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- La Relation universelle de Jean Botero [2] mérite d’être beaucoup estimée, aussi bien que le Voyage des Canaries [3] et les Navigations autour du monde de Jean de Bottencourt < sic > ; [4] Le Voyage de Turquie et d’Amasie par Busbekius ; [5] Les Indes Occidentales [6] de Gomara, [7] et d’Antonio de Herrera ; [8] sa < sic pour : la > relation des cruautés des Espagnols dans l’Amérique publiée par Jean Bartholomeo < sic > de las Casas ; [9] L’Amérique de Jean de Laet d’Anvers ; [10] L’Itinéraire d’Italie de François Schott d’Anvers et de < son > frère Jérôme ; [11][12] Les Voyages de Nicolai, Nicolo de Conti, Vénitien ; [13][14] le sieur de Brèves ; [15] Le Miroir des voyages marins < sic > par Linscot ; [16] ce que dit Odoardo Barbosa, [17] Portugais, sur les Indes ; Pigafetta, chevalier de Rhodes, [18][19] dans son Voyage autour du monde ; Jean Léon Africain, sur l’Afrique ; [20] Louis < de > Barthème, Bolonais ; [21] le Père Pacifique de Provins, [22] sur la Perse ; Jean Mocquet, [23] Belon, médecin du Mans, [24] Vincent Le Blanc, [25] et le Voyage de Pologne de Madame de Guébriant [26] par Jean Le Laboureur, Parisien. [27]
La lecture de ces livres est fort divertissante : on voyage sans incommodité, on navigue sans péril, on combat sans crainte d’être tué. Quand je m’occupe des relations, il me semble être présent à tous les événements qui sont décrits. Je me trouve tantôt dans un vaisseau, tantôt au milieu d’une sanglante mêlée, tantôt dans les pays les plus éloignés ; et tout cela sans sortir de mon cabinet, et sans autre équipage qu’un livre à la main. La chose est fort commode pendant que les gens qui sont les auteurs de ces mémoires curieux ont couru toutes sortes de risques pour nourrir ma curiosité propre et pour avoir la seule vanité de m’apprendre qu’ils avaient vu ce que j’ai le plaisir de lire tranquillement. [1][28]
- “ Juvénal [29] est mon cher ami d’entre les Anciens, avec Virgile [30] et Lucain, [31] sans pourtant que je méprise aucun des autres. Je compte au nombre de mes intimes, et des premiers auteurs modernes, le bon Érasme, [32] le docte Scaliger [33] et l’incomparable Monsieur de Saumaise. [34] Feu Monsieur Grotius était aussi mon ami : [35] j’étais tout transporté de joie quand je l’avais entretenu, [36] mais il est mort trop tôt pour moi et pour le public ; quand j’appris la nouvelle de sa mort, qui suivit de près son retour de Suède à Rostock, [37] car elle arriva le dernier jour d’août natali meo die, [2] l’an 1645, [38] j’en fus si fort touché que je tombai malade : [39] huit jours de chagrin me réduisirent à un tel état que mes amis ne me reconnaissaient plus ; ce que je pus faire fut de trouver quelques remèdes à l’indisposition du corps sans pouvoir jamais en donner à mon esprit affligé. Neque tamen eo processi impietatis quo olim Ovidius, de mortuus plorans amicum : [40]
Cum rapiant mala bonos ; ignosce fosso,
Sollicitor nullos esse putare deos. ” [3]
Sans pouvoir régler l’ordre que la providence a mis dans les choses du monde, ni étendre les bornes qu’elle a données à la vie des hommes, qu’il me soit au moins permis de dire que les gens distingués par leur savoir et par leur mérite devraient survivre < à > tous les autres. Le monde finirait glorieusement s’il finissait par eux ; mais il arrive au contraire qu’ils sont enlevés dans leur première jeunesse, au plus dans la fleur de l’âge. Quoi qu’il en soit, je déteste la pensée d’Ovide [41] et je m’attache à ces dignes sujets de consolation que les Saintes Lettres me fournissent : Consummatus brevi implevit tempora multa, cito raptus est ne malitia mutaret intellectum. [4][42]
- “ J’ai vu ces jours passés deux petits livres d’Arnoldus Boetius [43] qui sont des observations de médecine des maladies omises par les Anciens. Il y est qualifié ci-devant médecin du roi des États d’Irlande et présentement « médecin très fameux de Paris », Parisiorum medico clarissimo ; sur quoi je donne avis que ce clarissime ne vit jamais fort clair. C’était un grand Hollandais qui avait de petits yeux cachés dans l’abîme de deux [paupières]. Il n’avait pas beaucoup de pratique : il en avait même si peu que, faute d’habitude dans la connaissance de la médecine et dans l’usage des remèdes, il tua sa femme et ses deux enfants avec l’antimoine mal préparé. [44] Ces grands succès, ces cures merveilleuses, l’obligèrent de retourner en Angleterre, n’ayant pu trouver à Paris des gens qui voulussent faire l’épreuve de son habileté et devenir les malheureuses victimes de son apparence. Il est médecin comme je suis capitaine. Voilà de quelle manière il a été clarissime, mais le papier souffre tout ”, les louanges aussi bien que les injures : ce n’est pas qu’on ait moins de tort d’imprimer des éloges [flatteurs] que d’injustes satires ; je blâme autant l’un que l’autre, la vérité est également offensée d’un côté et de l’autre. [5]
- “ Voici les vers extraits d’une lettre qui vient de Flandres sur la mort de l’illustre Monsieur de Saumaise, arrivée au mois de janvier 1654 :
Ingens exigua iacet hac sub mole sepultus
Assertor regum, Numinis atque pugil :
Finivit Spadæ vitam Salmasius hospes,
Traiectum cineres ossaque triste tenet.
Quod mortale fuit periit : pars altera cœlis
Reddita, fit maior, doctior esse nequit. ” [6]
- Le hasard a voulu que je me trouvasse ce matin à une prédication. On ne croirait pas cela de moi, il est pourtant vrai ; [45] et afin qu’on n’en doute point, je vais dire le nom du prédicateur et le sujet de son exhortation. C’était Ronsard [46] qui la faisait dans mon cabinet où sont ses œuvres ; les prélats sont ceux qu’il prêchait. Il leur parle ainsi dans sa remontrance au peuple :
« Vos grandeurs, vos honneurs, vos gloires dépouillez,
Soyez de la vertu, non de soie, habillés,
Ayez chaste le corps, simple la conscience,
Soit de nuit, soit de jour, apprenez la science ;
Gardez entre le peuple une humble dignité,
Et joignez la douceur avec la gravité. <…>
Allez faire la cour à vos pauvres oueïlles,
Faites que votre voix entre par leurs oreilles,
Tirez-vous près du parc et ne laissez entrer
Les loups en votre clos, faute de vous montrer. » [7][47]
Dans les vers sur les troubles d’Amboise, [48] il ajoute :
« Mais que dirait saint Paul s’il revenait ici
De nos jeunes prélat qui n’ont point de souci
De leur pauvre troupeau, dont ils prennent la laine,
Et quelquefois le cuir, qui tous vivent sans peine,
Sans prêcher, sans prier, sans bon exemple d’eux ?
