Pour répondre à la vôtre du 15e du mois passé, je vous dirai que je suis bien marri de votre longue indisposition. [2] Mais permettez-moi de vous dire que la saignée [3] vous serait meilleure en ce temps présent et plus nécessaire qu’au printemps prochain, qui ne sera que dans trois mois. Pour le gaïac, [4] je vous prie de n’en point user du tout, il ne fera que du mal, il vous échauffera les entrailles, il fondra votre sang, augebit morbi causam et morbum, nec imminuet symptomata. [1] Il vaut mieux décharger votre tête par dedans en vous purgeant [5] souvent avec du séné [6] et du sirop de roses pâles, [7] y ajoutant même un peu de casse [8] si vous voulez, en substance ; [2] ou plutôt, durant l’hiver, une drachme du diaprunis [9] solutif pour tirer par bas une partie de ces sérosités qui restent dans le sang. Portez courts cheveux, et vous faites bien peigner et frotter la tête tous les matins, [3][10] avec de bonnes frictions bien fortes et bien chaudes sur le cou et les épaules. J’ai céans le livre d’Alstedius [11] que M. Huguetan [12] m’a envoyé. [4] Je l’avais déjà vu et connaissais bien cet auteur. C’est un étrange fatras dans lequel il y a de bonnes choses. M. Riolan, [13] sur la fin de son grand ouvrage, a fait Animadversiones in recentiores Anatomicos, in quibus nominatim perstrinxit Walæum et Veslingium. [5][14][15] Il avait grande espérance que Walæus, qui n’avait pas encore 40 ans, lui répondrait, mais il est mort à Leyde [16] de l’antimoine [17] même, duquel il en avait tué plusieurs autres. Veslingium vero, profess. Patavinum responsum adornantem Riolano, mors intercepit, [6] il est mort le 12e jour d’une fièvre continue, [18] âgé de 48 ans, pour n’avoir été saigné que deux fois fort petites, le dernier jour d’août : voilà de nos saignées d’Italie. En ce même temps-là, mon fils aîné [19] était ici fort malade, mais je l’ai retiré du mauvais pas d’une fièvre continue où il s’était malheureusement jeté, quia adolescentuli semper stulte agunt, [7] par le moyen de 20 bonnes saignées des bras et des pieds, avec pour le moins une douzaine de bonnes médecines, de casse, séné et sirop de roses pâles, sans m’être servi de bézoard, [20] juleps cordiaux, [21] ni des confections d’alkermès [22] ou d’hyacinthe ; [23] et néanmoins, Dieu me l’a conservé, de telle sorte qu’il n’a point perdu un des actes de son cours. Libertus Fromendus [24] est un professeur en théologie de Louvain, [25] fort savant personnage et grand janséniste. Il a par ci-devant écrit des Météores, un livret de la Comète de l’an 1618, [26] des Commentaires sur les questions naturelles de Sénèque, le tout en latin ; [27] mais ce dernier livre, de Anima, me semble le meilleur de tous. [8] Nous n’aurons plus rien de Fam. Strada. [28] L’Histoire du cardinal de Richelieu [29] avec des Réflexions politiques s’imprime ici in‑fo en cachette. La paix de Bordeaux [30] est faite. [9] Je vous baise les mains et suis, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,
Patin.
Ce 16e de janvier 1650.
Il ne s’est encore rien fait qui vaille au Parlement. On croit que ni le prince de Condé, [31] ni le premier président [32] n’y réussiront point. [10] Le livre qu’a fait M. de Saumaise, [33] pour le feu roi d’Angleterre, intitulé Defensio regia pro Carolo i ad Carolum ii, [11][34] est achevé. Il y en a deux impressions, l’une in‑fo de grosse lettre, et une in‑12 en petite, à Leyde chez MM. Elsevier. [35] Il y en a en chemin pour Paris, il en vient aussi un pour moi tout relié à la mode de Hollande, [12] qu’un ami me fait venir. On y va imprimer des épîtres de Grotius, [36] Vossius, [37] et autres savants. [13] Je vous baise les mains, à Mme Belin, monsieur votre fils, M. le chanoine, MM. Allen et Camusat. On vend ici fort librement et publiquement les Mémoires de M. de Sully, [38] de Rouen, en deux petits volumes in‑fo. [14]