La lecture de ces livres est fort divertissante : on voyage sans incommodité, on navigue sans péril, on combat sans crainte d’être tué. Quand je m’occupe des relations, il me semble être présent à tous les événements qui sont décrits. Je me trouve tantôt dans un vaisseau, tantôt au milieu d’une sanglante mêlée, tantôt dans les pays les plus éloignés ; et tout cela sans sortir de mon cabinet, et sans autre équipage qu’un livre à la main. La chose est fort commode pendant que les gens qui sont les auteurs de ces mémoires curieux ont couru toutes sortes de risques pour nourrir ma curiosité propre et pour avoir la seule vanité de m’apprendre qu’ils avaient vu ce que j’ai le plaisir de lire tranquillement. [1][28]
Cum rapiant mala bonos ; ignosce fosso,
Sollicitor nullos esse putare deos. ” [3]
Sans pouvoir régler l’ordre que la providence a mis dans les choses du monde, ni étendre les bornes qu’elle a données à la vie des hommes, qu’il me soit au moins permis de dire que les gens distingués par leur savoir et par leur mérite devraient survivre < à > tous les autres. Le monde finirait glorieusement s’il finissait par eux ; mais il arrive au contraire qu’ils sont enlevés dans leur première jeunesse, au plus dans la fleur de l’âge. Quoi qu’il en soit, je déteste la pensée d’Ovide [41] et je m’attache à ces dignes sujets de consolation que les Saintes Lettres me fournissent : Consummatus brevi implevit tempora multa, cito raptus est ne malitia mutaret intellectum. [4][42]
Ingens exigua iacet hac sub mole sepultus
Assertor regum, Numinis atque pugil :
Finivit Spadæ vitam Salmasius hospes,
Traiectum cineres ossaque triste tenet.
Quod mortale fuit periit : pars altera cœlis
Reddita, fit maior, doctior esse nequit. ” [6]
« Vos grandeurs, vos honneurs, vos gloires dépouillez,
Soyez de la vertu, non de soie, habillés,
Ayez chaste le corps, simple la conscience,
Soit de nuit, soit de jour, apprenez la science ;
Gardez entre le peuple une humble dignité,
Et joignez la douceur avec la gravité. <…>
Allez faire la cour à vos pauvres oueïlles,
Faites que votre voix entre par leurs oreilles,
Tirez-vous près du parc et ne laissez entrer
Les loups en votre clos, faute de vous montrer. » [7][47]
Dans les vers sur les troubles d’Amboise, [48] il ajoute :
« Mais que dirait saint Paul s’il revenait ici
De nos jeunes prélat qui n’ont point de souci
De leur pauvre troupeau, dont ils prennent la laine,
Et quelquefois le cuir, qui tous vivent sans peine,
Sans prêcher, sans prier, sans bon exemple d’eux ?
Parfumés, découpés courtisans, amoureux,
Veneurs et fauconniers, et avec la paillarde
Perdent les biens de Dieu, dont ils n’ont que < la > garde. » [8]
Ronsard prêche sans mission ; cependant, il prêche sans crainte. Ceux qui prêchent avec mission sont plus timides. En effet, comment oseraient-ils parler si hardiment à ceux de qui ils la reçoivent ? Le temps viendra peut-être où l’Église recevra plus d’édification de ses pasteurs.
La prédiction de M. Patin est arrivée, grâces au Ciel ! Deux choses admirables dans ce règne : les duels défendus, la résidence ordonnée ; il s’en faut pourtant encore < de > quelque chose qu’elle ne soit aussi régulièrement pratiquée que la défense des duels. [49] Le temps amènera tout, je voudrais déjà voir celui où tous les évêques seront vus dans leur diocèse. [9][50]
« On conseille tant bien autrui,
Le voyant prendre de l’ennui ;
Mais on ne voit user personne
Du conseil qu’aux autres il donne. »
Je lui ai répliqué sur-le-champ par ces deux-ci, tirés des œuvres de Joachim Du Bellay, [66][67] afin de mettre vieux poète contre vieux poète :
« On ne doit point conseiller bête
Qui son conseil porte en sa tête. »
Je ne sais que produiront ces deux petites sorties. Quant à moi, je trouve que nous avons tous deux raison. [13]
Je le dis à la confusion de mon art : si les médecins n’étaient payés que du bien qu’ils font, eux-mêmes n’en gagneraient pas tant ; mais nous profitons de l’entêtement des femmes, de la faiblesse des hommes malades, de la crédulité de tout le monde. À notre place, qui ne ferait pas la même chose ? Un avocat ne gagne pas toutes les causes qu’il plaide, un prédicateur zélé n’est pas toujours estimé : pourquoi veut-on que nous guérissions toutes les maladies et que toutes nos ordonnances aient leur effet ? La nature a des secrets qu’elle ne nous révèle pas, et la vie des hommes est fixée à un certain nombre de jours, qu’il n’est pas de notre ressort de prolonger.
Superstitiosum est quod fere in omni hac nostra patria <vane> observatur, ut dum fœmina est propinqua partui, zonam vel corrigiam qua præcingitur, accipientes ad Ecclesiam accurrunt, et cimbalum modo quo possunt corrigia illa, vel zona circumdant et ter percutientes cimbalum, sonum illum credunt valere ad prosperum partum, quod est superstitiosum et vanum. [16]
Le curé aura beau faire, les bonnes femmes iront toujours leur train. Aussi le connaît-il, mais ne laisse pas de continuer ses efforts, quelque inutiles qu’ils puissent être.
Un bon historien doit se défaire de toute prévention, se dépouiller même de tout sentiment ; il faut qu’il se mette au-dessus de toute crainte et de toute espérance, que la vérité guide sa plume sans consulter l’amour de son pays ni sa haine contre les puissances étrangères. Quelque jour, s’il me reste un peu de loisir, je m’aviserai de faire le caractère d’un historien, sans pourtant vouloir jamais le devenir : il en coûterait trop à certaines gens, je suis sincère et je ne pourrais me résoudre à dissimuler le mal qu’il y a à dire de leurs personnes. [20]
Le peuple veut qu’on le laisse paisible dans ses supputations. Entreprendre de le détromper, surtout dans les choses qui regardent un culte de fantaisie, c’est offenser mal à propos sa crédulité. C’est tenter l’impossible.
Dum lapidem quæris Lulli, quem quære nulli
Profuit, haud Lullus, sed mihi Nullus eris. ” [21][140]
Gallinas pingues, perdices et phasianos
Divitibus mittis pauperibusque nihil.
Mittere personæ vis convenientia cuique,
Mitte cibos miseris, divitibusque famem. [22][144]
Je plains un riche qui n’a qu’une bonne table, je plains un misérable qui n’a que de l’appétit. Si les choses pouvaient se compenser et qu’il fût aisé de partager et les mets et la faim, il y aurait bien des hommes contents.
Nolo tamen veteris documenta arcessere famæ
Ecce ego sum factus femina de puero.
Mais ce Jérôme Romain s’est trompé en s’imaginant que Pintian disait de lui-même ce qui n’est qu’une citation d’un auteur. [23]
Nunnez ordonna pour son épitaphe ces paroles : La mort est le plus grand bien de la vie. La réflexion est bonne, mais la pensée est fausse : la mort ne peut pas être le plus grand bien de la vie puisque les vivants ne l’éprouvent pas ; il est vrai que pour mourir il faut vivre, mais pour jouir de ce bien, il faut être mort ; ainsi la mort n’est pas le plus grand bien de la vie, elle est seulement un bien ; encore je m’en rapporte. Tout cela est bon pour le discours, pour une épitaphe ; les philosophes ne pensent pas toujours comme ils disent.