Parfumés, découpés courtisans, amoureux,
Veneurs et fauconniers, et avec la paillarde
Perdent les biens de Dieu, dont ils n’ont que < la > garde. » [8]
Ronsard prêche sans mission ; cependant, il prêche sans crainte. Ceux qui prêchent avec mission sont plus timides. En effet, comment oseraient-ils parler si hardiment à ceux de qui ils la reçoivent ? Le temps viendra peut-être où l’Église recevra plus d’édification de ses pasteurs.
La prédiction de M. Patin est arrivée, grâces au Ciel ! Deux choses admirables dans ce règne : les duels défendus, la résidence ordonnée ; il s’en faut pourtant encore < de > quelque chose qu’elle ne soit aussi régulièrement pratiquée que la défense des duels. [49] Le temps amènera tout, je voudrais déjà voir celui où tous les évêques seront vus dans leur diocèse. [9][50]
- “ Il y a vingt-trois ans qu’étant jeune docteur et encore garçon, je fus prié de porter le dais à la procession du Saint-Sacrement le jour de la grande Fête. [51][52] Je savais à peu près ce que je valais, et je savais bien aussi comment mes collègues en avaient usé en pareil cas. Je donnai ma parole, à la charge que, comme docteur régent en notre Faculté, j’aurais la première place, ne la cédant qu’aux conseillers de Cour souveraine ; [53] cela me fut promis. Quand il fut question de marcher, deux hommes, l’un conseiller à la Cour des monnaies, [54] l’autre secrétaire du roi, voulurent me précéder : j’alléguai la promesse qui m’avait été faite, je contestai le pas ; on assembla sur-le-champ tous les notables de la paroisse ; on y joignit le vieux M. Seguin, [55] premier médecin de la reine, lequel mourut l’ancien de notre Compagnie le 27e < de > janvier 1648 ; il dit en ma faveur que j’étais aussi grand docteur que lui dans notre Faculté et dans Paris. Un conseiller de la Cour, quelques maîtres des comptes et un vieux avocat m’a<d>jugèrent la préséance ; ceux qui perdirent contre moi cédèrent, pour le respect, disaient-ils, de la procession, laquelle attendait après nous ; mais ils murmuraient de n’aller qu’après moi. Néanmoins, la sentence fut confirmée dès le soir par la bouche d’un président au mortier, fils d’un chancelier de France et qui avait été ici procureur général : c’était Monsieur Bellièvre, [56] le bonhomme, qui est aujourd’hui doyen des conseillers d’État. Voilà un exemple singulier, et cujus pars magna fui, qui fait connaître que nous sommes ici en bonne posture pour les préséances ; [57] et il n’y a aucun marchand qui ne nous cède honorifiquement. ” [10]
- Je cherche deux livres que je ne puis trouver. Le premier est pro sacerdotum barbis Defensio par le savant Pierius, [58] qui nous a donné ses Hiéroglyphiques, où il y a tant d’érudition, et l’excellent livre de Infelicitate littera<to>rum. [11][59] Le second livre que je souhaiterais avoir, c’est de gravidarum, parturientium, puerperarum et infantium cura par Jean Guintier. [60][61][62] Ce Guintier était si pauvre pendant le cours de ses études qu’il fut obligé de mendier son pain ; mais malgré sa pauvreté, il devint un des plus savants médecins de son temps. Son habileté lui mérita des lettres de noblesse que lui donna l’empereur Ferdinand, [63] sans qu’il eût fait aucune démarche pour les obtenir. [12][64] Y a-t-il rien après la probité qui anoblisse mieux que la science ? Je voudrais qu’il n’y eût que ces deux voies pour parvenir à la noblesse : si cela était, il y aurait bien de nos nobles dégradés.
- Je donnai hier un conseil à M. T.F., il m’écouta avec attention et sortit sans me répondre. Ce matin, il m’a envoyé ces quatre vers tirés de T<a>hureau, en la constance de l’esprit : [65]
« On conseille tant bien autrui,
Le voyant prendre de l’ennui ;
Mais on ne voit user personne
Du conseil qu’aux autres il donne. »
Je lui ai répliqué sur-le-champ par ces deux-ci, tirés des œuvres de Joachim Du Bellay, [66][67] afin de mettre vieux poète contre vieux poète :
« On ne doit point conseiller bête
Qui son conseil porte en sa tête. »
Je ne sais que produiront ces deux petites sorties. Quant à moi, je trouve que nous avons tous deux raison. [13]
- “ Ce que l’on donne aux médecins pour le bien qu’ils font est honorarium, et non pas merces. Cela a été décidé par la loi d’Ulpian : [68] Multa inhoneste, et mercenarie petuntur quæ inhoneste < sic > accipiuntur. ” [14][69]
Je le dis à la confusion de mon art : si les médecins n’étaient payés que du bien qu’ils font, eux-mêmes n’en gagneraient pas tant ; mais nous profitons de l’entêtement des femmes, de la faiblesse des hommes malades, de la crédulité de tout le monde. À notre place, qui ne ferait pas la même chose ? Un avocat ne gagne pas toutes les causes qu’il plaide, un prédicateur zélé n’est pas toujours estimé : pourquoi veut-on que nous guérissions toutes les maladies et que toutes nos ordonnances aient leur effet ? La nature a des secrets qu’elle ne nous révèle pas, et la vie des hommes est fixée à un certain nombre de jours, qu’il n’est pas de notre ressort de prolonger.
- “ Je serai fort aise de voir la Vie de Tycho Brahé [70] écrite par le bon Monsieur Gassendi. [71] Ce fut lui qui, dans son Traité de la Comète de l’an 1574, [72] laquelle disparut à la mort de Charles ix, [73] après avoir duré jusqu’au < sic pour : depuis le > massacre de la Saint-Barthélemy, [74] a dit qu’en vertu de cette étoile naîtrait vers le Nord, dans la Finlande, un prince qui ébranlerait l’Allemagne et qui disparaîtrait enfin l’an 1632. Le roi de Suède [75] est né en ce duché et est mort en 1632. ” Cette prédiction se trouve juste dans toutes ses circonstances. De dire que l’art de ces messieurs est infaillible, je n’en suis nullement convaincu. [15][76]
- J’étais au commencement de l’automne dans un village où l’on pratique l’une des plus impertinentes superstitions [77] dont l’on ait entendu parler : une paysanne sur le point d’accoucher et sentant les premières douleurs, une de ses commères prit la ceinture de cette souffrante, alla dans l’église, en lia la cloche et la fit sonner trois coups, et tout cela afin que l’accouchement fût heureux ; le curé, homme fort ennemi de ces abus, m’assura que le soin d’y remédier faisait une de ses plus grandes occupations ; ce qui l’avait obligé à étudier beaucoup tout ce qui regarde une telle matière. Il me dit là-dessus que cette superstition n’était pas nouvelle et que Martin d’Arlés [78] avance, Tract. de Superst., que, de son temps, elle était en usage dans tout son pays. Le curé me cita le passage :
Superstitiosum est quod fere in omni hac nostra patria <vane> observatur, ut dum fœmina est propinqua partui, zonam vel corrigiam qua præcingitur, accipientes ad Ecclesiam accurrunt, et cimbalum modo quo possunt corrigia illa, vel zona circumdant et ter percutientes cimbalum, sonum illum credunt valere ad prosperum partum, quod est superstitiosum et vanum. [16]
Le curé aura beau faire, les bonnes femmes iront toujours leur train. Aussi le connaît-il, mais ne laisse pas de continuer ses efforts, quelque inutiles qu’ils puissent être.
