« et des mots creux… par la flamme et par le fer. »
La « réfraction du septenaire » était une dénomination ésotérique des sept couleurs de l’arc-en-ciel.
La résurrection de Lazare de Béthanie est la plus célèbre guérison miraculeuse opérée par Jésus-Christ. Le récit est dans l’Évangile de Jean (11:1‑44) et se conclut par ces phrases (38:44) :
« Frémissant de nouveau en lui-même, Jésus se rend au tombeau. C’était un caveau, avec une pierre par-dessus. Jésus dit : “ Enlevez la pierre ! ” Marthe, la sœur du mort, lui dit : “ Seigneur, il sent déjà : c’est le quatrième jour. ” – “ Ne t’ai-je pas dit, reprit Jésus, que si tu crois, tu verras la gloire de Dieu ? ” On enleva donc la pierre. Alors Jésus leva les yeux en haut, et dit : “ Père, je te rends grâces de m’avoir exaucé. Je savais bien que tu m’exauces toujours ; mais c’est pour tous ces hommes qui m’entourent que je parle, afin qu’ils croient que tu m’as envoyé. ” Cela dit, il cria d’une voix forte : “ Lazare, viens ici. Dehors ! ” Le mort sortit, les pieds et les mains liés de bandelettes, et le visage enveloppé d’un suaire. Jésus leur dit : “ Déliez-le, et laissez-le aller. ” »
Pour une critique de ce miracle, Gabriel Naudé se référait au :
Petri Pomponatii Mantuani summi et clarissimi suo tempore philosophi, de naturalium effectuum causis, sive de Incantationibus, Opus abstrusioris Philosophiæ plenum, et brevissimis historijs illustratum atque ante annos xxxv compositum, nunc primum vero in lucem fideliter editum. Adiectis brevibus scholijs a Gulielmo Gratarolo Physico Bergomate.
[Ouvrage de Pietro Pomponazzo, {a} natif de Mantoue, le plus grand et brillant philosophe de son temps, sur les causes des effets naturels, ou sur les Enchantements. Empli de philosophie fort occulte et illustré de courtes histoires, il a été rédigé voici 35 années et le voici fidèlement publié pour la première fois ; avec les courts commentaires que Guglielmo Gratarolo, {b} médecin natif de Bergame, y a ajoutés]. {c}
L’explication des miracles forme le septième point de l’argumentation développée dans le (chapitre 6, pages 87‑90) :
Quanquam aliqua quæ referuntur esse facta tam in historia legis Mosis quam legis Christi, superficialiter reduci possunt in causam naturalem, tamen multa sunt quæ minime in talem causam reduci possunt : veluti est de resurrectione Lazari quatriduani et iam fœtentis : de cæco a nativitate, illuminato : de saturatione tot mille hominum ex quinque panibus et duobus piscibus : de claudo a nativitate, restituto per Petrum et Joannem : de scaturitione fontis ex solo verbo : et sic fere de infinitis alijs, quorum nullum potest reduci in causam naturalem, neque immediate fuisse factum per aliquam rem creatam : diciturque ulterius ex sententia divi Thomæ in articulo 5. quæstionis de miraculis, nihil inconvenire duos effectus esse eiusdem speciei, quorum unus est factus ex miraculo, alter vero est factus per causas naturales : Nam ut ipse refert secundum Augustinum super Genesi, serpentes facti a Magis Pharaonis, facti fuerunt per causas naturales, ex procuratione dæmonum : facti autem a Mose, fuerunt facti, orationem Mosis intercedente, ex divina virtute, quanquam serpentes omnes illi essent similes. Quare et si qua reperiuntur facta in utrisque legibus, quæ etiam in causam naturalem reduci possunt : asserentibus tamen legibus illa esse facta ex miraculo, firmiter tenendum est illa fuisse vera miracula, aliqua vero eiusdem speciei non sint, sufficit Ecclesiæ catholicæ autoritas quæ spiritu sancto et verbo Dei regulatur, juxta illud Salvatoris, ero vobiscum usque ad consummationem seculi. Neque Plinius secundus in secundo libro naturalis historiæ cap. i. audiendus est, qui Mosem magicum et virum veneficum affirmat : minusque Suetonius Tranquillus respiciendus est, qui in libro de 12. Cæsaribus in vita Neronis scribit : Afflicti supplicijs Christiani, genus novæ ac maleficiæ superstitionis hominum. Nunquid autem ex omnibus ibi adductis possint aliqua reperiri quæ naturaliter etiam fieri possunt : quæ diligens inquisitor per seipsum faciliter potest discernere. Quod si