Je vous envoyai hier une lettre pour vous, une pour le R.P. Compain [2] et une autre pour M. Spon. Notre M. Piètre [3] se porte mieux et commence à sortir, mais vous savez que ce mal est périodique et qu’il revient aisément, même lorsqu’on ne l’attend point, est affectus gentilitius et familiaris, [1][4] il n’est pas le premier de sa race qui en a été attaqué. C’est le mal pour lequel Jean Craton [5] faisait vœu à Dieu afin d’en pouvoir apprendre la vraie cause, et le remède pareillement, avant que mourir. Hippocrate [6] en a fait un livre qu’il a intitulé De Morbo sacro. [2]
Un capitaine du régiment royal m’a dit aujourd’hui qu’ils n’attendent que l’heure du commandement pour partir et s’en aller en Hollande y trouver les autres troupes, mais qu’ils ne savent si on les embarquera pour aller à leur rendez-vous destiné. On ne sait point ici quel dessein a cet évêque de Münster, [7] mais on dit que le roi d’Espagne [8] d’aujourd’hui est un petit prince bien fluet et bien délicat, duquel on n’oserait espérer une longue vie. On dit que des marchands anglais se sont plaints à leur roi [9] contre nous, mais qu’il leur a répondu qu’il ne voulait en aucune façon entrer en querelle ni en guerre avec le nôtre. Le P. Labbe, [10] jésuite, fait ici imprimer un beau recueil d’épitaphes choisis, latins, in‑8o, [3] et M. Arnaud d’Andilly, [11] frère de l’évêque d’Angers, [12] comme aussi de ce très savant docteur de Sorbonne [13][14] que les jésuites haïssent tant, fait ici imprimer la traduction française de Josèphe, [15] Des Antiquités judaïques. [4] Nous verrons, si Dieu veut, comment il expliquera le passage de Christo qui se lit au chap. iv du 18e livre, que tous les savants et vrais critiques assurent y avoir été ajouté, et tanquam ineptum glossema irrepsisse in textum, [5] mais il y a longtemps. Il faut que ç’ait été avant le temps de saint Jérôme, [16] par quelque cafard ; veritas non eget mendacio. [6][17] Je vous baise les mains et suis de tout mon cœur votre, etc.
De Paris, ce 7e de novembre 1665.