Eduardo SABA-CHUJFI, D.D.S., MSc. D., Ph. D.
Professeur et Président du Département de Parodontologie, Faculté de Chirurgie-Dentaire, Université Camilio Castelo Branco, Sao-Paulo, Brésil.
Silvio Antonio DOS SANTOS PEREIRA, D.D.S., MSc. D.
Professeur-Assistant, Département de Parodontologie, Faculté de Chirurgie-Dentaire, Université Camilo Castelo Branco, Sao-Paulo, Brésil

Préhistoire (…-2000 av. J.-C.)

Bien que la préhistoire soit considérée comme la période qui précède l’apparition de l’écriture (2000 av. J.-C.), nous nous sommes rendus compte que les observations n’ont pas livré de témoignages ou une piste quelconque qui montre que l’homme préhistorique était conscient, voire préoccupé, par les soins dentaires ou par les modifications que nous voyons actuellement dans les maladies parodontales.

Antiquité (2000 av. J.-C.- 476 apr. J.-C.)

La recherche en vue d’un traitement de la maladie parodontale, telles que l’inflammation des tissus parodontaux, la mobilité des dents ou le dépôt de tartre, apparut avec les réactions instinctives de l’homme pour tenter de minimiser ou d’éradiquer leurs effets. La thérapeutique était basée sur l’expérimentation ou l’association de substances provenant du règne animal, végétal et minéral.

D’après Merritt (1930), les maladies des gencives et des dents sont souvent mentionnées dans les livres chinois, et certains datent de 2000 ans avant J.-C. Parmi les remèdes mentionnés pour traiter des cas dans lesquels  » les dents tombent souvent et l’haleine devient fétide « , nous trouvons  » l’urine « * d’enfant, qui sera utilisé comme un  » bain de bouche  » (Merritt, A. H., Periodontal diseases, New York : Macmillan ; 1930 : p. 1-17).

* action antiseptique.

D’après Hoffmann-Axthelm (1981), en 1937, Ebers, en déchiffrant les papyrus (1550 apr. J.-C.), trouva plusieurs formules employées pour améliorer l’hygiène buccale, et parmi elles, un mélange de petites particules de pierres concassées* d’ocre* et de miel**, qui devaient être placées sur les dents ou frottées sur la gencive avec les doigts (Hoffmann-Axthelm, W., History of dentistry, Chicago ; Quintessence Publishing Co., Inc ; 1981 : 435).

* pierres et ocre – action abrasive

** miel – action émolliente, rafraîchissante et tonique.

D’après Morris Jastrow (1914), nos connaissances sur les Babyloniens et les Assyriens et leurs médecines proviennent presque exclusivement des tablettes d’argile du palais du roi assyrien Assurbanipal (Asie, Irak actuel), qui régna de 668 à 626 av. J.-C., et qui furent découvertes par Austen Henry Layard en 1849. Les babyloniens et les assyriens vantaient les mérites de plusieurs recettes contre l’inflammation des tissus gingivaux, les tuméfactions ou les ulcérations de la muqueuse gingivale. Nous mentionnerons, à titre d’exemple, plusieurs plantes, telles qu’une variété d’oignons* mélangés à de l’huile et portés en bouche, ou des semences de navets** utilisé lorque les joues étaient enflammées (Jastrow, M., The medicine of the babylonians and assyrians. Proc Soc Med 1914 ; 7 : 109-176).

* Allium cepa – action anti-inflammatoire et hémostatique

** Brassica napus – propriété anti-inflammatoire.

D’après Smith (1958), Hippocrates (460 apr. J.-C.), donna quelques recettes contre la mauvaise haleine dans son Livre II: quand la bouche d’une femme dégage une mauvaise haleine et que ses gencives sont malades, vous deviez torréfier, séparément, une tête de lièvre et trois têtes de souris*. Réduisez ensuite un morceau de marbre* en fines particules et mélangez ces produits en quantités égales. Ce mélange devait être placé sur la surface des dents et des gencives, frottée avec du coton ou de la laine ; puis, rincez la bouche avec de l’eau. Trempez le coton ou la laine sale dans le miel** et frottez à nouveau les dents et les gencives. Mélangez des grains d’anis*** avec de la myrrhe# et versez ce composé dans du vin# # blanc. Faites des bains de bouche pendant quelques temps. Outre le fait d’encourager le brossage des dents, cette recette a aussi le mérite de rendre l’haleine agréable et fraîche (Smith, M., A short history of dentistry. London : Allan Wingate Ltd. ; 1958 : p. 7-28).

* les cendres ou le marbre ont une action abrasive.