quis etiam in eadem dubitatione ulterius inferret, ex votis homines non sanantur miraculo, sed ex vehementi imaginatione et consideratione infirmi habita de medico, vel ex aliquot alio huiusmodi, etiam per aliquem alium assignatorum modorum : ad hæc consimiliter dicendum est, quanquam hoc multoties contingit, non tamen semper : veluti in ægritudinibus incurabilibus secundum se, vel propter modum qui naturaliter fieri non posset, esto quod ægritudo esset sanabilis, quales fuerunt casus recitati et visi e divo Augustino, ut ipse refert in multis capitulis 22. de Civitate Dei : et breviter, quicquid habitum fuerit pro miraculo ab ecclesia, illud firmiter credendum est miraculum : et quod non habetur, etiam teneatur non miraculum : non enim aliquid ab Ecclesia catholica Dei determinatur nisi sit ex verbo Dei et spiritu sancto dirigente.
[Certaines choses que tant la Loi de Moïse que celle du Christ {d} disent s’être produites peuvent être aisément rattachées à une cause naturelle, mais il n’en va guère de même pour nombre d’autres, telles que : la résurrection de Lazare au quatrième jour, tandis qu’il empuantissait déjà ; l’aveugle-né qui a vu la lumière ; {e} les cinq pains et les deux poissons avec lesquels des milliers de gens ont été rassasiés ; {f} le boiteux de naissance guéri par Pierre et Jean ; {g} la source qui a jailli sur une seule parole ; {h} et presque une infinité d’autres, dont aucune ne peut être rapportée à une cause naturelle, ni avoir été directement provoquée par une créature quelconque. On dit en outre qu’au jugement de saint Thomas, à l’article 5 de la question sur les miracles, rien n’empêche que deux effets soient de même espèce, dont l’un survient par miracle, mais l’autre suit des causes naturelles. {i} De fait, il dit lui-même, suivant saint Augustin sur la Genèse, que les serpents que firent les mages du pharaon, le furent par des procédés naturels, et ce par la procuration des démons, tandis que ceux faits par Moïse le furent par la vertu divine, pour répondre à la prière de Moïse, quoique ces serpents fussent tous semblables. {j} Même s’il se trouve dans les deux Testaments des faits qu’il est possible de rapporter à une cause naturelle, ceux que j’en ai tirés sont pourtant bien miraculeux, et doivent être fermement tenus pour d’authentiques miracles, quand d’autres de même espèce ne le doivent pas. L’autorité de l’Église catholique y suffit, car elle est dirigée par l’Esprit Saint et par la Parole de Dieu, qui a dit : « Je serai avec vous jusqu’à la fin des temps. » {k} Il ne faut pas écouter Pline, en son Histoire naturelle, livre ii, chapitre i, quand il affirme que Moïse fut un magicien et un ensorceleur, {l} ni prêter attention à Suétone quand, dans ses Vies des douze Césars, il écrit dans celle de Néron : Afflicti supplicijs Christiani, genus novæ ac maleficiæ superstitionis hominum. {m} Ne se trouve-t-il pourtant pas, dans tout ce qu’on raconte, certains phénomènes qui peuvent survenir naturellement, et qu’un investigateur soigneux peut facilement découvrir de lui-même, s’il se met à douter en poussant jusqu’à se demander si un miracle guérit les hommes non pas en réponse à leurs prières, mais à l’exaltation de leur imagination et à la faible considération qu’ils ont pour leur médecin, ou par quelque autre phénomène de ce genre, et même par quelque autre modalité qu’on voudra ? À quoi il faut tout bonnement répondre que cela arrive très souvent, même si ça n’est pas toujours : ainsi, dans les maladies incurables, il adviendra que, soit en suivant leur propre cours, soit par une intervention contre nature, le mal s’avère curable, comme dans les cas que saint Augustin a lui-même lus et vus, ainsi qu’il le rapporte dans maints chapitres des 22 livres de La Cité de Dieu. En somme, il faut fermement croire qu’est miracle tout ce que l’Église a tenu pour tel, et ne pas croire être miracle tout ce qu’elle n’a pas tenu pour tel ; car l’Église catholique de Dieu ne fixe rien si elle n’y a pas été dirigée par la Parole de Dieu et par l’Esprit Saint]. {n}
- Pomponace v. note [10], lettre 20.