Quelque mine que l’on fasse et quelque déguisement que les hommes apportent dans leur vie, ils ne sauraient parler du dernier coup. La mort lève le masque, Erpitur persona, manet res, [150] et fait comprendre que la vie n’est qu’une comédie, qu’une farce assez courte, qu’une ombre,
Mors sola fatetur
Quantula sint hominum corpuscula.
Juvénal, qui parle ainsi dans sa dixième Satire, [151] moralisait aussi bien que les autres : je m’en avise quelquefois comme Juvénal. En vérité, il convient bien aux poètes et aux médecins de dogmatiser. Les derniers sont les témoins continuels, pourquoi ne pas dire, les instruments de la mort ? Ils se familiarisent avec ces tristes objets, et cessent bientôt d’en être émus. Les autres n’y pensent jamais, et ils sont tout surpris que la mort, qu’ils ont affecté d’oublier, daigne se souvenir d’eux. [24]
Omnis Aristippum decuit color, et satus, et res. ”
Un courtisan change souvent de couleur, d’état et de situation. Voilà trois mots qui pourraient produire de grands discours. Cette matière n’est pas de ma compétence, je la laisse aux poètes critiques, aux philosophes amers, ou aux auteurs envieux, plus accoutumés à décrier le courtisan riche et en faveur que les vices de la cour. [25]
« Prit sans aide d’autrui sa gaillarde volée,
Fit une entière ronde et puis, d’un cerveau las,
Comme ayant jugement, se perche sur son bras. » [29][206]
On admire encore la sphère de verre d’Archimède [207] que Cassiodore, [208] ep. 45, l. i, appelle une petite machine qui contient tout le monde, un ciel portatif, l’abrégé de l’univers, le miroir de la nature : Parvam machinam gravidam mundo, cœlum gestabile, compendium rerum, speculum naturæ. [30][209]
Pour moi, sans refuser mon attention à ces chefs-d’œuvre de l’art, j’admire bien plus les créatures raisonnables, l’esprit qui les anime et qui, en un instant, fait tant de chemin dans l’univers par une seule réflexion ; ce corps dont toutes les parties se prêtent si exactement un mutuel secours ; cette main si pliable, si mobile, si obéissante, dès que l’âme a donné son ordre et marqué sa volonté. Ce sont là des choses qui méritent une admiration ; admiration qui me porte insensiblement à dire qu’il faut que l’ouvrier d’une telle machine y ait bien pensé, et ait bien d’autres perfections que celles qui me surprennent dans l’humanité. [31]
Viderat Adriacis Venetam Neptunus in undis
Stare urbem, et tota ponere iura mari.
Nunc mihi Tarpeias quantumvis, Juppiter, arces
Obiice, et illa tui mœnia Martis : ait.
Si pelago Tybrim præfers : urbem aspice utramque
Illam homines dices, hanc posuisse Deos. [33]
Carmina secessum scribentis et otia quærunt. ” [239]
Captivum nam te tenet ignorantia duplex :
Scis nihil, et nescis te quoque scire nihil. [38]
Il ne faut pas croire que le nom de magie se prenne toujours en mauvaise part. On distingue trois sortes de magies : de < sic pour : la > naturelle, qui produit des effets merveilleux par la seule force de la nature, comme quand le jeune Tobie guérit l’aveuglement de son père [255][256] par les entrailles d’un poisson préparé ; l’artificielle produit aussi des effets extraordinaires, mais par l’industrie humaine, comme la sphère de verre d’Archimède, les serpents d’airain de Sévère qui sifflaient, et toutes ces choses rares que l’art invente ; ces deux sortes de magies sont bonnes en elles-mêmes, mais souvent elles portent les hommes dans des curiosités superstitieuses ; à l’égard de la magie noire, elle est toujours criminelle parce qu’elle suppose un pacte avec les démons. Il y a des gens qui doutent ou qui font semblant de douter qu’il y ait des magiciens. Je viens de le dire, la question de droit est incontestable. L’Écriture Sainte défend de consulter les magiciens et fait mention de ceux de Pharaon, [257] qui imitèrent les véritables miracles que Dieu opéra par le bras de Moïse. [258] Il y est encore parlé des magiciens de Manassé, [259][260] de la pythonisse que Saül [261] consulta, [262] de Simon, [263] qui vécut du temps des apôtres, de Bar-Jésus [264] et d’une autre devineresse, du corps de laquelle saint Paul chassa le démon. [265] Les conciles fulminent des anathèmes contre les magiciens ; le droit civil ordonne diverses peines contre eux. Le Parlement de Paris ne reconnaît point, dit-on, des sorciers : cela n’est pas vrai ; d’ailleurs, son autorité ne devrait prévaloir à celle de l’Écriture Sainte, des Pères, des jurisconsultes. Pour montrer que le Parlement de Paris reconnaît les sorciers, il ne faut que lire quelques arrêts rendus en 1548, 1577 et 1578, par lesquels des gens atteints et convaincus de sortilège ont été condamnés d’être brûlés vifs. [266] L’opinion des juges n’a point changé dans le principe ; mais comme ils connaissent les accusations, ils voient que tous les gens qui sont soupçonnés de magie n’en sont pas coupables, ainsi qu’il paraît par l’Apologie que mon bon ami M. Naudé a faite pour justifier tous les grands personnages qui en ont été accusés. [267] Il y a plus de sorcières que de sorciers à cause de la faiblesse d’esprit et de la grande curiosité des femmes. [39]
Tu ergo age, abii ; ægram adi anum, atram eme ovem, album ede ovum, ante agrum ubi hoc est.
Il y a dix-huit mots dans ce vers. Dans chacun de ceux qui suivent, il n’y en a que deux.
Perturbabantur Constantinopolitani
Innumerabilibus sollicitudinibus.
La cadence de ces vers n’est pas trop harmonieuse. Mon fils Charles [293] n’avait que douze ans qu’il censurait déjà cette poésie. [48]
Damnosa quid non imminuit dies ?
Ætas parentum, pejor avis, tulit
Nos nequiores, mox daturos
Progeniem vitiosorem.
Que de vérité dans cette pensée d’Horace (l. iii, Od. 6) ! [50][297] l’expérience de nos jours la confirme : nous enchérissons sur les vices de nos pères, la postérité se reconnaîtra dans les nôtres, et les siens, entés sur notre corruption, augmenteront la sienne.
1. |
Aucun argument probant tiré de ses écrits ou des témoignages laissés par ses contemporains ne permet de penser que Guy Patin, natif de Picardie, soit jamais sorti d’Île-de-France et de ses provinces limitrophes. Rien n’autorise, par exemple, à croire qu’il soit jamais allé visiter ses correspondants les plus assidus à Lyon (André Falconet et Charles Spon) ou à Troyes (Claude ii Belin). Sa phobie de ce qu’il appelait la pérégrinomanie (v. note [7], lettre 415) lui a fait refuser de prestigieux emplois médicaux en Suède, en Italie (Bologne et Venise), en Lorraine, en Savoie ou au Danemark : entre plusieurs autres, sa lettre à Spon du 17 août 1655 (fin du premier paragraphe) est particulièrement expressive à cet égard. Néanmoins, ce casanier convaincu prisait la lecture des récits de voyages lointains. Il ouvrirait ici le rayon « Géographie et voyages » de sa bibliothèque, en citant 20 ouvrages ; mais rien ne garantit qu’il ait lui-même dressé cet impressionnant et instructif catalogue car, de son vivant, trois de ses références n’avaient paru qu’en italien.