** le miel – action émolliente, rafraîchissante et tonique

*** anis = Pimpinella anisum – action rafraîchissante, antiseptique, tonique et fraîche de l’haleine.

# myrrhe=commiphora abissinica – stimulant et rafraîchissant de l’haleine

# # vin – bactéricide (alcool).

En 300 av. J.-C., Carystos, cité par Hoffmann-Axthelm (1981), préconisait de faire un bain de bouche à l’eau avant de faire un massage à base de jus de menthe*. D’après cet auteur, c’était pour améliorer l’hygiène buccale (Hoffmann-Axthelm. History of dentistry, Chicago : Quintessence Publishing Co., Inc. ; 1981 : 435 p).

* Mentha piperita – propriétés antiseptiques et toniques.

D’après Foster (1879), Aulus Cornelius Celsus, en 38 apr. J.-C., recommandait de mastiquer des poires et des pommes peu mûres* et de garder leur jus en bouche. Recommandé en cas de maladies parodontales (Foster, E. W, Celsus concerning the teeth. Dental Cosmos 1879 ; 21 : 235-241).

* action astringente des poire et des pommes.

Selon Merritt (1930), entre 79 et 23 av. J.-C., Caius Plinius Secundus, recommandait d’utiliser un composé* de cendres de pattes de chèvres pour assurer le bon nettoyage des dents. Un autre agent de nettoyage des dents était préparé à l’aide d’excréments de moutons, roulés sous forme de boulettes*. Elles étaient séchées, réduites en poudre et frottées sur les dents. Très utilisé contre la mobilité dentaire (Merritt, A.H., Periodontal diseases. New York : Macmillan ; 1930 : p. 1-17).

* action abrasive.

D’après Lindsay (1933), les Japonais recommandaient de frotter la gencive avec les doigts et de rincer la bouche avec de l’urine* d’enfant dans les cas de maladies gingivales (Lindsay, L., Short history of dentistry, London : John Bale, Sons and Danielson, Ltd. ; 1933 : p. 7-93).

* urine – action antiseptique.

Selon Hoffmann-Axthelm (1981), Gall, en 1940, qui faisait des recherches sur la médecine du peuple aztèque, montra que pour avoir une bonne hygiène, ce peuple recommandait de se rincer la bouche avec de l’eau froide ou de l’urine d’enfant, et de polir les dents avec une étoffe imprégnée de charbon** et de sel*** (Hoffmann-Axthelm, W., History of dentistry, Chicago, Quintessence Publishing Co., Inc., 1981 : 435 p).

* l’urine – action antiseptique

** le charbon – pour absorber les toxines, pour réduire l’hyperacidité et pour son action abrasive

*** le sel – action abrasive

Smith (1858) affirmait que Galien (130-200 apr. J.-C.), pour combattre l’inflammation des tissus parodontaux, recommandait de garder dans la bouche de l’huile de lentilles* modérément chaude, ou des racines de jusquiame noire** bouillies dans du vinaigre. Il serait également bénéfique de couvrir les tissus enflammés avec une poudre préparée à l’aide d’une part de sel*** et de quatre parts d’alun #, suivi d’un bain de bouche au vin # # (Smith, M., A short history of dentistry. London : Allan Wingate Ltd. ; 1958 : p. 7-28).

* les lentille= Ervum lens – propriétés anti-inflammatoires

** la jusquiame= Hyoscyamus niger ou Black Henbane – propriétés analgésiques et sédatives et le vinaigre – action astringente.

*** le sel – action abrasive

# l’alun=alum= stone ume – action astringente

# # le vin – bactéricide (alcool)

Moyen-Age (476-1453)

Entre 860 et 930 apr. J.-C., Rhazès, à la fois médecin, alchimiste et philosophe persan, de religion musulmane, exerçait la médecine à Bagdad (Irak). Pour assurer une bonne hygiène, il préconisait d’utiliser les petites branches de  » miswak  » et de nettoyer les dents avec une préparation constituée par un mélange de cendres de cornes de biches*, de lentilles**, de sel*, d’alun***, de myrrhe# et de miel# # (Hoffmann-Axthelm, W. History of dentistry, Chicago : Quintessence Publishing Co, Inc. ; 1981 : 435 p).

* la cendre de cornes de biches et le sel – action abrasive

** les lentilles= Ervum lens – propriétés anti-inflammatoires

*** l’alun=stone ume – action astringente

# la myrrhe= C. abissinica – stimulant et rafraîchissant de l’haleine

# # le miel – émollient, rafraîchissant et tonique.

D’après Smith (1958), entre 980 et 1037 apr. J. C., Avicenne, un persan, fit remarquer que le tartre dentaire pouvait être enlevé en utilisant une préparation contenant de l’ambre*, du sel*, des coquilles d’escargots* et d’huîtres* torréfiées, de l’ammoniaque**, du gypse* et du vers de gris*** avec du miel #. Il affirmait aussi qu’une poudre dentifrice très dure pouvait endommager les surfaces dentaires et qu’elle devait être rejetée (Smith, M., A short history of dentistry. London : Allan Wingate Ltd. ; 1958 : p. 7-28).