- Voici un trait fort plaisant d’un gentilhomme attaché depuis longtemps au cardinal Mazarin, [79] de qui il était fort estimé, sans en être devenu plus riche. Le cardinal l’accablait de promesses, mais point d’exécution. Le gentilhomme, rebuté du mauvais succès de ses démarches, témoigna quelque mécontentement ; le ministre, qui ne voulait pas perdre un homme utile à ses démarches, l’appela dans son cabinet, lui remit l’esprit et lui donna de nouvelles espérances ; ce gentilhomme, qui ne jugeait plus à propos de faire fonds sur aucune chose, demanda, en grâce et pour récompense, au cardinal qu’il lui frappât de temps en temps sur l’épaule, avec un air de faveur, devant tout le monde ; ce que fit le cardinal. En moins de trois années, le gentilhomme se vit comblé de biens seulement pour donner son appui auprès de Son Éminence, qui ne lui accordait que ce que tout le monde aurait pu obtenir. Monsieur de Mazarin plaisantait avec lui de la sottise de ceux qui payaient si chèrement une protection imaginaire. Il n’a peut-être jamais donné une récompense de meilleur cœur, et cela parce qu’elle ne lui coûtait rien. [17]
- “ Il y a ici un plaisant procès entre les libraires : le syndic [80] a obtenu un nouvel arrêt après trente autres, par lequel il est défendu de vendre ni d’étaler des livres sur le Pont-Neuf. ” [81] Il y a pourtant une infinité d’ouvrages qui ne méritent pas de passer dans les boutiques et dont le débit est si rare que les libraires ne devraient pas craindre d’en recevoir du tort.
- “ Il y en a qui prétendent que Q. Curce [82] n’a pas vécu sous Tibère, [83] mais sous Auguste. [84] Ce qui les porte à ce sentiment est la belle latinité de cet auteur. D’autres croient, avec quelque apparence de raison, qu’il a vécu sous Vespasien. [85] J’ai eu autrefois un régent qui avait une idée particulière de Q. Curce : il disait que son livre n’était qu’un roman, que le latin véritablement en était beau, mais qu’il y avait dans son Histoire de grandes fautes de géographie. Il y en a une énorme, entre autres, dans le septième livre lorsqu’il parle de ces Scythes [86] qui vinrent prier Alexandre le Grand [87] de ne point passer le Tanaïs, [88] qui vient de la Moscovie occidentale se jeter dans le Marais Méotide, [89] séparant l’Europe de l’Asie, et la Scythie européenne de l’asiatique. Pour prouver cette conjecture, Alexandre le Grand, n’ayant pas trouvé son compte après avoir passé cette rivière, revint incontinent in regionem Sacarum, et delà entra dans les Indes : or tout cela est fort éloigné du vrai Tanaïs. Le même maître nous disait que l’auteur de ce livre était un savant Italien qui le fit il y a environ trois cents ans, que nul Ancien n’avait cité Q. Curce et que c’était un nom supposé, qu’il était là-dedans parlé du fleuve Indus, du Gange [90] et autres parties des Indes inconnues à ces Anciens, qui ont vécu avant Ptolémée, [91] premier auteur qui ait fait mention de la Chine, sous le nom de Sina. [92] L’édition qui se fait en Hollande du livre de feu Monsieur Vossius [93] sur les historiens latins éclaircira tout cela. ” [18]
- “ On voit ici au Palais les Œuvres de M. de Voiture. [94] C’était un Parisien, homme d’esprit, de bonnes lettres, qui était officier de Monsieur le duc d’Orléans. [95] Il était fils d’un riche marchand de vin, [96] ce qui a donné dans bien des occasions lieu de le mortifier par des petites railleries, auxquelles il n’avait pas la force de répondre. Son père n’avait rien épargné à le faire bien instruire. Il a parfaitement secondé les efforts de ses maîtres : il avait de grandes dispositions pour la littérature et a acquis toute la finesse de la belle galanterie. Quoiqu’on fasse souvent un parallèle de lui et de M. de Balzac, [97] je n’hésite point à donner tout l’avantage à ce dernier, tant pour son érudition universelle que pour la force de son élocution. ”
- “ Le livre des Annales de Grotius [98] est en beaux termes, et rempli de fort bonnes choses. Si on le traduisait en français, comme il est très curieux, je pense que le débit en serait considérable. Il n’est pas si particulier que le Faucianus < sic pour : Famianus > Strada, [99] mais il est plus savant et approche bien plus de Corneille Tacite. ” [19][100]
- Paul Jove [101] se vantait d’avoir une plume d’or et une de fer, pour traiter les princes selon le bien ou le mal qu’il en recevrait. Aussi quelques savants le traitent d’historien infidèle, ne parlant d’ordinaire que selon ses intérêts et sa passion. Lipse [102] dit qu’il ne doit être cru que lorsqu’il est exempt de toute sorte d’affection.
Un bon historien doit se défaire de toute prévention, se dépouiller même de tout sentiment ; il faut qu’il se mette au-dessus de toute crainte et de toute espérance, que la vérité guide sa plume sans consulter l’amour de son pays ni sa haine contre les puissances étrangères. Quelque jour, s’il me reste un peu de loisir, je m’aviserai de faire le caractère d’un historien, sans pourtant vouloir jamais le devenir : il en coûterait trop à certaines gens, je suis sincère et je ne pourrais me résoudre à dissimuler le mal qu’il y a à dire de leurs personnes. [20]
- “ M. de Launoy [103] a fait un livre où il veut prouver qu’il n’y eut jamais de saint René, ni aucun évêque d’Angers de ce nom-là. [104] C’est le même qui a écrit contre saint Denis Aréopagite, [105] disant qu’il n’est jamais venu en France. Il a aussi écrit contre le scapulaire des carmes [106] et contre la Madeleine, [107] prétendant qu’elle n’est pas venue en Provence. Il est docteur en théologie, Normand, homme de mauvaise mine, mais très savant et particulièrement versé dans l’histoire ecclésiastique. Il y a ici des gens qui l’appellent esprit ferré et âme damnée parce que, disent-ils, il ôte tous les ans un saint du paradis, et qu’il y a du danger qu’il n’en ôte, à la fin, Dieu lui-même. ” Les sages parlent avec plus de discrétion.
Le peuple veut qu’on le laisse paisible dans ses supputations. Entreprendre de le détromper, surtout dans les choses qui regardent un culte de fantaisie, c’est offenser mal à propos sa crédulité. C’est tenter l’impossible.