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2. |
« le jour de mon [44e] anniversaire ». Tout ce passage, placé “ entre guillemets anglais ”, reprend presque mot pour mot un fragment de la lettre que Guy Patin a écrite à André Falconet le 5 novembre 1649 (fin du premier paragraphe, v. ses notes [9]‑[11]). Patin déclarait ici (comme il a fait bien ailleurs) ses plus grandes admirations littéraires latines, anciennes et modernes (j’ai remplacé le Grec Lucien de Samosate par le poète latin Lucain). Il confirmait précieusement ses entretiens de 1643 avec Hugo Grotius, qu’il a consignés dans le Grotiana. Le seul autre auteur qu’il ait bien connu de son vivant est Claude i Saumaise (mort en 1653, v. note [11], lettre 51), mais il n’est rien resté de leur correspondance. Patin a aussi parlé de la mort et des hésitations religieuses de Grotius dans sa lettre du 24 octobre 1645 à Charles Spon (v. ses notes [8]‑[14]) ; mais sans y faire état de la maladie que lui engendra ce chagrin. |
3. |
« et cependant je ne suis pas allé jusqu’au point d’impiété qu’Ovide a jadis atteint, pleurant un ami mort : “ Quand je vois le malheur nous arracher les plus vertueux, pardonne-moi cet aveu, je suis tenté de croire que les dieux n’existent pas ” » {a} |
4. |
« Devenu parfait en peu de temps, il a fourni une longue carrière ; il a été tôt enlevé de peur que la malice n’altérât son intelligence » (Livre de la sagesse, 4:13 et 11). Au xviie s., survivre était un verbe transitif : « vivre plus qu’un autre avec lequel on a relation, “ Ce mari a survécu sa femme de 12 ans ” » (Furetière). Ce paragraphe est inédit, peut-être tiré du manuscrit, aujourd’hui perdu, de la lettre 206 à André Falconet citée dans la note [2] supra. |
5. |
Cet article reprend un fragment de la lettre (2e paragraphe daté du 26 décembre) que Guy Patin a écrite à Charles Spon le 30 décembre 1653, dont le manuscrit a été conservé. Cela autorise quelques commentaires sur la manière dont les rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin ont travaillé, au delà des simples adaptations de la syntaxe.
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6. |
« Un immense défenseur des rois, un athlète de Dieu, est enterré sous ce petit tombeau. Saumaise a achevé sa vie en son voyage à Spa, Utrecht [sic pour Maastricht] en garde tristement les cendres et les os. Il a péri parce qu’il était mortel, son autre partie a été rendue aux cieux. Qu’elle y devienne la plus grande, il ne peut en exister de plus savante. » Cet article (dont j’ai corrigé le latin, truffé de fautes grossières qui le rendent incompréhensible) est la transcription mot pour mot du 2e paragraphe de la lettre que Guy Patin a écrite à Charles Spon le 6 janvier 1654 (v. sa note [4]). |
7. |
Ces vers appartiennent à la Remontrance au peuple de France. Imprimé nouvellement (sans lieu ni nom, 1563, in‑4o de 34 pages) de Pierre de Ronsard. Le poète y critique l’Église romaine et ses rites, avec :
La citation de L’Esprit de Guy Patin vise les débauches des prélats, au fo C ro‑vo, et justifie trois remarques.
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8. |
Ces autres vers viennent de l’Élégie de P. de Ronsard Vendômois, sur les troubles d’Amboise, mille cinq cent soixante. {a} À Guillaume Des Autels, gentilhomme charolais, {b}fos Aiii vo‑[Aiv] ro.
Les « découpés courtisans » me semblent désigner les courtisans que leurs rivalités et intrigues opposent et divisent. La paillarde est la paillardise, ou « péché de la chair » (Furetière). Avec ces deux citations de Ronsard, si c’était bien lui qui les avait choisies (et non les rédacteurs du Faux de Patiniana), Guy Patin ironiserait sur sa sincère inclination vers le protestantisme (v. note [15], lettre 97) et confirmerait son goût pour ce poète, qui reste, avec Joachim Du Bellay (v. note [14], lettre 739), l’un des plus célèbres du xvie s. français. |
9. |
Ce commentaire, clairement attribuable aux rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin, disait où en étaient, au tout début du xviiie s., deux règles promulguées de longue date par le pouvoir royal, avec plus ou moins d’effet.
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10. |
Ce mémorable article sur les préséances sociales des médecins reprend fidèlement, avec quelques allégements et variantes de syntaxe, une partie du 5e paragraphe de la lettre que Guy Patin a écrite à André Falconet le 5 novembre 1649, en mémorable et distrayant souvenir de sa participation à la procession de la Fête-Dieu de 1628, célébrée le 5 juin (v. ses notes [19]‑[21]). Le latin et cujus pars magna fui se traduit par « et dont je fus la principale partie ». Il est impossible de savoir laquelle des deux versions de ce fragment est la plus conforme au manuscrit aujourd’hui perdu. Toutefois, étant donné leur incurie (v. supra note [5]), j’ai vite abandonné l’idée que les rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin aient pu consulter les originaux de lettres qui se sont volatilisés, sans plus aucun espoir d’en trouver de précieux vestiges. Antoine Lancelot, Laurent Bordelon et consorts se sont contentés de picorer dans l’édition imprimée des Lettres, en accommodant à leur sauce les miettes qu’ils y ont prélevées. Leurs additions aux extraits qu’ils en donnent sont usurpées : le manuscrit de la lettre, quand il existe encore, ne les authentifie jamais ; il me paraît donc légitime de tirer la même conclusion pour les autres, qui ne nous ont été transmises que par les recueils imprimés (c’est-à-dire, notamment pour toutes celles de Patin à Falconet). |
11. |
Dans sa correspondance, Guy Patin a parlé une fois de l’humaniste italien du xviie s. Pierius Valerianus (v. note [23], lettre 164) et ses deux livres « sur l’Infortune des écrivains » (Venise, 1620). On le retrouve sous la plume de Patin dans les triades du Borboniana (v. leur note [16]) pour ses Hieroglyphica (Lyon, 1602), et aussi dans le Patiniana I‑1 (v. sa note [39]) pour trois autres de ses ouvrages non mentionnés ici : les corrections sur Virgile (Rome, 1521), et les traités sur la Sphère (Paris, 1561) et sur les éclairs (Rome, 1517). S’ajoute ici la : Pierii Valeriani Defensio pro sacerdotum barbis. Elle est adressée au cardinal Ippolito de Médicis (1511-1535, nommé en 1529), avec privilège du pape Clément viii, {b} accordé pour cinq ans. Ces deux phrases de la conclusion en résument le propos (avant-dernière page de l’édition de 1531) : Si ex Antiquorum institutis, sanctissimisque præceptis, ratio vobis allata est, cur barbam omnino promittere debeamus, ut Christi scilicet et eius Discipulorum, totque aliorum integerrimæ vitæ Patrum exempla nobis sequenda proponamus : opprobria et ignominiosos eventus molliciei suspicionem et calumnias evitemus : Viri denique potius quam fœminæ videamur. Nam quid Barbæ demum nos pudeat, si quid barba sit et ut gravem honestumque Virum deceat ostensum : Si quantum ad Sacerdotis dignitatem existimationemque faciat exploratum. Ce n’est sans doute pas par pur hasard qu’on retrouve tous ces ouvrages de Valerianus et de copieux détails sur sa biographie dans les Éloges de Jacques-Auguste i de Thou, avec les deux additions qu’Antoine Teissier y a apportées (Genève, 1683, tome premier, pages 23‑24, et seconde partie, pages 393‑394), car ce recueil appartient à la bibliographie des rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin (v. infra note [12]). |
12. |
V. note [4], lettre 840, pour le médecin Jean Gonthier (ici Guintier) d’Andernach (mort en 1574), et la fin de la note [19] du Borboniana 8 manuscrit pour l’empereur germanique Ferdinand ier, frère de Charles Quint. Comme sans doute le début de cet article (v. supra note [11]), sa fin est sûrement et intégralement empruntée à l’addition d’Antoine Teissier (1632-1712, historiographe et avocat au présidial de Nîmes) au chapitre sur Jean Guintier dans les Éloges des hommes savants tirés de l’Histoire de M. de Thou… (imprimés pour la première fois à Genève, Jean Herman Widerhold, 1683, 2 volumes in‑12, tome premier, pages 452‑453 ; v. seconde notule {a}, note [23] du Naudæana 1, pour les quatre tomes d’une autre édition parue à Leyde en 1715). L’Esprit de Guy Patin lui prêtait le souhait d’acquérir le : V. Cl. D. Joan. Guinteri Andernaci Gynæciorum Commentarius, de gravidarum, parturientium, puerperarum et infantium cura. Nunc primum e Schenckiana Bibliotheca in lucem emissus. Accessit Elenchus auctorum, in re medica cluentium, qui Gynæcia scriptis clararunt et illustrarunt. Opera et Studio Joan. Georgii Schenckii, Hagenoensis Poliatri. |
13. |
La chamaillerie aurait pu opposer Guy Patin à l’un de ses jeunes collègues : Toussaint Fontaine (reçu docteur régent de la Faculté de médecine de Paris en 1642, v. note [6], lettre 698), ou (moins probablement, car mort en 1650) Toussaint Foucaut (reçu en 1648, v. note [10], lettre 224).
