Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Patiniana I‑4 (1701)

Note [49]

« Ne pouvant égaler un si grand père en intelligence, la fille a fait comme elle a pu avec son corps. »

Les Éloges d’Antoine Teissier (Leyde, 1715, v. note [12] du Faux Patiniana II‑2) contiennent cette addition sur Jacques i Cujas (tome quatrième, pages 74‑75) :

« Cujas épousa en 1557 Madeleine du Roure, fille de François, médecin d’Avignon, et en 1586, Gabrielle Hervé. Du premier mariage naquit Jacques < ii > Cujas, qui promettait beaucoup. En 1573, son père lui dédia ses quatre derniers traités sur l’Africain ; {a} mais Jacques < ii > Cujas mourut fort jeune et fort débauché. Du second mariage, Cujas eut une fille nommée Suzanne. On dit qu’il avait tiré l’horoscope de sa fille et qu’il souhaitait de pouvoir arrêter l’accouchement de sa femme parce que l’étoile n’était pas encore heureuse, ayant lu dans les astres que si sa femme mettait au monde un fils, il mourrait par les mains du bourreau, et que si elle accouchait d’une fille, cette fille serait prostituée. Mais M. Catherinot dit que c’est un conte qu’on a tiré de la Vie de Cardan, et qu’on a appliqué à Cujas. {b} Quoi qu’il en soit, Cujas ne vécut que quatre ans après la naissance de cette fille et ainsi, il n’eut pas le déplaisir de voir sa conduite déréglée. M. de Mérille fit cette épigramme sur l’impudicité de la fille de Cujas,

Viderat immensos Cujaci nata labores
Æternum patri commeruisse decus.
Ingenio haud poterat tam magnum æquare parentem
Filia, quod potuit corpore fecit opus
. {c}

On assure qu’un jour elle fut trouvée avec son second mari faisant tout nus une espèce d’orgie, et sacrifiant un coq devant leur foyer. »


  1. Iac. Cuiacii I.C. ad Africanum reliqui tractatus vi. vii. viii. viiii. : quibus difficillimæ juris quæstiones enodantur ; ejusdem Observationum libri tres, xii. xiii. xiv., quibus multa in jure corrupta et non intellecta restituuntur. His omnibus accesserunt Indices locupletissimi.

    [Reste des traités vie, viie, viiie et ixe de Jacques i Cujas, jurisconsulte, contre Africanu, {i} où sont résolues de très difficiles questions de droit ; avec ses trois livres d’Observations, xiie, xiiie et xive, où Cujas établit bien des points de droit qui ont été corrompus ou mal compris. De très riches index ont été ajoutés à tout cela]. {ii}

    1. Sextus Cæcilius Africanus, jurisconsulte romain du iie s., dont les ouvrages ne nous sont connus que par Aulu-Gelle.

    2. Lyon, imprimerie de la Salamandre, 1573, in‑fo de 237 pages.
  2. Il faut croire que Cujas, le plus éminent jurisconsulte français du xvie s., pratiquait aussi l’astrologie judiciaire (divinatrice).

    Nicolas Catherinot (1628-1688), conseiller au présidial de Bourges, a publié deux opuscules (sans lieu ni nom, in‑4o) sur Cujas : La vie de Mademoiselle Cujas (sans date) et Remarques sur le testament de Monsieur Cujas (2 janvier 1685).

  3. « La fille de Cujas avait vu que les immenses travaux de son père lui valaient une éternelle gloire. Ne pouvant égaler un si éminent géniteur en intelligence, elle a fait comme elle a pu avec son corps. »

    Le Faux Patiniana II‑1 (v. sa note [2]) a cité ce quatrain, attribué à Edmond Mérille (v. infra notule {c}, note [50]), ainsi que l’anecdote de l’horoscope.

  4. Sur la descendance de Cujas, l’éloge de Jacques-Auguste i de Thou, qui a inspiré Teissier, se contentait de dire (Histoire universelle, livre xcix, année 1560, Thou fr, volume 11, page 231) :

    « Cujas ne laissa qu’une fille qui était alors fort jeune, et il ordonna par son testament que ses livres, qu’il avait enrichis de notes écrites de sa propre main et qu’il avait revus sur les meilleurs manuscrits, seraient vendus après sa mort, afin qu’ils tombassent en différentes mains et se dispersassent par ce moyen. Son dessein en faisant cette disposition était d’empêcher que quelques curieux peu habiles ne formassent le projet, à l’occasion de ses remarques dont ils ne prendraient pas le vrai sens, de donner au public quelque ramas mal digéré ; ce qui aurait pu arriver si sa bibliothèque eût tombé entre les mains d’une seule personne : tant il est vrai que ce grand homme, né pour le bien de la société, portait ses soins pour la république des lettres même jusque dans le tombeau. »


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Patiniana I‑4 (1701), note 49.

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(Consulté le 24/04/2024)

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