes d’équipements techniques et de choix des méthodes pédagogiques.

Monsieur Poncet, directeur de l’école, a requis en 1968 la collaboration de Monsieur Malençon dont la réputation n’était plus à faire.

La proposition d aménager les salles de clinique de l’Ecole avec des équipements suspendus au plafond a d’emblée fait l’unanimité.

L’équipement dentaire type RV 56 (Fabrication Revima)

L’ensemble de dispositifs avait pour objet de permettre à l’utilisateur de pouvoir occuper toutes les positions de travail possibles pour un droitier ou pour un gaucher, debout ou assis.

Le prototype N°34 de l’équipement suspendu de Malençon

Les cinq premier équipements suspendus du prototype N°34 ont fait l’objet de sévères critiques pour :

  • la lourdeur et l’épaisseur de la ta tablette ;
  • l’oscillation intempestive de la potence plafonnière ;
  • l’impossibilité de monter le fauteuil assez haut à cause de la position trop basse de la potence ;
  • l’impossibilité d’obtenir la position de travail à 7h.

L’équipement suspendu N°12 livré à soixante exemplaires a, par contre, donné satisfaction si ce n’est quelques ennuis de détail.

L’équipement définitif type RV 56 est suspendu au plafond à 250 cm du sol

Un support plafonnier sert de pivot à deux bras indépendants et articulés chacun avec un bras compensé supportant l’un la tablette porte instruments, l’autre l’appareil d’éclairage focalisé du champ opératoire.

Chacun des bras support peut accomplir autour de son axe une rotation de 360°.

La tablette comprend l’instrumentation d’usage.

L’éclairage du champ opératoire est obtenu par une lampe de type Philips.

Les différents appareils furent livrés et installés le 15 décembre 1969.

L’équipement de chaque poste de travail a été minutieusement étudié, tant dans les salles de travaux pratiques que dans les salles des différents services de clinique de façon à ce que tout au long des études, l’étudiant, droitier ou gaucher, puisse se placer dans les meilleures postures de travail.

Claude Bigarré, ancien attaché de l’Ecole dentaire nationale de Rennes, nous a révélé que les espoirs suscités par le projet audacieux de Malençon n’ont pas été déçus. Les avantages de ces équipements, avancés par le concepteur, se sont avérés très positifs, alors que ces installations ont fonctionné normalement pendant une dizaine d’années.

Amand Malençon en compagnie de Paul Bleicher au congrès de Brest de 1972
Le nouveau concept du Professeur Comhaire de l’Université de Gand : le « Centric »

Un prototype d’aménagement opératoire dentaire complet par A.J.J. Comhaire est présenté au Congrès de Cologne de 1963.

A Nimègue le Professeur Comhaire fait le point sur les progrès réalisés depuis 1964. (8)

Le principe de base demeure identique :

  • Le dentiste est presque immobile et occupe une place définitive en conservant la même relation avec les équipements ;
  • C’est la rotation du patient sur le fauteuil qui va déterminer les différentes positions de travail de 6h à 12h ;
  • Dans cette perspective la bouche du patient se situe au centre du poste de travail.

Un nouveau prototype est présenté en 1965 à l « International Dental Schau » de Stuttgart. (9) où un Comité européen s’est constitué sous d’égide de la F.D.I.

Le second prototype du Centric de Comhaire. Le praticien assis en position de 11h.atteint toutes les commandes et les instruments de l’équipement

Le praticien atteint facilement à sa droite la tablette avec les boutons de commandes ainsi que les éléments du porte instruments à hauteur de l’épaule et à sa gauche la tablette auxiliaire du meuble de rangement.

La même position en vue plongeante.

Traitement en position de 11h, le praticien assis.

Traitement en position de 9h, le dentiste debout.

Traitement en position de 8h, le praticien debout.
Le fauteuil de Comhaire
Le fauteuil de Comhaire en position zéro.

Mouvement de la têtière dans le plan sagittal afin d’adapter la forme du dos du patient et de changer l’inclinaison du plancher buccal choisie par le praticien.

La têtière, indépendante du dossier, est positionnée en hauteur, une fois pour toutes, au niveau de la bouche du patient pour tous les malades.