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14. |
Cet article est un nouvel emprunt à la lettre du 5 novembre 1649 (v. ses notes [23] et [24]), à la fin du paragraphe sur la préséance des médecins (v. supra note [10]), avec :
Le paragraphe qui suit, sur la distinction entre obligations de moyen et de résultat, pour les médecins comme pour les avocats, est une addition originale de L’Esprit de Guy Patin. |
15. |
Cet article provient de la lettre que Guy Patin a écrite à Charles Spon le 8 janvier 1650 (v. ses notes [30] et [31]). La dernière phrase est une addition originale, conforme aux jugements ordinaires de Patin sur l’astrologie. |
16. |
« Voici une vaine superstition qu’on observe presque partout en notre patrie : quand une femme est près d’accoucher, des gens lui prennent la ceinture ou la courroie dont elle s’entoure la taille, et accourent à l’église ; ils l’accrochent comme ils peuvent à la cloche et la font sonner trois fois, en croyant ainsi favoriser une heureuse délivrance, ce qui est futile et superstitieux. » Ce curé de village (impossible à identifier) avait débité à Guy Patin (ou aux rédacteurs de son Esprit ) un passage du : Tractatus de Superstitionibus, contra Maleficia seu Sortilega quæ hodie vigent in orbe terrarum : In lucem nuperrime editus. Auctore D<omino > Martino de Arles : in sacra Theologia professore : ac canonico et archidiacro Pamp.. Ce récit est à la fin du chapitre intitulé Ponit quastam superstitiones ut per illas intelligere possumus innumeras alias [Présentation de certaines superstitions nous permettant d’en comprendre d’innombrables autres], fo 25 ro‑vo. J’y ai corrigé les fautes tant du texte imprimé dans cette édition que de la transcription donnée par le Patiniana. La suite complète utilement le propos de l’auteur : Nam quod ter campana sonet hoc potius fit ut ex hoc omnes audientes devote orent pro tali parturiente et fere periclitanti offerentes beatæ Virgini ter Angelicam salutationem : ut illa quæ immunis et libera fuit a tali dolore sicut ab omni peccato liberet huiusmodi mulierem a periculo illius horæ. |
17. |
Cet article n’est pas tiré d’une des lettres de Guy Patin qui ont survécu au temps. La respectueuse déférence qu’il exprime envers celui qu’il appelait ordinairement « le Mazarin » (ou bien pire) surprend au point de mettre en doute l’authenticité complète de ce passage ; « faire fonds » y est à comprendre comme « être payé en argent comptant ». |
18. |
Ces deux articles sont empruntés à la lettre que Guy Patin a écrite à Charles Spon le 17 septembre 1649.
|
19. |
Ces deux articles viennent de lettres (dont les originaux ont été perdus) que Guy Patin a écrites à Charles Spon :
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20. |
V. note [38] du Borboniana 5 manuscrit pour l’avis que, dans ses Politiques, Juste Lipse a émis sur Paul Jove (v. note [2], lettre 533). Guy Patin n’a jamais écrit de livre d’histoire, mais il a donné large et libre cours à sa manière de considérer cette matière et ses contemporains dans ses lettres et ses ana, sans du tout y exceller par son impartialité. Cet article est de la même eau que celui du Patiniana I‑3 sur le même sujet (v. ses notes [45]‑[47]). Toutefois, les rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin ont pris toute leur matière dans l’addition d’Antoine Teissier (v. supra note [12]) à l’éloge de de Thou sur Paul Jove (Genève, 1683, tome premier, pages 65‑67). |
21. |
Cette séquence de quatre articles vient de lettres de Guy Patin.
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22. |
Quatrain de John Owen intitulée De Thoma Pantschmano [Sur Thomas Pantschman] : {a} « Tu envoies grasses poulardes, perdrix et faisans aux riches, mais rien aux pauvres. Si tu veux envoyer à chacun ce qui lui convient, alors envoie de la nourriture aux pauvres et la faim aux riches. » Le Mans, Cenomanum en latin, capitale du Maine (dans l’actuel département de la Sarthe), était un évêché suffragant de Tours. Poulardes et chapons faisaient déjà la réputation de son terroir, mais Trévoux disait (après Furetière) que « les chapons de paillier, [c’est-à-dire] engraissés dans la basse-cour, sont meilleurs que ceux du Mans, qu’on engraisse par artifice ». Le premier président du Parlement de Paris avec qui Guy Patin avait suffisamment de familiarité pour lui envoyer des victuailles était Guillaume de Lamoignon, élevé à cette charge en 1657 (v. note [43], lettre 488). Je n’ai identifié ni « G.E. » ni « T.M. ». V. note [9], lettre 10, pour l’épouse de Patin, née Jeanne de Janson. Le déguisement de cet article est si ingénieux qu’on pourrait s’y méprendre, mais il ne sert qu’à placer une épigramme d’Owen, poète que Patin ne citait jamais. |
23. |
Les deux vers latins ne sont pas de Martial. Ils concluent la curieuse épigramme lxviiii d’Ausone intitulée Quæ sexum mutarint [Les créatures qui auraient changé de sexe], page [D5] vo, repère 38 de ses Opera) : {a} Vallebanæ res nota, et vix credenda poetis : Ferdinand Nunnez est le nom francisé de Hernan Nuñez de Toledo y Guzman (Valladolid 1475-Salamanque 1553), en latin Ferdinandus Nonius Pintianus (natif de Pintia, nom latin de Valladolid). Humaniste espagnol, il enseigna le grec à Alcala de Henares, puis la rhétorique à Salamanque. Il a contribué à la rédaction de la Biblia poliglota Complutense [Bible polyglotte d’Alcala], première Bible trilingue (hébreu, grec, latin) jamais publiée, sous la direction du cardinal Jiménez de Cisneros (v. note [21] du Borboniana 8 manuscrit), imprimée en 1520. Pour chercher à éclaircir cette curieuse affaire, j’ai feuilleté deux des autres ouvrages de Pintianus (alias Nuñez).