* l’ambre=meerschaum, le sel, les coquilles d’escargots et d’huîtres torréfiées et le gypse – action abrasive.

** l’ammoniaque – action détergente.

*** le ver de gris – action astringente et caustique

# le miel – émollient, rafraîchissant et tonique.

Renaissance (1453-1789)

Selon Smith (1958), en 1458, Giovanni d’Arcoli, un enseignant de Bologne (Italie), recommandait de nettoyer les dents avec une préparation composée d’un mélange de miel* et de sucre, de sels** torréfiés et de miel* et d’une quantité équivalente de razel-nuts #. Cette préparation s’employait en frottant les dents et les gencives avec du coton ou de la laine (Smith, M., A short history of dentistry. London : Allan Wingate Ltd. ; 1958 : p. 7-28).

* le miel – action émolliente, rafraîchissante et tonique.

** le sucre et le sel – action abrasive.

# Corylus avellana – action détergente et dépurative.

Le mot  » dentifrice  » fut introduit pour la première fois dans le vocabulaire anglais en 1558 (Fischmann SL., Hare’s teeth to fluorides, historical aspects of dentifrice use. In : Embery G., Clinical and Biological Aspects of Dentifrices. Oxford Medical Publications ; 1992 : p. 1-8).

D’après Ring (1961), les nouvelles suivantes apparurent dans le Columbian Magazine de 1789 :  » Un nouveau remède découvert contre le scorbut des gencives. Prenez une demie pinte de thé de sauge* rouge ; ajoutez-y un morceau d’alun** – de la taille d’une noix de muscade et une cuillère à soupe de miel*** et d’ammoniaque# ; la même quantité de vinaigre. Placez-le sur un feu doux, jusqu’à ce que la quantité d’alun soit dissoute « . Cette préparation était utilisée pour rincer plusieurs fois la bouche. Si la personne perd ses dents, augmentez la dose de miel***, de vinaigre # # #, d’alun** et de vin # # (Ring, M. E., History of dental prophylaxis. J. Amer Dent Ass, 1961 ; 75 : 892-5).

* la sauge=Salvia officinalis – action tonique, astringente et hémostatique, rafraîchissant de l’haleine.

** l’alun= stone ume – action astringente

*** le miel – émollient, rafraîchissant et tonique

#  l’ammoniaque – détergent

# # le vin – action bactéricide (alcool)

# # # le vinaigre – action astringente.

Période contemporaine (1789 – … )

D’après Bier (1981), la période antiseptique a été inaugurée par Joseph Lister en 1867 lorsqu’il publia l’article intitulé :  » On the Antiseptic principle of the Practice of Surgery « , où il utilisa l’acide phénique comme solution désinfectante. A cette époque, un jet d’acide phénique était projeté sur le champ opératoire, les mains du chirurgiens étaient plongées dans la solution, ainsi que tout instrument présenté par l’assistant (Bier, O. Bacteriologia e immunologia em suas aplicaçöes à medicina e à higiene. Sao Paulo : Medlhoramentos ; 1981 : p. 1-7a).

D’après Burnett et Co. (1978), Miller est le père de la microbiologie buccale. Auteur de la théorie Chimico-parasitaire de la carie dentaire, Miller fut l’un des premiers à mettre en application les sciences fondamentales pour la guérison des maladies buccales. Comme chercheur, Miller écrivit le premier manuel de microbiologie. Il fut publié en Allemagne en 1889, et aux Etats-Unis en 1890. Son titre :  » Les microorganismes de la cavité buccale humaine  » (Burnett, G. W. ; Scherp, H. W. ; Schuster, G. S. ; Microbiologia oral & doenças infecciosas. Trad. Por José Carlos Borges Teles. Rio de Janeiro : Guanabara Koogan ; 1978 : 756 p).

Selon Anthony J. Preston (Dent. Update 1998 ; 25 : 247-253), les dentifrices qui contiennent des principes actifs, furent appelés dentifrices  » thérapeutiques « . Le premier symposiums relatifs à l’évaluation des dentifrices thérapeutiques fut organisé en 1953 par l’American Dental Association (ADA). Plusieurs composés furent analysés, y compris des ingrédients qui avaient la prétention d’être bactéricides, bactériostatiques, inhibiteurs des enzymes ou neutralisants des acides.