Adaptation du fauteuil à la longueur du tronc, têtière inchangée

Compte tenu de la position « centrée » de la bouche du patient, l’ajustement du tronc s’effectue en déplaçant à la fois l’assise du fauteuil et le dossier par translation compensée sans modifier la hauteur de l’appui tête.

L’inclinaison du fauteuil.

Le troisième mouvement sert à incliner le corps du fauteuil avec un axe de rotation axiale situé au niveau des omoplates pour éviter la translation horizontale du patient sur le dossier.

Mouvement vertical de tout le fauteuil afin d’adapter la hauteur de la bouche au niveau du plan de travail

Avec ce concept, le plan de travail est conservé aussi bien en posture assise qu’érigée, grâce à la petite plate-forme hémi-circulaire fixée à la partie supérieure de la base qui sert de repose pieds à l’opérateur en posture assise sur un tabouret solidaire du fauteuil.

Disposition pour le travail assis devant le patient.

Le prototype présenté en 1963 permettant de travailler assis en position de 6h n’a jamais été réalisé industriellement.

En 1964 les problèmes de l’éclairage et de l’évacuation de la salive et des déchets restaient encore sans solution.

Le « Centric » en 1971.
Le « Centric » de Comhaire , commercialisé en 1971

(Fabrication Kombinat Medizin und Labortechnik de Leipzig et Créange en France) (10)

Avec ce modèle, une tentative est faite pour permettre la pratique du travail à quatre mains avec une assistante au fauteuil. Malheureusement, seules les positions de 11h et 12h permettent le placement de cette assistante.

Compte tenu de cette difficulté, du prix élevé de cet ensemble, et de l’importante place nécessaire à l’implantation de ce modèle, sa commercialisation ne connut pas le succès escompté.

Les recherches de l’Ecole américaine

Parallèlement aux recherches effectuées en Europe, les américains E.J. Green, M.E. Brown (11) et John Anderson (12) effectuent dans les années 1960 une critique drastique des installations conventionnelles de ce continent.

L’Euphorian de Ritter inspiré des fauteuils des bombardiers B29

En 1944, Anderson entreprend des recherches pour améliorer le confort des malades en s’inspirant du confort des fauteuils des bombardiers B29 utilisés pendant la 2eme guerre mondiale. Le confort de ces sièges était particulièrement étudié compte tenu de la durée des vols de ces avions qui pouvait atteindre jusqu’à 12 et 14 h.

John Naugton expérimente le prototype du Den-tal-eze

Parallèlement John Naugton, de Des Moines, fondateur de la Comfra Lounge chair company et fabricant de fauteuils de relaxation, rencontre deux dentistes au cours d’un congrès dentaire qui lui suggèrent de mettre en pratique ses connaissances de confort au fauteuil dentaire.

le premier prototype du fauteuil John Naugton

Le premier prototype de John Naugton est confié à John Anderson

Leur collaboration aboutit à la commercialisation en 1958 du fameux fauteuil « Den-tal-eze » et au développement du travail assis à quatre mains avec le patient totalement allongé.

La têtière du Den-tal-eze

Une têtière pour redresser le tête du patient

Le bloc d’aspiration

Ce fauteuil où tous les encorbellements de fauteuil traditionnel sont éliminés, apparaît comme un fauteuil de relaxation avec l’adjonction de deux vérins à vis pour actionner la bascule du fauteuil et l’inclinaison du dossier. Si l’épaisseur encore importante du dossier fut réduite par la suite la têtière en forme de coussin resta le point faible du fauteuil.

Première photo publicitaire du Den-tal-eze

Les nombreux séminaires donnés en Europe par le « Pankey Institut » contribuèrent à la vulgarisation de ce modèle associé au travail à quatre mains alors que les travaux remarquables de Malençon et de Comhaire ne traversèrent jamais l’Atlantique.

Une proposition d’aménagement de cabinet dentaire par John Anderson

Ce nouveau concept de travail entraîna une refonte totale de l’aménagement opératoire du cabinet dentaire. John Anderson présenta en 1960 une installation expérimentale d’un cabinet dentaire avec deux assistantes.

On remarque que la lumière du jour n’est plus prise en compte pour l’implantation du fauteuil et que les meubles de rangement épousent l’aire du poste de travail. Un meuble mobile à proximité du fauteuil sert de tablette porte-instruments. L’équipement est encore au stade expérimental.