Il me paraît impossible d’en déduire que Nuñez se disait lui-même androgyne, comme aurait prétendu le jésuite espagnol Jeronimo Roman de la Higuera (Tolède 1538-ibid. 1611), historien dont les ouvrages se sont avérés cousus de faussetés et de supercheries. Son élucubration sur l’ambiguïté sexuelle de Nuñez doit être enfouie dans l’un de ses nombreux ouvrages, tous écrits en espagnol. L’article de L’Esprit de Guy Patin ne vient pas de la conversation de Patin : il reproduit mot pour mot (avec la même attribution erronée des vers d’Ausone à Martial) l’addition d’Antoine Teissier (v. supra note [12]) à l’éloge de Nuñez par de Thou (Genève, 1683, tome premier, page 70). |
24. |
L’épitaphe stoïque de Ferdinand Nunnez (Hernan Nuñez) conclut son éloge, qu’Antoine Teissier (v. la fin de la note [23] supra) dit avoir emprunté à L’Histoire universelle de Jacques-Auguste i de Thou, mais que je n’y ai pas trouvée : « Pour ce qui était des mœurs, il était pieux, et véritable en ses discours ; mais il était railleur, et censurait vivement tous les autres. Au reste, il méprisait le faste et la gloire. Il ne se maria point, et ne but jamais de vin. Sa table était sobre, mais honnête, et il y recevait avec joie ses amis et ses disciples. Il mourut âgé de plus de 80 ans {a} et légua sa bibliothèque à son École, et ses biens aux pauvres. Il fut enterré dans une chapelle basse de l’église de Sainte-Suzanne, auprès de la porte par où on va à la rivière de Tormes ; et l’on ne mit sur son tombeau, comme il l’avait ordonné, que ces quatre paroles : La mort est le plus grand bien de la vie. » Étant donné les soupçons qui pèsent sur l’authenticité de cet article, il serait téméraire d’attribuer à Guy Patin les réflexions sceptiques, voire libertines, et les deux citations latines qui commentent l’épitaphe :
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25. |
Ces deux articles viennent de lettres que Guy Patin a écrites à :
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26. |
Ces deux articles recopient une bonne partie de la lettre que Guy Patin a écrite à André Falconet le 21 octobre 1653 (v. ses notes [2] et [3], et [5]‑[7]). Les deux additions fournies par L’Esprit de Guy Patin (marquées par l’absence de guillemets anglais dans ma transcription) ne sont pas attribuables à Patin : c’est, comme osent ici dire les brodeurs du Faux Patiniana, « répandre du médiocre qui n’est point de lui ». |
27. |
Cet article n’est pas tiré des lettres ou de la conversation de Guy Patin, mais adapte très fidèlement un passage du livre ii, chapitre i (pages 103‑104) {a} du : Traité des Superstitions selon l’Écriture Sainte, les décrets des conciles et les sentiments des saints Pères et des théologiens. Par M. Jean-Baptiste Thiers, {b} bachelier en théologie, et curé de Vibraye. Seconde édition revue, corrigée et augmentée., {c} Tome premier. {d} Le Patiniana I‑3 a aussi relevé et commenté les propos de Melchior Canus (Melchor Cano) dans ses douze livres de Locis theologicis [sur les Lieux théologiques] (Louvain, 1564) ; v. ses notes :
Je n’ai pas cherché à identifier « le sieur V.R. » : ce n’est qu’un pseudonyme de circonstance que le Faux Patiniana a inventé pour enrober son plagiat en lui donnant un semblant de vraisemblance. |
28. |
Ces trois articles commentent à leur mode les extraits de deux lettres que Guy Patin a écrites à André Falconet, dont les manuscrits ont disparu.
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29. |
Ce nouvel emprunt au Traité des Superstitions de Jean-Baptiste Thiers {a} copie mot pour mot (en l’abrégeant un peu) un passage sur la « magie artificielle » du livre ii, chapitre iv (pages 128‑129), intitulé : De la Magie. Ce que c’est ? Qu’il y en a de trois sortes. Que la magie noire ou diabolique est une espèce de superstition. Que tous ceux qui sont accusés de magie ne sont pas magiciens. Que notre Seigneur Jésus-Christ et quantité de grands personnages ont été faussement accusés. Que le Parlement de Paris et plusieurs autres parlements ont reconnu et condamné plusieurs magiciens. Que la magie noire est condamnée par les lois divines et humaines, aussi bien que ceux qui en font profession. Paroles remarquables d’Agrippa {b} touchant les magiciens. Que les magiciens sont coupables de quinze crimes énormes. La curiosité m’a poussé à mieux identifier les ingénieuses merveilles antiques qui y sont mentionnées.
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30. |
Cette référence latine, précédée de sa traduction en français, est aussi empruntée à la page 129 du Traité des Superstitions de Jean-Baptiste Thiers (v. supra note [29]). Elle vient à nouveau de la lettre xlv (page 19 vo) de Théodoric à Boèce publiée par Cassiodore, sur les merveilles de l’industrie humaine (avec mise en exergue du passage cité) : Parva de illa referimus, cui cœlum imitari fas est. Hæc enim fecit secundum solem in Archimedis sphæra decurrere ; hæc alterum zodiacum circulum humano consilio fabricavit. Hæc lunam defectu suo reparabilem artis illuminatione monstravit ; parvamque machinam gravidam mundo, cœlum gestabile, compendium rerum, speculum naturæ ad speciem ætheris incomprehensibili mobilitate volutavit. Sic astra quorum licet cursum sciamus, fallentibus tamen oculis, prodire non cernimus ; et quæ velociter currere vera ratione cognoscis, se movere non respicis. Quale est hoc homini etiam facere, quod vel intellexisse potest esse mirabile. Le roi Théodoric s’extasiait ici devant la sphère armillaire des astronomes de l’ère précopernicienne qui plaçaient la Terre au centre de l’univers et représentaient la gravitation des planètes et du Soleil autour d’elle (géocentrisme). Dérivée du latin armilla [bracelet], armillaire est « une épithète que les astronomes donnent à une sphère composée de plusieurs cercles de carton, ou de cuivre, qui servent à représenter et à expliquer plus sensiblement la constitution du ciel et les mouvements des astres » (Trévoux). Sa version simplifiée, en deux dimensions, a donné naissance à l’astrolabe. Archimède de Syracuse, mathématicien grec du iiie s. av. J.‑C., est réputé avoir décrit, dans un ouvrage de mécanique aujourd’hui perdu, intitulé La Sphéropée, un emboîtement de sphères de verre concentriques, préfigurant la sphère armillaire. |
31. |
Ce commentaire naturaliste est une élucubration des rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin. Il serait fort hasardeux d’y voir une divine extase de Patin. |
32. |
Ces quatre articles sont intégralement tirés de lettres que Guy Patin a écrites à André Falconet.
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33. |
J’ai corrigé le latin de cette épigramme De mirabili urbe Venetiis [Sur l’admirable ville de Venise] : {a} « Neptune {a} avait vu Venise s’élever des ondes adriatiques, et imposer ses lois à la mer tout entière. “ Maintenant, Jupiter, dit-elle, oppose-moi autant de murailles tarpéiennes que tu voudras, et ces remparts de ton Mars. Si tu préfères le Tibre {b} à la mer, regarde ces deux villes, et tu diras que ce sont des hommes qui ont fondé Rome, mais des dieux qui ont fondé Venise. ” » {c} Cet article ne peut pas être attribué les yeux fermés à Guy Patin car, dans notre édition, la seule autre mention du poète italien Sannazaro figure dans le Naudæana 2 (v. notule {a‑i} supra) ; et surtout, j’ai identifié deux sources où les peu scrupuleux rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin ont pu puiser toute la matière de leur article.