- 2 décembre 1650. “ Je fis hier mon festin à cause de mon décanat. [108] Trente-six de mes collègues firent grande chère. Je ne vis jamais tant rire et tant boire pour des gens sérieux, et même de nos anciens. Il semble que l’appétit des jeunes donnait aux autres de l’émulation et renouvelait leur soif. L’on but du meilleur vin vieux de Bourgogne, ” [109] car je laisse la Champagne [110] à ceux qui y demeurent, très convaincu qu’on en donne peu à Paris, et que le peu qu’on en donne n’est pas de ce pur ni de ce vrai merum. [111] “ Je les traitai dans ma chambre où, par-dessus la tapisserie, se voyaient curieusement les tableaux d’Érasme, [112] des deux Scaliger, père [113] et fils, de Casaubon, [114] Muret, [115] Monta<i>gne, [116] Charron, [117] Grotius, [118] Heinsius, [119] Saumaise, Fernel, [120] feu Monsieur de Thou, [121] et notre bon ami Monsieur Naudé, [122] bibliothécaire du cardinal Mazarin, [123][124] titre qui n’est que sa qualité extrinsèque car, pour les internes, il les a autant bonnes qu’homme peut les avoir. Il est très savant, bon, sage, déniaisé et guéri de la sottise du siècle, fidèle et constant ami depuis trente-trois ans. Il y avait encore trois autres portraits d’excellents hommes : de Monsieur de Sales, [125] évêque de Genève, Monsieur l’évêque de Belley, [126] mon bon ami, Justus Lipsius ; et enfin, celui de François Rabelais, [127] duquel on m’a voulu autrefois donner vingt pistoles. Mes conviés n’étaient-ils pas en bonne compagnie ? ” Compagnie d’autant meilleure alors que, sans faire aucun tort au festin préparé, elle fournissait d’agréables sujets de conversation. Toutes < sic pour : Tantôt > leurs éloges se faisaient, tantôt on rapportait d’excellents traités tirés de leurs ouvrages. Ainsi, les vivants s’entretenaient avec les morts, et ceux-ci faisaient le plaisir des vivants.
- “ On exécuta le 15e de ce mois deux voleurs de grand chemin, dont l’un a été décapité [128] et l’autre, pendu. [129] Le corps de celui-ci a été demandé pour faire anatomie. [130] Un de nos docteurs, nommé Ré<g>nier, [131] ayant obtenu, en vertu de la requête que je lui avais signée comme doyen, le corps d’un de ceux qui furent roués [132] il y a trois semaines, pour faire des opérations de chirurgie en sa maison, on y a remarqué une chose fort extraordinaire, savoir le foie du côté gauche [133] et la rate, du côté droit. [134] Tout le monde a été voir cette particularité. [135] M. Ré<g>nier en fait un petit discours, qui < sic pour : qu’il > fera imprimer, à ce qu’il m’a dit. ”
- “ On dit que M. Courtaud [136][137] est un petit homme qui ne voit point de malades. Il emploie tout le bon temps qu’il a à chercher la pierre philosophale. [138] Je pourrais donc lui appliquer ces deux vers faits pour Raymond Lulle, [139] homme infatué de cet art imaginaire :
Dum lapidem quæris Lulli, quem quære nulli
Profuit, haud Lullus, sed mihi Nullus eris. ” [21][140]
- On m’a envoyé il y a deux jours six poulardes du Mans [141] qui me paraissaient excellentes. J’en ai fait part au bon Monsieur G.E. et à notre confrère Monsieur T.M., qui mangent rarement des morceaux aussi exquis. Ma femme [142] me conseillait de les donner à Monsieur le premier président, [143] mais je lui dis que si j’avais un présent à lui faire, je voudrais lui donner un bon appétit, pour goûter les meilleurs mets dont il ne manque pas. Si elle avait su le latin, je me serais autorisé cette épigramme :
Gallinas pingues, perdices et phasianos
Divitibus mittis pauperibusque nihil.
Mittere personæ vis convenientia cuique,
Mitte cibos miseris, divitibusque famem. [22][144]
Je plains un riche qui n’a qu’une bonne table, je plains un misérable qui n’a que de l’appétit. Si les choses pouvaient se compenser et qu’il fût aisé de partager et les mets et la faim, il y aurait bien des hommes contents.
- Il y a un historien espagnol (c’est Jérôme Romain) [145] qui a prétendu que Ferdinand Nunnez, surnommé Pintianus, [146] était hermaphrodite ; [147] et cela parce que Pintianus, dans un commentaire espagnol sur Jean Mena, poète de Cordoue, [148] a traduit en cette langue cette épigramme de Martial < sic pour : Ausone > : [149]
Nolo tamen veteris documenta arcessere famæ
Ecce ego sum factus femina de puero.
Mais ce Jérôme Romain s’est trompé en s’imaginant que Pintian disait de lui-même ce qui n’est qu’une citation d’un auteur. [23]
Nunnez ordonna pour son épitaphe ces paroles : La mort est le plus grand bien de la vie. La réflexion est bonne, mais la pensée est fausse : la mort ne peut pas être le plus grand bien de la vie puisque les vivants ne l’éprouvent pas ; il est vrai que pour mourir il faut vivre, mais pour jouir de ce bien, il faut être mort ; ainsi la mort n’est pas le plus grand bien de la vie, elle est seulement un bien ; encore je m’en rapporte. Tout cela est bon pour le discours, pour une épitaphe ; les philosophes ne pensent pas toujours comme ils disent.
Quelque mine que l’on fasse et quelque déguisement que les hommes apportent dans leur vie, ils ne sauraient parler du dernier coup. La mort lève le masque, Erpitur persona, manet res, [150] et fait comprendre que la vie n’est qu’une comédie, qu’une farce assez courte, qu’une ombre,
Mors sola fatetur
Quantula sint hominum corpuscula.
Juvénal, qui parle ainsi dans sa dixième Satire, [151] moralisait aussi bien que les autres : je m’en avise quelquefois comme Juvénal. En vérité, il convient bien aux poètes et aux médecins de dogmatiser. Les derniers sont les témoins continuels, pourquoi ne pas dire, les instruments de la mort ? Ils se familiarisent avec ces tristes objets, et cessent bientôt d’en être émus. Les autres n’y pensent jamais, et ils sont tout surpris que la mort, qu’ils ont affecté d’oublier, daigne se souvenir d’eux. [24]
- “ Le 12e de ce mois de décembre 1652, mourut ici le Père Petau, [152] le plus savant de la Société. Il avait dans la tête divers projets de livres qu’il avait commencés. On m’a dit qu’il avait laissé tous ses papiers et ses projets à un de ses disciples nommé le P. Cossart, [153] qui aura soin de continuer le grand travail de son maître, La Théologie des Pères ; il y en a déjà cinq volumes d’imprimés. ”
- “ On parle d’imprimer un traité de Balzac intitulé L’Aristippe, ou de la cour. Je me persuade que ce sera une paraphrase de ce vers d’Horace : [154][155]
Omnis Aristippum decuit color, et satus, et res. ”
Un courtisan change souvent de couleur, d’état et de situation. Voilà trois mots qui pourraient produire de grands discours. Cette matière n’est pas de ma compétence, je la laisse aux poètes critiques, aux philosophes amers, ou aux auteurs envieux, plus accoutumés à décrier le courtisan riche et en faveur que les vices de la cour. [25]
- “ Monsieur Pellisson, [156] tout habile homme qu’il est, s’est bien fait des ennemis par son Histoire de l’Académie. [157] Monsieur Corneille, [158] illustre faiseur de tragédies, écrit contre lui, de même que M. Charles Sorel. [159] Je n’ai encore guère lu de choses de cette Histoire, mais M. Pellisson s’est trompé dans de certains éloges. ” Quand on veut trop en donner, cela tient de la flatterie ; quand on en donne moins qu’il n’en est dû, c’est l’effet d’une lâche envie ou d’un mauvais discernement.