- Guglielmo Gratarolo, médecin et alchimiste italien (Bergame 1516-Bâle 1568).
- Bâle, Henrichus Petri, 1556, in‑8o de 349 pages ; avec, en exergue du titre, cette devise chère à Guy Patin : Felix qui potuit rerum cognoscere causas [Heureux qui a pu connaître les causes des choses] (Virgile, v. note [6], lettre 438).
- Dans l’Ancien comme dans le Nouveau Testament.
- Jean, 9:1‑12.
- Matthieu, 14:14‑21 et 15:32‑38 ; Marc, 6:34‑44 et 8:1‑9 ; Luc, 9:12‑17 ; Jean, 6:5‑14.
- Actes des Apôtres, 3:1‑4.
- Nombres, 20:1‑11.
- La question 105 de la Somme théologique de saint Thomas d’Aquin (v. note [24], lettre 345) traite des miracles, mais son article v ne contient pas le propos exact que Pomponace lui prêtait ici. L’article vii énonce cette définition :
« Le mot miracle vient du mot admiration ; or, l’admiration a lieu pour l’homme toutes les fois que voyant des effets, il ne peut voir la cause. Ainsi, les éclipses furent des sujets d’admiration lorsqu’on n’en connaissait point la cause ; mais l’admiration qui s’épuise et disparaît avec la science n’est point digne d’un miracle, qui est toujours l’effet d’une cause incompréhensible, qui est, dis-je, l’effet de Dieu même. Donc, des choses qui arrivent en dehors des causes ordinaires et au delà de la connaissance sont de vrais miracles. »
Ibid. Question 114, article iv :
« Dans le sens propre que nous avons donné au mot miracle, les démons ni aucune créature n’en peuvent faire. Et en effet, le miracle n’est-il pas une exception aux lois de la nature qui enveloppent toute puissance créée ? Je sais qu’on appelle quelquefois de ce nom des faits qui excèdent les forces et les facultés humaines ; si on n’entend que de pareils faits, j’avoue que les démons peuvent faire des miracles, c’est-à-dire des choses qui étonnent l’homme parce qu’elles dépassent les limites de sa connaissance ordinaire ; mais, en ce sens, un homme peut aussi faire des miracles aux yeux des autres hommes.
Cependant, quoique, au fond, ces prodiges ne soient pas de vrais miracles, il n’en faut pas déduire que ce ne sont que des illusions. Les grenouilles et les serpents que les magiciens de Pharaon produisirent par la puissance des démons étaient de vrais serpents et de véritables grenouilles, et non pas de pures visions. Tous les phénomènes qui accablèrent Job et sa famille étaient l’effet de la malice de Satan et tous étaient très réels, comme nous l’enseigne saint Augustin. »
- Dans L’Exode (7:1‑13), et non dans La Genèse, Dieu dit à Moïse et Aaron d’aller voir Pharaon : ce souverain leur demande d’accomplir un miracle devant lui ; comme leur avait ordonné Dieu, ils jettent leurs bâtons sur le sol, qui se transforment en serpents ; le pharaon appelle ses magiciens qui usent de leurs sortilèges pour en faire autant ; mais le serpent d’Aaron engloutit ceux des mages.