Grâce aux études de microbiologie de la plaque bactérienne, Dawes et Coll., en 1963, affirmèrent que plusieurs chaînes bactériennes avaient le pouvoir potentiel de se développer dans un laps de temps très court et en l’absence d’un contrôle approprié de la plaque bactérienne, démontrant ainsi l’importance de l’hygiène buccale et attirant l’attention sur toute l’histoire de l’humanité. Ce n’est qu’avec les études de Loë et Coll. (1965) et Theilade et Coll. (1966) que fut démontré la relation directe entre la réponse bactérienne et le tissu inflammatoire des tissus parodontaux, et grâce au développement des signes cliniques que les gingivites purent être maîtrisées (Dawes, C., Jenkins, G. N., Tonge, C.H. The Nomenclature of the integuments of the enamel surface of teeth. Br Dent J 1963 ; 16 : 65-68 ; Loë, H., Theilade, E. ; Jensen, B., Experimental gingivitis in man. J. Periodontol 1965 ; 36 : 177-87 ; Theilade, E. ; Wright, W. H. ; Jensen, S. B. ; Loê, H., Experimental gingivitis in man. II. A longitudinal clinical and bacteriological investigation. J. periodontol Res 1966 ; 1 : 1-13).

D’après Jeffcoat, MK et Coll (1997), à la fin des années soixante, les parodontologistes commencèrent à identifier plusieurs agents anti-microbiens, tels que les antiseptiques, qui étaient, en général, d’excellents candidats à l’éradication du vaste champ de la flore microbienne buccale. Ces agents comprenaient le triclosan, la chlorhexidine, la sanguinarine, les sels métalliques, les enzymes et les composés phénolés (Jeffcoat, MK ; mcGuire, M ; Newman, MG JADA ; 1997 ; 128 : 713-724).

Le concept de traitement des parodontites comme infection bactérienne devint intéressant au début des années 1970, en partie grâce aux statistiques substantielles qui indiquaient que les parodontites étaient dues à une bactérie pathogène spécifique (Ellen, RP ; McCulloch, CAG Periodontol 2000, 1996 ; 10 : 29-44).

Goodson et Coll. (1991) introduisirent vers la fin des années soixante-dix l’idée de placer des antibiotiques dans les poches parodontales. Les chercheurs émirent l’hypothèse qu’il devrait être possible de délivrer une dose d’antibiotiques directement au niveau du site infecté, qui stériliseraient virtuellement la poche, et élimineraient les bactéries pathogènes du parodonte (Goodson, JM ;, Cugini, MA ; Kent, R et coll. J Periodontol Res 1991 ; 10, 29-44).

D’après Van Winkelholff et coll (1996), dans les années 1980 et 1990, un certain nombre de rapports suggéraient que des agents médicamenteux tels que la tétracycline, le metronidazole, la doxycycline, l’amoxicilline et l’amoxicilline plus le metronidazole ou la clindamycine pouvaient être bénéfique au traitement chronique et énergique des parodontites (Vna Winkelholff, AJ ; ramos, TE ; Slots J Periodontol 2000 ; 1996 : 10, 45-78).

Des agents antimicrobiens, délivrés sous forme de bains de bouche, de gels, de pâtes dentifrices, peuvent être utilisés pour maintenir la plaque bactérienne à des taux compatibles avec une santé buccale normale, en réduisant la plaque existante, en prévenant la formation d’une nouvelle plaque, en détruisant sélectivement les bactéries spécifiques qui sont associées aux maladies et en empêchant les déterminants d’exprimer leur virulence (Marsch, PD J Dent Res 1992 : 71 : 1431-1438).

Un dentifrice type contient : un composé actif, des abrasifs, des détergents, des agents de liaison, des humidifiants, des conservateurs, des agents parfumés et sucrés (Preston, A.J. ? Dent Update 1998 ; 25 : 247-253).

Les bains de bouche sont les véhicules les plus simples des agents anti-plaques ; celui qu’on utilise le plus souvent est un mélange d’eau et d’alcool auquel on ajoute le goût, des composés de surface non ioniques et des humidifiants pour en augmenter les propriétés cosmétiques (Pader, M., Oral Hygiene Products and Practice. New York : Dekker, 1998 : 9-20).

D’après Jeffcoat et coll (1997), au cours des dernières années, on s’est beaucoup intéressé à l’application directe d’agents anti-microbiens dans les poches parodontales, éliminant et réduisant de ce fait beaucoup d’effets secondaires liés aux antibiotiques systémiques (Jeffcoat, MK ; McGuire, M., Newman, MG JADA ; 1997 ; 128 : 713-724).

 » Ni la nature, ni l’histoire, ne peuvent nous dire ce que nous devrions faire. Les faits, liés à la nature ou à l’histoire, ne peuvent pas décider ou déterminer les voies que nous devrions prendre. Nous proposons et donnons un sens à la nature et faisons l’histoire par nous-même  » (Popper, 1997).