- “ Monsieur d’Ablancourt [160] est un habile homme, on le blâme pourtant de s’être donné trop de licence dans son Tacite. [161] À dire vrai, je ne l’entends pas si bien que le latin. Toutes ces traductions [162] me déplaisent, il n’y en a pas une qui vaille le tiers de son original, si ce n’est peut-être celle des Métamorphoses d’Ovide [163] par Renouard ; [164] et encore, tout cela n’est bon qu’à ceux qui ignorent le latin. Pour Monsieur l’abbé de Marolles, [165] c’est un fort honnête homme, nous sommes amis depuis plus de trente ans. Cette longue amitié et l’étroite familiarité qui règne entre nous me donne<nt> la liberté de dire que ses traductions ne lui font point d’honneur. Ses meilleurs amis s’en plaignent aussi bien que moi, je voudrais de tout mon cœur qu’il n’y eût jamais pensé car, d’ailleurs, c’est un homme excellent : ” il ne faut ainsi qu’un mauvais endroit pour gâter tout le mérite d’une personne. Ne saurait-on produire, inventer, donner quelque chose de soi-même, sans s’amuser à traduire, à mal copier, à gâter la gloire des bons auteurs, en répandant dans leurs ouvrages du médiocre qui n’est point d’eux ? [26]
- On m’a voulu vendre chez le sieur V.R. La Légende dorée [166] et Le Miroir des exemples, mais je suis fort dégoûté de ces livres depuis que j’ai appris que Melchior Cano, [167] qui assista au concile de Trente [168] et qui fut ensuite évêque des îles Canaries, a dit que l’on trouve « plus souvent des monstres de miracles que de véritables miracles » dans Le Miroir des exemples, et que La Légende dorée a été écrite par « un homme qui avait une bouche de fer, un cœur de plomb, un esprit sévère et peu prudent ». Voici les termes dont se sert ce savant théologien de l’Ordre de saint Dominique, [169] liv. xi de Loc. Theol, c. 6 : Nec ego hic libri illius autorem excuso qui Speculum exemplorum inscribitur, nec historiæ etiam ejus quæ Legenda aurea nominatur. In illo enim miraculorum monstra sæpius quam vera miracula legas. Hanc homo scripsit ferrei oris, plumbei cordis, animi certe parum severi et prudentis. Ces sortes de livres devraient être cachés sans jamais paraître. Ils ne sont propres qu’à donner occasion à nos ennemis [170][171] de nous accuser de trop de crédulité, et à leur servir de prétexte pour tirer des conséquences pernicieuses contre les vérités de notre religion les mieux établies. [27][172]
- “ Mon fils Charles explique l’anatomie dans nos Écoles sur un cadavre de femme. [173] Il a un si grand nombre d’auditeurs qu’outre le théâtre, la cour est encore toute pleine. Il commence fort bien à vingt-six ans, je souhaite qu’il finisse encore mieux : il faut l’espérer ainsi, interea conatus erit in laude, eventus in causa. ” [174] La gloire d’avoir fait de certains efforts lui restera, quand même l’événement ne répondrait ni à son travail ni à mon attente. Le succès ne dépend pas de la volonté des hommes, il suffit que leur volonté soit bonne et secondée par de grands soins.
- “ On m’a dit que M. Anisson [175] imprimait Baronius. [176] Feu M. Naudé, [177] qui n’était point menteur, m’a assuré que Lucas Holstenius [178] de Hambourg, [179] qui est à Rome chanoine de Saint-Jean-de-Latran, [180] lui avait dit qu’il pouvait montrer huit mille faussetés dans Baronius, et les prouver par les manuscrits de la Bibliothèque Vaticane, [181] dont il est le gardien et le dépositaire. ” Mais, n’en déplaise à ce chanoine, qui lui a dit que ces faussetés fussent plutôt dans Baronius que dans les manuscrits ? À moins que Baronius n’assure avoir travaillé sur ces manuscrits, il est incertain de quel côté est ou la vérité ou le mensonge. Après tout, quelle confiance pouvons-nous avoir dans les histoires, puisque celle qui devrait être la mieux établie est si remplie de contrariétés et de fautes ?
- “ Il se plaida le 21e du mois de février 1660 une cause à la Grand’Chambre entre les médecins et les chirurgiens de cette ville. [182][183] L’avocat des chirurgiens dit bien des choses inutiles et tout à fait étrang<èr>es à la cause : entre autres, que Rome avait été huit cents ans sans médecins, et que les Romains avaient honteusement chassé Archogatus < sic pour : Archagatus > ; [184] mais il n’eut garde d’ajouter ce qu’en dit Pline, [185] c’était à cause de sa cruauté à couper et à brûler, car les juges eussent reconnu par là que cet Archogatus était un chirurgien. L’avocat conclut enfin, et pria la Cour de permettre aux chirurgiens de porter la robe et le bonnet pour marque de l’honneur qu’ils méritent par leur doctrine en chirurgie, quoiqu’ils n’aient point de littérature. [186] Ne trouvez-vous pas la demande ridicule, et cette conclusion extravagante ? A-t-on jamais vu doctrine sans littérature ? Mais tout est bon dans la bouche d’un avocat qui tâche de rendre bonne une cause pitoyable d’elle-même. Aussi n’est-ce pas sans raison qu’Aristote [187] appelle cette profession l’art de mentir. Dès qu’il eut fini, Monsieur Lenglet, [188] recteur de l’Université, [189] professeur en rhétorique dans le Collège du Plessis, [190] natif de notre ville de Beauvais, [191] âgé de vingt-six ans, a harangué pour l’Académie de Paris contre les chirurgiens : ” il les a traités comme ils méritent et a conclu à ce qu’ils n’eussent ni robe ni bonnet, ni aucune autre qualité que de manœuvres chirurgiens, “ sous la direction et intendance des médecins, pour lesquels il parlait et intervenait. Tout ce qu’il a dit a été fort bien reçu, bien prononcé et fort écouté. En effet, si on leur permettait de porter des robes et des bonnets pour leur prétendue doctrine en chirurgie, il faudrait en accorder autant aux apothicaires [192] pour leur doctrine en pharmacie. Ceux-ci n’auraient-ils pas bonne grâce quand il faudrait donner des lavements [193] ou faire l’onguent rosat, [194] d’être ainsi équipés ? Enfin, saint Luc [195] a été plus fort que saint Côme. Monsieur Talon [196] a fait merveille pour obtenir de la Cour que ces gens fussent rangés à leur devoir. Il leur a été défendu d’user d’aucun titre de bachelier, [197] licencié, [198] docteur ou professeur en chirurgie. Ils en sont fort étourdis. Leur ressource est de nous menacer d’une requête civile. Les apothicaires vont pareillement plaider contre eux pour les empêcher de faire la pharmacie et de vendre les médecines. ” Tous ces différends n’accommoderont pas les malades, et j’ai peur que quelques-uns ne soient mal à propos la victime du dépit des chirurgiens : ils vont perdre bien du temps, ils ont employé beaucoup d’argent, ils ressentent un grand chagrin. Que les malades vont être négligés et abandonnés ! Que de morts seront les suites de ce mauvais procès ! [28]
- On admire dans l’histoire des choses merveilleuses : la colombe de bois volante d’Archytas ; [199] les oiseaux d’or de l’empereur Léon, [200] qui chantaient ; ceux de Boèce, [201] qui chantaient et volaient ; la tête parlante d’Albert le Grand ; [202] et la mouche de fer qui fut présentée à l’empereur Charles Quint < sic pour : Frédéric iii > [203] par Jean de Montroyal, [204] et qui, selon la description que nous en a faite Du Bartas [205] en sa Semaine, au sixième jour,
