J’ai reçu votre dernière des mains de deux honnêtes hommes de Beaune, par laquelle j’apprends votre retour d’Afrique en bonne santé, dont je loue Dieu. [1][2] Je vous prie d’assurer M. Richard, [3] le maître des comptes, et Madame sa femme que je suis leur très humble serviteur et que je les remercie de leur souvenir. J’ai maintes fois cherché pour vous votre Hippocrate latin de 1546, [2][4] mais je ne l’ai encore pu trouver ; j’espère néanmoins que cela arrivera quelque jour. Pour l’ignorance des médecins dont vous m’écrivez, nihil miror : [3] il ne faut tantôt plus étudier pour être médecin, il ne faut être que babillard et effronté, quales sunt agyrtæ, Empirici, Chymistæ, et id genus nebulones ; [4][5] mais de regret que j’en ai, je vous dirai aussi que hæc tetigit, Galene, tuos urtica nepotes. [5][6] Guénault [7] a infecté la plupart de notre jeunesse avec ses maximes pires que celles de Machiavel [8] et avec son vin émétique. [9] Il dit qu’il n’importe comment l’on fasse, pourvu qu’on fasse venir de l’argent de ces b. [6] de malades : Populus vult decipi, decipiatur, etc. [7][10] Ce n’est là qu’un échantillon de ses fleurettes et de son éloquence meurtrière. [8] Nous avons ici de nouvelle édition la Pratique de Houllier in‑fo, [11] dans lequel nous avons mis tout ce qui est dans l’in‑4o de Duret [12] et de Valet [13] avec de très bons commentaires de feu M. Jean Haultin, [14] qui mourut l’an 1616 et qui tenait ici le haut du pavé avec Simon Piètre, [15] et qui ont été deux hommes incomparables. Ce livre est le meilleur livre de pratique que nous ayons, et est thesaurus vere therapeuticus. [9] Il y a encore un autre livre de médecine fort bon, savoir Campus Elysius iucundarum quæstionum, etc. in‑fo imprimé à Bruxelles. [16] L’auteur [17] est un savant Espagnol qui a une grande lecture et bon sens, mais qui parle latin comme un Espagnol. [10] Si vous avez envie de voir ce livre, et Hollerius aussi, tous deux se trouvent à Paris, environ 10 livres bien reliés, mais j’entends chacun d’eux. Dans deux mois nous aurons quelques bons livres nouveaux de Lyon, mais entre autres toutes les œuvres du P. Théophile Raynaud, [18] qui a été un illustre et très grand personnage, en 19 volumes in‑fo. [11] Les médecins juifs [19] sont de grands coquins, ignorants, forfantes et larrons, tout leur fait n’est que charlatanerie. Nous aurons ici bientôt en trois volumes in‑fo une histoire universelle latine d’un jésuite de Poitiers [20] nommé le P. Goutoulas. [12][21] Je vous baise les mains, et à monsieur votre frère. Vive, vale et me ama.
Tuus ex animo, Guido Patin.
Parisiis, 29. Sept. 1664. [13]
Je vous envoie un petit paquet de thèses, [22] je vous prie de l’avoir agréable. Si par ci-après, il s’en fait de meilleures, je vous en garderai puisque vous en êtes curieux. M. de Mézeray [23] fait ici imprimer in‑4o l’Abrégé de son histoire de France, qu’il fera venir jusqu’au temps présent. [14] La peste, qui a été fort cruelle jusqu’à présent, commence à diminuer en Hollande. [24] Les Anglais et les Hollandais ne peuvent s’accorder, faute de quoi tota res erumpet in nervum [15][25] et en une guerre occulte. Nous avons ici un des nôtres, nommé M. Rainssant, [26] bien malade d’une fièvre double-quarte : [27] morbi genus inimicum senibus. Vale, et me ama. [16]