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34. |
« ils désirent vivre, mais ils détruisent tout ce qui favorise la vie. » Cette citation orpheline peut correspondre à l’esprit de Guy Patin ; mais forger un proverbe italien (car on ne le lit guère ailleurs avant 1709) était moins dans ses cordes. |
35. |
Ces trois articles sont tirés de la lettre que Guy Patin a écrite à André Falconet le 13 juillet 1660 :
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36. |
Cet article est un passage de la lettre que Guy Patin a écrite à André Falconet le 16 juillet 1660, à propos d’un avortement criminel, avec la même référence à Tertulien sur ce sujet (v. sa note [3]) : « Quant à nous, l’homicide nous étant défendu une fois pour toutes, il ne nous est pas même permis de faire périr l’enfant conçu dans le sein de la mère, alors que l’être humain continue à être formé par le sang. C’est un homicide anticipé que d’empêcher de naître, et peu importe qu’on arrache la vie après la naissance ou qu’on la détruise au moment où elle naît. C’est un homme déjà ce qui doit devenir un homme ; de même, tout fruit est déjà dans le germe. » |
37. |
L’authenticité de cet article ne semble pas douteuse à première vue, parce que Guy Patin était grand familier de « M. le P.P. », le premier président Guillaume de Lamoignon (v. supra note [22]), et avait du goût pour les relations d’expéditions lointaines (v. supra note [1]). Néanmoins, il s’agit d’une habile supercherie des rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin, car ils plagient un intéressant passage de la : Nouvelle Géographie ou Description exacte de l’univers. Tirée des meilleurs auteurs, tant anciens que modernes, et principalement de MM. de l’Académie royale des sciences, de Sanson, Blaeu, Brier, du Val, Cluvier, Baudrand, et autres. Enrichie d’un très grand nombre de cartes et de figures des nations. Ouvrage très utile à ceux qui veulent avoir une parfaite connaissance de l’état présent du monde et de ses parties, suivant les dernières découvertes. Par M. D. Martineau du Plessis, géographe. {a} L’île de Sainte-Hélène y est décrite dans le 3e volume, chapitre xvi, Des Îles de l’Afrique (article i, § vii, pages 140‑141) : « Ainsi nommée à cause qu’elle fut découverte le jour de la fête de cette sainte par Jean de Nova, Portugais, ou selon d’autres, Jean Pimentel, aussi Portugais, qui y fut jeté par la tempête en 1502 ; {b} est située au 16e degré de latitude méridionale et à 520 lieues {c} du cap de Bonne-Espérance. Elle est petite, mais fertile, et jouit d’un air très sain parce que les ardeurs du soleil sont tempérées par les rosées et par les vents. Les Portugais, qui n’avaient pas eu soin de fortifier dans cette île, en ont été chassés depuis quelques années par les Anglais, {d} qui y ont bâti un bon fort, dans le seul endroit où l’on peut aborder, parce que les côtes sont toutes couvertes de hauts rochers. Les vaisseaux de la Compagnie anglaise des Indes Orientales, à laquelle cette île appartient, y prennent des rafraîchissements et surtout de l’eau douce, qui y est très bonne. C’est sans doute pour cette raison que cette île s’appelle l’Hostellerie des Mariniers. {e} On croit qu’elle est de toutes les îles du monde la plus éloignée de la terre ferme, puisque la distance de la côte occidentale de la Cafrerie, qui en est la plus proche, contient plus de 350 lieues. » {f} |
38. |
Distique de John Owen intitulé In ignorantem arrogantem, Linum [Contre Linus, arrogant ignorant] : {a} « Une double ignorance te {b} retient captif : tu ne sais rien, et tu ignores aussi que tu ne sais rien. » Cet article est inédit (et probablement factice étant donné la référence à Owen) ; je n’ai pas identifié le « confrère N… » de Guy Patin, tant est grand le nombre de ceux à qui il croyait pouvoir appliquer cette raillerie. |
39. |
En dépit de l’illusion forgée par « mon bon ami Naudé », cet article réunit deux larges emprunts à Jean-Baptiste Thiers Traité des Superstitions (Paris, 1697, tome premier, v. supra note [27]), livre deuxième, chapitre iv, De la magie.
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40. |
Ces deux articles sont extraits de lettres que Guy Patin a écrites à André Falconet :
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41. |
Quand il condamna aux flammes la bibliothèque romaine du mont Palatin, {a} le saint pape Grégoire ier, dit le Grand, {b} est réputé avoir détruit la plus grande partie des 142 livres de l’Histoire de Rome (Ab urbe condita) de Tite-Live (mort vers l’an 17 de l’ère chrétienne), dont seuls 35 nous sont restés. {c} François i La Mothe Le Vayer, plutôt que Guy Patin, a pu inspirer les rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin, avec ce passage sur Tite-Live, {d} où il tourne subtilement en dérision la sainte censure pontificale : « Je me trouverais plus empêché à répondre au zèle de Grégoire le Grand, qui ne pouvait souffrir les œuvres de Tite-Live dans pas une bibliothèque chrétienne, à cause de ses superstitions païennes, ce que je me souviens avoir lu dans la préface de Casaubon sur Polybe. Et certainement on ne saurait nier que son Histoire ne soit remplie d’une infinité de prodiges qui témoignent un grand attachement à l’idolâtrie. Tantôt un bœuf a parlé ; tantôt une mule a engendré ; tantôt les hommes et les femmes, les coqs et les poules ont changé de sexe. Ce ne sont que pluie de cailloux, de chair, de craie, de sang et de lait. Les statues des dieux ont parlé, ont pleuré, ont sué le sang tout pur. Combien y lit-on de spectres apparus ? d’armées prêtes à se choquer au ciel ? de lacs et de fleuves de sang ? En vérité, jamais historien n’a tant rapporté de ces vaines créances du peuple qu’on en voit en celui-ci. Et néanmoins, outre qu’il faudrait condamner presque tous les livres des gentils si notre religion recevait quelque préjudice de semblables bagatelles, on pourrait encore représenter au pape Grégoire que Tite-Live ne débite toutes celles dont nous venons de nous souvenir, et quelques autres de même nature, que comme de sottes opinions du vulgaire et des bruits incertains dont il se moque le premier, protestant souvent que, bien qu’il soit obligé de les rapporter à cause de l’importante impression qu’ils faisaient sur la plupart des esprits d’alors, ce qui donnait quelque branle {e} aux affaires, il n’y aurait néanmoins que de la vanité et de l’imposture en tout cela. » {f} |
42. |
Aucun recueil de Proverbes n’a jamais été publié par un dénommé Érasme Costard. Ce début d’article n’a pas été corrigé dans l’édition suivante de L’Esprit de Guy Patin (1710). Il me semble ne devenir sensé qu’en remplaçant « On trouve dans les Proverbes d’Érasme Costard… » par « On trouve dans les Adages d’Érasme… ». Cela s’accorde en effet avec ce qui est dit ensuite ; v. infra note [43], où l’on verra aussi un lien probable avec l’abbé Pierre Costar (v. note [5], lettre 323). |
43. |
Cette citation renvoie à l’adage no 1015 d’Érasme, Leporem non edit [Il n’a pas mangé de lièvre] : Antiquitus superstitiose creditum est, esu leporinæ pulpæ conciliari formam. […] Lampridius scribit, poetam quemdam in Alexandrum Severum, quod quotidie vesceretur Leporina, ita lusisse :Pulchrum quod vides esse nostrum regem, Pour en revenir à l’abbé Pierre Costar, {a} il n’est pas là tout à fait par hasard : le propos de Lampridius est cité, élégamment traduit et savamment commenté (sans référence à Érasme) dans Les Entretiens de Monsieur de Voiture et de Monsieur Costar, {b} lettre xxv (pages 189‑192), Monsieur Costar à Monsieur de Voiture. En reprochant leur négligence aux éditeurs de L’Esprit de Guy Patin, je conclus que leur article bancal ne peut pas être attribué à Patin, et leur attribue sans l’ombre d’un doute le commentaire (qui suit leur citation latine) dont ils ont assorti leur divagation. |