« Prit sans aide d’autrui sa gaillarde volée,
Fit une entière ronde et puis, d’un cerveau las,
Comme ayant jugement, se perche sur son bras. » [29][206]
On admire encore la sphère de verre d’Archimède [207] que Cassiodore, [208] ep. 45, l. i, appelle une petite machine qui contient tout le monde, un ciel portatif, l’abrégé de l’univers, le miroir de la nature : Parvam machinam gravidam mundo, cœlum gestabile, compendium rerum, speculum naturæ. [30][209]
Pour moi, sans refuser mon attention à ces chefs-d’œuvre de l’art, j’admire bien plus les créatures raisonnables, l’esprit qui les anime et qui, en un instant, fait tant de chemin dans l’univers par une seule réflexion ; ce corps dont toutes les parties se prêtent si exactement un mutuel secours ; cette main si pliable, si mobile, si obéissante, dès que l’âme a donné son ordre et marqué sa volonté. Ce sont là des choses qui méritent une admiration ; admiration qui me porte insensiblement à dire qu’il faut que l’ouvrier d’une telle machine y ait bien pensé, et ait bien d’autres perfections que celles qui me surprennent dans l’humanité. [31]
- “ Le 8e d’avril 1660, une charge de maître des requêtes fut vendue trois cent cinquante mille livres. Voilà bien de l’argent pour du vent et de la fumée. ”
- “ Le grand chancelier d’Angleterre, François Bacon, [210] a dit fort à propos que multitudo remediorum est filia ignorantiæ. [211] Aussi avait-il plus d’esprit que tous les empiriques. Le duc d’Albe [212] disait qu’« une tête de saumon valait plus que cent têtes de grenouilles » : ainsi Galien [213] vaut mieux que dix mille charlatans [214] et paracelsistes, [215] souffleurs, chimistes, [216] arabistes, [217] semi-dogmatiques, [218] et autres pestes de notre métier. ”
- “ Hier, 21e < de > juin 1660, je fis une plaisante débauche. [219] Je me laissai entraîner, avec ma femme et nos nouveaux mariés, [220][221] à Saint-Denis, où je vis la foire. [222] Ma curiosité ne s’accommode pas de ces sortes d’objets. L’église est belle, mais un peu obscure. [223] Le trésor est assez rempli de galimatias et de badinerie pro more gentis. Je ne pus m’empêcher de pleurer en voyant les tombeaux des rois, particulièrement celui du grand et bon roi François ier, [224] qui a fondé notre Collège. [225] Il faut que j’avoue ma faiblesse, s’il est vrai que c’en soit une de faire tout ce que suggère une tendre reconnaissance : je baisai la représentation de ce roi, et l’image de Louis xii, [226] qui a été le père du peuple et le meilleur roi que nous avons jamais eu en France. [227] Il n’y a point encore de tombeaux érigés pour les Bourbons, quorum cadavera servantur in quadam cella, dans le chœur, au-dessus du grand autel, à main droite, où on a mis encore depuis peu le duc d’Orléans, [228] qui mourut à Blois [229] le 2e < de > février. ”
- “ Ce jourd’hui, 5e < de > juillet 1660, nous avons fait la licence [230] de nos vieux bacheliers. Le nommé Dodart, [231] âgé de 25 ans, est un des plus sages et des plus savants. Ce jeune homme est un prodige de sagesse et de science, monstrum sine vitio, comme disait Adr. Turnebus [232] de Josepho Scaligero. ” [32]
- Il n’y a guère eu de poète plus grand pour les manières que Jacques Sannazar. [233] Aussi les plaisirs des amours et les fêtes continuelles dont il s’occupait contribuèrent beaucoup à entretenir ce caractère. Il s’habillait à l’âge de 72 ans comme un jeune homme. C’est lui qui fit cette belle épigramme en faveur de la ville de Venise, [234] et pour laquelle les Vénitiens lui donnèrent six cents écus d’or :
Viderat Adriacis Venetam Neptunus in undis
Stare urbem, et tota ponere iura mari.
Nunc mihi Tarpeias quantumvis, Juppiter, arces
Obiice, et illa tui mœnia Martis : ait.
Si pelago Tybrim præfers : urbem aspice utramque
Illam homines dices, hanc posuisse Deos. [33]
- Il est constant qu’il y a une science qu’on appelle médecine, mais il n’y a point de médecins, dit le proverbe italien : Si trova la Medicina ; ma il medico non si trova. On voit tant de charlatans qui prostituent cette belle science ou, plutôt, qui la professent sans la savoir, que le peuple français a sujet de dire qu’il n’y a point de médecins, il medico non si trova. À qui en est la faute, sinon à ce même peuple, qui ne distingue pas l’habileté d’avec l’ignorance, qui se laisse prévenir par les nouveautés, par les choses extraordinaires, et qui ne pourrait faire autre chose si la vie lui était indifférente ? Vivere cupiunt, et quidquid vitam fovet destruunt. [34]
- “ Je ne fais guère de débauche que dans mon étude avec mes livres, je voudrais que ces sortes de débauches fussent plus fréquentes. Feu Monsieur Piètre, [235] qui a été un homme incomparable, tant en bonté qu’en science, disait qu’il faisait débauche quand il lisait Cicéron [236] et Sénèque, [237] mais qu’il se réduisait aisément à son devoir avec Galien et Fernel, cujus Pathologiam impense adamabat. [238] Ainsi, je me suis réduit dans mon cabinet depuis ce temps-là, on ne me laisse guère dans l’état paisible qui est nécessaire pour bien étudier :
Carmina secessum scribentis et otia quærunt. ” [239]
- “ Le feu était dernièrement dans mon quartier. [240] Bon Dieu, quel désordre fait cet élément ! cela est effroyable. Aristote a dit dans le 4e des Météores : [241] Omnia elementa putrescunt præter ignem quæ sunt materia igni. ”
- “ M. de La Mothe Le Vayer [242] vient de me dire que le livre de Milton [243] contre le feu roi d’Angleterre [244] a été brûlé par la main du bourreau, [245] que Milton est prisonnier, qu’il pourra bien être pendu, qu’il n’avait fait ce livre qu’en anglais, et qu’un nommé Pierre Du Moulin, [246] fils d’un ministre de Sedan, [247][248] l’avait mis en beau latin, et est en danger de la vie. ” [35]
- “ M. le lieutenant criminel [249] fait grand état de ce passage que je lui ai fourni de L’Apologétique de Tertullien : [250] Nobis vero homicidio semel interdicto, etiam conceptum utero, dum adhuc sanguis in hominem deliberatur, dissolvere non licet. Homicidii festinatio est prohibere nasci, nec refert natam quis eripiat animam an nascentem disturbet. Homo est et qui est futurus, etiam fructus omnis jam in semine est. Je lui en avais aussi fourni des commentaires. ” [36][251]
- J’entendis parler chez M. le P.P. de l’Hostellerie des Mariniers, et j’appris qu’on donne ce nom à l’île de Sainte-Hélène [252] en Afrique parce que, quand les mariniers passaient par là, ils restaient quelque temps pour se remettre un peu des fatigues du voyage des Indes. On l’appelle encore Sainte-Hélène à cause qu’elle fut découverte le 21e < de > mai < 1502 >, jour de la fête de cette sainte, par Jean Pimentel < sic pour : de Nova >, Portugais. [253] Elle passe pour être celle de toutes les îles qui est la plus éloignée de la terre ferme. [37]
- Notre confrère N…, il n’y aura pas grand risque de le nommer, car vous le connaissez, ce pauvre homme est doublement ignorant : il ne sait rien, et ne sait pas qu’il ne sait rien. Cette seconde ignorance est seule capable d’entretenir la première.
