L. 636.  >
À Charles Spon,
le 12 septembre 1660

Monsieur mon bon ami, [a][1]

Le présent porteur est un honnête homme, nommé M. de L’Estang, un de mes auditeurs et bon ami, fils d’un médecin fort habile homme de La Flèche [2] en Anjou. [3] Il s’en va faire un voyage en Italie et passant par Lyon, il a été bien aise d’avoir de moi la présente par le moyen de laquelle il espère d’avoir le bonheur de vous saluer et vous connaître, et de vous entretenir un peu de son voyage. Je vous prie de lui faire bon accueil et de l’entretenir hardiment de moi car il me connaît assez bien.

Toute la cour est ici en joie et en délices, le cardinal Mazarin [4] en état de convalescence, pour laquelle augmenter et fortifier quatre bonnes aubaines lui sont venues depuis peu de temps, savoir : l’évêché de Noyon [5] qui emporte la qualité de duc et pair de France ; [1] la charge de premier président au parlement de Bretagne [6] dont on lui offre, pour un maître des requêtes, 400 000 livres ; la charge de chancelier de la reine par la mort de M. de Bordeaux, [7] par ci-devant ambassadeur en Angleterre ; et l’abbaye de Saint-Vaast d’Arras, [8] laquelle en temps de paix vaut 100 000 écus de revenu. [2] Un autre que lui serait accablé de tant de bonheur, mais il y est tout accoutumé. Je vous baise les mains, et à votre chère et très sage damoiselle, et suis, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Guy Patin.

De Paris, ce 12e de septembre 1660.


a.

Ms BnF no 9357, fo 343, « À Monsieur/ Monsieur Spon,/ Docteur en médecine,/ À Lyon » ; note de Charles Spon en regard de l’adresse : « 1660./ Paris, xii septemb./ Lyon, adi 9 octob./ Rispost./ Adi xv octob. »

1.

L’évêché de Noyon était devenu vacant par la mort (le 25 août) de Henri Baradat (v. note [9], lettre 678) ; sa mitre allait échoir en 1661 à François de Clermont-Tonnerre (1629-1701, membre de l’Académie française). Comté-pairie depuis le xiie s., il était alors question, à en croire Guy Patin, d’ériger Noyon en duché-pairie, ce qui ne fut pas accompli. Son évêque était le sixième des pairs ecclésiastiques et portait le baudrier royal lors de la cérémonie du sacre.

2.

Fondée au viie s., l’abbaye bénédictine Saint-Vaast d’Arras avait eu pour 75e abbé Maximilien de Bourgogne, descendant des ducs de Bourgogne. Il avait été élu par la congrégation des moines en octobre 1641, un an après la prise de la ville aux Espagnols par les armées de Louis xiii (août 1640). Le pape lui avait refusé les bulles de l’abbaye, ce qui ne l’empêcha pas de la diriger pendant 19 ans, jusqu’à sa mort survenue à Paris le 11 septembre 1660. La congrégation lui choisit alors pour successeur le P. Claude Hacart, avec approbation du roi d’Espagne, mais au grand mécontentement de Louis xiv car le traité des Pyrénées avait officiellement rattaché Arras à la Couronne de France. On força le P. Hacart à la démission en le récompensant du monastère du Saint-Sépulcre à Cambrai. Mazarin trouvait enfin la belle occasion pour obtenir l’abbaye qu’il convoitait depuis longtemps. Il fut nommé 76e abbé de Saint-Vaast en octobre (Gallia Christiana).


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 12 septembre 1660

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(Consulté le 26/04/2024)

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