Harold Kilpatrick dans son livre (13), présente les premiers équipements conçus dans le cadre du réaménagement du cabinet dentaire.

Retenons ceux de :

L’équipement de Chayes

le Chayes en extention.

« Chayes Dental Instrument Co » où le porte-instruments se déploie au niveau du thorax du patient et qui eut un certain succès en Europe.

l’agencement de Pelton

«  Pelton and Crane » où la tête du fauteuil est proche d’un important meuble de rangement qui sert de porte instruments.

l’équipement de « Coastal dynamic »

« Coastal Dynamics » où le porte instruments est associé à la tablette qui se trouve de ce fait trop surélevée pour le dentiste.

Avec ces équipements fixés au fauteuil, le porte-instruments monte et descend avec le fauteuil mais nécessite le blocage des instruments au moment de leurs préhensions.

L’équipement d’ Adec

« Adec » est le premier constructeur à introduire le kart pour l’opérateur et l’assistante mais pose le problème de la présence au sol du tuyau de connexion.

L’équipement Sironette de Siemens

L’équipement « Sironette » de Siemens est relié au fauteuil par deux bras articulés qui évitent les interférences avec les fils.

Le système Beach. (14)

Le système Beach, le fauteuil-table Spaceline HPO de Morita

Le Dr Daryl Beach a jugé nécessaire de créer plusieurs instituts pour l’enseignement de sa méthode. Ce qui implique d’une façon absolue la relation conception du matériel / méthode de travail.

Cabinet dentaire conçu selon Beach

Le matériel  comprend essentiellement :

  • un fauteuil-table où le patient est totalement allongé et sur lequel l’instrumentation est placée sous l’appui-tête et le dossier du patient ;
  • deux plans de travail situés derrière et à gauche du praticien qui occupe une position assise à peu près immuable de 11h30 et 12h pour un droitier et 12h et 12h  pour un gaucher.
Posture physiologique du praticien

L’acquisition d’un tel matériel implique obligatoirement la mise en œuvre de la méthode de travail enseignée par le Dr Beach qui conduit à une préparation du travail extrêmement poussée et conçue essentiellement pour le travail à quatre et six mains avec la mise en hyperextension de la tête du malade pour les soins donnés au maxillaire supérieur.

L’auteur décrit les bases physiologiques des postures du corps et de la main utilisées dans notre discipline. Il rappelle que lors du travail statique, les fibres musculaires augmentent leur diamètre pendant leur contraction et compriment ainsi les capillaires en interrompant l’afflux d’oxygène et le transport des métabolites.

L’utilisation physiologique du travail statique et dynamique (lors de l’emploi du bras et des doigts) est destinée à trouver une posture de travail qui génère un maximum d’effort musculaire.

Postures physiologiques de la main, et des doigts

Après avoir étudié les postures de la tête, des avant-bras, des doigts et des mains, les relations torse-bassin et cuisse-jambes, l’auteur conclut que « la posture de travail correcte (posture de la main et du corps) et la disposition biomécanique optimale des segments mobiles sont les conditions fondamentales pour une fatigue minimale et une précision maximale au cours des traitements dentaires. »

On peut néanmoins se poser la question de l’ergonomie du geste de la préhension et de la repose des instruments situés sous et à l’avant du dossier et de s’interroger sur la simple propreté de cette instrumentation !

La conception du fauteuil et la méthode de travail qui privilégient essentiellement la position allongée du patient limitent la pratique à la dentisterie opératoire en excluant les travaux de prothèse qui nécessitent aussi la posture assise du patient.

Le nouvel essor des équipements
à porte-instruments à fouets

Le « Colibri » (Fabrication Faro)

L’équipement « Colibri » de Faro à porte-instruments suspendus à fouets fixé sur une base S.S.White

Le cabinet de l’auteur en 1974 avec le fauteuil Den-tal-eze et l’équipement « Colibri »

Il faudra attendre la fin des années 1960 pour voir apparaître les porte-instruments suspendus à fouets avec le fameux « Colibri » de la firme italienne Faro. C’est l’aboutissement du principe des instruments suspendus de Popesco et de Malençon qui assure la gestuelle la plus ergonomique pour la préhension des instruments. Il est toujours adopté par la grande majorité des équipements contemporains.