Captivum nam te tenet ignorantia duplex :
Scis nihil, et nescis te quoque scire nihil. [38]
- Je tiens que cette question de droit par laquelle on demande s’il y a des sorciers, [254] est sans difficulté ; mais je ne suis pas de même sentiment quand on me demande si ce berger, si cette vieille, si cet habile homme sont véritablement sorciers. Je n’en douterais jamais si j’étais convaincu que l’esprit n’est sujet ni à faiblesse ni à fourberies.
Il ne faut pas croire que le nom de magie se prenne toujours en mauvaise part. On distingue trois sortes de magies : de < sic pour : la > naturelle, qui produit des effets merveilleux par la seule force de la nature, comme quand le jeune Tobie guérit l’aveuglement de son père [255][256] par les entrailles d’un poisson préparé ; l’artificielle produit aussi des effets extraordinaires, mais par l’industrie humaine, comme la sphère de verre d’Archimède, les serpents d’airain de Sévère qui sifflaient, et toutes ces choses rares que l’art invente ; ces deux sortes de magies sont bonnes en elles-mêmes, mais souvent elles portent les hommes dans des curiosités superstitieuses ; à l’égard de la magie noire, elle est toujours criminelle parce qu’elle suppose un pacte avec les démons. Il y a des gens qui doutent ou qui font semblant de douter qu’il y ait des magiciens. Je viens de le dire, la question de droit est incontestable. L’Écriture Sainte défend de consulter les magiciens et fait mention de ceux de Pharaon, [257] qui imitèrent les véritables miracles que Dieu opéra par le bras de Moïse. [258] Il y est encore parlé des magiciens de Manassé, [259][260] de la pythonisse que Saül [261] consulta, [262] de Simon, [263] qui vécut du temps des apôtres, de Bar-Jésus [264] et d’une autre devineresse, du corps de laquelle saint Paul chassa le démon. [265] Les conciles fulminent des anathèmes contre les magiciens ; le droit civil ordonne diverses peines contre eux. Le Parlement de Paris ne reconnaît point, dit-on, des sorciers : cela n’est pas vrai ; d’ailleurs, son autorité ne devrait prévaloir à celle de l’Écriture Sainte, des Pères, des jurisconsultes. Pour montrer que le Parlement de Paris reconnaît les sorciers, il ne faut que lire quelques arrêts rendus en 1548, 1577 et 1578, par lesquels des gens atteints et convaincus de sortilège ont été condamnés d’être brûlés vifs. [266] L’opinion des juges n’a point changé dans le principe ; mais comme ils connaissent les accusations, ils voient que tous les gens qui sont soupçonnés de magie n’en sont pas coupables, ainsi qu’il paraît par l’Apologie que mon bon ami M. Naudé a faite pour justifier tous les grands personnages qui en ont été accusés. [267] Il y a plus de sorcières que de sorciers à cause de la faiblesse d’esprit et de la grande curiosité des femmes. [39]
- “ Monsieur Troisdames, [268] lieutenant de la colonelle de < M. de > Lamoignon, comme il est notre bon ami, m’a prié de lui donner une devise pour mettre sur un drapeau. Il a désiré que ce fût sur la paix et sur le mariage du roi. Voilà ce que mon fils Carolus lui a fourni sur ce sujet : Coeunt jam fœdere certo pax et amor. Cela convient bien à l’état présent de nos affaires : le mariage du roi [269] éteint une guerre qui dure depuis vingt-cinq ans ; la paix semble affermie par la bonne diligence qui est entre les deux royaumes, [270] aussi bien qu’entre les deux rois, [271] et par l’union qui est entre le roi et la reine. ”
- “ Nous avons ici un bénéficier natif d’Angers [272] nommé Monsieur Ménage, [273] qui est homme d’esprit et de grande érudition. Il a fait des vers où le cardinal Mazarin [274] est flatté tant et plus. Messieurs du Parlement prétendent y être offensés et regardent ces louanges comme une injure qui leur est faite. Je crains que M. Ménage n’ait fait ce pas de clerc faute de jugement, car il est honnête homme, et de mérite : Nemo nostrum non peccat, homines sumus, non dei. ” [275] C’est une chose étrange que notre propre raison ne puisse pas nous garantir de certaines faiblesses. Les gens d’esprit, si l’on y prend bien grade, font de plus lourdes fautes que les autres. [40]
- Le pape saint Grégoire [276] condamna au feu les ouvrages de Tite-Live ; [277] et cela, disent quelques-uns, à cause des prodiges qu’il rapporte dans son Histoire, et qui ne sont fondés que sur une superstition païenne. [41][278]
- On trouve dans les Proverbes d’Érasme Costard < sic > [42][279][280] quelques vers de l’empereur Sévère [281][282] où les lois de la bonne poésie ne sont pas pratiquées. L’auteur qui les rapporte dit, pour en justifier < Sévère >, qu’il faut considérer que ce sont les vers d’un empereur qui était au-dessus des lois : Si vides, lector, parum observatas metri leges, memineris Imperatorem scripsisse cujus est præscribere leges, non parere. [43] En faveur de l’honneur que les princes font aux Muses, quand ils daignent donner leur loisir aux belles-lettres, il faut leur passer quelque chose, et même doit-on estimer davantage un ouvrage imparfait sorti de leurs mains qu’un chef-d’œuvre d’un savant de profession. C’est beaucoup que les rois veulent quitter leurs plaisirs pour se montrer studieux et devenir habiles : cela seul mérite toutes les louanges dues aux particuliers qui le sont déjà.
- Le sieur A.L. est un bon Normand, c’est-à-dire un Normand dans toutes les formes, nous nous tenons en garde contre lui et contre ses concitoyens. Ces gens-là sont d’ordinaire fort à craindre, ils ont autrefois désolé la France pendant 80 ans. Vers le neuvième siècle, les Parisiens qu’ils assiégèrent dans leur ville en étaient si effrayés que dans les prières publiques ils disaient, comme M. Q.N.F. et moi, a furore Normanorum, libera nos Domine. [44][283] Il est bon besoin que Dieu exauce cette prière car ce sont de terribles hommes que ces Normands. J’ai quelquefois souhaité qu’on portât la tête de quelques-uns en haut d’un piquet, comme on porte un dragon ou un serpent dans les processions publiques. Si on ne l’a pas fait encore, c’est parce que les monstres sont moins difficiles à dompter que certains esprits de la Nation normannique. Nous autres Picards, nous valons incomparablement mieux.