Saint Augustin (La Cité de Dieu, livre x, chapitre viii) a commenté ce passage :
« Mais combien furent plus grands encore les miracles que Dieu accomplit par Moïse pour délivrer son peuple de la captivité, puisqu’il ne fut permis aux mages du pharaon, c’est-à-dire du roi d’Égypte, de faire quelques prodiges que pour rendre la victoire de Moïse plus glorieuse ! Ils n’opéraient, en effet, que par les charmes et les enchantements de la magie, c’est-à-dire par l’entremise des démons ; aussi furent-ils aisément vaincus par Moïse, qui opérait au nom du Seigneur, Créateur du ciel et de la terre, et avec l’assistance des bons anges. »
- Matthieu, 28:20.
- La référence exacte est le chapitre ii du livre xxx au sujet de la magie et de ceux qui ont « infatué les esprits de cette attrayante chimère » (Littré Pli, volume 2, page 323) :
Est et alia Magices factio,a Mose, et Jamne, et Jotape, Judæis, pendens, sed multis millibus annorum post Zoroastrum.
« Il est une autre secte magique formée par Moïse, Jamnès et Jotapes, tous trois juifs, mais postérieurs de plusieurs millénaires à Zoroaste. »
V. notule {b}, note [49] du Borboniana 1 manuscrit pour Zoroastre.
- « Il livra les supplices aux chrétiens, race adonnée à une superstition nouvelle et coupable » (livre vi, chapitre xvi).
- Le louvoiement de Pomponace autour des miracles, rédigé vers 1521, est bien digne du philosophe sceptique que l’Inquisition avait failli faire définitivement taire en 1519 pour ses doutes imprimés sur l’immortalité de l’âme (v. note [67] du Naudæana 1).
La dynastie médicale des Saporta, originaire de Lérida en Catalogne, prit souche en France dans la seconde moitié du xve s. avec Louis Saporta, docteur d’Avignon puis de Montpellier qui exerça à Marseille. Dulieu a suivi la trace de ses descendants, docteurs en médecine de Montpellier jusqu’au début du xviiie s.
Le seul de la famille à avoir pu prononcer, « environ l’an 1608 », un discours (non imprimé) sur le miracle de Lazare était Jean Saporta, fils d’Antoine, reçu docteur en 1572 et rapidement nommé professeur ; mais il mourut en 1605, deux ans après avoir été nommé vice-chancelier. Il n’a signé qu’un livre de Lue venerea [sur la maladie vénérienne (la vérole)] publié en 1620 par les soins de Henri Gras (Astruc, pages 246‑247).
Additions et remarques du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 163‑164 :
« Pomponace a voulu rendre une raison naturelle du miracle de Lazare ressuscité, etc. : il me semble qu’on ne trouve rien de semblable dans le traité de Pomponace ; au contraire, il a mis la résurrection de Lazare au nombre des miracles dont on ne peut rendre aucune raison naturelle : v. le traité de Incantationibus, cap. 6, pp. 87‑88, de l’édition in‑8o de Bâle en 1556, où Pomponace s’exprime ainsi, Quanquam aliqua quæ referuntur esse facta […] neque immediate fuisse factum per aliquam rem creatam. » {a}
- Citation que j’ai tronquée car elle est entièrement transcrite, traduite et commentée ci-dessus. Vitry s’est bien gardé de transcrire la suite, qui est beaucoup moins convaincante quant à la foi de Pomponace sur les miracles.
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