La prise en compte de la position de 6h

L’équipement ANATOM du Dr Lundin (Fabrication Lic Dental, Suède)

Le fauteuil ANATOM avec le praticien debout face  à son malade

L’originalité de cet équipement réside dans son fauteuil à dossier très mince et dans son repose-jambes à doubles articulations. L’échancrure latérale permet au praticien de glisser ses pieds parallèlement à ceux du patient et d’obtenir une bonne approche en posture érigée et en position de 6h.

Le concept de Barbeillon. .(15)

Exemple d’aménagement

Paul Barbeillon nous révèle dans deux articles, les principes de son prototype d’équipement qui viennent combler le vide laissé par l’échec de Comhaire et jeter les bases d’un concept cohérent pour tenter de tirer partie de la posture assise eu position de 6h, impraticable aujourd’hui avec les équipements actuels

Vue sagittale du siège d’opérateur

Le siège d’opérateur, vue frontale
Conclusion

Nous constatons, qu’aujourd’hui, les principes de la grande mutation des années 1960 font toujours partie des impératifs majeurs de l’agencement opératoire du cabinet dentaire.

Ce constat témoigne du bien fondé des idées émises par les chercheurs de cette période.

Bibliographie

1 MUNDEL Marvin, Motion and time study in dentistry, J.A.D.A, Vol. 57 October 1957, pp 522-523
2 GREEN E.J.and BROWN M.E. Body mechanics applied to the practice of dentistry, J.A.D.A. Vol; 67 novembre 1963, pp 679-69
3 CHOVET Miguel :
Travailler assis: oui mais comment, L’information dentaire 13 mars 1962 pp 2963-3068.
La profession dentaire : aspects ergonomiques, socio-économiques et prospectifs. Thèse de 3ème cycle de sciences odontologiques, 1980
4 BROCHERE Alain ; Les problèmes de la pratique quotidienne, Edition : La Société des publications médicales et dentaires 3eme édition, 1954
5 BONSACK Ch, Le travail assis en art dentaire, Revue mensuelle suisse d’odontologie,1935 , pp 30-38
6 POPESCO S, Notre agencement professionnel, L’information dentaire, 21 septembre 1947, N°38, pp 1039-1046 et 28 septembre 1947, pp 1061-1083
7 MALENCON Amand
L’équipement du cabinet dentaire, Editions CdP, Paris 1985
Travaillons assis, L’information dentaire, 12 mars 1953.
Organisation et méthode de travail, P.O.S. pp 687-693, 1968.
Archives Malençon, Dr Gérard Braye, 06190, Roquebrune-Cap Martin, 45, Av. Paul Doumer
8 COMHAIRE , E
Work simplification: presenting a new clinical working outfit for the dentist, International journal, Vol.13 N°4, décembre 1963, pp 715-720
Een rationele tandartswerkpost de centric, Revue belge de médecine dentaire, Vol 20 N°5, 1965, pp 543-558.
9 VANDERDONK R, Evolutie na het colloquium van 1964, Revue belge de médecine dentaire, Vol 20, N°5, 1965, pp 587-594
10 PUBLICITE, CENTRIC, 2e congrès de chirurgie dentaire de 1971, L’information dentaire, novembre 1971, pp 4000.
11 GREEN E.J. and BROWN M.E. Body mechanics applied to the practice of dentistry J.A.D.A.,Vol 67, novembre 1963, pp 579-697.
12 ANDERSON J.
Dental office design and layout, J.A.D.A, Vol 60, mars 1960; pp 344-353.
The efficient use of space to conserve time and energy, Dental clinics of North America; mars, W.B. Saunders Company,1961.
The selection and use of operator’stool and contour chair, Dental clinics of North America, W.B. Saunders Company,1965,.
13 KILPATRICK Harold, Work simplification in dental practice, W.B.Saunders Company,1964 et 1969.
14 NEDDERMEYER, W: Le système Beach : Base physiologique des postures de travail, Revue d’odonto-stomatologie N°4, 1980, tome 9
15 BARBEILLON Paul, Le legs de Maître Fauchard ou nouvel essai d’ergotique relationnelle, L’Information dentaire 21 juin 1984, N° 255 pp 33-40 – 28 juin 1984 N° 256 pp 29-34