44. |
« Délivre-nous, Seigneur, de la furie des Normands. » Guy Patin a appliqué cette supplique aux exactions du cardinal Mazarin pendant le siège de Paris (1649, v. note [9], lettre 176) ; en outre, il s’est souvent défié des Normands, se plaisant par exemple à les dire issus du « pays de Sapience » (v. note [3], lettre 41). Toutefois, cela n’en fait pas l’auteur de cet article, car les rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin ont trouvé pire contempteur que lui en la personne de Louis Moréri (v. supra note [33]), et ils ont indiscutablement tiré leur matière de ce qu’il a écrit sur la Normandie dans son Grand Dictionnaire (Lyon, 1674, page 988) : « Ceux de cette province sont ingénieux, mais colères et chicaneurs. Le reproche qu’on fait aux Normands ne se doit prendre que pour ceux de la lie du peuple. Les autres sont braves et généreux. Clovis réduisit ce pays en province ; elle fit une partie du royaume de Soissons. Depuis, les Normands, peuples sortis du Nord, {a} après avoir piraté le long des côtes de la mer, se jetèrent dans la France, du temps de Charles le Chauve, et ils y firent des dégâts incroyables. {b} Ces courses durèrent environ quatre-vingts ans ; la résistance fut souvent inutile ; il en fallut venir à des tributs honteux, et toutes ces sommes d’argent ne faisaient qu’attirer davantage les barbares. Ils assiégèrent trois fois Paris, {c} et ils effrayèrent si fort les habitants de cette grande ville que, dans leurs oraisons publiques, ils priaient Dieu qu’il les délivrât de la fureur des Normands. » {d} La suite de l’article est un commentaire des auteurs de L’Esprit de Guy Patin, qui ont cru mieux leurrer leurs lecteurs en vantant la supériorité des Picards (comme était Patin) sur les Normands. |
45. |
Conrad Pellican {a} (Rouffach, Alsace 1478-Zurich 1556) a été l’un des fondateurs des études hébraïques en Europe. D’abord moine franciscain, il se convertit au protestantisme naissant et quitta son couvent de Bâle pour enseigner la théologie à Zurich. Il a contribué à la traduction de la Bible en allemand par Ulrich Zwingli {b} et Leo Jud (Zurich, 1531). Entre autres ouvrages, il a publié :
Cet article de L’Esprit de Guy Patin ne vient pas de lui : il abrège l’addition d’AntoineTeissier à la biographie de Pellican dans les Éloges des hommes savants tirés de l’Histoire de M. de Thou… (Genève, 1683, première partie, pages 95‑97, v. supra note [23]). Melchior Adam {a} a donné une longue et instructive Vita Pellicani [Vie de Pellicanus] dans ses « Vies des théologiens allemands » (pages 262‑299). {b} Je n’y ai pas lu l’anecdote (rapportée par Teissier) sur l’absence de Nouveau Testament grec en Allemagne au début du xvie s. En 1499, ce qui intéressait le plus Pellican était de sortir la langue hébraïque de l’ignorance où le mépris des juifs l’avait ensevelie dans ce pays, et plus généralement, dans toute la chrétienté ; avec ce passage sur l’étonnante manière dont l’autodidacte Pellican a excellé dans la connaissance de l’hébreu (pages 269‑270) : Contigit eodem anno mense Augusto, ut ascenderet cum Paulo præceptore Ulmam, ubi audierat esse sacerdotem virum bonum, Ioannem Beham cantorem, qui a Judæis Ulmensibus antequam expellentur, didicerat Hebræa : et multa habebat multo æere redemta, a paupere quodam Judæo elegantissimo scriptore, inter alia fragmentum Grammaticæ de conjugationibus verborum et literarum transformationibus, incerti authoris, et aliud quoddam. Utrumque curaverat ille multo ære transferendum in Germanicam linguam a Judæo, nihil prorsus de Hebraica grammatica intelligente. Nec enim Pellicanus eo usque invenerat inter omnes Judæos quenquam, nec in Alsatia, nec Wormatiæ, nec Francofurdiæ, nec Ratisbonæ vel alibi, qui vel unam ei Grammaticalem quæstionem solvere potuisset. Optimus ergo ille vir rogatus, copiam ei fecit describendi utramque Grammaticam, cum interpratione Germanica. Is ergo plurimum ei profuit, et præceptoris locum apud eum meruit. Quin et postero tempore, videns ejus studium indefessum, alia quoque permisit describenda. Eodem anno providentia Dei, Bibliopola Tubingensis attulit Biblia Hebraica integra, minima forma impressa Pisauri in Italia, quæ nemo curabat. Pellicanus id audiens, rogavit virum, sineret opus aliquot diebus inspicere ; concessit librarius, dicens floreno cum dimidio posse emi. Audito tam parvo posse comparari ; exultavit Pellicanus ; adiit suum Gardianum Paulum, orans pro se fide-juberet. Quod ubi fecisset ; Crœsi divitias se adeptum putavit, statimque Spiram ad avunculum scripsit, orans ut duorum florenorum munere vel eleemonyna dignaretur, quibus pro libris comparandis pauper egeret. Statim misit ea conditione, ne se emacem ad alienam crumenam exhiberet. Satis ergo tunc ditatus, postea nil unquam ab eo petivit. Reuchlinus vero iterum reversus, cum inaudisset, eum perlegendis Bibliis Dictionnarium concinnare, et semel annotatis postea non nisi capitis numerum adscribere, si ex concordantia translationis intelligeret, certum esse vocabuli adnotati significatum : retulit, se quoque idem opus moliri, et perfecisse fere verba incipientia ab Aleph : hortatus Pellicanum, ut strenue pergeret, se quoque idem facturum : id factum medio Julii mensis. Ad finem Octobris tota Biblia hoc modo perlegit, colligens radices, et loca adsignans plurima, verbis rarioribus, et non prorsus communibus. Ad initium Novembris Stutgardiam descendens, attulit Capnioni specimen laborum : ubi videns ille diligentiam, et admiratus operis tanti tam breve tempus, quo fuerat exantlatum, dixit, se nondum absolvisse partem inicpientium a Beth. Videns autem Pellicanum singulis dictoinibus adjecisse capitum numeros ; rogabat sibi commodaret librum, quo in suo sublevari posset : ne cogeretur propter unicum vocabulum totum semper volumen evolvere. Pellicanus libenter illi gratificatus est : contra ille eidem commodato dedit exemplar manuscriptum Grammaticæ R. Mose Kimchi, quod ab eodem Judæo Germanice translatum habebat, qui Ulmensi sacerdoti alia fragmenta transtulerat. Rogabat etiam Pellicanum : ut quæ jam scripserat tumultuarie, de dictionibus ab Aleph incipientibus, transcriberet : ut aliquando typographis posset tradi. |
46. |
L’Esprit de Guy Patin plagie ici un paragraphe de L’Année chrétienne du R.P. Jean Suffren, {a} jésuite dont Guy Patin a salué la mort en disant : « S’il était le dernier de sa cabale, ce serait un beau déblai ». {b} Le passage se trouve dans la section 3, De la conversation avec les personnes de divers sexes, pages 599‑600 du chapitre vii, De la conversation et visites, ou actives ou passives, pendant le jour ; et les pratiques pour les faire utilement à l’éternité : « Je me suis grandement étonné de ce qu’écrit le B. Pierre Damien, {c} qu’en une montagne de l’Orient, il y a des pierres de feu, lesquelles sont mâles et femelles, et sont appelées boules de feu ou pyriboles : {d} ces pierres étant éloignées l’une de l’autre ne se brûlent point ; mais si la femelle s’approche du mâle, le feu sort incontinent des deux, en telle manière que tout ce qui est à l’entour de la montagne est brûlé. Le fruit que ce saint tira de cette merveille de la nature est que nous apprenions de ces pierres que si nous voulons n’être pas brûlés du feu de la concupiscence, il faut se garder d’être trop familier avec les femmes. » {e} |
47. |
La citation latine vient du Psaume 19 (verset 14) : Et ab alienis parce servo tuo : si mei non fuerint dominati, tunc inmaculatus ero et emundabor a delicto maximo. L’Esprit de Guy Patin a de nouveau emprunté sa matière au Grand Dictionnaire de Louis Moréri (Lyon, 1674, pages 205‑206, sur Benoit xii), mais en insérant deux erreurs.