- Pellican [284] disait que, vers le commencement du dernier siècle, il y avait une si grande ignorance dans l’état ecclésiastique d’Allemagne qu’il fut impossible de trouver dans toute l’étendue de cet Empire un Nouveau Testament grec. Il ajoute que le premier qu’on y vit fut apporté d’Italie. Ce Pellican était d’Alsace, homme fort savant qui, à l’âge de 48 ans, quitta le froc de saint François pour se faire protestant. Il a traduit de l’hébreu en latin les commentaires presque innombrables des rabbins. [285] On dit qu’il savait mieux la langue hébraïque que les rabbins eux-mêmes. [45][286]
- Un auteur [287] dit qu’en une montagne de l’Orient il y a des pierres de feu mâles et femelles, on les appelle boules de feu ou pyriboles. Ces pierres étant éloignées l’une de l’autre ne se brûlent point ; mais si la femelle s’approche du mâle, le feu sort aussitôt des deux, avec tant d’activité qu’il embrase ce qui se trouve autour : belle application à faire pour la rencontre trop fréquente et trop familière des hommes et des femmes. [46][288]
- Le pape Boniface xii < sic pour : Benoît xii > [289] fut louable quand il répondit à ceux qui le pressaient d’élever ses parents aux dignités ecclésiastiques : Si mei non fuerint dominati, tunc immaculatus ero. [290] Il donna pourtant dans la suite l’archevêché de Bourges < sic pour : Arles > à son neveu. [47][291][292]
- Je n’ai point vu de vers hexamètre qui contînt plus de mots que celui-ci :
Tu ergo age, abii ; ægram adi anum, atram eme ovem, album ede ovum, ante agrum ubi hoc est.
Il y a dix-huit mots dans ce vers. Dans chacun de ceux qui suivent, il n’y en a que deux.
Perturbabantur Constantinopolitani
Innumerabilibus sollicitudinibus.
La cadence de ces vers n’est pas trop harmonieuse. Mon fils Charles [293] n’avait que douze ans qu’il censurait déjà cette poésie. [48]
- Adon, évêque de Vienne [294] (il y vivait du temps du roi Raoul), [295] n’avait pour tous domestiques qu’un prêtre et un serviteur, disant que « Qui est grand de soi-même n’a pas besoin d’équipage et de valets pour le paraître ». L’Église l’a canonisé. Elle trouverait aujourd’hui peu de matière pour cette sorte de canonisations. Un prélat à pied est une chose aussi rare que l’était autrefois un apôtre en litière. [49][296]
- « Qu’est-ce que le temps n’altère point ? Nos pères étaient plus méchants que nos aïeux, nous sommes plus méchants que nos pères, la malice de nos descendants surpassera la nôtre » :
Damnosa quid non imminuit dies ?
Ætas parentum, pejor avis, tulit
Nos nequiores, mox daturos
Progeniem vitiosorem.
Que de vérité dans cette pensée d’Horace (l. iii, Od. 6) ! [50][297] l’expérience de nos jours la confirme : nous enchérissons sur les vices de nos pères, la postérité se reconnaîtra dans les nôtres, et les siens, entés sur notre corruption, augmenteront la sienne.
- J’aime un historien qui ne parle qu’histoire, je le prierais volontiers de renvoyer ses réflexions morales aux prédicateurs, et ses dissertations physiques aux régents de l’Université. Marcellin [298] me fait pitié quand, dans le xviie li<vre> de son Histoire, en parlant du tremblement de terre [299] qui arriva sous l’empire de Constantin < sic pour : Constance >, [300] il commente Aristote et Anaxagoras [301] sur cette matière ; et en rapportant, li<vre> xxe, une éclipse de Soleil [302] arrivée sous le même empereur, il raisonne à perte de vue sur les difficultés les plus élevées de l’astronomie. [51][303] Toutes ces dissertations ne sont point de l’histoire et ne regardent point l’historien. Il n’y a point d’auteur à qui il ne soit permis d’être historien, car il est obligé de citer des exemples, de raconter des faits, de marquer des circonstances ; mais l’historien ne doit point empiéter sur les droits des autres auteurs, il faut qu’il se renferme dans son récit, sans commentaires ni réflexions.
- “ J’ai disputé ce matin, 22e < de > février 1661, en nos Écoles pour un de mes amis, où j’ai prouvé qu’il n’y a point d’hermaphrodites en la nature, et que tout ce que les auteurs en ont dit ne sont que des chansons, aussi bien que ce que quelques saints ont dit dans leurs écrits des néréides, des sirènes et des tritons, [304] comme saint Jérôme ; [305] ou ce que Platon [306] a dit de tertio hominum genere, nempe de androgynis, in suo Symposio. Le président [307] et le bachelier [308] en sont demeurés d’accord, si bien que leur thèse est absolument fausse, et n’est pas plus vraie qu’une Métamorphose d’Ovide. ”
- “ Je me suis caché aujourd’hui dans mon étude, de peur que je ne semblasse autoriser par ma présence les folies de tant de gens qui courent les rues. Les Anciens ont appelé ces jours gras [309] festum fatuorum, on pourrait encore dire pis aujourd’hui. ” [310]
- “ Le bonhomme Scipion Dupleix, [311] historiographe de France, est mort au mois d’avril 1661, dans sa maison de Condom, [312] âgé de 91 ans. Il a bien travaillé toute sa vie et n’a pas eu grande récompense. Sa Philosophie française n’est pas mauvaise, son Histoire romaine est fort bonne, son Histoire de France serait passable s’il n’avait pas trop flatté le cardinal de Richelieu. ” [313]
- “ On imprime à Anvers [314] en un gros volume in‑fo la traduction latine des deux tomes en italien faits par un jésuite nommé Pallavicino, [315] qui était confesseur du pape et qui est devenu cardinal. C’est une prétendue réformation de l’Histoire du concile de Trente faite par Fra Paolo, [316] laquelle a été approuvée de tout le monde, et principalement des savants et des raisonnables, vu qu’elle avait été faite par un habile homme sur les mémoires de la République de Venise, qu’on avait exprès tirés du Trésor public qu’on appelle la Secreta. [317] C’étaient des relations de jour en jour, et vraiment des éphémérides, que les ambassadeurs de la république avaient apportées au retour du concile de Trente. ” [52]
- Le médecin Sorennus < sic pour : Soranus > [318] donne en abrégé cette histoire de la médecine : « La médecine, dit-il, a été inventée par Apollon, [319] augmentée par Esculape, [320] et perfectionnée par Hippocrate. » [321] On n’est pas grand clerc dans l’histoire de la médecine quand on ne sait que cela. P.L. dit qu’il aime mieux apprendre à guérir les maladies qu’à raisonner sur la vie de ceux qui se sont appliqués à la science des remèdes. C’est un raisonnement de P.L., mais il me permettra de lui répondre que le plus sûr est de savoir l’un et l’autre, parce qu’en travaillant à bien connaître les illustres médecins, on trouve, en chemin faisant, bien des connaissances qui contribuent beaucoup à se perfectionner dans son art. [53][322]
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