À Charles Spon, le 13 juillet 1649
Note [31]
« dont on vit que le dessein a été d’inspirer la terreur à tout le monde par cette dureté de la peine, et de rappeler au bon sens et à plus de raison ceux qui étaient frappés de la même folie. »
André Musnier, libraire de Paris, apprenti en 1615, s’était établi sans être maître en 1636, puis avait été reçu en 1639. Il s’était installé rue Saint-Jean de Beauvais au Cheval Pégase ou au Cheval volant. Sa veuve lui avait succédé en 1648 et 1649. François Musnier, libraire et relieur, a exercé de 1612 à 1649 au moins, Au Mont Saint-Hilaire proche du Puits Certain (v. note [41] de L’ultime procès de Théophraste Renaudot…), où un troisième Musnier, prénommé Jean, a publié « des mazarinades vers 1650 » (Renouard). Le lieutenant civil était Simon Dreux D’Aubray (v. note [8], lettre 180).
La sentence finale fut adoucie (Journal de la Fronde, volume i, fo 63 ro, juillet 1649) :
« Le 20, la Grand’Chambre, l’Édit et la Tournelle du Parlement s’étant assemblés, jugèrent deux procès criminels d’État. Le premier fut celui de la veuve Musnier et de ses enfants qui, pour avoir imprimé un libelle diffamatoire contre la reine intitulé La Vérité cachée, furent condamnés aux galères et la mère à assister à la prononciation de leur arrêt. » {a}
- V. note [5], lettre 189, pour le second procès qui concernait l’imprimeur Morlot, pour une autre mazarinade.
Olivier Le Fèvre d’Ormesson (Journal, tome i, page 746‑747) laisse entendre que la sentence fut exécutée :
« Le 22 juin, le Châtelet rendit un jugement de grande conséquence et très nécessaire pour réprimer cette licence effrénée qu’un nombre infini de personnes de toutes sortes de conditions avaient prise impunément de faire imprimer, et de vendre publiquement au Palais et dans toutes les rues de cette ville quantité de libelles diffamatoires et injurieux ; non seulement contre ceux qu’ils appelaient mazarins (parce qu’ils n’étaient point séditieux, mais étroitement attachés au service du roi et de l’État), mais encore contre les magistrats, contre le Parlement, les princes du sang et la reine même. En effet, l’on pouvait dire sans mentir et sans exagération qu’en moins de six mois on avait mis au jour et distribué insolemment dans Paris plus de deux mille imprimés scandaleux et pleins de médisances atroces en vers, en prose, en français et en latin, dont le plus modéré n’était bon qu’à jeter au feu. Par ce jugement, la veuve d’un libraire et deux de ses enfants ayant été trouvés saisis de plusieurs exemplaires en vers burlesques où l’honneur de la reine était méchamment déchiré, avaient été condamnés, à savoir : ceux-ci à faire amende honorable devant le Châtelet et à être pendus et étranglés en Grève après avoir été appliqués à la question pour savoir l’auteur de cet infâme et détestable ouvrage, et celle-là seulement, parce qu’elle était fort vieille et ne savait ni lire ni écrire, d’assister au supplice de ses deux enfants attachée au derrière de la charrette. »
La Pure Vérité cachée est un libelle en vers de quatre pages dont voici les plus rudes strophes (avec modernisation de l’orthographe originale) :
« Reine la plus grande du monde Il vous met un sceptre à la main Prenez garde que cet athée |
Il pense qu’il doit en effet Du revers il est convaincu, Chassez donc cet insatiable |
La Custode de la reine (v. note [4], lettre 189), qui fit aussi grand scandale au même moment, n’est pas allée plus loin.