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48. |
Le principe du jeu poétique est d’utiliser des formes saugrenues pour exprimer un propos sensé. Un hexamètre compte en principe six pieds.
Ces acrobaties poétiques sont aussi oiseuses que douteuses sous la plume de Guy Patin. |
49. |
Le prélat français Adon, archevêque de Vienne en Dauphiné de 860 à 875, saint de l’Église catholique, a laissé de pieuses chroniques historiques et hagiographiques. Il n’était pas contemporain de Raoul, duc de Bourgogne, roi de France (carolingien) de 923 à 936. François Eudes de Mézeray a donné une chronique de son règne, avec son portrait fictif, dans son Abrégé chronologique ou Extrait de l’histoire de France. {a} Elle se conclut sur une liste des saints qui brillèrent aux ixe et xe s. (tome i, page 272), dont le pénultième est Bernard de Romans (archevêque de Vienne, de 810 à 841) : « Ce dernier eut Audon, ci-dessus, {b} pour successeur dans sa sainteté et dans son siège ; mais il en a eu peu d’autres dans cette grande maxime du christianisme, laquelle il avait souvent à la bouche, et toujours dans l’âme : Que les biens de l’Église sont le patrimoine des pauvres, et qu’un ecclésiastique n’en a l’usage que pour les nécessités. Aussi n’avait-il pour tous domestiques qu’un prêtre et un serviteur, disant par ce bel exemple à tous les prélats que qui est grand de soi-même n’a point besoin d’équipage et de valets pour le paraître. » {c} Je n’ai pas trouvé ailleurs que dans le Faux Patiniana la réflexion finale, sur « le prélat à pied » et l’« apôtre en litière ». Je doute que Guy Patin ait ainsi emprunté à Mézeray sans citer sa source et en commettant un anachronisme de siècle. |
50. |
Ces vers d’Horace sont précédés de leur traduction, entre guillemets français. Guy Patin les a cités (sans les mettre en français) dans sa lettre du 9 avril 1658 à Charles Spon, en se lamentant sur les abus politiques, financiers et monastiques de son siècle (v. sa note [17], avec une autre proposition de traduction). |
51. |
Ammien Marcellin, Ammianus Marcellinus, est un écrivain latin du ive s. qui a laissé une histoire de Rome, intitulée Res gestæ [Faits historiques], couvrant la période allant de 96 à 378, dont il ne subsiste que 18 des 31 livres. Cet article de L’Esprit de Guy Patin reprend les propos de Pierre Bayle {a} dans ses Pensées diverses, écrites à un docteur de Sorbonne, à l’occasion d’une comète qui parut au mois de décembre 1680, {b} § vi, Que les historiens se plaisent fort aux digressions (tome premier, pages 8‑9) : « L’envie de paraître savants jusque dans les choses qui ne sont pas de leur métier leur fait aussi faire quelquefois des digressions très mal entendues ; comme lorsqu’Ammien Marcellin, à l’occasion d’un tremblement de terre qui arriva sous l’empire de Constantius, {c} nous débite tout son Aristote et tout son Anaxagoras, {d} raisonne à perte de vue, cite des poètes et des théologiens ; {e} et à l’occasion d’une éclipse de Soleil arrivée sous le même Constantius, se jette à corps perdu dans les secrets de l’astronomie, fait des leçons sur Ptolomée, et s’écarte jusques à philosopher sur la cause des parélies. {f} Mais il ne s’ensuit pas pour cela que les remarques des historiens doivent autoriser l’opinion commune, parce qu’elles ne sont pas sur des choses qui soient du ressort de l’historien. » Il est raisonnable de penser que Bayle n’a pas reproduit sans le dire un propos de Guy Patin : comme ils l’ont déjà fait dans le Faux Patiniana II‑1 (v. ses notes [11], [13] et [14]), ce sont les rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin qui ont copié Bayle (en se méprenant sur le nom de l’empereur Constance). |
52. |
Ces quatre articles viennent de lettres que Guy Patin a écrites à André Falconet :
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53. |
La source de cet article n’est probablement pas la conversation de Guy Patin, mais Jean Bernier (Blois 1627-1698), docteur en médecine de l’Université de Montpellier en 1647, « conseiller et médecin ordinaire de feue Madame, duchesse douairière d’Orléans » (Marguerite de Lorraine), qui a aussi publié plusieurs ouvrages de critique littéraire et d’histoire. Ce passage se trouve dans ses Essais de médecine, où il est traité : de l’histoire de la médecine et des médecins ; du devoir des médecins à l’égard des malades, et de celui des malades à l’égard des médecins ; de l’utilité des remèdes et de l’abus qu’on peut en faire, {a} chapitre ii, De l’origine de la médecine, et de son progrès (première partie, pages 9‑10) : « Tout cela étant donc supposé, au moins comme des conjectures raisonnables, je ne m’étonne pas si le médecin Soranus nous donne en peu de mots, et selon les lumières qu’un païen pouvait en avoir, une histoire de la médecine aussi courte et aussi vraisemblable que celle-ci : La médecine a été inventée p<ar> Apollon, augmentée par Esculape, et perfectionnée par Hippocrate. {b} Car soit que les Grecs aient entendu Dieu auteur de toutes choses et créateur de la médecine par Apollon, qui est le Soleil, ou qu’ils aient confondu cet Apollon avec Isis et Osiris, dont les noms ne signifient pas moins la médecine, en langue égyptienne, qu’ils signifient le Soleil et la Lune, il est toujours vrai qu’ils ont voulu marquer par ces fictions qu’il ne faut rapporter les origines de la médecine qu’à Dieu ; ce que leur postérité a si bien compris que quelques auteurs ont écrit depuis que l’invention en était au-dessus de l’esprit humain, qu’elle était une chose sacrée, qu’elle était la doctrine des dieux immortels, et que l’exercice n’en était pas moins noble que l’origine : Divinitus data, divinitus accepta. {c} Quant au progrès de cette science, il est assez difficile de savoir précisément ce que veut dire Soranus quand il l’a attribué à Esculape, l’histoire et la chronologie n’ayant rien de bien assuré touchant cet homme si célèbre, Celse {d} même tombant d’accord qu’il ne fut mis au nombre des dieux que parce qu’il avait commencé à décrasser la médecine. » Je n’ai pas identifié « P.L. » qui réagissait à cette citation de Bernier avec un commentaire pertinent sur l’utilité d’étudier l’histoire de la médecine. |